Nous avions examiné dans
la Gazette Nucléaire n°
96/97 de juillet 1989 la complexité de la situation sanitaire,
radiologique, agricole etc... à laquelle sont confrontés
des centaines de milliers d'habitants des zone contaminées en URSS
suite à la catastrophe de Tchernobyl, non seulement en Ukraine où
a explosé le réacteur mais également en Biélorussie
à de centaines de kilomètres de Tchernobyl. La situation
demeure très grave. Ces derniers mois des villages ukrainiens ont
dû être évacués. En Biélorussie le programme
gouvernemental d'évacutation pour les années 1990-1995 concerne
plus de 100.000 personnes. En ce qui concerne la région de Briansk
en Russie aucune information ne filtre dans la presse soviétique
mis à part un «tout va bien» officiel. Pourtant certains
districts sont très contaminés. Signalons que Briansk est
à mi-chemin entre Tchernobyl et Moscou.
Le problème de l'évacuation est au centre des débats sur la situation sanitaire. On peut se poser la question suivante: les critères qui sont à la base de la décision d'évacuation ou du maintien sur place assurent-ils une protection sanitaire suffisante de la population? Selon la réponse que l'on donne à cette question, l'évacuation concerne un nombre plus ou moins grand d'habitants et le maintien sur place s'accompagne de mesures plus ou moins sévères concernant en particulier la «propreté» de la nourriture par les normes de contamination admissible des aliments. Toute décision comporte des conséquences économiques, financières et sociales qui risquent d'être prises en considération par le pouvoir central de Moscou bien plus sérieusement que le seul souci de la protection sanitaire de la population. Ces problèmes ne concernent pas seulement l'URSS. Pour les responsables occidentaux c'est l'occasion de vérifier concrètement leurs critères de gestion sociale d'une catastrophe nucléaire. La gestion soviétique pourrait servir de référence pour les catastrophes futures. Ainsi le Professeur P. Pellerin, directeur du service central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) de notre ministère de la santé est intervenu, lors d'une réunion de l'Académie des sciences de Biélorussie qui s'est tenue à Minsk début juillet 89. Il a donné son appui aux autorités du pouvoir central concernant leur définition du critère de «résidence sans danger», contre l'avis des scientifiques biélorusses (et ukrainiens). A cause de M. Pellerin des dizaines de milliers d'enfants continueront à vivre dans des régions contaminées au détriment de leur santé. (suite)
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suite:
Quand le Pr P. Pellerin vole au secours du pouvoir central soviétique «35 rem en 70 ans»
p.12
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Il doit être très
difficile aux autorités locales de faire admettre aux habitants
de certaines zones sous contrôle que leur production de lait qui
était «sale» au 31/12/1989 est devenue «propre»
au 1/1/1990 et qu'ils peuvent la consommer sans restriction au lieu de
recevoir du lait extérieur. C'est pourtant la conséquence
logique de l'application de la loi si les calculs de L. Iline ont montré
que là où ils résident ils ne recevront pas 35 rem
en 70 ans.
Le Pr Iline a beaucoup insisté sur le fait que cette norme de 35 rem en 70 ans (ce qui fait une moyenne annuelle de 0,5 rem) était conforme aux recommandations internationales. Les désaccords sur ce sujet entre experts moscovites et scientifiques biélorusses sont apparus publiquement lors des débats de mars 1989. Une session spéciale consacrée à «35 rem en 70 ans» s'est tenue à Minsk début juillet à l'académie des sciences de Biélorussie, séance à laquelle avaient été invites trois experts de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le compte-rendu de cette séance figure dans «Sovietskaya Bielorussia» du 11/07/1989. La position des sicentifiques biélorusses
(suite)
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suite:
Selon un cyto-généticien la fréquence des aberrations chromosomiques observée sur les animaux est supérieure à celle qui était attendue d'après la dose calculée supposée reçue par les habitants de la même région. En conséquence il demande que des mesures énergiques soient prises immédiatement pour protéger le patrimoine génétique des habitants des zones contaminées. Lors de la 11ème session du soviet de Biélorussie, fin juillet 1989, le président V.P. Platonov, les vice-présidents I.I. Lichtvane et A.V. Stepanenko de l'académie des sciences de Biélorussie sont à nouveau intervenus contre cette norme des 35 rem. De même que les scientifiques ukrainiens se sont élevés contre cette norme et le président de l'académie des sciences d'Ukraine B. Paton demande un moratoire sur l'énergie nucléaire tant qu'il n'y a pas de réacteurs plus sûrs et tant que les risques sanitaires ne sont pas mieux compris. Cependant, indique I.I. Lichtvane (Sov. Biel. 1/8/89), le Ministre de la santé d'URSS a passé outre en considérant que ces scientifiques qui s'opposent à la norme des 35 rem ont une approche émotionnelle et sont des ignorants en ce qui concerne les questions radiologiques, tout cela en s'appuyant sur le point de vue des experts de l'OMS. La position des experts de l'OMS
p.13
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Nous voilà donc prévenus
le Pr Pellerin qui dépend directement du ministre de la santé
et est responsable de la radioprotection des Français trouve que
la norme soviétique fixant l'évacuation est trop basse et
que les normes alimentaires de la CEE en cas d'accident sont sévères!
En cas d'accident qui contaminerait gravement la France serait-ill prêt
à accepter les directives européennes? La limite d'intervention
pour l'évacuation serait-elle de 105 rem en 70 ans à partir
des mesures faites uniquement par son service et de calculs faits par lui?
Quel est l'enjeu ?
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Pour les experts comme L. Iline, les habitants
doivent mener une vie «normale» ce qui signifie un abandon
des normes, sans contrôle de la radioactivité de la nourriture
quotidienne.
Parce qu'un jour nous risquons d'être dans la situation des Biélorusses et des Ukrainiens il est nécessaire de répéter qu'il est scandaleux que ceux qui ont le pouvoir de décision s'octroient le droit exclusif d'effectuer eux-mêmes les calculs de dose engagée sans être obligés d'en référer publiquement à quiconque. Aucune vérification expérimentale sur le terrain n'est exigée pour corroborer l'exactitude de leurs calculs. Les habitants des zones contaminées doivent avoir le droit et la possibilité matérielle de choisir leur lieu de résidence, leur nourriture, sans qu'un pouvoir central dont la responsabilité est largement impliquée dans la catastrophe leur impose arbitrairement sa loi. Il est particulièrement scandaleux que des représentants de pays qui vantent les mérites de la démocratie soient envoyés en URSS pour renforcer le pouvoir qui veut maintenir, contre leur gré, des populations sur des territoires contaminés comme le montrent les manifestations qui ont lieu à Minsk. p.14a
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Le plan d'évacuation adopté
lors de la 12ème session du soviet de Biélorussie concerne
l'évacuation jusqu'en 1995 de 118.300 habitants de 526 localités
(Discours de E.V. Evtoukh)
En juillet dernier le Dr. Bouriak, responsable de la santé indiquait le chiffre de 103.000 personnes. Quelques mois auparavant il était envisagé d'évacuer 11.600 personnes. Les estimations d'évacuation ont donc été multipliées par 10 en peu de temps. Les motifs du «déplacement» seraient à la fois d'ordre sanitaire et socio-économique. Le programme d'évacuation comporte trois étapes dont les budgets ne sont pas tous engagés. Priorité n°1 1990-1991
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318 habitants de 2 localités
de la région de Brest, près de la frontière polonaise
(à plus de 400 km de Tchernobyl)
- 5.482 habitants de 25 localités où l'agriculture collective ne peut être pratiquée. Les problèmes budgétaires semblaient être en cours de règlement fin octobre. Priorité n°2 (1991-1992)
Priorité n°3
p.14b
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Il indique que la nouvelle version
du programme d'évacuation (celle d'octobre) est plus précise
que celle de juillet en ce qui concerne les conditions matérielles
de l'évacuation. Citons pour exemple que les personnes du 3ème
âge, les handicapés peuvent aller vivre chez des parents qui
auront priorité pour obtenir un logement du fait de la cohabitation...
Le programme implique de recenser toutes les maisons vides dans des régions
agricoles, d'aménager des voies d'accès etc...
Un grand complexe de travaux est envisagé pour l'amélioration des localités situées dans les zone contaminées où les gens vont décider de rester. On prévoit également «vers 1995 obtenir la normalisation de la base matérielle et technique des services de santé et des services communaux (régissant la vie quotidienne, NdT) dans les localités où la pollution est supérieure à 1 Ci/km2. Dans les localités où le niveau de pollution est de 5 Ci et plus la normalisation doit être obtenue pour tout le système des services sociaux». Nous apprenons ainsi qu'il y a des régions contaminées entre 1 et 5 Ci/km2 et pour lesquelles la vie quotidienne n'est pas «normale». Nous ignorons combien de personnes vivent sur ces zones (150.000 rien qu'en Polésie). Plus grave, les services communaux ne sont pas non plus ce qu'ils devraient être dans les zones de contrôle périodique contaminées entre 5 et 15 Ci/km2. Les problème relatifs aux 206.600 habitants des zones sous contrôle périodique n'ont pas été abordés du tout du point de vue d'une éventuelle évacuation. Rappelons pourtant que ces zones ont des difficultés à obtenir de la nourriture propre. Ainsi, 60 à 70% de la production laitière des territoires de la région de Gomel sous contrôle périodique est hors norme. Une des conclusions du conseil des ministres de Biélorussie de mars 1989 indiquait qu'il fallait «élaborer des recommandations spéciales pour chaque ferme afin d'obtenir une production absolument propre.» |
La situation ne s'est pas miraculeusement
améliorée si l'on en croit le député du district
de Slavgorod (entre 5 et 15 Ci/km2). Il précise que tout
son district a besoin de nourriture propre. D'après lui on ne peut
obtenir de nourriture propre sans méthodes agrotechniques spéciales
qu'en dessous de 2 Ci/km2. Il demande qu'une zone d'attention
plus sévère que l'actuelle zone de contrôle périodique
soit créée dès 5 Ci/km2 (les habitants
actuellement ne reçoivent pas systématiquement de nourriture
propre ni d'aide financière, il n'y a pas de combinat pour la décontamination
du sol).
En conclusion
p.15
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Il est officiellement reconnu
(Dr Bouriak et Dr Ouliachtchik, vice-ministre et ministre de la santé
de Biélorussie) que le personnel sanitaire et l'équipement
médical sont insuffisants.
Les programmes d'évacuation en cours concernent ces zones de contrôle permanent. Les cartes détaillées de la contamination en Biélorussie (Sovietskaya Bielorussia 21/7/89) indiquent les zones où l'activité surfacique en césium 137 seul dépasse 40 Ci/km2. On y trouve 87 localités où vivent 11.600 personnes. Dans certains villages la contamination dépasse 100 Ci/km2 comme à Tchoudiane et Malinovka (140 Ci/km2 à 300 km au Nord de Tchernobyl) (cette information a été communiquée par L. Iline, Sovietskaya Bielorussia 11/7/89). Tous ces villages doivent etre évacués prochainement. En Ukraine 5 villages du district de Naroditchi et 2 du district de Polyeskoye à plus de 40 Ci/km2 ont été évacués (ou sont en cours d'évacuation). Devraient être évacués 7 autres villages du district de Naroditchi à plus de 15 Ci/km2. (D. Marples USSR Report, 28/4/89). La situation est pire en Biélorussie qu'en Ukraine. 2) Les zone de contrôle périodique: il s'agit de territoires dont la contamination en césium 137 est comprise entre 5 et 15 Ci/km2. Y vivent 206.600 personnes en Biélorussie (Gazette n°96/97), 37.000 personnes en Ukraine (D. Marples, USSR Report 28/4/89) On peut estimer que 80.000 à 150.000 personnes sont concernées en Russie. Dans ces zones doit s'exercer une surveillance médicale de la population ainsi qu'un contrôle périodique des aliments. Les habitants ne reçoivent pas d'aide financière pour l'achat de nourriture car celle produite localement est supposée «propre» ce qui n'est certainement pas le cas. On peut relever de nombreuses plaintes des députés biélorusses à ce sujet. Mentionnons que les experts officiels soviétiques mesurent la contamination des sols par le seul césium 137. Le niveaux de césium 134 ne doivent pas être négligeables car depuis 4 ans la décroissance de ce radionucléide n'a été que d'un facteur 4. Quant au strontium 90 et au plutonium il n'y a aucune indication officielle. Pourtant le responsable biélorusse Evtoukh a indiqué (29/7/89) que «les coefficients de transfert des radionucléides ont été établis en 1988 en ce qui concerne le césium et le strontium 90 (souligné par nous sur toutes les espèces agricoles et sur les différents types de sol». |
Le 30 septembre 1989, lors de la marche à
Minsk des sinistrés de Tchernobyl provenant de 12 régions
de Biélorussie, les photos du journal «Les Nouvelles de
Moscou» (n° 42, 13-19 oct. 1989) montrent des manifestants
portant de pancartes sur lesquelles on peut lire:
district de Vietka: Cs 137 = 50 Ci/km2; Sr 90 = 75 Ci/km2; district de Khoïniki Cs 137 = 60 Ci/km2 ; Sr 90 = 70,9 Ci/km2 Il avait été indiqué par les officiels soviétiques que Sr 90 et plutonium s'étaient déposés à l'intérieur de la zone initiale de 30 km et dans les secteurs limitrophes. Notons que Khoïniki est à environ 60 km de Tchernobyl non loin de la partie biélorusse évacuée en 1986. Mais Vietka est plus au Nord, à environ 160 km. Si les taux de Sr 90 s'avéraient systématiquement du même ordre de grandeur que ceux de Cs 137 cela justifierait la dénomination de «province à strontium» pour la Biélorussie (Dr Amélie Bénassy, Le Généraliste, 20/2/1990). Cette contamination en Sr 90 aurait des conséquences sanitaires très graves pour les enfants. Les zones de contrôle de la nourriture
Nous donnons ici une carte du Nord de 1'Ukraine publiée par la Pravda d'Ukraine les 5 et 15 juillet 1989 concernant les restrictions de ramassage des produits des forêts (champignons, baies sauvages, plantes médicinales etc ...) Ces cueillettes sont un revenu important pour le kolkhoziens. Il aura fallu plus de 3 ans pour qu'ils soient prévenus des dangers de ces produits de la nature. p.17
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Outre la zone interdite initiale
évacuée en 1986, trois zones sont définies selon le
niveau de contamination en Césium 137 (mais il n'est pas précisé):
- une zone sans interdiction de ramassage - une zone où la cueillette est interdite, bordant la zone évacuee initiale. Elle fait environ 170 km d'Est en Ouest et 50 km du Nord au Sud. Le village de Naroditchi est dans cette zone. - une zone où la cueillette est autorisée mais où on doit faire contrôler la radioactivité des produits récoltés (la norme est pour les champignons et fruits frais de 1.850 Bq/kg et de 11.100 pour les champignons et fruits secs). Ce territoire couvre tout le Nord de l'Ukraine sur plus de 550 km d'Est en Ouest et atteint en certains endroits plus de 100 km du Nord au Sud. Deux taches de contamination subsidiaires sont localisées au Sud de Kiev. Toute cette zone couvre plus de 50.000 km2, le dixième de la superficie de la France. A signaler que même dans la zone où la cueillette est autorisée sans restriction, la pêche et le gibier doivent, eux, être obligatoirement contrôlés et la norme est la même, 1.850 Bq/kg. Cette norme est plus élevée que la norme postaccidentelle fixée par la CEE à 1.250 Bq/kg alors que la norme régissant actuellement les échanges pour les aliments autres que le lait est de 600 Bq/kg et celle du lait 370 Bq/kg qui, elle, semble être en vigueur en URSS actuellement. On voit donc que la situation n'est toujours pas normalisée. Nous avons rassemblé sur une même carte les zones sous contrôle en Biélorussie et celles des limitations de cueillette en Ukraine: les incohérences sautent aux yeux. La zone Biélorusse où la contamination du sol est supérieure à 5 Ci/km2 se raccorde bien à la zone ukrainienne de cueillette interdite mais rien en Biélorussie ne prolonge la zone de limitation de cueillette avec contrôle de la radioactivité. Il est évident que l'ensemble des territoires contaminés doit couvrir une zone qui s'étend d'une façon continue sur l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie avec de place en place, enclavés des points très chauds. Il s'agit vraissemblablement d'un territoire qui va d'Ouest en Est de Brest à la frontière polonaise jusqu'à Briansk en Russie en direction de Moscou. Il a été rapporté officiellement que 20% de la Biélorussie avait été contaminée soit environ 40.000 km2. L'ensemble des surfaces contaminées des 3 républiques soviétiques pourrait atteindre 150.000 km2 soit près du tiers du territoire français. (suite)
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suite:
Nous avons donné dans la Gazette
n°96/97 des détails sur la situation sanitaire d'après
divers articles parus dans «les Nouvelles de Moscou»:
anémies, cataractes, affections thyroïdiennes, fatigue, fragilité
des os etc... affectant surtout les enfants, baisse des défenses
immunitaires, affections respiratoires, augmentation de certains cancers
entre autres. Ces faits étaient démentis par les autorités
sanitaires. Depuis, le ministre de la santé a été
remplacé en Ukraine. Une dépêche de l'agence Tass
du 13 février 1990 indique qu'en Ukraine le gouvernement est inquiet:
«des examens médicaux ont établi l'augmentation
du nombre de maladies des voies respiratoires et du tube digestif ainsi
que d'anémies et autres. Actuellement 309.800 personnes dont 67.000
enfants ont été placés sous observation médicale
permanente».
OU IL EST FAIT APPEL A LA CONSCIENCE DU PEUPLE Le journaliste qui a fait le compte-rendu du
débat de la séance de l'académie des sciences de Biélorussie,
«35 rem en 70 ans» terminait son article dans
Sovietskaya
Bielorussia du 11juillet, donc avant la 11ème session parlementaire,
de la façon suivante: «...comme nous le voyons bien il
y a différents points de vue au sujet de ce problème capital
pour notre République et pour notre avenir. Et il sera difficile
aux députés de faire un bon choix. Mais quoi qu'il en soit
c'est à eux qu'appartient le dernier mot, et avant de se prononcer
pour ou contre il faut réfléchir, chers députés
du peuple, sur le sentiment exceptionnel de responsabilité non seulement
vis à vis de ceux qui habitent la terre malade de Biélorussie
mais aussi devant les générations futures. Rappelez vous
dans le diagnostic que vous allez faire les erreurs sont interdites.»
p.18
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Toujours d'après «Actualité
Soviétique», l'opinion de Dimitri Popov «un scientifique
jouissant d'une solide réputation en URSS» (La Gazette
signale que P. Pellerin lui aussi jouit d'une solide réputation
dans son pays):
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CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DE L'ACCIDENT
DE TCHERNOBYL EN NORVÈGE
POUR LES ANNÉES 1986 ET 1987
(Traduction Gazette)
Introduction
Après Tchernobyl, les premières mesures de radioactivité en Norvège ont été faites par l'Institut de Technologie pour l'Energie (J.F.E.) et l'Institut National d'Hygiène des Radiations (S.I.S.). Les deux instituts avaient été prévenus par téléphone, (dès le lundi 28 avril) par l'Institut Suédois de protection contre les radiations, des niveaux anormalement élevés mesurés en Suède et des conclusions tirées par la Finlande et la Suède un accident sérieux vient d'arriver sur un réacteur russe. La station de pompage d'air de l'I .F.E. venait de déceler le saut de la radioactivité vers 8h le même jour. Ce fut alors le début d'une période très critique où tous les équipements disponibles furent utilisés au maximum de leur capacité. Un grand nombre d'échantillons de types très variés ont été mesurés. On a stocké ou congelé de nombreux échantillons pour les mesurer plus tard, dans une période plus calme. Certains n'ont toujours pas été mesurés. Il y avait trop peu de temps pour planifier la prise de données de façon à pouvoir utiliser le résultat pour la prédiction de la contamination. Ce qui primait c'était la protection. Durant l'été 1986, le S.I.S. a collecté les échantillons venant de toute la Norvège. La Norvège a, probablement, été la région la plus contaminée de l'Europe de l'Ouest. L'activité tournait autour de 100 kBq/m2 (environ 6 % du Césium total est arrivé sur la Norvège). Les zones où la contamination au sol est la plus élevée sont les zones montagneuses zones que personne n'habite mais qui sont très importantes parce qu'elles servent de pâture moutons, chèvres, rennes et poissons. Le but de ce rapport est de faire le bilan des conséquences économiques de la radioactivité déposée, pour l'agriculture dans les années 1986 - 1987, ou plus exactement, pour les périodes d'abattage de 86/87 et 87/88. Niveaux d'intervention
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Ces niveaux concernent la somme Césium 134
et 137.
Le 20 novembre 1986 les autorités ont remonté la limite pour la viande de renne et le gibier (6.000 Bq/kg toujours pour la somme Césium 134 et 137). En juillet 1987, la limite pour les poissons a été aussi fixée à 6.000 Bq/kg (Cs 134 + Cs 137). Actions de protection
Voyages
Eau de boisson
Fruits, baies, légumes et graines
p.19
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Les autres exceptions concernent
les baies et les champignons.
Des échantillons contenant de la radioactivité au dessus des niveaux d'intervention ont été prélevés dans les zones les plus touchées. D'un autre côté, des échantillons prélevés dans les mêmes zones étaient peu contaminés. Comme ces aliments n'entraient pas pour une part importante dans le régime alimentaire, aucune restriction n'a été mise en place. Il y a un problème particulier de compréhension en ce qui concerne le poids de Césium dans les champignons. Généralement on se réfère au Becquerel par kg de produit sec. Or des champignons secs ne représentent quasiment rien et 1kg de champignons secs est un amoncellement de champignons. En effet dans une omelette on utilise environ 10 à 20 g de champignons. Il y a des problèmes du même type avec d'autres aliments. Quand on donne l'activité d'un échantillon, il faut impérativemnt savoir si on se réfère au poids sec ou frais et il faut aussi savoir comment on utilise cet aliment. Lait de vache 1986
Lait de vache 1987
Lait et fromages de chèvres 1986
Lait et fromages de chèvres 1987
Beurre et fromages ordinaires
(suite)
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suite:
Poisson de mer La contamination des poissons et autres organismes marins a été faible. Les autorités des Etats-Unis ont, cependant, rapidement après l'accident, demandé un contrôle des aliments en provenance de différents pays la Norvège faisait partie de ces pays. Ceci était d'une importance extrême à cause des exportations de saumon, produit perdant très vite ses qualités. Les premiers contrôles ont été effectués à l'I.F.E. le 7 mai 1986. A partir de cette date, quatre échantillons par semaine ont été mesurés jusque fin septembre. Les autorités américaines ont également imposé un contrôle effectué par leurs services. Ce n'était pas facile car les plus importants marchés sont sur la côte Ouest et le contrôle est à Boston. Cependant, l'Association des producteurs de poisson n'a relevé aucune perte due à l'accident de Tchernobyl car le contrôle américain a éte vite arrêté (avant la fin mai) dès qu'il est apparu qu il y avait accord entre les mesures. Et, comme deja mentionné, ces mesures se sont arrêtées fin septembre. (De plus amples informations sur la situation aux USA peuvent être obtenues auprès de Sacmund Remoy à l'ambassade de Norvège à Washington si nécessaire). Poisson d'eau douce 1986
Poisson d'eau douce 1987
Moutons 1986
p.20
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Environ 30% des moutons étaient en zone interdite
(contamination au dessus de 2.000 Bq/kg). L'abattage a été
normalement effectué mais la viande a été classée
impropre à la consommation. Début 1987, les autorités
ont annoncé que cinq lieux serviraient de dépot pour cette
viande. Mais la situation a changé quand les producteurs de fourrure
ont voulu utiliser cette viande comme nourriture pour animaux, après
des expériences menées par l'Université d'Agriculture
de Norvège montrant que le transfert des produits radioactifs de
la nourriture à la fourrure était négligeable. Au
début les autorités étaient hésitantes, craignant
que cette viande ne suive le cheminement ordinaire. Finalement, avec le
traitement qu'a subi cette viande, broyant tout carcasse comprise, il est
impensable que quelqu'un puisse manger le résultat.
Les zones restantes, où se trouvaient 27% des moutons (niveaux de contamination entre 600 et 2.000 Bq/kg) ont été classées zone à mesure spéciale. Le niveau en Césium a été ramené en dessous des limites en utilisant de la nourriture sans césium pendant des périodes de quatre à huit semaines, en fonction du niveau de contamination. De plus, des concentrés contenant de la bentonite ont été donnés aux animaux. Ces expériences menées par l'Université d'Agriculture de Norvège ont montré que le temps de vie biologique est seulement de 18 jours, beaucoup plus court que celui généralement admis. Pour être tout à fait à l'aise cependant, on a pris un temps de vie plus long (d'abord 24 jours puis 21) pour planifier le programme d'alimentation. Mouton 1987
On a estimé qu'environ 8.000 animaux
s'étaient trouvés sur des zones contaminées au dessus
de 5.000 Bq/kg et quelques uns ont été interdits pour 10
semaines.
Rennes 1986
(suite)
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suite:
Le 31 juillet 1986 le gouvernement a décidé une indemnité en cas de perte de renne, par suite de radioactivité. Au début du mois d'août 1986, il fut découvert que des rennes domestiques avaient été abattus et vendus dans la partie Nord (le Nord du Fiord Rona). La viande de renne produite dans la partie Sud (Sud du Fiord Rona) avait été classée impropre à la consommation humaine. En novembre 1986, les niveaux de contamination de la partie Nord ont été trouvés quelquefois au dessus des niveaux d'intervention et environ 85% de la production de 1986 ne pouvait être utilisée. A cause de l'importance de cet impact (touchant par ailleurs peu de monde) et parce que la consommation du renne n'est pas importante pour le Norvégien moyen, la direction de la Santé a décidé le 20 novembre 1986 d'augmenter le niveau d'intervention d'un facteur de 10 pour le renne. Avec cette valeur, tous les rennes produits dans le Nord du Fiord Rano pouvaient être vendus, et aussi une partie venant du Sud. Cependant le renne restait quasiment interdit. On l'a transformé en un mélange viande/os et enterré. Rappelons que les informations donnant des consignes destinées spécialement aux consommateurs de viande de renne et de poisson d'eau douce ont été distribuées en 1986, puis 1987. Rennes 1987
Viande de boeuf et de cheval 1986
p.21
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Cette décision a été
prise le 8 septembre 1986.
En plus d'aliments sans Césium, le bétail des zones contaminées a été nourri avec des concentrés contenant de la bentomte, une argile qui permet l'élimination du Césium chez les ruminants. Viande de boeuf et de cheval 1987
Porc et volaille
Gibier
Impact économique 1986 Les informations, sur les coûts des actions
de dédommagement, données dans ce rapport ont été
aimablement fournies par le Directeur de l'Agriculture, A. Sagelvmo du
ministère.
Laitue
Fromage de chèvre
Mouton
(suite)
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suite:
Cette prévention a coûté de l'ordre de 30 à 35 millions de Nok (5 millions de dollars). La vente du mouton a baissé de 10%, ce qui est environ la quantité interdite. Ceci indique que les consommateurs ont jugé les mesures adoptées correctes. Renne
Boeuf
Impact économique 1987 Les informations ont été fournies par A. Segelvmo du ministère de l'Agriculture pour la période 87/88. Fromage de chèvre
Moutons
Renne
Boeuf
CONCLUSION: Il est très difficile d'estimer les
conséquences économiques d'un accident comme celui de Tchernobyl
et ce pour des raisons comme celles rapportées pour la laitue en
1986, ou pour l'exportation du saumon qui a souffert bien que le poisson
ne soit pas contaminé. Et comment estimer le nombre de touristes
américains qui ont annulé un voyage en Europe à cause
de Tchernobyl ou bien pour d'autres raisons?
p.22
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«Il est clair que
si après avoir retiré une couche de terre contaminée,
on recouvre le sol de béton ou d'asphalte, on parvient à
maintenir la (sic) radiation à un faible niveau».
Intervention de V. Dogoujiev (vice président du Conseil des ministres de l'URSS et président de la Commission d'Etat chargée des situations extraordinaires) devant le Bureau Politique du Parti Communiste de l'Union Soviétique (PCUS) en novembre 1989 (Extrait de la revue «Actualité Soviétique» du 24 janvier 1990). Ce haut personnage de l'Etat Soviétique n'indique pas le type de culture qu'il préconise sur la couche de béton ou d'asphalte, pas d'indication non plus sur la destination de la couche de terre enlevée. Il ne mentionne aucune suggestion intéressante venant de notre expert le Professeur Pierre Pellerin! |