La Commission Internationale de
Protection Radiologique (CIPR) a publié des recommandations pour
l'établissement des systèmes de radioprotection. Le texte
qui sert de référence est la publication CIPR-26 du 17 janvier
1977. Nous résumons ici quelques-uns des grands principes de ces
recommandations ainsi qu'une analyse du nouveau projet de recommandation
que la CIPR a adopté en février 1990.
La CIPR-26 (1977) 1. Les principes généraux La CIPR définit quelques grands principes qui devraient guider ceux qui sont chargés de la radioprotection: Article 6 - «La protection contre les rayonnements a pour but de protéger les individus et le genre humain dans son ensemble, tout en permettant d'exercer des activités qui sont nécessaires , mais qui pourraient entraîner une exposition aux rayonnements». Article 12 - «a) aucune pratique ne doit être adoptée à moins que son introduction ne produise un bénéfice net positif; b) Toutes les expositions doivent être maintenues au niveau le plus bas que l'on pourra raisonnablement atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux; c) l'équivalent de dose reçu par les individus ne doit pas dépasser les limites recommundées par la Commission». Article 68 - «La Commission recommande un système de limitation des doses qui vise essentiellement à garantir qu'aucune source d'exposition ne soit injustifiée par rapport à ses avantages ou à ceux de toute autre pratique utilisable dans le même but, que toute exposition nécessaire soit maintenue à la valeur la plus faible qu'on puisse raisonnablement atteindre». En résumé: Toute pratique conduisant à une irradiation de la population doit être justifiée par le bénéfice net qu'elle apporte aux individus irradiés et à la société. |
D'après la CIPR, on peut se considérer
en droit d'exiger en cas de litige avec un pollueur en radioactivité
que ce dernier fournisse une justification de sa pratique. C'est ce qui
aurait dû être fait récemment dans le cas des décharges
quasi clandestines d'Itteville et de Saint-Aubin.
2. Le détriment
3. L'acceptabilité du détriment
p.17
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b) l'acceptabilité du
risque nucléaire pour la population: le raisonnement est analogue
mais la CIPR prend comme risque «naturel» donc acceptable celui
des transports publics soit d'après la Commission de 1 à
5 accidents mortels chaque année pour un million de personnes transportées.
En fait, ce risque dit acceptable n'est en réalité qu'une
nécessité qui nous est imposée par les conditions
d'exploitation des transports publics. Il est évident que personne
ne se plaindrait si la SNCF décidait d'améliorer la sécurité
des trains.
4 - Le facteur de risque cancérigène du rayonnement
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suite:
Afin d'évaluer le niveau de «prudence» de la CIPR, nous donnons dans le tableau ci-dessus l'estimation du facteur de risque cancérigène (mortel) par diverses institutions (pour 1 million d'hommes x rem). On voit d'après ce tableau que la CIPR en 1977 sous-estimait considérablement le risque cancérigène du rayonnement au moins d'un facteur 4 et plus probablement d'un facteur supérieur à 10. 5. Les doses maximales admissibles
6. L'analyse coût/bénéfice
cancer mortel + argent = vie normale. p.18
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Bien sûr, la CIPR n'établit
pas d'équations de ce type car elle ne donne pas d'indication précise
sur le coût d'une mort. Des chercheurs ont déjà consacré
beaucoup de réflexion et d'efforts pour établir ce coût
sur des critères objectifs car il n'est pas question, bien évidemment,
de demander leur avis aux personnes représentées dans les
équations qui ne pourraient avancer que des jugements tout à
fait subjectifs du genre «ma vie n'a pas de prix». Il faut
trouver des critères objectifs qui ne dépendent pas des objets
considérés (les futurs irradiés), seuls les experts
sont capables de le faire!
La pratique est simple: tout surcoût pour améliorer la protection est à la charge de l'industriel. Comme c'est lui qui est chargé de l'optimisation coût/bénéfice, il se placera tout naturellement au minimum (du coût et de protection) qui permettra le respect des normes réglementaires imposées. Le principe ALARA ne pourrait fonctionner à la rigueur que si l'optimisation était faite par l'ensemble des partenaires sociaux, ce que les responsables excluent a priori. Le projet de la CIPR (février 1990)
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Parler de transparence et d'information comme le font certains politiciens sans se préoccuper de leur application pratique et en laisser la maîtrise à ceux qui n'ont aucun intérêt à informer correctement la population, n'est qu'une supercherie. Quelles sont les nouvelles règles proposées? a) la non indépendance de la CIPR vis-à-vis des pouvoirs. En effet, soumettre un projet de recommandations aux experts qui représentent les divers pouvoirs c'est admettre sa dépendance vis-à-vis de ces pouvoirs. Ceci était déjà bien évident de facto, maintenant ce fait est établi de jure! b) les principes abandonnés:
la CIPR abandonne:
c) quelques nouveaux principes:
d) quelques aspects positifs:
p.19
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Malheureusement, la Commission
ne va pas jusqu'à recommander des normes spécifiques pour
les femmes enceintes en cas de catastrophe nucléaire.
- les limites de doses doivent être considérées comme des limites d'inacceptabilité et non pas comme des limites d'acceptabilité. L'article 124 précise: «La limite de dose est largement mais de façon tout à fait erronée, considérée comme une ligne de démarcation entre l'inoffensif et le dangereux». Cet article explicite clairement la signification de l'absence de seuil: toute dose de rayonnement aussi faible soit-elle présente un danger pour la santé de l'irradié et de ses descendants; se trouver en dessous de la dose limite ne nous garantit pas d'une protection absolue. Il est alors tout à fait normal, dans ces conditions, que le niveau d'acceptabilité ne puisse être déterminé que par les individus qui vont être agressés par l'industrie nucléaire. Mais la Commission ne pousse pas sa logique jusqu'à ce point. Enfin, la CIPR en 1990 réaffirme la nécessité de justifier toutes les pratiques de l'industrie nucléaire: Article 110 - «Toute pratique impliquant des irradiations ne devrait être adoptée que si elle procure un bénéfice aux individus exposés ou à la société pour compenser le détriment radioinduit qu'elle produit». En appliquant cette règle à la pratique adoptée par le CEA pour rejeter sans grande précaution du plutonium sur un terrain mal balisé, accessible au public sans difficulté, on doit poser la question: quel bénéfice le CEA at-il procuré aux enfants qui ont pu jouer sans précaution sur ce terrain contaminé pour compenser le détriment qu'ils ont subi par l'irradiation? e) les limites admissibles (inacceptables): - pour les travailleurs, la modification est marginale: 5 rem/an (50 mSv/an) à condition de ne pas dépasser 10 rem sur toute période de 5 ans. - pour la population, la limite de 0,1 rem/an (1 mSv/an) est confirmée, un dépassement jusqu'à 0,5 rem/an est toléré à condition de ne pas dépasser 0,5 rem sur une période de 5 ans. La révision des normes par la CIPR ne tient pas compte complètement des données les plus récentes concernant le risque biologique du rayonnement. Les normes de la CIPR, dans la logique même de la Commission, font de l'industrie nucléaire une activité dangereuse en fonctionnement normal et particulièrement catastrophique en cas d'accident. Signalons simplement qu'avec de telles normes il aurait fallu évacuer depuis longtemps une bonne partie de l'Ukraine et de la Biélorussie, et neutraliser un énorme territoire. Cela concerne plusieurs millions de personnes. Il serait intéressant de savoir comment les promoteurs de l'industrie nucléaire vont réagir à ces nouvelles recommandations. En résumé: D'après les nouvelles conceptions de la CIPR, pour répondre à la question concernant une certaine pratique (comme la décharge de plutonium à SaintAubin, ou d'uranium et de radium à Itteville), est-ce dangereux? Il faut au préalable répondre à la question suivante: à partir de combien de morts dans une population donnée considérez-vous qu'une situation est dangereuse? (suite)
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p.20
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«A Lyon, vingt et un an après
sa construction, le Centre International de Recherche sur le cancer devra
être évacué et désamianté»
(Le Monde du 16 février 1990).
Le niveau 1 de l'I.L.L. Au début de 1990, on apprenait que les
responsables du réacteur à haut flux de l'Institut Laue Langevin
installé sur le site du Centre d'Etudes Nucléaires de Grenoble
faisaient fonctionner, depuis 19 ans, leur réacteur à une
puissance supérieure de 10% de la puissance maximum réglementaire.
(suite)
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suite:
au projet de recommandations de la CIPR de février 1990 D'après Nucleonics Week du 26
octobre 1989: «Lucien Berton, chef de la production thermique
(nucléaire et fossile) à EDF, a déclaré au
cours d'un séminaire Framatome tenu à Paris que le plan de
la CIPR pour une réduction significative des normes de radioprotection
est une menace directe contre l'option nucléaire: «Nous sommes
contre les manies d'experts qui sont compétents - je considère
l'hypothèse la plus favorable - mais qui ne voient qu'un aspect
des choses et qui sont incapables de considérer l'intérêt
général (sic). C'est à nous d'agir»,
a déclaré Berton aux représentants de l'industrie
nucléaire».
Encore quelqu'un qui ne connaît pas les propriétés de la multiplication Dans Le Monde du 17 janvier 1990, le
chroniqueur scientifique de ce journal écrit : «Or, les
normes de sûreté veulent que l'on attende dix demi-vies avant
de considérer une substance radioactive comme inoffensive».
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