Les déchets nucléaires
ont récemment fait irruption dans le dossier de l'énergie
nucléaire d'ou ils avaient été soigneusement exclus.
Le recyclage des déchets dans le domaine public soulève le
problème des normes d'acceptabilité. On trouve le
même problème tout au long du cycle de l'énergie nucléaire:
normes de radioprotection des travailleurs et du public, normes de rejet des effluents radioactifs des centrales, limites d'intervention (évacuation, confinement) et de contamination radioactive des aliments en cas d'accident grave, contamination des sols acceptable pour l'agriculture et l'habitat dans les gestions post-accidentelles... Dans tous les cas le problème fondamental est le même: il s'agit d'établir des normes d'acceptabilité c'est-à-dire de fixer des limites en-dessous desquelles les situations sont déclarées acceptables. S'il faut limiter les niveaux de radioactivité c'est parce que le rayonnement n'est pas inoffensif. Dans tous les cas que nous avons envisagés précédemment il s'agit de niveaux de rayonnement relativement bas mais qui vont affecter un très grand nombre de personnes d'une façon chronique durant toute leur vie. Quant aux générations futures elles pourront être marquées par la radioactivité «acceptée» bien avant leur venue au monde. Les effets biologiques de ces faibles doses de rayonnement sont essentiellement des effets différés: effets cancérigènes, effets genétiques. Le rayonnement peut aussi perturber le développement des foetus et conduire à des retards moteurs et mentaux chez les enfants qui naîtront. Nous traiterons surtout ici des effets cancérigènes du rayonnement non pas parce que les effets génétiques sont négligeables mais parce qu'en ce domaine les données sont mal connues. Il est bien évident que ce pourrait être la composante majeure du détriment causé par le rayonnement, celui-ci affectant le patrimoine génétique des générations à venir. La notion de seuil et la démocratie
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Le problème du seuil est donc le question clé de tout le dossier nucléaire C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner
si la controverse qui a lieu parmi les experts depuis une quinzaine d'années
se ramène finalement à ce problème de seuil d'une
façon explicite ou détournée. On voit bien que dans
cette polémique l'enjeu est tel que le débat ne peut avoir
la courtoisie d'une discussion académique.
Quelle est la situation réelle?:
p.9
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Voici quelques extraits des dernières
recommandations adoptées en novembre 1990 par la CIPR (publication
CIPR 60):
«On doit supposer que même de petites doses de rayonnement peuvent produire des effets nocifs sur la santé. Puisqu'il y a des seuils pour les effets déterministes il est possible de les éviter en limitant les doses reçues par les individus. Par contre les effets stochastiques cancers et effets génétiques ne peuvent être complètement évités car pour eux on ne peut invoquer l'existence d'un seuil» (article 100) «Les mécanismes de défense ne sont probablement pas totalement efficaces même aux faibles doses, aussi, il est improbable qu'ils engendrent un seuil dans la relation dose/réponse» (article 62) L'établissement des normes
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4) L'usage que les décideurs font des normes (qu'ils soient scientifiques, politiques ou autres) et qu'ils décrètent sans explication, est parfaitement erroné. Les normes qu'ils déclarent acceptables sont plus destinées à protéger certaines pratiques économiques et industrielles, voire médicales, qu'à protéger la santé des populations. 5) Enfm le rayonnement naturel ne peut etre utilisé comme référence d'inocuité pour les niveaux de rayonnement que l'on veut imposer aux populations. L'importance des effets cancérigènes
du rayonnement
En conclusion
26 mai1992
p.10
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Si 1 million de personnes reçoivent 1 rem (10 millisievert), quel sera le nombre de cancers mortels radioinduits? La réponse dépend de l'institution qui effectue l'estimation! CIPR-26 (1977)
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ÉVOLUTION DES NORMES
Pour les travailleurs 1950 15 rem/an 1956 5 rem/an 1990 2 rem/an (20 mSv/an) Pour la population 1985 0,1 rem/an (1 mSv/an) Nota : En France la règlementation fixe les limites annuelles à 5 rem (50 mSv) pour les travailleurs et à 0,5 rem 15 mSv) pour la population. La règlementation française ne respecte pas les recommandations de la CIPR. CIPR: Commission Internationale de Protection Radiologique UNSCEAR : Comité scientifique des Nations Unies pour les effets des rayonnements atomiques BEIR: Comité de l'Académie des Sciences des Etats-Unis pour l'étude des effets biologiques du rayonnement ionisant RERF : Fondation américano-japonaise pour l'étude du suivi des survivants japonais des bombes atomiques. (La valeur indiquée correspond aux résultats bruts, avant l'utilisation des coefficients de réduction) MSK : Mancuso, Stewart et Kneale. Equipe de chercheurs ayant étudié la mortalité par cancers parmi les travailleurs de l'usine nucléaire américaine de Hanford. (La valeur indiquée a été calculée à partir de la dose de doublement MSK, Gazette no 90/91). NRPB : National Radiological Protection Board (Agence Nationale de Protection Radiologique du Royaume Uni). D'après le suivi de mortalité effectué sur les travailleurs de l'industrie nucléaire du Royaume Uni (Gazette no 117/118). (suite)
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Le transport des déchets nucléaires La France est le pays le plus nucléarisé
au monde avec 56 centrales nucléaires en fonctionnement, situées
sur 20 sites. 80% de notre électricité est d'origine nucléaire.
Selon les pays, les "solutions" au problème
des déchets nucléaires sont différentes:
Le transport des déchets nucléaires à
travers la France
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Les transports de déchets irradiés en France provenant d'Allemagne
ou de Suisse traversent des villes comme Mulhouse, Strasbourg, Metz, Charleville-Mézière,
Aulnoye, Lille, et enfin Dunkerque avant de rejoindre l'Angleterre. Ce
type de transport est extrêmement dangereux pour la population et
l'environnement.
Le transport des déchets radioactifs par le
ferry Nord Pas de Calais à Dunkerque
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Les substances radioactives se dispersent selon les conditions atmosphériques. L'incendie peut entraîner la formation d'un panache radioactif dans l'atmosphère contaminant tout l'environnement, sol, végétation, constructions,... comme à Tchernobyl. 2. Toujours selon les normes de l'AIEA, le château doit résister à une pression hydrostatique de 200 mètres pendant une heure. Rien ne précise comment le combustible est récupéré à une telle profondeur en si peu de temps. Les essais définis par l'AIEA ne simulent pas des accidents particuliers. Selon le rapport du cabinet d'expertise indépendant - Large et associés - ces essais exigent simplement que le château satisfasse à une série de conditions physiques dont l'AIEA pense qu'elles sont représentatives des conditions les plus sévères qui pourraient se présenter en cas d'accident réel. Quelles que soient les spécificités techniques des châteaux, l'histoire des accidents démontre toujours la présence d'une erreur humaine. Il est par ailleurs impossible de construire un bateau supprimant tout risque potentiel, ou un conteneur parfait. Aucune technique n'est exemplaire et le risque est toujours présent. Par exemple, la NASA avait évalué à une chance sur un million le risque d'un échec au départ d'une navette spatiale; en 1986, l'échec malheureux de Challenger, démontra que ce risque était de 1 sur 27! Les accidents découlent d'un enchaînement imprévisible de plusieurs événements dont chacun, isolément, est insuffisant pour provoquer l'accident. Il y a le risque de collision. Le ferry Nord Pas de Calais circule dans une zone au trafic très dense : 420.000 bateaux passent chaque année en mer du Nord, incluant la Manche. Ainsi, le 25 octobre 1984, le Mont Louis entre en collision avec un ferry et coule avec 30 fûts d'hexafluorure d'uranium à bord. Les accidents de ferry, avec ou sans collision, n'ont aucun caractère exceptionnel. Rappelons par exemple celui de deux ferries dans le port de Harwich et dans le port de Calais en 1982, celui du "Norland" en 1985, du Olau Brittania en 1987, la tragédie du Herald of Free Enterprise en 1987, ou du Reine Mathilde qui prit feu le 11 avril 1990. Il y a aussi le risque lié aux tempêtes: le 8 février 1990, le Nord Pas de Calais traverse la Manche en pleine tempête avec 4,5 tonnes de combustibles nucléaires irradiés provenant de la centrale nucléaire de Goesgen en Suisse. Arrivé à Douvres, il doit attendre plusieurs heures avant d'accoster, à cause du mauvais temps. Une résolution votée par le Parlement Européen le 25 Octobre 1990 demande que le combustible irradié à bord de navires comme les ferries soit interdit. A cause des risques sous-estimés et inutiles du transport de combustible nucléaire irradié par des bateaux non adaptés, tous les ports européens, les uns après les autres, refusent ce type de transport. Sauf le port de Dunkerque. Ce que demande Greenpeace: Le 14 juin 1990 un bateau de Greenpeace
a retardé pendant 12 heures le départ du ferry Nord Pas
de Calais. Les revendications de Greenpeace sont les suivantes.
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Cette fois c'est le bouquet. La
division minière de la Crouzille pourrait finir sa carrière
en beauté en accueillant un nouveau type de stockage de déchets
radioactifs, comme si 40 ans d'exploitation de l'uranium n'en avait pas
laissé assez.
Remarquez, voici à grandes touches le tableau des sites miniers limousins fin 1992: - 24 millions de tonnes de résidus de traitement de l'uranium. On enlève au minerai 90 % de son uranium, on le "traite" chimiquement et il reste des boues rouges inutilisables, contenant les produits chimiques et les descendants de l'uranium, en particulier les très radiotoxiques radium 226 et thorium 230 (ayant perdu la moitié de leur activité respectivement en 1.600 et 80.000 ans). Ces boues, quand elles ne sont pas utilisées pour reboucher d'anciennes mines (un million de tonnes ont été ainsi employées en Limousin. Où ? Mystère), sont stockées dans des grandes fosses plus ou moins étanches. Qui va boire l'eau qui traversera tôt ou tard ces stockages, se chargeant ainsi de radio-éléments ? Où ira se nicher le radon (gaz radioactif généré par le radium)? Tout cela représente, tenez-vous bien, environ 20 tonnes de déchets radioactifs par habitant du Limousin. Tout cela représente 27 fois le seuil "d'activité" requis par la loi pour la déclaration en installation nucléaire de base (ce qui n'a évidemment pas été fait). - Des déchets illicites venus d'ailleurs. 1 million et quelques de résidus de traitement provenant du Bouchet enfouis dans des stériles, 18.000 fûts de déchets uranifères enrichis en U 235, 176.000 fûts écrasés ayant contenu des matières radioactives... Cela pour la version officielle. - Des manipulations de matières radioactives hautement toxiques, avec une désinvolture inouïe vis-à-vis des réglementations en cours. Le plus bel exemple en est l'installation d'un laboratoire à Razès, utilisant des sources non scellées, d'une activité totale d'environ 700 curies (à partir de 100 curies, on doit éclarer une installation nucléaire de base). A-t-on prévenu les gens qui travaillaient autour de ces sources qu'ils risquaient d'être des "travailleurs sous rayonnement"? La peinture sera plus affinée dans quelques mois, lorsque l'expertise de la CRII-Rad nous donnera une idée des conséquences radiologiques des pollutions commises sur ces sites miniers. Mais, le laboratoire aura-t-il les mains libres pour mener à bien sa tâche et les moyens suffisants pour examiner tous les problèmes posés? L'action difficile des quelques associations qui se battent sur place saura-t-elle résister à toutes les pressions? Le tableau pourra-t-il jamais être complet? Quelles seront les conséquences de tout cela? Prix à payer en terme de santé, de désertification de la région, prix à payer tout court par les communes et les limousins? Tout cela dépend de nos exigences. Si nous voulons des critères de sécurité "maximum", le prix des réhabilitations pourrait bien être exhorbitant (et puis nous n'avons pas, comme les américains, de désert où transporter ces résidus radioactifs afin qu'ils ne polluent que du sable). Si par contre nous acceptons des réhabilitations au rabais, qui estimera le risque sanitaire induit et qui pourra prouver que son cancer est la conséquence d'un environnement pollué par la radioactivité? (suite)
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Il se pourrait bien que l'on s'achemine vers la définition d'une "zone de sacrifice national" comme le proposaient si joliment, il y a quelques mois, les militaires américains à propos des sites de stockage de déchets radioactifs. Ce n'est donc qu'à grands coups de pinceau que l'on peut peindre la situation, mais même si l'image n'est pas précise, l'atmosphère est là, bien sombre, à qui veut la regarder en face. Par contre, si comme les industriels le font croire aux élus à coups de voyages touristiques à Cadarache, tout cela n'est que maladie hypocondriaque, pourquoi ne pas compléter? C'est ainsi que Cogema nous propose, avec la bonhomie de celui qui va créer quelques emplois (à compter sur les doigts d'une main): - une installation de traitement aux fins de recyclage de produits issus des essais de mise au point d'un procédé d'enrichissement de l'uranium non proliférant, par voie chimique, effectué par le CEA à Pierrelatte. Ces 35 tonnes de matériaux contiennent du mercure (170 kg) et de l'uranium naturel. La totalité du mercure sera extraite... Une partie de l'uranium (330kg) sera récupérée. - Un stockage de concentré d'uranium (Yellow-cake) pour une capacité de 10.000 tonnes d'uranium. Ces concentrés sont actuellement répartis sur plusieurs sites (lesquels?). Ils seraient donc rassemblés à Bessines en attente d'utilisation par l'industrie nucléaire. - Un stockage d'uranium appauvri : 200.000 tonnes en capacité. Après enrichissement de l'uranium en U 235 à l'usine Eurodif du Tricastin, il reste de l'U 238 (l'U appauvri) conditionné sous forme d'oxyde "stable". Il pourrait être un jour réutilisé par de "nouveaux procédés d'enrichissement par laser". La Cogema ne sait pas où stocker les centaines de milliers de tonnes d'uranium appauvri qu'elle possède depuis que la population d'Istres (Bouches-du-Rhône) a refusé l'implantation du stockage chez elle. La Cogema espère donc que la population de la Haute-Vienne sera plus conciliante. - Un stockage de concentré de thorium de 2.245 tonnes, sous forme de nitrate de thorium conditionné en fûts de 110 et 220 litres (21700 fûts). Ces fûts sont actuellement entreposés à Cadarache (Bouches-du-Rhône). On étudie la possibilité de stabiliser ce produit afin de pouvoir procéder à un reconditionnement permettant d'améliorer les conditions de stockage (ne seraient-elles pas satisfaisantes?). Si ces études aboutissent, il pourrait être envisagé d'assurer des services de traitement du thorium pour des clients extérieurs à Cogema. - Et puis, complètement incidemment, à la télévision du soir, nous apprenons que l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) avait testé des sondes à Pény (commune de Compreignac) courant décembre 1992. Dans quel but, nous n'en saurons rien, mais toutes les inquiétudes sont permises. C'est au 17e siècle qu'un noble parisien, se plaignant à un ami de nombreux malheurs, s'entendit consoler ainsi : "Oh monsieur, songez que cela pouvait être pire, vous auriez pu naître limousin!" Continuerait-on à prendre les limousins pour des demeurés au 20e siècle? p.13
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