CAPRA (Consommation Accrue de Plutonium dans les Rapides), ainsi s'intitule le projet lancé par le Commissariat à l'énergie Atomique pour résoudre les problèmes posés par la fin du cycle des réacteurs à eau. Ce projet dispose d'un budget global de 165 millions de francs en 1993, soulignent «Les défis du CEA» dans leur numéro de septembre. Le plutonium a une grande valeur énergétique. Aussi est-il soigneusement récupéré, en France, lors du retraitement du combustible usé des centrales nucléaires dans les usines Cogéma à La Hague. Mais comment gérer le stock de cet actinide qualifié de «majeur» (comme l'uranium), qui devrait atteindre quelques 180 tonnes au début des années 2000? La question est d'autant plus complexe que, dans le monde, la demande de combustibles nucléaires stagne et que la constitution d'importants stocks de plutonium militaire, bien que de composition isotopique différente de celle du plutonium combustible, accroît les risques de prolifération. En outre, le plutonium a une vie très longue: au bout de dix mille ans, il représente 98% de la novicité des produits de fin de cycle stockés. Le CEA travaille depuis longtemps sur la réutilisation du plutonium issu du retraitement. Parallèlement, il s'efforce de réduire le volume des actinides dits mineurs (neptunium, américium, curium, etc.) et des produits de fission à vie longue issus du fonctionnement des réacteurs nucléaires. Ces objectifs sont devenus priorité nationale depuis la loi du 30 décembre 1991 sur les déchets radioactifs. Et, à la fin de 1992, le ministre de la Recherche et de l'Espace d'alors, Hubert Curien, précisait dans un rapport au Premier ministre que les réacteurs à neutrons rapides apparaissaient comme «la seule voie pour réduire efficacement le stock de plutonium et d'autres actinides». Afin de démontrer la faisabilité technique de cette option, le CEA a lancé, en février dernier, le projet Capra en vue de résoudre les problèmes posés par la fin du cycle des combustibles des réacteurs à eau sous pression (REP). Une vingtaine de personnes travaillent déjà spécifiquement pour Capra, autour d'une «équipe projet» de six spécialistes, dirigée par Jacques Rouault et constituée au sein du service d'innovations de systèmes du département d'études des réacteurs à Cadarache. Cet effectif devrait doubler l'an prochain à l'intérieur de la direction des réacteurs nucléaires. Compte tenu des équipes de recherche sur les coeurs et les combustibles et des spécialistes affectés au soutien de Phénix et Superphénix, rattachés au projet, quelque 200 personnes travaillent partiellement ou complètement pour Capra. Le budget (165 millions de francs en 1993 dont 11 millions pour les études spécifiques du projet Capra) devrait croître d'un bon tiers en 1994. Multirecyclage
(suite)
|
suite:
Lors du second passage, la proportion de plutonium dans le Mox passe d'environ 5% (pour 95% d'uranium appauvri) à environ 8%. Mais au-delà de ce second passage, l'opération perd de son intérêt en raison de la baisse de la qualité du plutonium et d'une augmentation de la production de déchets à vie longue. Quel que soit le niveau d'introduction finalement retenu du combustible Mox dans le REP, il est nécessaire de compléter le cycle du plutonium. Les réacteurs à neutrons rapides (RNR), déjà alimentés en combustibles mixtes, apportent ce complément indispensable. Optimisation
p.28
|
Enrichissement élevé
Entre ces deux chiffres, l'équipe Capra s'est fixé pour premier objectif une consommation proche de 890 kg de plutonium par TWh, avec un combustible mixte. Dans ces conditions, un brûleur de plutonium à neutrons rapides de 1.200 à 1.500 MWé pourrait, estiment les chercheurs, consommer de 700 à 800 kg de plutonium par an tout en produisant de l'électricité, à un coût un peu plus élevé que celui obtenu avec un REP. A terme, vers 2020, le parc électronucléaire français pourrait être doté de ce type de réacteur à raison d'1 pour 5 à 10 REP, dont la moitié environ brûleraient du Mox (à hauteur de 30% de leur chargement en combustible). Le stock de plutonium serait alors stabilisé ou progressivement réduit. Pour que l'objectif d'une consommation de 80kg de plutonium par TWh soit atteint, la teneur en plutonium du combustible (ou l'enrichissement) devra être portée à 45%. Cette valeur d'enrichissement est nettement supérieure à celle des combustibles usuels des réacteurs rapides (20%). Des études ont été lancées pour confirmer le choix d'un enrichissement élevé mais, de l'avis des experts (concepteurs, fabricants et retraiteurs de combustible) consultés par l'équipe Capra, il s'agit là d'un «pari raisonnable». Quant à la voie la plus ambitieuse d'un combustible de réacteur «plutonivore», qui ne contiendrait pas du tout d'uranium et consommerait 110kg de plutonium par TWh, elle impliquerait de résoudre de nouveaux problèmes, concernant non seulement le retraitement (dissolution du combustible) mais aussi le contrôle de la réactivité du réacteur. Il faudrait, en particulier, remplacer l'isotope de l'uranium, qui joue un rôle important pour la sûreté du réacteur en absorbant davantage de neutrons en cas d'élévation de la température (effet Doppler), par un autre matériau ayant des propriétés similaires. Parmi les candidats aujourd'hui évalués par l'équipe Capra se trouvent deux métaux réfractaires, le tungstène et le molybdène. Entre le combustible mixte oxyde et le «tout plutonium» à support inerte, se situe une troisième voie: celle du combustible «nitrure» qui présenterait notamment l'avantage d'être plus facilement retraitable pour des teneurs en plutonium élevées. En 1994 sont prévus des essais neutroniques de coeur «plutonivore» dans la maquette critique du réacteur Masurca, à Cadarache, ainsi que les toutes premières expériences d'irradiation de combustibles à forte teneur en plutonium dans le réacteur Siloé, à Grenoble. Des irradiations dans Phénix permettraient de tester dans des délais relativement rapides les solutions envisagées. Quant à la qualification industrielle, elle serait du ressort de Superphénix. Pour travailler dans un réacteur rapide avec des combustibles à forte tenir en plutonium, deux voies sont possibles. L'une consiste à «diluer» le combustible, c'est-à-dire à en réduire la proportion dans le coeur. Plusieurs procédés sont envisageables: l'utilisation de pastilles annulaires avec un trou central plus important que ce qui a déjà été réalisé dans certains réacteurs, le remplacement d'une fraction des aiguilles combustibles ou même des assemblages par des diluants, des éléments en acier par exemple. La seconde démarche consiste à «empoisonner» le combustible avec un absorbant, comme le carbure de bore. Les études actuelles explorent les deux méthodes. L'option qui sera finalement retenue pourrait faire appel aux deux techniques. Moins de déchets
(suite)
|
suite:
Viendra alors le moment de réunir ces études avec les résultats actuels du projet EPR qui intègrent les connaissances les plus avancées en matière de technologie des RNR. Seront pris en compte également les premiers résultats des recherches pour l'incinération des actinides liées au programme SPIN (SéParation/INcinération) du CEA, qui vise à réduire les déchets tant en volume qu'en activité. Car le réacteur «plutonivore» devra, en plus, être capable d'incinérer des actinides mineurs. Par incinération, on entend destruction par fission; cette destruction s'accompagne en réacteur d'une transmutation partielle en noyaux de masse voisine. Si des actinides mineurs sont introduits dans le coeur, la fission transforme une partie des éléments lourds radioactifs à vie longue en éléments à vie beaucoup plus courte, voire stables, c'est-à-dire non radioactifs. Ces actinides mineurs peuvent être introduits de deux façons. Soit de manière «homogène»: neptunium 237 et américium 241 sont constituants du combustible à hauteur de quelques pour cent. Soit de façon «hétérogène» :des «cibles» à haute concentration d'actinides (jusqu'à 45% de neptunium) sont placées dans des endroits spécifiques du coeur. Quelle est précisément la masse d'actinides pouvant être effectivement transmutés en éléments à vie moins longue dans un réacteur optimisé pour la consommation de plutonium? Quelle sera la propre - et inévitable - production de déchets d'un tel réacteur? Telles sont les questions auxquelles les études en cours doivent répondre. Internationalisation
Commentaire Gazette
p.29
|