La section départemental
de la F.S.U. a été saisie, par des syndiqués et par
diverses organisations, des questions posées par l'implantation
en Haute-Marne d'un laboratoire souterrain pour l'étude de stockage
des déchets nucléaires de longue durée. A la suite
d'une réunion d'information et de débat organisée
récemment à Joinville pour les syndiqués, le Comité
départemental de la F.S.U. a pris position en s'appuyant sur les
éléments suivants:
La dénomination complète de la F.S.U.: Fédération syndicale Unitaire de l'Enseignement, de l'Education, de la Recherche et de la Culture, montre bien que ses syndiqués sont concemés à plus d'un titre par l'éventuelle implantation de ce laboratoire. D'une part, un syndicat de chercheurs du C.N.R.S. fait partie de la Fédération et il a apporté d'utiles information à la section départementale; d'autre part, en tant qu'éducateurs et enseignants, les adhérents des syndicats de la F.S.U. ne peuvent se désintéresser de l'avenir des jeunes qui leur sont confiés: les promoteurs de l'implantation du laboratoire sont d'ailleurs les premiers à intervenir dans ce domaine en organisant des réunions des directeurs d'école des secteurs concernés. A la suite du débat de Joinville, le Comité départemental de la F.S.U. a donc examiné les arguments développés par les uns et par les autres. En premier lieu, le Comité départemental n'a pas retenu les arguments d'ordre économique: l'apport financier et les perspectives d'emploi n'ont aucun intérêt à moyen terme si le stockage en profondeur se révèle inefficace et dangereux; mieux vaut utiliser l'argent de l'Etat pour rechercher d'autres possibilités de développement économique et social pour notre département. En revanche, les risques de pertes dues à l'image négative du nucléaire dans les domaines de l'industrie agroalimentaire, du tourisme ou de l'immobilier sont négligeables si la méthode de stockage se révèle fiable. En second lieu, le Comité départemental ne s'est pas prononcé sur le principe même de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire: tout en considérant qu'il était nécessaire d'amplifier les recherches pour développer d'autres sources d'énergie assurant l'indépendance du pays, le Comité départemental a estimé qu'il n'était pas réaliste d'exiger l'abandon immédiat de la production d'électricité d'origine nucléaire et qu'en tout état de cause, des déchets existent et que c'est là le fond du problème posé: les laboratoires souterrains implantés en vue d'un stockage des déchets nucléaires de longue durée permettent-ils d'envisager une solution fiable au cours des prochaines décennies? C'est à cette question que le Comité départemental de la F.S.U. a répondu par la négative après avoir fait les constats suivants: (suite)
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Alors que la loi de 1991 «relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs» prévoit «l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes», les partisans du projet entretiennent un certain flou sur la notion de «réversibilité»: en disant que le stockage est une "solution réversible", affirment-ils que la méthode de stockage serait abandonnée si une autre solution se révélait meilleure, mais que les déchets déjà stockés ne pourraient être récupérés, même si cette méthode apparaissait comme dangereuse? La transparence nécessire à ce débat est souvent absente: des défenseursdu projet refusent de participer à des réunions contradictoires; des opposants refusent de se prononcer sur les autres solutions envisageables. Autre fait troublant: les arguments des promoteurs du projet varient selon les interlocuteurs; aux Haut-Marnais, on explique que leur département a été choisi parce qu'il n'y a «pas d'activité sismique» dans la région concernée, mais aux habitants du Gard, zone sismique, on affirme que «les effets d'un séisme sont très atténués en profondeur». Les arguments d'ordre géologique sont d'ailleurs peu pertinents: les connaissances actuelles ne permettent pas de prédire le futur, en particulier lorsqu'il s'agit d'enfouir des éléments qui resteront radioactifs pendant des centaines de milliers d'années, et, selon certains scientifiques, on ne peut extrapoler, à partir d'un sondage, à plus de cent mètres. Un laboratoire souterrain pourra donc, à la rigueur, permettre de vérifier la possibilité d'un stockage, mais ne pourra garantir ne la sécurité, ni la fiabilité de cette méthode à long terme. On assure que le laboratoire souterrain permettra d'établir des garanties. Or cet argument a déjà développé pour le stockage en surface; il apparaît que les incidents multiples qui sont révélés, malgré une information souvent réticente et tronquée dans ce domaine, inciteraient plutôt à la méfiance. Il reste que les accidents en surface peuvent être immédiatement perçus, localisés et traités, alors qu'une déficience à plusieurs centaines de mètres de profondeur risque d'être incontrôlable car décelée trop tard. En conclusion, le Comité Départemental de la F.S.U. désapprouve les projets d'implantation de ces laboratoires souterrains, considérant qu'ils sont inutiles et coûteux, s'ils se limitent à des laboratoires, et dangereux pour les générations futures, s'ils aboutissent à la transformation des laboratoires en centres de stockage. Le Comité départemental de la F.S.U. estime qu'il vaudrait mieux consacrer les crédits prévus à une amélioration de la sécurité pour les sites de surface qui existent et à un développement de la recherche pour rendre inactifs les déchets nucléaires par des méthodes chimiques (séparation poussée des éléments) ou physiques (transmutation des noyaux radioactifs). Chaumont, le 30 juin 1994
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Isotopchim est une SARL au capital
de 330.000 F[1] inscrite au registre du commerce de Manosque. Elle
exerce l'activité de copie à façon de molécules
rendues radioactives par la substitution d'un ou plusieurs atomes de carbone
ordinaire (C12) par du carbone radioactif (C14). Cette opération
s'effectue par des réactions chimiques en chaîne permettant
de reconstruire la molécule souhaitée à partir d'atomes
de carbone 14 obtenu par la transformation de carbonate de baryum.
Les clients pour lesquels Isotopchim réalise ces travaux sont «notamment des groupes pharmaceutiques»[2]; ce ne sont donc pas les seuls. Cette société, installée à Ganagobie depuis 1986, agrandie en 1989, vise une extension. Ainsi elle souhaite implanter ses laboratoires à Oraison, en prévoyant d'ores et déjà des agrandissements futurs. Toutefois elle annonce une expansion davantage axée sur le développement commercial que sur la recherche. Chose moins connue, elle a des soutiens officiels. A Oraison (comme à Ganagobie semble-t-il), c'est aux frais du contribuable que la commune construirait l'atelier-relais destiné à Isotopchim. A Peyruis, où elle envisage une installation en zone artisanale qui selon le maire, serait destinée au conditionnement et à l'expédition de ses fabrications[4], le Conseil Général a accordé une subvention de 875.000F pour ce bâtiment. On a pu remarquer par ailleurs une curieuse «publicité» d'Isotopchim dans «Agoralpes», publication sur papier glacé consacrée à l'environnement bas-alpin par la préfecture de Digne en 1992: publicité sans la moindre information et sans clientèle, donc commercialement inutile... Devant ce mécénat désintéressé, chacun aura compris combien Isotopchim doit être bénéfique pour notre environnement. Et pour qui douterait du souci de l'environnement qui guide les dirigeants de la société, il suffirait de se reporter à leur prose officielle: «Nous ne sommes pas en mesure d'apporter des réponses aux angoisses et aux affirmations gratuites qui reposent sur un amalgame mal digéré des conséquences des bombes atomiques, des essais nucléaires dans l'atmosphère ainsi que des conséquences tragiques de l'accident de Tchernobyl.»[5] Les procédures
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Dans la procédure administrative tous les avis furent favorables jusqu'à l'autorisation préfectorale en février 1989. Des remarques et des exigences de commissaire-enquêteur, qui n'était pas un spécialiste[7], il ne fut pas tenu compte. La mesure constante des rejets radioactifs qu'ils n'avait pas expressément demandée ne fut pas prescrite dans l'arrêté préfectoral.[8] En 1991 une nouvelle procédure publique pour l'implantation à Oraison suscita plus d'intérêt. L'importante participation de la population à l'enquête publique, malgré des avis quasi unanimement négatifs, ne dissuada pas le commissaire-enquêteur de donner un nouvel avis favorable à l'implantation projetée. Mais le préfet reporta par deux fois sa décision, en mai et août 92. Il faut savoir qu'en avril 92 Isotopchim modifia sa demande: renonçant à utiliser du tritium (qui avait soulevé le plus d'opposition), l'entreprise réduisait sa demande à un simple transfert de l'activité de Ganagobie, multipliée par cinq. Et en août 92 elle allait fournir, à la demande de l'IICPE (Inspecteur des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement), un complément de dossier qui améliorait la gestion des déchets radioactifs. Nous n'avons pas obtenu communication de la demande modificative d'avril 92, et le retrait de l'activité lié au tritium reste obscur, alors même que dès janvier 1992, l'industriel parlait de cette activité au présent, comme si elle était déjà mise en oeuvre à Ganagobie. La loi sur les installations classées n'exclut pas des modifications de l'activité autorisée. Cela peut se passer dans l'intimité, entre l'industriel et le préfet, si l'un ou l'autre ne juge pas que la modification constitue un «changement notable.»[10] L'enquête administrative (services des eaux, des incendies, directions de l'industrie, de l'équipement, de l'agriculture, de la santé, de l'environnement, de la protection civile), qui ne nous a pas été communiquée, a suscité quelques réserves?[2] Néanmoins tous les avis étaient globalement favorables au projet, en dépit des insuffisances relevées par l'IICPE[11]. Le Conseil Départemental d'Hygiène d'étant exprimé favorablement[12], le préfet autorisa en novembre 92 l'installation projetée[13]. Les contrôles
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La CRII-RAD avait demandé
depuis 1988 que les rejets radioactifs fussent observés par un dispositif
de mesure en continu. A ce jour nous n'avons pas été entendus,
bien que les deux commissaires-enquêteurs aient repris notre proposition.
En 1988 le commissaire-enquêteur avait requis une surveillance continue,
en 1992, le commissaire-enquêteur avait insisté sur l'installation
d'un tel dispositif. Ce serait le moyen le plus efficace pour une connaissance
véritable de la pollution radioactive. Nous avons réitéré
nos propositions en ce sens auprès de l'IICPE, et le Tribunal Administratif
a également été saisi à ce sujet.
La philosophie de la DRIRE (IICPE), qui cherche à responsabiliser l'industriel (convaincre plutôt que réprimer), nous paraît dangereuse, tant au regard de l'incompétence des contrôleurs que de celle de l'industriel. Le propos n'est pas flatteur, mais il est réaliste. Pour la qualité des contrôles effectués à Ganagobie, c'est l'IICPE lui-même qui constatait leur insuffisance[l4]. Quant à Isotopchim, nous reviendrons sur sa méconnaissance des textes en vigueur. Sur le fond, il est clair qu'aucune mesure ponctuelle du flux polluant ne permet de connaître les rejets réels. Et il est clair que comparer une quantité ponctuelle de radioactivité à une limite annuelle d'incorporatipn n'a pas de sens. Enfm l'acceptation d'une pollution radioactive ne serait imaginable que si l'on tenait compte de la radioactivité déjà existante dans l'environnement. Matériellement, les contrôles dans le passé ont été faits sur la base de prélèvements aqueux et atmosphériques. Outre le caractère aléatoire de la méthode, on y a vu des prélèvements atmosphériques être effectués, non pas au point de rejet, contrairement à la réglementation, mais à 50 mètres de là... Nous ajouterons que l'arrêté préfectoral avait prévu une limite de rejets illégale (voir plus loin). Et que les limites de stockage de déchets radioactifs sur le site de Ganagobie, selon les chiffres mêmes d'Isotopchim, ont été dépassés sans que l'administration ait réagi.[15] La radioactivité
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L'arrêté préfectoral de 1992 mélange toujours les Bq/an et les Bq/m3. Pour les rejets atmosphériques, ils respectent tout juste le maximum légal par m3, ce qui ne s'accorde pas avec l'obligation de tenir compte de la radioactivité déjà présente. Le seuil en-deçà duquel la radioactivité ne serait pas de la radioactivité est maintenu. Ce sont là divers motifs des recours en annulation des arrêtés préfectoraux pour illégalités présentées au Tribunal Administratif. Mais si l'administration n'est pas très regardante, la société Isotopchim est encore bien plus à l'aise. Elle invente ses propres chiffres d'absorption maximale admissible trimestrielle[l7], · Limites légales: ingestion 90 millions de Bq par an par travailleur; inhalation 40.000 Bq par m3 190 millions de Bq par an. · Limites Isotopchim par trimestre 6 milliards de Bq pour l'ingestion; 8 milliards de Bq pour l'inhalation On voit là que la compétence de l'industriel (sinon ses rejets) est limitée. Or que signifient les
limites annuelles d'incorporation? Ce sont les quantités
d'un radioélément isolé qui suffisent à entraîner
un équivalent de dose engagée de 50 millisieverts. Ces 50
millisieverts à leur tour représenteraient une conséquence
statistique de 6 à 7 cancers mortels supplémentaires et deux
anomalies génétiques mortelles par 100.000 habitants, selon
l'évaluation de 1980. Depuis 1990 la Commission Internationale de
Protection Radiologique recommande de diviser les limites par cinq, car
les études ont établi un risque supérieur d'autant.
La Commission Européenne prépare d'ailleurs une Directive
qui devrait adopter ces nouvelles limites.
Les installations classées pour l'environnement
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On se réjouira que la municipalité
d'Oraison, puis le préfet, en aient retenu le principe, il reste
à souhaiter qu'il soit réalisé par des experts compétents
et insoupçonnables. Il n'existe pas de laboratoire agréé
pour la protection de l'environnement en matière de radioactivité,
et pourtant c'est aux laboratoires (agréés pour autre chose)
déjà utilisés dans le passé, que l'arrêté
préfectoral a prévu de confier analyses et contrôles,
en dépit de leurs défaillances[14].
Au reste, nombreuses sont les lacunes de l'arrêté préfectoral. Ni moyens d'analyse et de secours, ni mesures d'urgence, contrairement à la loi, n'y sont prévus. Et même, on ne sait s'il faut rire de l'absence de références aux textes qui organisent la radioprotection... Des recours en annulation et sursis à exécution ont été introduits par les Verts-04, l'UDVN-04, et l'association Qualité de la Vie au Pays d'Oraison, on doit espérer que les tribunaux rectifieront ce dossier tissé d'irrégularités. Par ailleurs les décisions du conseil municipal d'Oraison (point zéro, commission mixte de concertation) doivent être honorées si les juges autorisent un fonctionnement qu'on souhaite remis en ordre. En conclusion
Avril 1993
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1. Lettre au préfet 26/9/88.
2. rapport IICPE 3/9/92. 3. complément de dossier août 924.4. 4. conseil municipal d'Oraison 7/2/92. 5. mémoire en réponses aux questions du commissaire-enquêteur après l'enquête publique de 88, observation n°4, § propositions. 6. ibidem obs. n°4. Rappelons que la CRII-RAD n'est pas vouée à l'opposition nucléaire mais à l'information et à la recherche. 7. ainsi il mélangeait allégrement carbone 14 d'Isotopchim et césium 134-137 de Tchernobyl quand la CRII-RAD 04 l'a rencontré. 8. 89-341 du 24/2/89. 9. réunion publique du 31/1/92 à Oraison. 10. décret 77-1133 article 31. 11. rapport pour le Conseil Départemental d'Hygiène du 3/9/92 § 5.1. Les avis administratifs datent d'avant les modifications du dossier. 12. Procès-verbal du Conseil Départemental d'Hygiène du 16/9/92. 13. arrêté 92-2296 du 16/11/92 14. rapport IICPE du 3/9/92 page 13 "ce qui est regrettable". 15. dossier d'enquête publique décembre 91 page 43 16. décrets 66-450 et 86-1103. 17. étude d'impact de l'enquête publîque d'Oraison page 20. 18. de nombreuses études pronostiquent des probabilités d e conséquences encore plus dévastatrices. 19. projet de Directive annoncée le 8 juillet 92 - cf Europe Environment, I Environment Policy n° 331 july 14, 1992 page 4. 20. cf Santé et Rayonnement, disponible à la CRII-RAD. p.24a
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