Le nucléaire, comme toutes
les techniques sophistiquées, a besoin d'une surveillance sans faille,
d'une réalisation soignée. Nous suivons les différents
dossiers. On constate qu'il y a toujours des problèmes résiduels:
les aciers, les cables électriques, etc ...
Il y a toujours de nouvelles fissures et des usures anormales. Bien sûr il y a une surveillance mais découvrira-t-on toujours à temps l'apparition d'un nouveau problème. Et pourra-t-on faire les changements? On connaît la réponse pour de nombreux éléments: il faut attendre que le fournisseur puisse fournir les pièces. De nombreux éléments entrent dans l'analyse de sûreté. Le premier est la fabrication. Or d'analyse en analyse on découvre les impasses et elles s'avèrent génératrices de gros ennuis. La standardisation du parc, ce qui est toujours présenté comme un gage de réussite, entraine que le moindre défaut se retrouve sur toutes les tranches. On se contorsionne pour étaler les arrêts. Cela marchera jusqu'au jour où ... La France a de la chance et même, si on souhaite que ça continue, on est inquiet à l'idée que celà pourrait s'arrêter. Le Service Central est devenue une direction, c'est un signe encourageant mais ce n'est pas suffisant. Deux dossiers vont suivre, faisant le point sur 2 préoccupations des services de sûreté. A - FESSENHEIM
(suite)
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Mais grâce à l'expérience de 1989, nous allons essayer de mieux définir ce qui est indispensable pour pouvoir avoir une approche aussi complète que possible du dossier. Etre expert ne signifie pas être "rassureur" . Nous apprenons à nos dépens comment mener une expertise et comment ne pas assumer des responsabilités qui ne sont pas de notre ressort. Pour le moment la discussion est en cours. B-BUGEY
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«...Outre le remplacement du piquage 20"/32" de la ligne 1 de Fessenheim, l'exploitant prévoit de remplacer d'ici deux ans l'ensemble des piquages 20"/32" des lignes vapeur du palier CPO (Fessenheim et Bugey.»
Les défauts métallurgiques dans les piquages du circuit secondaire de FESSENHEIM 1
Communiqué AFP du 25 sept. 1991 FRFR
FRA 0192 4 G 0460 FRA/AFP-UR 86 Nucléaire-incident Soudure de Fessenheim: une «anomalie importante» qui pourrait être classée au niveau 3 de l'échelle de gravité. Paris, 25 sept. (AFP) - Le défaut constaté dans une soudure du circuit secondaire reliant le générateur de vapeur à la turbine de production d'électricité de la tranche 1 de la centrale de Fessenheim, annoncé mardi par EDF, est qualifié mercredi «d'anomalie importante» par la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) du ministère de l'Industrie. Cette anomalie, qui a été classée au niveau 2 de l'échelle de gravité des accidents et incidents nucléaires, pourrait être classé ultérieurement au niveau 3 de cette échelle, qui en compte six. Selon les indications fournies sur la banque de données Magnuc de la DSIN, «bien que n'ayant pas eu de conséquem;es directes sur la sûreté du réacteur 1», qui était en arrêt annuel, cette anomalie «est susceptible de conduire à une réévaluation des dispositions de sûreté prises» et nécessite des «expertises ultérieures». Découvert en 1986 lors du contrôle normal effectué tous les cinq ans sur cette partie du circuit secondaire, ce défaut métallurgique, qui n'était alors que de quelques millimètres, s'est en effet aggravé pour atteindre le 13 septembre «une taille importante (environ 11 cm de longueur, 3 cm de profondeur) pour une épaisseur de tuyauterie de 8 cm». Vérifications sur tous les réacteurs semblables C'est cette aggravation qui inquiète les responsables de la DSIN qui ont immédiatement demandé, outre le remplacement de ce tronçon de tuyauterie avant le redémarrage du réacteur 1, des vérifications sur tous les réacteurs de conception proche de celui de Fessenheim 1, c'est-à-dire son voisin Fessenheim 2, et les réacteurs 2, 3, 4, 5 de Bugey (Ain). «La redivergence des réacteurs de Fessenheim sera soumise à l'examen par la DSIN des résultats de ces contrôles». Le classement au niveau 2 de l'échelle de gravité de ce défaut de soudure s'explique par le fait qu'il se situe en quelque sorte sur la troisième barrière s'interposant entre les produits radioactifs et l'environnement extérieur. Ce défaut est en effet situé à l'extérieur du bâtiment réacteur, après le générateur de vapeur, sur la ligne de vapeur principale vers la turbine et juste avant une vanne de contrôle. Une rupture à ce niveau aurait pu provoquer, disent les spécialistes de la DSIN, non pas une fuite d'eau radioactive, le circuit secondaire n'en comportant pas, mais une brusque dépressurisation du générateur de vapeur susceptible de passer de 80 bars à un bar en quelques instants. Cette dépressurisation aurait pu avoir, par contre-coup, des conséquences au niveau du circuit primaire dans l'enceinte du bâtiment réacteur. (suite)
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Commentaires En cas de rupture de ce piquage du circuit secondaire, la pression chute brutalement dans la partie secondaire du générateur de vapeur. Les contrecoups dans le circuit primaire peuvent être très graves et difficiles à gérer car l'eau du circuit primaire n'est plus refroidie. D'autre part l'intégrité du générateur de vapeur peut être fortement atteinte. En effet: Les tubes des générateurs de vapeur sont fragiles. Chaque générateur de vapeur comporte 3.300 tubes en U de 1 mm d'épaisseur qui font partie de la 2e «barrière» de confinement des produits de fission radioactifs. (La gaine du combustible constitue la première «barrière», l'enceinte du réacteur, la troisième). Cela représente plus de 50 km de tubes à contrôler... Ces tubes sont en Inconcl 600, un alliage très sensible à la corrosion qui donne de gros ennuis à EDF, non seulement pour les tubes des générateurs de vapeur mais aussi pour les piquages des pressuriseurs qu'il a fallu changer sur les réacteurs 1.300 MW, et les manchons de traversée des couvercles de cuve, couvercles qu'EDF devra rapidement changer sur les 900 MW. Une fraction des tubes des générateurs de vapeur (GV) sont fissurés et ont été bouchés pour éviter leur rupture. Il y en aurait environ une centaine dans ce cas précis sur le GV à l'amont du piquage défectueux. Par contre d'autres tubes présentent aussi des fissures provoquant des fuites moins importantes qui respectent ce qu'on appelle le «critère de fuite avant rupture». Enfin sur certains tubes les fissures ne traversent pas la paroi. Ne donnant lieu à aucune fuite ils ne peuvent être détectés alors que bien évidemment ils présentent une fragilisation. En cas de dépressurisation brutale suite à la rupture du piquage sur la ligne de vapeur on peut espérer que les bouchons ne seraient pas éjectés. Par contre les fissures affectant les tubes qui n'ont pas été bouchés peuvent rapidement « filer» et conduire à la rupture des tubes. De plus, des fissures circonférencielles ont été détectées sur certains tubes. S'ils sont rompus ils peuvent fouetter, cogner sur les tubes voisins et produire des ruptures en série. La rupture simultanée de plusieurs tubes n'a pas été prise en compte par les Autorités de Sûreté dans les scénarios d'aecident pour le dimensionnement des installations. La possibilité d'un tel accident devrait donc conduire à une réévaluation des dispositions de sûreté. Enfin, la rupture des tubes de GV suite à une rupture du piquage, mettrait le circuit primaire radioactif en communication avec l'extérieur de l'enceinte de confinement. Dans cc cas la troisième barrière n'a aucune efficacité. Il était donc justifié d'envisager cet incident comme pouvant être classé au niveau 3 de l'échelle de gravité. On peut alors s'étonner que la mention du communiqué AFP pourtant au conditionnel: «anomalie ... qui pourrait être classée ultérieurement au niveau 3 de l'échelle de gravité» ait disparu aussitôt des informations et n'ait pas été répercutée par la presse. Comme ce n'est pas le journaliste de l'AFP qui invente les termes des communiqués de la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires on est en droit de supposer qu'EDF est intervenue efficacement pour que cette mention soit supprimée. p.6
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La "transparence"
d'EDF? Le poids des Autorités de Sûreté...
La gravité de ce genre d'incident et l'absence d'informations précises et de commentaires justifiaient à nos yeux une enquête un peu plus détaillée. Les chargés de communication à EDF se déclarèrent incompétents pour répondre à des questions précises et nous avons eu un entretien par téléphone avec M. Daumas, Chef de la Centrale Nucléaire de Fessenheim dès le 27 septembre 1991. Nous avons également interrogé plusieurs personnes de la DSIN. Au cours de notre enquête auprès de M. Daumas et des collaborateurs de M. Lavérie de la DSIN et vérification sur les Bulletins sur la Sûreté des Installations Nucléaires nous avons eu confirmation qu'un piquage analogue à celui découvert défectueux en 1991, avait présenté des anomalies au contrôle par ultrasons en 1985, été déposé en 1986 et expertisé. Nous avons donc demandé aux Autorités de Sûreté de nous fournir les rapports d'expertise métallurgique et les retours d'expérience relatifs aux 2 incidents, de 1991 et 1986. Nous voulions nous assurer que toutes les leçons avaient bien été tirées de l'incident de 1985. Nous avons obtenu des informations très fragmentaires par téléphone. Par courrier du 25/10/1991 la DSIN nous envoyait un très court résumé de l'expertise effectuée sur le piquage déposé en 1986. Ce résumé était bien trop succinct pour qu'on pût se faire une idée précise de la situation. Apparemment le dossier n'avait été clos qu'en 1990. En fait cet incident qui avait conduit au remplacement d'une pièce importante a été jugé mineur et classé. Nous avons voulu plus de détails et donc nous avons renouvelé notre demande à la DSIN (cf notre lettre du 12/11/1991) nous appuyant sur une déclaration de M. Lavérie, Directeur de la DSIN: «La compléxité du sujet ne doit jamais servir de prétexte à l'absence de clarification de notre activité (...). Ce processus actif d'information va certes, générer une demande sans cesse plus précise à laquelle il faudra nous organiser» (Le Monde, 23 mai 1989). En réponse à notre lettre M. Lavérie nous précise: «je vous confirme qu'il ne m'est en revanche pas possible, pour des raisons de propriété industrielle, de vous transmellre les rapports d'expertise rédigés par l'exploitant qui reste le seul et unique responsable de leur diffusion» (cf lettre de M. Lavérie, 13/12/1991). Il indiquait qu'EDF allait devoir remplacer d'ici deux ans l'ensemble des piquages de ce type sur les réacteurs de Fessenheim et de Bugey (2 à 5). Ceci confirmait bien que les incidents affectant ces piquages ne sont pas anodins. L'exploitant étant seul responsable pour la diffusion des documents que nous jugons nécessaires pour comprendre la situation, nous nous sommes donc adressés à l'exploitant EDF, M. Daumas, Chef de la Centrale de Fessenheim (cf notre lettre du 11/1/1992). La réponse nous était donnée par téléphone: M. Daumas nous indiquait qu'il ne nous fournirait pas ces rapports d'expertise. Il n'a qu'un interlocuteur à qui il est tenu légalement de fournir les documents (la DSIN). Il n'a pas à communiquer d'informations détaillées à d'autres ... D'autre part, il précisait qu'il ne nous confirmerait pas par écrit ses déclarations au téléphone. La boucle est donc bouclée. Il est impossible de se faire une idée de l'importance de l'impact des fissures sur la sûreté de l'installation si on ne peut examiner et faire examiner les rapports d'expertise par des scientifiques indépendants et qu'on doit se contenter de la parole de l'exploitant et des Autorités de Sûreté qui revient à dire: «Faites-nous confiance». (suite)
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Rappelons la position du GSIEN concernant les problèmes de l'information en France sur les questions posées par l'énergie nucléaire (Gazette Nucléaire n°84/85, janvier 1988, p. 23 à 26): "L'information donnée par les pouvoirs publics devrait avoir une valeur scientifIque. Or, la crédibilité de l'activité scientifique est fondée sur l'accessibilité des données (...) Tous les rapports d'experts devraient être rendus publics afin de pouvoir être examinés par des scientifIques indépendants des instances gouvernementales car il est d'usage, dans la communauté scientifique d'avoir la possibilité d'analyser et de critiquer les résultats obtenus et les hypothèses de calculs". La «transparence» que certains responsables semblent souhaiter n'est qu'un leurre car EDF demeure sans aucune obligation le seul décideur pour la diffusion des informations. Quelques remarques additionnelles
p.7
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Il va être procédé
d'ici deux ans au remplacement de tous les piquages 20"/32" (50,8 cm/8l,3
cm) sur Fessenheim 1 et 2, Bugey 2 à 5 (Palier CP0).
M. Lavérie, Directeur de la DSIN (Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires) nous indique: "En effet, le maintien en l'état de ces matériels nécessiterait de continuer à mettre en œuvre un programme de suivi en service relativement important et, de plus, particulièrement complexe en raison de l'état inclusionnaire des tôles» (lettre du 13/1211991). A partir des informations fragmentaires recueillies auprès d'EDF et de la DSIN nous commentons cette "complexité" qui nous amène à poser quelques questions. 1) La qualité métallurgique de l'acier: l'état inclusionnaire des tôles Le piquage de la ligne de vapeur n°1 de Fessenheim 1 déposé en septembre 1991 (fissure de 11 cm sur 3 cm dans l'épaisseur du tuyau) n'est pas le seul piquage de ce type a avoir été déposé et expertisé. Un piquage analogue, sur la ligne de vapeur 3 de Fessenheim 1 a été enlevé en 1986 et soumis à expertise. Ces deux piquages présentent des inclusions: - inclusions d'alumine dans la soudure du piquage déposé en 1986, - inclusions de sulfures dans celui déposé en 1991. Ces piquages sont faits en tôles «roulées-soudées». Les défauts redoutés à ce niveau sont les fissurations et l'arrachement lamellaire qui peuvent conduire à l' "ouverture-guillotine" du piquage (et donc à la dépressurisation brutale des générateun de vapeur situés en amont). Or il est bien connu, d'après la littérature, que "l'état inclusionnaire des tôles pour constructions soudées, affecte la ductilité suivant le travencourt [l'épaisseur] et par là même détermine la sensibilité à l'arrachement lamellaire lors du soudage ou en service" (11. Aubert et al, Soudage et Techniques Connexes, mars-avril 1977, p. 93). De nombreuses publications font état dès les années 70 de la nécessité de limiter les risques d'arrachement lamellaire par un choix d'aciers exempts d'inclusions. Pour le piquage soumis à expertise depuis septembre 1991 et qui présente des inclusions de sulfures il est précisé que "l'arrachement lamellaire provient de la décohésion d'inclusions de sulfures nombreuses à cet endroit" (lettre de M. Lavérie, 13/12/1991 Annexe 2) ce qui indique bien l'accord des experts métallurgistes d'EDF sur ce point: il y a corrélation entre arrachements lamellaires et inclusions. On peut s'étonner qu'un acier présentant des inclusions nombreuses, donc un acier «défectueux» ait été utilisé pour la fabrication de ces piquages en "roulé-soudé" comme si ces pièces n'avaient aucune importance au niveau de la sûreté de l'installation. L'obligation pour l'exploitant de changer d'ici deux ans tous les piquages de ce type montre qu'il n'en est rien. (suite)
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Une des causes générales qui a été avancée pour expliquer la présence de ces inclusions serait la suivante: lors de l'élaboration du lingot (qui sera laminé ultérieurement) il y a, après refroidissement, ségrégation d'impuretés dans les parties haute et basse du lingot de coulée (la "tête" et le "pied») qu'il est nécessaire d'éliminer. Il faut bien sûr que cette "chute" soit suffisante pour que le reste du lingot soit exempt d'inclusions. Si ce n'est pas le cas celles-ci seront laminées dans la tôle ce qui fragilisera la tôle obtenue. Les contraintes de soudage favoriseront l'arrachement lamellaire. Ainsi il s'avère que: a) le contrôle de l'exploitant a été insuffisant lors de l'élaboration du lingot de cet acier, avant laminage, b) ce contrôle a également été insuffisant après laminage, les examens des tôles par ultra-sons et autres méthodes auraient dû révéler la présence d'inclusions et faire rejeter ces tôles comme impropres à.la fabrication de pièces. c) le choix de l'acier: il ne semble pas que la meilleure nuance d'acier ait été choisie (A 48 C2) alors que certaines nuances dites" Z " sont améliorées dans le sens de l'épaisseur (le " traven-court ") pour diminuer les risques d'arrachement lamellaire. Ces nuances spéciales existaient au moment du choix de l'acier de ces piquages. mais bien sûr à prix plus élevé. (Consulter par exemple la documentation sur les Produits Sidérurgiques français. Office Technique de l'Utilisation de l'Acier, OTUA), d) la fabrication de ces piquages à partir de tôles en "roulé-soudé" était-elle la meilleure solution? En conclusion il apparaît nécessaire: - de répertorier l'ensemble des pièces fabriquées à partir de ces tôles défectueuses et de les contrôler quant à leur éventuelle fissuration. il n'y a peut-être pas eu que les piquages du palier CP0 (Fessenheim et Bugey) élaborées à partir de ces tôles, - d'obtenir d'EDF un meilleur contrôle des matériaux utilisés particulièrement déficient dans le cas précis révélé par les incidents sur les piquages. Qu'en est-il pour d'autres matériels? - il serait nécessaire qu'EDF utilise les meilleures qualités de matériaux existant sur le marché, lors de ses choix, et les meilleurs procédés de fabrication. 2) Les «postulat». EDF el la maintenance des installations. La périodicité du contrôle des piquages de la ligne de soupapes par ultra-sons était de 5 ans, d'où les contrôles effectués en 1986 et 1991. Elle a été établie suite aux avis des métallurgistes conseillant EDF et les Autorités de Sûreté concernant les risques d'arrachement lamellaire. L'analyse des incidents nous conduit à penser que ces avis reposent sur des postulats. p.8b
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1er "postulat": sur l'arrachement
lamellaire
Tout se passe comme si, pour ces métallurgistes, les arrachements lamellaires ne se produisaient que lors du soudage sous l'effet des contraintes thermiques, et qu'ensuite, en service il n'y avait pas, ou que peu, d'évolution de ces arrachements. Si après soudage les contrôles par ultra-sons montrent des «indications» de faible amplitude, inférieures à ce qu'on se fixe comme seuil de tolérance, la situation est jugée satisfaisante. C'est selon ce critère que la périodicité des contrôles a été fixée à 5 ans. Une telle position n'a pas été favorable à la mise en place d'un système performant de contrôle. Or le postulat «l'arrachement lamellaire évolue peu après soudage» s'est avéré faux puisque sur le piquage déposé en septembre 1991 (ligne de vapeur 1 de Fessenheim 1) les indications ultra-sonores relevées en 1986 étaient «minimes» et évaluées à quelques millimètres seulement. Cinq ans plus tard le défaut fait 11 cm sur 3 dans l'épaisseur alors que le tuyau a 8 cm d'épaisseur. Les contrôles après dépose confirment les dimensions du défaut indiquées par ultra-sons. Il s'agit «d'une succession de zones d'arrachements lamellaires et de pontages cntre ces zones». Les métallurgistes d'EDF ont, paraît-il, été surpris des dimensions actuelles du défaut qui, a priori, ne devait pas évoluer ou seulement très peu à partir des quelques millimètres initiaux en 1986. Ce qui est surprenant c'est l'optimisme de départ étant donné la complexité des problèmes posés par l'arrachement lamellaire tels qu'ils sont décrits dans la littérature pour les aciers inclusionnaires. On trouve par exemple dans un article de K. Kobayashi et al (Soudage et Techniques Connexes, mars-avril 1978): «A l'origine de l'arrachement lamellaire se trouvent habituellement des inclusions non métalliques qui sous l'effet de contraintes externes et internes deviennent des sites d'amorçage de fissures». Désormais les métallurgistes EDF disposent d'un bel exemple d'arrachement lamellaire intervenu en service. 2 - 2° "postulat": sur les indications ultrasonores et la cohésion des inclusions. Tout se passe comme si, pour les métallurgistes d'EDF, la décohésion des inclusions, ou inclusions "déconsolidées" était un phénomène non décelable par ultra-sons. Ces termes désignent des inclusions qui, d'un point de vue cristallographique ne sont pas cohérentes avec le réseau cristallin de l'acier; il existe alors des interfaces (surfaces de séparation) entre l'inclusion et la matrice. Or, les techniques de contrôle par ultra-sons reposent précisément sur la propriété de réflexion des ultra-sons par les interfaces. L'amplitude des signaux dépend bien sûr de la nature de l'inclusion (sa réflectivité), de ses dimensions mais aussi de la technique et de l'appareillage utilisés, du gain chaisi, etc. Il nous paraît donc curieux de lire (lettre de M. Lavérie, 13/12/1991, Annexe 2) que pour la grosse fissuration trouvée sur le piquage 20 pouces déposé en 1991 : «l'exploitant invoque un mécanisme en deux stades: décohésion des inclusions au moment de la fabrication du piquage (non détectable par les contrôles non destructifs - souligné par nous) puis ouverture des défauts ». Pourtant lors des contrôles effectués en 1986 des indications ultra-sonores ont été relevées, mais les défauts ne faisaient alors que quelques millimètres. En quoi consistaient donc ces défauts ? Nous savons désormais qu'il y avait des inclusions de sulfures à cet endroit (avec ou sans arrachement lamellaire). Considérons maintenant les renseignements fournis au sujet de l'expertise du piquage 20" déposé lors de l'arrêt de tranche de 1986 sur la ligne de vapeur 3 suite à l'indication ultra-sonore notable relevée en 1985. L'examen métallurgique révèle des « alignements d'inclusions grossières déconsolidées, constituées de plaquettes rectangulaires de 5,5 mm maximum dans le sens longitudinal du piquage et 3 mm dans la section droite. Il s'agit d'inclusions d'alumine exemptes de tout arrachement lamellaire ». Il était fait également état d'une réparation importante dans la soudure, avec présence de« collages ». On peut s'étonner de ce que les experts s'orientent vers un artefact de contrôle, un écho de géométrie qui serait à l'origine des observations aux ultrasons et de ce que leur cause exacte n'a pour l'instant pu être totalement élucidée. Tout ce passe comme si seuls les arrachements lamellaires étaient susceptibles de donner des signaux ultra-sonores et pas les inclusions déconsolidées, pas les collages de la soudure avec sa reprise envers et son importante réparation. Le résumé fourni ne nous indique d'alleurs pas à quel moment la réparation a été faite dans la soudure. Est-ce lors de la mise en place avant 1976 ? Quelle a été la cause de celle réparation ? Quelle est sa position exacte et son extension ? (suite)
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suite:
L'affaire a été jugée sans importance: il n'y avait que des inclusions déconsolidées, et classée... En somme on aurait déposé à tort ce piquage en 1986 puisqu'il n'y avait pas d'arrachement lamellaire? (Bien sûr ce n'est jamais bon pour une soudure d'avoir une réparation ... ). 3 - En somme, 3° "postulat": les inclusions "déconsolidées" seraient sans influence sur la tenue mécanique, ne pouvant pas servir d'amorce à des arrachements lamellaires ultérieurs? En tout état de cause ce "postulat" permettait de rassurer l'exploitant et les Autorités de Sûreté sur la qualité métallurgique de ces piquages. La découverte en 1991 sur un piquage analogue d'une succession de zones d'arrachement lamellaires provenant de la décohésion d'inclusions illustre le rôle majeur des inclusions dans cc processus d'arrachement comme l'ont souligné de nombreux chercheurs (voir Kobayashi cité précédemment). 3 - Remarques à propos de l'origine
des arrachements lamellaires sur le piquage expertisé depuis sept.
1991 (et qui auraient pu entraîner éventuellement la rupture
du piquage).
p.9
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Voici le résumé de l'expertise réalisée sur le piquage F1 VV 718 de Fessenheim 1 qui a été remplacé en août-septembre 1986. | ||||
3 | F1 VV 718 | pas de contrôle magnétoscopique par l'intérieur en 1990. |
Expertise du piquage 20" prélevé
préventivement sur indication US décelée par l'extérieur.
Pas de défaut du type fissure mais présence d'alignements
d'inclusions grossières déconsolidées constitués
de plaquettes rectangulaires de 5,5 cm max. dans le sens longitudinal du
piquage et 3 mm sur la section droite. Il s'agit d'inclusions d'alumine
exemptes de tout arrachement lamellaire. Cette soudure comporte une reprise
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ANNEXES
1 à 9 Référence PE 02-12 X 8620 |
Les contrôles réalisés
en 1985 avaient mis en évidence, sur un piquage de la ligne 3 de
Fessenheim l, des défauts non volumiques qui, en l'absence de caractérisation
précise, pouvaient être attribués à de l'arrachement
lamellaire. Ce piquage a été remplacé en 1986, et
a fait l'objet d'expertises métallurgiques.
Celles-ci n'ont montré aucun défaut notable expliquant les indications ultrasonores observées, et n'ont, de plus, pas révélé d'arrachement lamellaire. Toutefois, quelques «collages», ainsi que des inclusions laminées, ont été vus. La cause exacte des indications principales relevées par les contrôles par ultrasons n'a pour l'instant pu être totalement élucidée. Les experts s'orientent vers des échos de géométrie. Le défaut détecté en 1991 sur un piquage de la ligne 1 qui, depuis lors, a été remplacé est, quant à lui, dû à de l'arrachement lamellaire. L'expertise confirme les dimensions évaluées par les contrôles non destructifs. Elle ne montre aucune trace d'évolution du défaut, en particulier par fatigue. Ce phénomène d'arrachement lamellaire paraît donc, dans l'état actuel des connaissances, avoir été provoqué par une sollicitation spécifique et isolée. Les contrôles de 1986, qui n'avaient mis en évidence que des zones d'inclusions, ne semblent pas devoir être remis en cause. L'ouverture du défaut d'arrachement lamellaire s'est donc vraisemblablement produite entre 1986 et 1991. L'exploitant recense donc, à l'heure actuelle, les diverses possibilités d'engendrer de fortes contraintes dans le piquage. Une des hypothèses avancées par l'exploitant porte sur les contraintes que le retrait des soudures réalisées en 1986 sur les butées des lignes vapeur auraient pu engendrer. En tout état de cause, outre le remplacement du piquage 20"/32" de la ligne 1 de Fessenheim, l'exploitant prévoit de remplacer d'ici deux ans l'ensemble des piquages 20"/32" des lignes vapeur du palier CP0 (Fessenheim et Bugey). En effet, le maintien en l'état de ces matériels nécessiterait de continuer à mettre en œuvre un programme de suivi en service relativement important et, de plus, particulièrement complexe en raison de l'état inclusionnaire des tôles utilisées pour leur fabrication. J'adresse copie, à toutes fins utiles, de cette lettre à Mme Sené, Présidente du GSIEN, ainsi qu'à M. Haby, Président de la Commission de Surveillance de la centrale nucléaire de Fessenheim. En espérant avoir répondu à votre attente, je reste à votre disposition pour vois fournir les éventuelles informations complémentaires dont vous souhaiteriez disposer et vous prie d'agréer, Madame, l'expression de ma considération distinguée. ANNEXE 1 Piquage 718 de la ligne 3 de Fessenheim 1
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Piquage 701 de la ligne 1 de Fessenheim 1
Chère
Madame,
p.11
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Président: M. Charles HABY Monsieur le Directeur,
GSIEN Le 7 décembre 1991,
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La rupture simultanée de plusieurs tubes de GV doit être considérée comme un accident grave pouvant conduire à une situation de type catastrophique. Il est donc évident que tout incident affectant ces piquages doit être pris en considération avec beaucoup d'attention. Le problème que je soulève est le suivant: comment se fait il qu'un défaut sur ce piquage en 1985 ne semble pas avoir inquiété ni l'exploitant EDF ni les autorités de sûreté? Si l'on veut pouvoir juger de l'efficacité des uns et des autres concernant la sûreté et qui affecte entre autres le contrôle qualité des pièces métallurgiques, le rythme de contrôle de l'installation, etc., il est nécessaire de prendre connaissance à la fois du rapport d'expertise et du retour d'expérience. Seul un résumé de quelques lignes m'a été fourni. D'après les autorités de sûreté ces rapports sont la propriété de l'exploitant et ne peuvent m'être communiqués. En l'absence de ces documents il n'est possible d'invoquer que des arguments d'autorité qui n'ont aucune valeur scientifique et ne sont pas crédibles. C'est sur ce point que je me permets d'insister. L'incident de 1985 pose un autre problème, celui de la mission des experts indépendants lors de la révision décennale de 1989. Une telle contre-expertise ne peut être efficace que si EDF et le Ministre de l'Industrie fournissent aux experts la totalité des documents relatifs à tous les événements enregistrés et cela indépendamment des jugements que ces organismes portent sur les incidents. En ce qui concerne l'incident de 1985 il a été jugé a priori par EDF et les autorités de sûreté comme n'ayant aucune importance. Or, l'intégrité de la tuyauterie incriminée est importante pour la sûreté générale de l'installation. Il paraît donc évident que ce problème aurait dû être examiné lors de la contre-expertise. Dans votre lettre à M. Lavérie, dont je vous remercie de m'avoir communiqué la copie, vous soulevez le problème des défauts découverts récemment sur la soudure des manchons traversant le couvercle de la cuve. Je vous signale que le couvercle de la cuve a été examiné lors de la révision décennale et que rien de grave ne semble avoir été signalé à cette époque aux experts indépendants à ce sujet. Or deux ans après des défauts sont détectés qui mettent en cause la sûreté au point qu'il est envisagé de remplacer les couvercles sur plusieurs réacteurs. Trois hypothèses sont possibles: (1) aucun défaut sur ces passages n'a été détecté en 1989, ce serait le signe d'une évolution extrêmement rapide, (2) les examens de 1989 n'ont pas été faits correctement, ou bien (3) des défauts ont été constatés par l'exploitant mais ils n'ont pas été considérés comme importants pour la sûreté. Aucune de ces hypothèses n'est rassurante. De plus rien ne nous garantit qu'il n'existe pas des défauts dans des soudures d'autres pénétrations de la cuve, ailleurs que dans le couvercle. Cela pose le problème de l'efficacité de cette révision décennale. L'examen systématique des soudures pouvant conduire à des accidents graves sur les circuits primaire et secondaire devrait être entrepris en toute priorité à Fessenheim. L'enquête que j'essaie de mener entre autres sur la tuyauterie tant auprès d'EDF que de la DSIN me paraît essentielle pour tester le niveau de crédibilité que l'on peut accorder à ces organismes lorsqu'ils invoquent la transparence. La non-transmission des documents de base est inacceptable pour les citoyens que nous sommes. Je vous prie d'agréer, cher Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées. p.12
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1. CHRONOLOGIE
- 23 Septembre 1991: Découverte d'une petite fuite (0,7 l/h) à l'occasion de l'épreuve hydraulique pratiquée sur le réacteur de Bugey 3, lors de l'arrêt décennal. L'incident a été classé au niveau 2 de l'échelle de gravité. - 20 Octobre 1991: Après discussion avec la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN), un contrôle des couvercles de cuve est intégré par EDF à l'arrêt programmé des réacteurs de Fessenheim 1 et de Bugey 4, en cours à ce moment là; Dans les semaines qui suivent, des défauts de même nature que ceux qui avaient été identifiés sur Bugey 3, sont découverts sur Bugey 4 et Fessenheim 1: - A la fin du mois de décembre, EDF propose une stratégie de contrôles à court terme: - contrôles télévisuels externes sur les réacteurs de Bugey et Fessenheim, - installation de dispositifs de détection de fuites sur les 5 réacteurs de ces deux sites, - mise en place de dispositifs interdisant toute éjection de grappes de commande. Enfin, le prochain arrêt de Bugey 5, prévu pour fin mars 92, sera mis à profit pour réaliser des contrôles exhaustifs des couvercles de cuve. - 31 Décembre 1991: En plus, des investigations proposées sur la face externe des couvercles de cuve de Fessenheim 2 et Bugey 2, pendant les prochains arrêts de ces réacteurs, prévus en janvier 1992. 2. ETAT DU DOSSIER
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Les méthodes de contrôles utilisées sur les réacteurs sont les suivantes: examens télévisuels, ressuage, courants de Foucault et ultra-sons. A ce jour, les investigations réalisées sur les réacteurs n°3 et 4 de Bugey et sur le réacteur n°1 de Fessenheim, ont mis en évidence d'autres fissurations longitudinales de même type. Elles affectent deux manchons du réacteur n°3 et huit manchons du réacteur n°4 de Bugey, ainsi qu'un manchon du réacteur n° 1 de Fessenheim. - Les investigations en cours Le 30 décembre, EDF s'est engagé à effectuer à court terme des contrôles télévisuels externes des trois autres réacteurs de Bugey et Fessenheim et à installer des dispositifs de détection de fuite sur les six réacteurs de ces deux sites. A titre de protection supplémentaire, bien que la tenue mécanique des traversées ne soit pas affectée, EDF a décidé d'installer sur ces réacteurs, des dispositifs interdisant toute éjection de grappe de commande. De plus les contrôles complets du couvercle du réacteur n°5 du Bugey seront entrepris pendant l'arrêt programmé de cette installation prévue à la fin mars 1992. Le 31 décembre, la DSIN a demandé à l'exploitant de compléter les examens prévus par des contrôles télévisuels de la surface interne du couvercle de cuve des réacteurs n°2 de Bugey et Fessenheim, au cours de leur arrêt prévu à la fin de janvier 1992. Par ailleurs, les autres réacteurs à eau sous pression sont plus récents (palier REP de 1.300 MWé) ou équipés de traversées soumises à des températures plus faibles (palier REP 900 MWé de deuxième génération). Ils sont donc, a priori, moins susceptibles d'être affectés par ces défauts. Néanmoins, l'autorité de sûreté a demandé à l'exploitant de confirmer ces hypothèses en vérifiant l'état des manchons des couvercles de cuve d'un réacteur de chacun de ces paliers. En tout état de cause, les résultats des contrôles et analyses effectués par EDF sur chaque réacteur feront l'objet d'un examen spécifique par la DSIN, les DRIRE territorialement concernées et leurs appuis techniques, l'Institut de Protection de Sûreté Nucléaire (IPSN) et le Bureau de Contrôle de la Construction Nucléaire (BCCN), en préalable à tout démarrage - Les perspectives EDF met au point actuellement une méthode de contrôle automatisée qui devrait permettre, dès le deuxième trimestre 1992, des examens des traversées des couvercles à plus grande échelle. D'ores et déjà, l'exploitant a décidé de remplacer à terme (d'ici 2 à 3 ans) les couvercles de cuves des six réacteurs des sites de Bugey et Fessenheim. Le programme d'action défini précédemment doit permettre d'apprécier l'étendue du problème vis à vis de l'ensemble du parc, de définir un suivi en service systématique, et de mettre au point les réparations ou les remplacements nécessaires. D'une façon générale, il conviendra d'être particulièrement vigilant aux résultats des contrôles acquis, au fur et à mesure de leurs réalisations, sur les réacteurs du parc nucléaire et de réorienter, le cas échéant, le programme d'action. Cette anomalie a été classée, dans l'état actuel des analyses au niveau 2 de l'échelle de gravité. p.13
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Carter sous pression du mécanisme
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de grappe de contrôle p.14
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En consultant sur le minitel 3614
MAGNUC on trouvait l'information suivante sous le code REAH:
Le lundi 23 Septembre, alors que le réacteur
n°3 de BUGEY (BGY3) était à l'arrêt pour visite
décennale et rechargement en combustible, une fuite sur un manchon
du couvercle de la cuve a été mise en évidence au
cours de l'épreuve hydraulique du circuit primaire. Cette épreuve
est réalisée, après déchargement des assemblages
du coeur, à une pression de 207 bars. La pression nominale est 155
bars. La fuite décelée, de l'ordre de 1 litre par heure,
affecte un des 65 manchons étanches (alliage Inconel 600) permettant
le passage des tiges de commandes des grappes de contrôle du coeur
à travers le couvercle de la cuve du réacteur...
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En effet si une rupture se produisait brutalement ce ne serait plus un incident mais l'amorce d'un accident aux conséquences difficiles à évaluer. L'éjection d'une grappe de barres aurait plusieurs effets: 1 - brèche dans le circuit primaire 2 - formation d'un missile pouvant traverser le béton de l'enceinte. En principe l'enceinte a été calculée pour résister mais les responsables préféreraient ne pas faire l'expérimentation avec un réacteur en folie. 3 - invertion brutale de réactivité pouvant conduire à l'emballement de la réaction de fission. Cette accélération brutale pourrait se faire plus vite que la chute de pression. 4 - déformation des structures mécaniques du coeur pouvant entraîner un blocage des autres grappes de contrôle et d'arrêt. Conséquence possible: BUGEYBYL?? Ces problèmes de fissures ne sont pas nouveaux mais s'aggravent avec le vieillissement sous irradiation des matériaux. Les tubes de générateurs de vapeur n'ont pas fini de faire parler d'eux, les piquages des pressurisseurs non plus. Comment a-t-on pu utiliser des nuances d'acier aussi mauvaises? C'est simple et compliqué, on était sous licence américaine et on devait se plier à leurs normes. Pourtant on connaissait la fragilité de certains aciers. A-t-on espéré un miracle? Les fissures des aciers resteront une préoccupation constante tant qu'on ne fera pas un bilan sans complaisance de l'ensemble du dossier. Les autorités de sûreté ont du mal à obtenir une prise en charge de tous ces problèmes et pour plusieurs raisons: - coût des réparations - approvisionnement difficile en pièces détachées - appareillage à concevoir à chaque nouvel incident pour effectuer l'intervention et ne pas trop irradier le personnel. - nécessité de maintenir un parc puisque 75% de l'électricité est d'origine nucléaire. - obligation de maintien pour honorer les contrats de vente d'électricité - 20% de notre production -. On voit bien comment la sûreté et par suite la sécurité des populations peuvent être mises en péril. p.15
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Monsieur Jean-Pierre Brard attire l'attention
de monsieur le ministre délégué chargé de l'industrie
et du commerce extérieur sur la situation préoccupante de
vieillissement prématuré de certaines installations nucléaires
de production d'énergie électrique.
Déposée à l'Assemblée Nationale,
le 29 janvier 1992
GN: Nos députés ne sont pas tous absents du débats... |
"Loi sur les déchets
nucléaires" est-il annoncé dans la presse. Il s'agit,
en fait, d'une loi pour trouver un laboratoire et légaliser les
études sur le stockage en site profond. Est-ce une bonne démarche?
Par rapport à la façon dont les organes officiels type CEA ont procédé jusqu'à maintenant c'est sûrement une amélioration. Mais si le résultat est de "se faire avoir" en accord avec la loi, ALORS PAS D'ACCORD! Les déchets ne sont pas un enjeu médiatique (ce que persistent à penser certains responsables, considérant par ailleurs que le problème des déchets est créé par les associations!!) mais un enjeu pour que notre environnement reste vivable. C'est pourquoi il faut prendre le problème à bras le corps et arrêter de délirer. Il faut éliminer les solutions qui consisteraient à faire des mélanges contaminés - non contaminés, à faire de la dilution. Toute technique qui consiste à disperser en croyant au mythe dispersion - décontamination n'est pas bonne. On a pu le constater sur tous les sites où on l'a tenté, par exemple la Hague. Il n'y a pas de solution miracle. En l'état de nos connaissances et de nos possibilités nous sommes contraints à entreposer et A SURVEILLER La loi est largement insuffisante. On légalise les déchets sans avoir posé le problème de fond: la politique énergétique française. Il n'y a jamais eu d'études sérieuses sur les besoins des citoyens et sur les moyens de les satisfaire. On est parti sur un mythe: le nucléaire sûr et pas cher. On est parti sur les études EDF: doublement de consommation tous les 10 ans. Concrètement cela nous mène aux exportations de courant (en gardant bien sûr les déchets en prime), aux contrats de retraitement, au cartel pour que vivent les "Superphénix", aux mensonges par omission sur Tchernobyl, etc ... Pour traiter correctement les déchets il faut d'abord mettre toutes les cartes sur la table et une des plus importantes, mises à part celles déjà évoquées, est de se limiter à cc qu'on est capable de gérer. Ce n'est pas ce qu'on a fait avec le nucléaire, on s'est contenté de prendre pour argent comptant le programme élaboré par la firme produisant l'électricité. A quoi nous a conduit ce programme sur-dimensionné? A une débauche d'énergie induisant un gaspillage fabuleux et un taux de chômage record. Difficile d'affirmer que tout est bien dans ces conditions. On a alors ignoré les déchets en affirmant qu'il serait toujours temps d'y songer le moment venu. Sauf que le coût de ce poste grève confortablement les bénéfices, pas des firmes mais de la nation et donc des citoyens. A quand une vérité sur le coût réel du nucléaire, son poids sur le développement du pays? Le résultat est une gestion des déchets au jour le jour. Ceci a engendré cette nuée de déposantes que l'on découvre les unes après les autres. Maintes et maintes fois on a posé des questions à ce sujet sans obtenir de réponse. Coup sur coup on a obtenu deux embryons de réponses, le rapport Desgraupes et un aveu de Strauss-Kahn sur les déchet nucléaires étrangers. Il faut maintenant s'accrocher pour que les déchets soient bien gérés. (suite)
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I - Le rapport Desgraupes. En juillet 1991 est sorti un rapport qui a fait un "bide médiatique" total et pourtant on pouvait y trouver la liste de tous les sites recensés posant divers problèmes: depuis le site de mine contaminé par du radium jusqu'aux petites usines des années 30, en passant par les dépôts du CEA ou d'EDF. Ce rapport se préoccupait beaucoup de prévoir une loi pour combler le vide juridique de la définition du déchet radioactif mais dans la foulée il faisait une revue de détail des contenus radioactifs des sites de mines. En sus de fûts venant de partout: le Bouchet, Saint Aubin, La Rochelle ete .. , il rappelait que les carreaux des mines devraient être classées Installations Nucléaires de Base (INB) et à ce titre bénéficier d'une surveillance quant à leurs effets sur les humains et leur environnement. D'une façon surprenante cc rapport refait surface 6 mois après sa publication. Tant mieux! Mais il aurait été plus normal de s'attaquer au problème dès sa sortie. Sérieux problème s'il en est un car les officiels dont le CEA voudraient faire classer un déchet par: - le contenu massique, soit une limite de quantité de produits radioactifs (becquerel) par unité de poids (kilogramme ou tonne) - OU le contenu total déposé sur le site. Les associations réclament que le classement soit fonction du contenu massique ET du contenu total. Ce n'est pas innocent. Par exemple la CRIIRAD a analysé 4 kg de terre en provenance de Saint Aubin (Essonne) et a trouvé 2,2 Bq par gramme soit au total 8.000 Bq; et alors me direz vous? La loi actuelle dit ceci (extrait de la réponse écrite 14410 du 28 Mars 1991, JO.32S): "Le dépôt en décharge classique de déchets comportant une certaine radioactivité n'est possible que si la concentration, dans la masse des déchets des radioéléments en cause, quelle que soit leur nature, ne dépasse pas 74 becquerels par gramme. En revanche si cette concentration est dépassée et qu'il s'agit de radioéléments de groupe 1 (dont fait partie le plutonium 239), il n'est pas autorisé d'en rejeter en décharge plus de 3.700 becquerels au total." La conclusion du ministre délégué à la santé qui rappelle ce texte est que, pour Saint Aubin, le chiffre publié (2,15 becquerels par gramme) respecte ces dispositions. L'incohérence apparaît de suite car avec 8.000 Bq on dépasse les limites globales et avec 2,2 Bq par g on est en dessous de la limite massique. C'est pour cela qu'il faut un "ET". Le rapport Desgraupes doit être l'occasion d'intervenir sur ce sujet qui est d'une importance capitale car selon l'interprétation on se prépare des lendemains pleins de problèmes. p.16
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2- Les déchets Nucléaires étrangers
Le 26 Novembre 1991 le Ministre a admis publiquement qu'une partie des déchets de retraitement des combustibles étrangers ne repartiraient pas parce RIEN ne le prévoit dans les contrats. Sous le titre "la France conservera sur son sol des déchets nucléaires étrangers" , Enerpresse annonce que, "contrairement à ce que le gouvernement avait toujours laissé entendre jusqu'alors, en renvoyant le dossier à la Cogéma qui restait muette, toutes les matières et déchets issus du retraitement en France de combustible étranger ne feront pas retour à l'envoyeur. Il y aura un reste." Il est question uniquement des déchets "C" dans l'article d'Enerpresse n°5458 mais cela signifie que nous gardons aussi les "B" et les "A". Il a été demandé avec insistance par la commission de la Hague d'avoir des précisions sur le lieu de stockage des déchets étrangers. Nous n'avons jamais eu de réponse sur ce lieu. On nous a toujours répondu qu'il était prévu de les renvoyer dans le pays d'origine mais sans préciser où ils se trouvaient actuellement. Avec la réponse du ministre nous constatons, une fois de plus les difficultés pour avoir des réponses qui ne soient pas des mensonges par omission! Car la question n'est pas seulement de savoir où sont entreposés les déchets étrangers que nous avons déjà en dépot mais où seront stockés ceux qui, de toute façon, nous sont acquis à l'aide d'un contrat débile! Effectivement les derniers contrats signés ont prévu le retour des déchets issus du retraitement (au moins les déchets liquides et solides) mais quels sont ceux qui n'ont pas cette clause? Et parmi ceux qui ont la clause de retour combien ont un alinéa restrictif selon lequel les déchets repartiront si les pays peuvent les accepter. Mais: - si leur législation ne le permet pas - si les procédés d'enrobage ne sont pas homologués comment les forcera-t-on à les reprendre? Le ministre parle de "293 tonnes de déchets, représentant 2 à 3% de la masse de déchets du type "c" issus du retraitement ". Cela signifie quoi? Il est fort pénible ( mais on ne se fait plus d'illusion sur le sujet) de constater, une fois de plus, qu'on ne peut pas croire les déclarations officielles, pire que l'on se moque du monde. La lecture d'Enerpresse est fort instructive car le ministre a du admettre ce non-renvoi parce que " les sénateurs avaient jugés bon d'interdire le stockage sur le sol français au-delà des délais techniques imposés par le retraitement. Les députés ont suivi le Sénat en seconde lecture et un débat s'est instauré pour savoir s'il fallait renvoyer ou non à une convention internationale. .. C'est dans ce cadre, le gouvernement se montrant favorable au principe de la convention, que M. Strauss-Kahn est intervenu. Une telle convention, a-t-il expliqué, ferait obligation à chaque pays signataire de récupérer sur son sol les déchets retraités à l'étranger et le problème serait alors réglé .... Si les députés n'avaient pas discuté de ce retour des déchets, on n'aurait jamais su que les gouvernements précédents avaient fait preuve "d'imprévoyance" et l'actuel de légèreté en ne revoyant pas le problème. Comme le précise Enerpresse: "Politiquement le problème est apprécié comme important parce qu'il renvoie à l'équilibre subtil en cours de mise en oeuvre sur les déchets. Pour qu'il y ait cohérence et que l'on puisse quantifier, il faut renvoyer à une alimentation planifiée en déchets. Or seul le programme français donne une certitude en la matière. La recherche (retraitement-transmutation) et la définition du stockage ne peuvent donc être définies avec précision que si les déchets étrangers font retour à l'envoyeur... (suite)
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En sus des déclarations du ministre la Cogema a publié dans la note d'information n°50 de janvier 1992 des compléments d'informations sur le fameux retour des déchets étrangers. Voici la partie qui les concerne: "... L'obligation est faite de retourner tous les déchets importés dans le cadre des contrats de retraitement dès que cela est techniquement possible. Cette dernière disposition qui ne figurait pas dans le texte initial du gouvernement répond à une large attente des milieux parlementaires qui n'ont pas connaissance des termes exacts et des dispositions des contrats commerciaux liant Cogema à ses clients (souligné par la Gazette) Cette disposition en fait ne change pas grand chose pour Cogema, puisque depuis une quinzaine d'années, Cogema travaille au retour des déchets étrangers, de ceux d' UP3 comme ceux d' UP2, à l'exception de ceux d' UP2 correspondant aux anciens contrats signés par le CEA. Le débat sur cette disposition nouvelle a permis au Ministre de l'industrie de rappeler aux parlementaires que certains déchets issus des premiers contrats de retraitement ne pourraient certainement pas retourner à l'étranger. (Il faisait allusion aux anciens contrats signés par le CEA et transférés à Cogema au moment de la création de la compagnie) De façon pratique, on rappelle que Cogema: 1) a transmis à tous ses clients étrangers de la Hague les spécifications de tous les déchets en vue d'approbation; 2) que les spécifications des verres, soumises dès 1986 ont été approuvéés en 1988; 3) que celles des autres déchets soumises en 1990 et en 1991 devraient être approuvées d'ici fin 93 (souligné par nous) Indiquons enfin que les premiers renvois de verres à l'étranger sont prévus pour 1994. Ils concerneront d'abord le Japon puis l'Allemagne qui sont les plus gros clients de la Hague. Suivront ultérieurement la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas pour lesquels les quantités en cause sont plus faibles." Bien sûr Cogema est filiale à 100% du CEA et dans la corbeille de mariée de la firme il y avait du bon et quelques ratés. Mais "c'est pas moi c'est l'autre" n'est pas un argument recevable. Ce problème des déchets étrangers est connu depuis toujours. Force est de constater qu'on a fait preuve de légéreté en affirmant le principe du "retour" comme un principe absolu puisqu'il ne pouvait pas être appliqué. Comment gérer ce problème de
déchets?
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