La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°133/114

LA POLLUTION DE LA RIVIERE STE-HELENE:
UN ESSAI INTER-LABORATOIRES LE CONFIRME, L'ACRO AVAIT RAISON!

     Nous vous présentons un dossier de l'ACRO sur la pollution autour du site Manche. Après un mauvais départ (comme d' habitude) les mesures de l'ACRO ont été reconnues. Tous les labos engagés ont trouvé la même chose, sauf le SCPRl qui a refusé de participer à l'intercomparaison. Quand on se prétend le meilleur on ne s'abaisse même pas à faire des mesures. Si le SCPRl s'imagine que le mépris est la réponse aux imerrogations des populations, on peut lui dire qu'il se trompe.
     La commission de la Hague a élevé une protestation car elle tenait à cette intercomparaison . Le bilan qu'elle présente ne peut pas être fait si il n'y a pas cette intercomparaison.
     En attendant soutenez le laboratoire indépendant ACRO en lui commandant des mesures si vous êtes dans le coin Calvados.


     Il y a un an, au printemps 91, l'ACRO alertait les élus concernés et l'opinion publique à propos d'une élévation anormale des taux de Césium dans les sédiments de la Ste-Hélène, une petite rivière qui prend sa source sur le site nucléaire de la HAGUE. Le Chargé "Relations Publiques" de la COGEMA de l'époque n'hésita pas à suggérer que ''l'ACRO cherchait à se faire un coup de pub". L'enquête menée durant l'été par la Commission d'Information de la HAGUE aboutit à une conclusion sans faille: l'ACRO avait raison! Il y a bien eu, dans les sédiments de la rivière, à notre point de contrôle, une élévation par un facteur 10 de la pollution en Césium. De plus une comparaison inter-laboratoires a été organisée, à celle occasion, par la Commission HAGUE et l'Institut Universitaire de CHERBOURG. INTECHMER, l'ACRO, le SPR-COGEMA et le LDA (Laboratoire départemental d'Analyse de la Manche) ont accepté d'y participer. Le SCPRI, quant à lui, n'a même pas daigné répondre. Les résultats des mesures effectuées par ces trois laboratoires sont d'une concordance remarquable. C'est là la réponse que l'ACRO se devait d'apporter à tous ceux qui, cherchant à éviter le débat de fond sur les problèmes de l'environnement, mettent en cause les compétences de notre laboratoire.

A - L'histoire de la pollution de la Ste-Hélène
     A-l : SON EAU EST CONTAMINEE 
     La Ste-Hélène prend sa source sur le plateau des "Hauts Marais" dans la partie Est du site COGEMA, à proximité immédiate du Centre de Stockage MANCHE (CSM) géré par l'ANDRA. Ce ruisseau suit un parcours de près de 4 km avant de se jeter en mer à la limite des communes de DIGULLEVILLE et OMONVILLE-LA-PETITE dans l'Anse St-Martin (voir carte au 1/50.000). 
     La Ste-Hélène a été particulièrement polluée dans le passé car les gestionnaires successifs de ce centre de stockage de "déchets radioactifs de faible et moyenne activité" y rejetaient leurs effluents et ceci en toute illégalité puisqu'il n'existait aucune "autorisation de rejets". Ces effluents sont radioactifs car il s'agit des eaux de drainage des aires de stockage qui, après avoir léché les fûts de déchets, se trouvent contaminées. C'est vers 1987 que l'ANDRA, face à la pression exercée par les écologistes, décide de se mettre en conformité en dirigeant ses effluents vers la COGEMA qui les évacue en mer par ses propres canalisations. 

suite:
     L'activité en tritium dans l'eau est certainement l'élément le plus marquant de cette pollution. La figure 1 retrace les valeurs des moyennes annuelles de ces 14 dernières années. Les valeurs mensuelles varient entre plusieurs centaines et plusieurs dizaines de milliers de Bq/l, avec une pointe record de 52.000 Bq/l en octobre 1982. A titre de référence, il est bon de rappeler que les eaux de surface continentales (en dehors des sites nucléaires présentent des teneurs en tritium inférieures à 1 Bq/l!) l'ANDRA, dans une note rédigée en septembre 1983, estime à partir de ces mesures que l'activité totale annuelle moyenne retrouvée dans le ruisseau de la Ste-Hélène est de 1.850 GBq/an (50 Ci/an). Pour une rivière où légalement on ne devrait rien trouver, ça fait quand même beaucoup!
     * Le tritium est issu de la fission (ternaire) de l'Uranium 235 au sein des réacteurs nucléaires. Il est rejeté en totalité dans l'environnement, tout particulièrement au niveau des installations de retraitement. 
     * GBq = GigaBequerel = 1 milliard de désintégrations par seconde. 
     La pollution radioactive n'est d'ailleurs pas la seule influence des installations nucléaires sur la Ste-Hélène: en 1988, une pollution chimique a provoqué la mort de nombreuses anguilles (voir Acronique n° 2).
Figure 1

Activité moyenne annuelle en tritium de l'eau de la Ste Hélène (en Bq/l)
mesures SCPRI

     A-2: SES SÉDIMENTS SONT CONTAMINÉS 
     Depuis 1987 l'ACRO a été en mesure d'opérer des contrôles dans l'environnement par des mesures fines en spectrométrie gamma. Les sédiments de la Ste-Hélène constituent un de ces points de surveillance. En effet les sédiments (tout particulièrement la fraction fine de nature argileuse) présentent la propriété de piéger fortement certains radionucléïdes tels le Césium (facteur de concentration +/-= 1000) ou le cobalt (facteur de concentration +/-= 3000). Cette remarque indique déjà que les résultats de mesures données par des laboratoires différents pourront varier en fonction de la méthodologie de chacun. Ainsi, l'activité, exprimée en Bq/kg, sera plus élevée dans des sédiments desséchés que dans des sédiments humides. De même celle activité sera encore plus forte dans des sédiments tamisés que dans des sédiments non tamisés.

p.27

     Néanmoins, les conditions étant précisées, ceci n'empêche nullement: a) de comparer les résultats de ces divers laboratoires et a fortiori, b) d'interpréter un suivi de valeurs obtenues par un laboratoire donné, sur un même point de prélèvement, respectant toujours un protocole identique.
     Ce suivi, mené par l'ACRO depuis octobre 1987 jusqu'à ce jour, est présenté dans le tableau 1:

Tableau 1
ACTIVITE DES SEDIMENTS DE LA STE HELENE (en Bq/kg) 
Point de prélèvement n°4 (voir annexe 1)


date
C137
C134
Rh106
Co60
24.10.87
690
9
ISD
60
30.04.88
3.100
36
ISD
14
14.06.89
70
traces
ISD
38
24.05.90
213
ISD
435
9
16.10.90
322
ISD
271
58
02.02.91
2.217
15
ISD
76
19.03.91
1.700
10
ISD
21
26.03.91
3.100
16
ISD
15
27.05.91
3.000
13
ISD
19
23.09.91
1.312
5
ISD
13
(ISD = Inférieur au Seuil de Détection - Résultats ACRO)

     Remarque: toutes les mesures sont exprimées ici pour des sédiments secs non tamisés. Aussi les mesures du 27/05/91, réalisés sur des sédiments tamisés dans le cadre du protocole d'intercomparaison ont été transformées en fonction de l'analyse granulométrique établie par INTECHMER dans le tableau ci-dessus afin d'y présenter une expression homogène des résultats et donc de permettre des comparaisons dans le temps.

Figure 2
Activité en cesium 137 dans les sédiments de la Ste Hélène (en Bq/l) - mesures ACRO

     Ces résultats d'analyse traduisent une contamination significative en divers radionucléïdes caractéristiques, issus du traitement. La pollution en Césium 137 est particulièrement forte. L'activité en Césium 134 apparaît grossièrement corrélée avec celle du Césium 137, mais ce n'est pas le cas pour le Rhodium 106 et le Cobalt 60; en effet la contamination des sédiments en Rh 106 n'est observée que durant l'année 1990 (avec parallèlement des valeurs plus élevées en Co 60) alors que les activités en Césiums de ces mêmes sédiments sont les plus "faibles". Cette discordance entre les Césiums, d'un côté, et le Rh 106 et le Co 60, de l'autre, pourrait indiquer que le point source de cette pollution a varié au cours du temps. 

suite:
     Parmi ces produits de fission, les teneurs en Césium 137 sont de loin les plus élevées mais en outre présentent d'importantes fluctuations au cours du temps (figure 2). Les différents laboratoires trouvent en général des valeurs de l'ordre de 100 à 300 Bq/kg à des points de prélèvements différents. C'est également notre cas pour les prélèvements de 1989-1990, mais au printemps 88 et en début d'année 91, nous observons des valeurs 10 fois plus fortes au même point de prélèvement. Il est à noter qu'au printemps 87, le L.D.A. indique des valeurs 4 fois plus élevées que pour le reste de cette année-là. Il faut dire que ces résultats nous ont tout d'abord surpris: nous nous attendions en effet, à cette époque de forte pluviosité, à des valeurs diminuées par phénomène de lessivage et dilution. 

B - L'occasion pour un essai inter-laboratoires
     Lorsqu'en février 91 nous avons constaté cette élévation importante de l'activité en Césium 137 dans les sédiments, nous avons d'abord voulu reproduire ce résultat, lequel a été confirmé par deux nouveaux prélèvements effectués au cours du mois de mars. Dès lors nous avons prévenu la mairie de DIGULLEVILLE et le bureau du District. Nous avons également porté l'affaire devant la Commission d'Information HAGUE. Le débat a très vite tourné autour des techniques de prélèvement et des méthodologies différentes selon les laboratoires. L'ACRO a alors réclamé la constitution d'un groupe de travail chargé d'enquêter et de rapporter devant la commission. 
     Ce groupe de travail s'est fixé un double objectif:
     1°) vérifier les propos de l'ACRO (et également du LDA qui, par la suite, a aussi mis en évidence une radioactivité anormale) en essayant en plus d'établir une cartographie de la contamination des sédiments de la Ste-Hélène en Césium 137, 
     2°) établir un protocole rigoureux de prélèvement et d'échantillonnage et faire faire les mesures par 4 laboratoires: le SCPRI, le SPR-COGEMA, le LDA et l'ACRO. 
     Le groupe de travail s'est rendu sur les lieux le 27 mai en compagnie de scientifiques de l'Institut INTECHMER et de responsables du laboratoire LDA. Il a été choisi d'effectuer 7 prélèvements en des endroits différents (voir schémas en Annexe 1). Ces prélèvements ont été confiés à INTECHMER qui a procédé à une analyse granulométrique, les a tamisés et desséchés. La fraction inférieure à 200 µm est adressée aux différents laboratoires (schéma ci-dessous):

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ANNEXE 1
figure 1

Conditions de prélèvement:
- Temps sec 
- Indications du débitmètre: - Hauteur: 8; - Débit : 4.5 m3/h
     1. sentier d'accès au ruisseau St Hélène à 2 m du bord de l'eau: terre sableuse dont le grain est plus gros que celui d'un sable de rivière (2.070 Bq/Kg sec en césium 137 le 14 mai 1991; laboratoire départemental d'analyses). 
     2. sédiments sous 10 cm d'eau juste en aval du déversoir du bassin en ciment (1.100 Bq/Kg sec en césium 137, 1e7 mai 1991; LDA) - Pas de nouveau prélèvement le 27 mai.
     3. sédiments au fond de l'eau à 8 m du déversoir (115 Bq/Kg sec en césium 137 le 7 mai 1991; LDA). 
     4. terre et sédiments  au bord de l'eau (3.100 Bq/Kg sec en césium le 26 mars 1991; ACRO). 
     5. terre sableuse imprégnée par un ruissellement le long de la pente dallée.      6. lichens et croûtes de vase séchés, sur pente dallée. 
     Autres prélèvements:
     7. la Brasserie: sédiments sous 5 cm d'eau dans une petite cuvette située à 1 m de la cascade, sur sa rive gauche (100 Bq/Kg sec en césium 137 1e 7 mai 1991; LDA). 
     8. l'Etang paysan: sédiments prélevés dans un coude de la Ste Hélène (correspondant approximativcment aux 2/3 de son parcours entre le déversoir et la mer).

Les tableaux IIa, IIb et IIc ci-après traduisent comparativement les résultats d'analyse de chaque laboratoire (exprimés en Bq/kg de sédiments secs tamisés à 200 µm). 
     Les blancs dans les colonnes "SCPRI" soulignent l'attitude inqualifiable de cet organisme qui n'a même pas daigné répondre à la Commission HAGUE. Le LDA quant à lui a dû se limiter à la mesure du Césium 137; son appareillage (différent du nôtre) lui permet difficilement de détecter le Césium 134. L'intercomparaison peut cependant être établie dans son intégralité entre le SPR-COGEMA et l'ACRO.

Tableau II a
RESULTATS DE L'INTERCOMPARAISON MESURE DU CESIUM 137

échantillon
SPR lot 1
LDA lot 2
ACRO lot 2
SCPRI lot 1
moyenne
écart type (%)
1
240
277
271
 
262,7
19,9 (7,6%)
3
570
524
570
 
554,7
26,6 (4,8%)
4
3/900
3.832
4.480
 
4.070,7
356,1 (8,7%)
5
280
273
317
 
290,0
23,6 (8,1%)
6
620
615
708
 
647,7
52,3 (8,1%)
7
1.400
1.316
1.353
 
1.356,3
42,1 (3,1%)
8
54
56
54
 
54,7
1,2 (2,2%)
suite:
Tableau IIb
RESULTATS DE L'INTERCOMPARAISON MESURE DU CESIUM 134.
échantillon
SPR lot 1
LDA lot 2
ACRO lot 2
SCPRI lot 1
moyenne
écart type (%)
1
ISD
-
ISD
 
0,0
0,0
3
4,3
-
ISD
 
2,2
3,0
4
18
-
18,5
 
18,3
0,4
5
ISD
-
ISD
 
0,0
0,0
6
3,7
-
3,5
 
3,6
0,1
7
6,8
-
6,6
 
6,7
0,1
8
ISD
-
ISD
 
0,0
0,0
 (ISD = inférieur au seuil de détection)
Tableau IIc
RESULTATS DE LïNTERCOMPARAISON MESURE DU COBALT 60
échantillon
SPR lot 1
LDA lot 2
ACRO lot 2
SCPRI lot 1
moyenne
écart type (%)
1
13
-
6,0
 
9,5
4,9
3
28
-
26,6
 
27,3
1,0
4
22
-
21,5
 
21,8
0,4
5
19
-
21,5
 
20,3
1,8
6
2,3
-
4,4
 
3,4
1,5
7
16
-
15
 
15,5
0,7
8
ISD
-
ISD
 
0,0
0,0
(ISD = inférieur au seuil de détection)

     Sur le plan analytique, tout d'abord, l'ACRO et le SPR-COGEMA ont détecté les mêmes isotopes radioactifs artificiels, à savoir le Césium 137, le Césium 134 et le Cobalt 60.
     Sur le plan quantitatif et concernant le Césium 137, les activités s'échelonnent entre 50 et 4.000 Bq/kg. Dans cette gamme relativement large, les résultats, présentés par les 3 laboratoires, sont tout à fait concordants (ce qui peut s'apprécier par la faiblesse de l'écart-type qui est ici toujours inférieur à 9%). Il est bon de rappeler, pour le lecteur non averti, qu'une mesure d'activité en spectrométrie gamma est rendue avec une marge d'erreur voisine de 10%, voire 20% et plus pour les activités de l'ordre du Bq/kg à quelques dizaines de Bq/kg.
    Concernant le Césium 134 et le Cobalt 60 l'intercomparaison entre l'ACRO et le SPR-COGEMA est ici remarquable puisque tous les résultats sont du domaine d'activité faible et donc de marge d'erreur forte.
     Une représentation graphique, sous forme d'histogrammes établis par la Commission HAGUE, est apportée à la fin du document.
     Comme tout laboratoire d'analyse, l'ACRO se doit de répondre à "l'exigence de qualité". Les essais inter-laboratoires constituent une sorte d'instrument de mesure de cette qualité. Nous espérons que chacun prendra acte de ces résultats. Pour nous ils valident les compétences de notre laboratoire. Nous sommes prêts à le renouveler à tout moment.

p.29

C - Y a-t-il une augmentation anormale de la pollution radioactive de la Ste-Hélène?
     Au-delà de l'expérience d'intercomparaison, les résultats obtenus sont fort intéressants quant au débat de fond.
     Rappelons les faits.
     Le ruisseau de la Ste-Hélène a été fortement contaminé dans le passé entre autres par les rejets des eaux de drainage du Centre de stockage des déchets (aujourd'hui CSM). Tout ceci dans la plus parfaite illégalité, soulignons-le, car il n'y a jamais eu "d'autorisation de rejets" dans ce cours d'eau. Cette situation n'est pas imputable seulement à l'ANDRA. Rappelons en effet que la gestion de ce site était autrefois confiée à INFRATOME, une société à statut privé, et qu'à cette époque la population n'avait strictement aucun droit de regard sur ce qui se tramait à l'intérieur du site. L'ANDRA a poursuivi cette pratique jusqu'en 1987, date à laquelle ces effluents sont détournés vers COGEMA qui les évacue en mer par son propre réseau. Ceci nous a été exposé par M. NORAZ, directeur du CSM, lorsque nous l'avons rencontré en avril 91. Il n'y aurait donc plus aucun rejet dans la Ste-Hélène ... Nous ne mettons pas en doute la parole de M. NORAZ, ce d'autant plus que la contamination en tritium a nettement diminué en 88 et 90. Néanmoins cette pollution, même réduite, se poursuit encore aujourd'hui et pour des valeurs non négligeables de l'ordre de plusieurs centaines de Bq/l. 
     Concernant les sédiments nous devrions donc voir cette contamination en produits de fission (et tout particulièrement en Césium) diminuer progressivement au cours du temps depuis 88. Mais au début de l'année 91, l'ACRO observe une augmentation par un facteur 10 de l'activité en Césium dans ces sédiments. Comment l'expliquer?
     Les discussions au sein du groupe de travail de la Commission HAGUE ont souligné la difficulté d'interprétation de tels résultats: les taux mesurés peuvent varier suivant la manière d'effectuer le prélèvement, en fonction du point de prélèvement, selon la nature et la granulométrie du matériau prélevé, etc. Tout ceci est profondément exact, et il est vrai que si nous pouvions mesurer les taux en Aluminium, puis exprimer le rapport Césium/Aluminium, nous aurions alors un renseignement important pour cette interprétation: l'Aluminium est un constituant de l'argile, la fraction la plus fine des sédiments, qui capte le plus fortement les radionucléïdes tels le Césium. 
     Il n'en demeure pas moins qu'il subsiste une forte présomption pour ne pas dire une conviction, et qui repose sur des faits précis:
     1°) il ne s'agit pas d'une mesure ponctuelle de notre laboratoire, mais d'une série de 5 mesures effectuées en l'espace de quelques mois et qui toutes démontrent cette augmentation de pollution par le Césium,
     2°) ne sont exprimées dans le Tableau 1 que les mesures des prélèvements effectués par la même personne, au même endroit (point n°4, Annexe 1) et toujours suivant le même protocole de traitement, 
suite:
     3°) à la suite des déclarations de l'ACRO, au printemps 91, le LDA a confirmé cette situation anormale, au mois de mai, en annonçant des taux de Césium 137 de 1.100 Bq/kg (point n°2, Annexe 1) et de 2.070 Bq/kg (point n°l, Annexe 1) sur des sédiments tamisés. (Cette dernière mesure est d'autant plus surprenante qu'il s'agit là du chemin d'accès au ruisseau et que le matériau est plutôt de nature sableuse provenant certainement d'un apport extérieur effectué lors des travaux de remodélisation de cette partie du site; des sables apparemment identiques aux points 9 et 10 (Annexe 1) ne présentent aucune trace de contamination...), 
     4°) tous les laboratoires ont confirmé, le 27 mai 91 lors de l'intercomparaison, les résultats obtenus par l'ACRO, avec une valeur moyenne de 4.000 Bq/kg de Césium 137 (point n°4, Annexe 1), 
     5°) à la Brasserie (point n°7, Annexe 1), à 1 km du déversoir, les mesures des différents laboratoires concordent sur une valeur moyenne de 1.350 Bq/kg de Césium 137. Cet endroit est le point de contrôle habituel du LDA et du SPR-COGEMA. Ces deux laboratoires trouvent généralement des valeurs de l'ordre de 100 à 150 Bq/kg. Il y a donc là encore, le 27 mai 91, une augmentation de la contamination en Césium par un facteur 10. 

D - Quelle est l'origine de cette pollution radioactive?
     C'est bien évidemment des sites nucléaires (COGEMA et/ou ANDRA) situés en amont que provient cette pollution radioactive tant de l'eau que des sédiments.
     Tant dans les mesures du suivi de l'ACRO (tableau 1) que dans les mesures effectuées dans le cadre de l'intercomparaison (tableaux IIa à IIc) nous avons vu qu'il existait une bonne corrélation entre les activités en Césium 134 et Césium 137. Le rapport moyen Cs 137/Cs 134 est ici approximativement de 200. Ceci indique que le terme source de cette pollution correspond à un incident/accident ancien ou, en tout cas, à des déchets anciens issus du retraitement.  En effet dans le combustible frais retraité (datant de 3 ou 4 ans), ce rapport Cs 137/Cs 134 est compris entre 2 et 10 (cette évolution s'expliquant par la différence entre les deux périodes, respectivement de 30 ans pour le Cs 137 et de 2,2 ans pour le Cs 134). Mais cependant, toute importante que soit cette information, celle-ci ne renseigne en rien sur le moment où cette pollution a migré vers la Ste-Hélène.
     Ceci étant dit, que s'est-il passé récemment en 1991 et d'où pourrait provenir cette augmentation de la contamination en Césium, par un facteur 10, découverte par l'ACRO?
     Trois hypothèses peuvent être évoquées:
     1°) Notre laboratoire aurait prélevé, au début 91, des sédiments plus profonds, donc plus anciens et vraisemblablement plus contaminés. L'augmentation serait donc artéfactuelle et uniquement liée à la technique de prélèvement. Cet argument nous semble difficilement recevable. D'abord la personne qui prélève est la même et elle s'efforce de toujours effectuer les mêmes gestes pour collecter la partie superficielle correspondant aux sédiments les plus récents. Ensuite, la reproductibilité des mesures effectuées sur plusieurs mois, en 1991, va à l'encontre d'une telle hypothèse qui, si elle était exacte, conduirait à des résultats de mesures "en dent de scie" (forte variabilité d'une valeur à l'autre).

p.30

     2°) Le terrain de la COGEMA serait contaminé ou souillé par des déchets non confinés. Des restructurations ou des bouleversements de terrains auraient permis, lors de fortes pluies, que cette pollution soit alors canalisée vers le bassin d'orage.
     En réalité le site a été modifié au point que le réseau hydrographique est aujourd'hui largement détruit. Les sources du Hauts-Marais n'existeraient pratiquement plus et c'est, de fait, essentiellement le bassin d'orage qui alimenterait la Ste-Hélène. La COGEMA peut, elle, répondre à une telle hypothèse car elle surveille en continu ce bassin d'orage depuis plus de deux ans. Les dernières déclarations de l'exploitant indiquent que l'activité de l'eau ne dépasse jamais 4 Bq/kg en radioéléments artificiels. Nous enregistrons, même si l'historique de la politique d'information sur le sile devrait nous inciter à plus de réserve. Cependant la mesure (1.100 Bq/kg) effectuée par le LDA, le 7 mai 91, juste au niveau du réservoir (point n°2, Annexe 1) va dans le sens d'une telle hypothèse. 
     3°) Nous venons de vivre plusieurs années de sécheresse. Il est possible de cette situation ait provoqué de multiplcs petites fracturations dans le sol, voire même en profondeur, constituant ainsi des chemins de migrations accélérées d'eau chargée de particules fines en suspension et qui concentrent très fortementies radionucléïdcs tels le Césium. 
     Tout naturellement, étant donné la topographie du terrain, ces eaux migrent vers le ruisseau de la Ste- Hélène. 
     Celle hypothèse nous semble plausible au regard de plusieurs éléments:
     - la mise en évidence par le LDA, le 14 mai 91, d'une forte contamination du chemin d'accès avec 2070 Bq/kg en Césium 137 au point n° 1 (Annexe 1), 
     - l'existence de ruissellements sortant du sous-sol forme de petites résurgences au point n° 5 (Annexe 1). Des prélèvements ont été effectués par l'ACRO et lors de l'intercomparaison conduisant aux résultats indiqués dans le tableau suivant:
Activités en radioéléments artificiels au point n°5 (en Bq/kg)


date
C137
C134
Co60
27.05.91
317
ISD
21,5
23.09.91
325,5
1,5
29,3

     Il est à souligner que ce point de prélèvement se situe à un niveau très élevé (2 à 3 m au-dessus du niveau de l'eau) et que par conséquent il n'a pas pu être pollué par la Ste-Hélène. Il s'agit là d'un mélange de sable et de terre végétale. On ne devrait donc pas y trouver plus que le maximum que l'on trouve dans la terre surfacique de la région, soit 20 à 30 Bq/kg.

suite:
     Cette contamination semble donc provenir de ces infiltrations souterraines issues des sites COGEMA et/ou ANDRA. Il n'est pas impossible d'ailleurs que ce terme source varie au gré des fracturations, ce qui expliquerait la présence de Rhodium 106, en quantité non négligeable, dans les prélèvements de 1990 et son absence dans ceux de 1991.
     En définitive, quelque soit l'origine précise de celle augmentation de la pollution radioactive, ceci a tout lieu de nous inquiéter. Une partie du domaine public est contaminée en toute irrégularité, la radioactivité n'est plus confinée sur le site nucléaire
     Si cette pollution provient du site COGEMA, c'est inquiétant car cela signifie que son terrain est contaminé ou que, plus préoccupant, des déchets y sont entassés de manière non confinée, donc non contrôlable. Si elle provient du site ANDRA, alors l'affaire est grave. Ce site reçoit en effet ses derniers "colis" et va entamer une période de confinement pour 3 siècles. Si ce Centre de stockage fuit dès le début, que se passera-t-il dans les décennies à venir? Quel héritage pour les générations futures?
     Pour notre part nous considérons que l'enquête doit être poursuivie afin de dépasser le stade des hypothèses et de rechercher d'éventuelles solutions. Ceci rentre tout à fait dans les prérogatives de la Commission HAGUE qui a pour mission non seulement d'informer, mais également de mener des investigations nécessaires afin que l'exploitant ne soit pas la seule source de celle information. Par ailleurs, pour une information réellement plurielle, nous pensons que des laboratoires indépendants qui, comme le nôtre, bénéficient d'une réelle audience au sein de la population de notre région, devraient disposer d'un libre accès au site afin de pouvoir exercer pleinement leur rôle. Cela implique que la COGEMA et l'ANDRA veulent effectivement pratiquer la "transparence". Reconnaissons qu'à une occasion, la chose a été permise sur le site ANDRA. 
     Enfin, avant de conclure provisoirement ce dossier "Ste Hélène", nous voulons souligner deux éléments. 
     Avant tout, l'ACRO reconnaît qu'au cours de l'essai interlaboratoires la COGEMA a "joué correctement le jeu", sans y mettre aucune entrave et allant même jusqu'à fournir du matériel nécessaire. Nous en prenons acte. Mais à l'inverse, la COGEMA nous ayant porté publiquement préjudice en avril 91, mettant en doute nos mesures et sous-entendant que l'on voulait se faire "un coup de pub", nous demandons réparation en terme d'excuses également publiques. 
ACRO
Le 19 janvier 1992
p.31
DERNIERE MINUTE (25-1-92)
     L'ACRO vient d'effectuer, le 23 janvier 92, un nouveau prélèvement de sédiments dans la Ste-Hélène (point de contrôle n°4). La valeur obtenue pour le Césium 137 (385 Bq/kg) rejoint les valeurs de contamination de base que nous obtenions avant février 91. Ceci ne peut que nous conforter dans notre conviction qu'il y a eu, durant le premier semestre 91, pollution accidentelle de la rivière à partir d'un des sites nucléaires COGEMA ou ANDRA. Le point de contrôle n°5 indique une contamination stagnante (voir page "ADDENDUM"). 
DERNIERE MINUTE (bis) (27-1-92)
     La COGEMA a été auditionnée le 27 janvier devant la Commission d'Information de la Hague. Suite aux déclarations de l'ACRO et au travail d'investigation de la Commission Hague (auquel le SPR-COGEMA a participé) confirmant les résultats de notre laboratoire, COGEMA a engagé une recherche d'un éventuel point source de cette pollution en quadrillant, par de nombreux prélèvements, toute la zone Nord-Est du site. 
     Ce point source a été découvert: il s'agit d'une ancienne canalisation située au sein de la double clôture du Centre de Retraitement. Celle canalisation, en fibrociment, véhiculait les eaux de drainage du Centre de Stockage (ANDRA) vers la Ste Hélène. Après l'abandon des rejets, en 1987, ce tuyau, particulièrement "poreux", est demeuré sur place, mais également la terre fortement contaminées qui l'entoure. 
     Il y a donc reconnaissance implicite d'une pollution accidentelle du domaine public? Cette source de pollution, correspondant à des déchets actuellement non confinés, s'infiltre dans le sol, gravite naturellement vers la Ste-Hélène et resurgit aux environs du point n°5. Cela correspond donc largement à la 3e hypothèse évoquée précédemment, laquelle paraissait la plus plausible pour l'ACRO. 
     COGEMA a annoncé qu'elle entreprendra des travaux pour reprendre celle canalisation, ôter et confiner la terre contaminée et enfin rétablir un nouveau réseau de drainage des eaux vers un point qui sera contrôlé. 

Quelques publications à connaître pour être informé
CALYPSO LOG
publication de l'équipe Cousteau
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233 rue du faubourg Saint Honoré 75405 Paris cedex 08
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INFO URANIUM
publication du Réseau Uranium 7 rue de l'Auvergne 12000 Rodez tel: 65 42 20 07
Sommaire du N°54:
- Bulletin Info mode d'emploi
- Adhésion au réseau Uranium
- Les mines d'Uranium en France
- Déchets radioactifs
- Page action-envlronnement
- presse documentatio
- Uranium:axction CRIIRAD
- titres miniers
Lisez cette revue très bien documentée sur les mines et les déchets. Elle complète nos Informations et a du mal à vivre. abonnement 70 F par an
GOLFECH MAGAZINE
publication de la commission locale d'information auprès de la centale de Golfech
Secrétariat du CLI  Hôtel du département  BP783  82013  Montauban cedex
N° de Décembre 1991: Golfech 1er Bilan Hors série n° 3, dossier: Les filtres à sable
DAMOCLES
revue bimestrielle de réflexion et d'échanges sur la paix, les conflits et la sécurité nucléaire
BP 1027 69201 LYON Cedex 01 tel: 78369303
N°10 janvier 1992:
Guide des forces nucléaires françaises Hors série 1991
Les essais nucléaires français 1960-1988 (actualisé en 1991)
cette revue est très bien documentée et donne d'excellents dossiers sur un sujet mal connu, les armements. N'hésitez pas à les consulter car ce problème nous concerne et souvent les interventions semblent difficiles par manque d'Informations
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Des articles de fond sur l'écologie. De la forêt au nucléaire en passant par les pommes qui font aussi parti de notre patrimoine. Vive la reinette croquante.
Le CRI DU RAD
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