La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°139/140
Document émanant de la commission spéciale et permanente d'information

près l'établissement de la Hague -1994

Incidence de la leucémie infantile à proximité de l'établissement
de retraitement des combustibles nucléaires de la Hague [1]

Jean-François VIEL, Sylvia RICHARDSON, Patrick DANEL, Patrick BOUTARD, Michèle MALET,
Paul BARRELIER, Oumédaly REMAN, André CARRE


     Voici quelques extraits de cet article, adressez-vous à la Commission de la Hague 5 rue Vastel - 50190 Cherbourg pour avoir l'intégralité du texte
 
 

Extrait No 1

RESUME:
     L'incidence de la leucémie chez les moins de 25 ans vivant dans un rayon de 35 km autour de l'usine de retraitement française de la Hague est étudiée. Pendant la période 1978-1990, 23 cas ont été diagnostiqués correspondant à un taux d'incidence de 2,99 pour 100.000 lequel est proche du taux attendu. Dans le "canton" où se trouve le site nucléaire, 3 cas de leucémie ont été observés contre 1,18 attendus donnant un Ratio standardisé d'incidence (SIR) de 2,55. Ce résultat non significatif est compatible avec un risque non accru et aussi avec une surincidence d'un facteur 7. Par conséquent cela renforce la nécessité de mener une enquête cas-témoins, laquelle est maintenant prévue, pour évaluer le rôle joué par l'exposition professionnelle aux radiations sur l'incidence de la leucémie dans ce secteur.

Extrait No 2

«INTRODUCTION:
     Des excès de leucémie ont été décrits au Royaume-Uni chez des personnes jeunes vivant à proximité d'installation nucléaires Sellafield et Donnreay, sites de retraitement de combustible, ont été particulièrement étudiés. De lourds investissements ont été effectués en France en ce qui conceme l'énergie nucléaire et une usine similaire de retraitement de combustible installée à La Hague fonctionne depuis 1966.
     Dans un précédent artide nous avons rapporté des résultats préliminaires qui montraient l'absence d'augmentation de la mortalité infantile par leucémie dans un rayon de 35 km autour de l'installation de retraitement de La Hague. Cet article rend compte de la première enquête d'incidence de la leucémie autour d'un établissement nucléaire, en l'occurrence aux alentours de La Hague.»

Extrait No3

«DISCUSSION:
     Cette analyse géographique, tout comme la précédente étude de mortalité, pose moins de problèmes que les études britanniques.
     En effet contrairement aux enquêtes réalisées dans la région de Sellafield, les délimitations géographiques ont été dessinées indépendamment de toute connaissance à priori d'un excès de cas enregistrés. Cet ensemble de données françaises, indépendant des données britanniques peut-être considéré comme capable de valider (ou non) l'hypothèse d'un lien causal entre les rejets radioactifs et un excès de leucémies. De plus, avec un nombre attendu de 1,2 (tous âges, dans un rayon de 10 km), nous avons une probabilité de 85 % de détecter un accroissement d'un facteur 5 du SIR avec un test unilatéral et au risque a = 0,034.

suite:
     Nous avons pratiqué une collecte active de tous les enregistrements disponibles local et régional, et l'exhaustivité de notre enregistrement est appuyée par le constat que les proportions des sous-types de leucémie infantile ainsi que leur incidence globale sont similaires à celles rapportées par les registres français et européens.
     Les données d'incidence de la leucémie chez l'enfant sont préférables aux données de mortalité en raison de l'existence d'un taux croissant de survie. Cependant, les leucémies (comme l'ensemble des cancers) ont une période de latence faisant que le lieu de domicile au moment du diagnostic peut être différent de celui de l'exposition, créant ainsi un effet de dilution. Ceci est également vrai si l'exposition correspondant à un cas est liée à l'exposition professionnelle du père, comme cela a été suggéré par Gardner et ses collaborateurs. Nous avons pu obtenir des renseignements relatifs à l'emploi de quelques parents à partir des dossiers médicaux hospitaliers. Une profession en relation avec l'usine de retraitement des combustibles irradiés était notée pour les pères de 3 cas.
     L'excès d'incidence de la leucémie observé dans un sous-groupe (rayon de 20 à 35 km, tranche d'âge de 0-4 ans) ne s'explique pas facilement et doit être interprété avec précaution. Notons seulement qùe les travailleurs de la centrale nucléaire de FLAMANVILLE habitent dans ce secteur mais que cette centrale a divergé en décembre 1985, ce qui est tard par rapport à la période étudiée.
     Au total, cette étude d'incidence dans la population constitue un exemple moins caractéristique sur le plan géographique que celle effectuée autour de Sellafield; on doit tenir compte du fait que La Hague a rejeté de beaucoup plus faibles quantités d'effluents radioactifs. Si le risque relatif en rapport aveç une contamination de l'environnement était de l'ordre de 3, la puissance de notre étude diminuerait jusqu'à 49 %. Mais si on peut mettre en doute une relation causale directe à partir d'une contamination dans l'environnement, une exposition aux rayonnements par l'intermédiaire de l'activité professionnelle des parents devrait être vérifiée par une étude cas-témoins qui est maintenant programmee.»

[1] Traduit de l'anglais. Titre original : "Childhood leukamia incidence in the vicinity of La Hague nuclear-waste reprocessing facility (France); publié dans Cancer Causes and Control. Vol. 4.1993.

Correspondance: Dr. VIEL, département de santé publique, unité de biostatiques et épidémiologie, 2 place ST Jacques, F-25030 Besançon.

En complément pour une analyse des données de Gardner
réclamez le dossier ACRO sur ce sujet.

p.24
GREENPEACE


Communiqué de presse - Diffusion immédiate

Contrats de retraitement illégaux:
Cogema confirme que des négociations sont en cours...
mais ne donne aucune explication!

     Paris, le 26 juillet1994

     La compagnie générale des matières nucléaires (Cogema) a confirmé l'authenticité du document rendu public hier par Greenpeace. Le document en question résume les discussions secrètes entre Cogema et une compagnie électrique allemande. Si les modifications contractuelles envisagées devaient aboutir, elles permettraient le stockage en France de déchets radioactifs étrangers.
     Le document confidentiel diffusé hier par Greenpeace résume les propositions de Cogema à Preussenelektra, une des sociétés allemandes, de combustibles irradiés issus de ses centrales nucléaires. Les compagnies allemandes, de plus en plus réservés sur les choix écologiques, économiques ou de prolifération, pourraient en effet rompre leurs contrats avec Cogema. Pour tenter de contrer cette évolution Cogema propose maintenant d'amender les contrats de telle manière qu'ils permettent un stockage des déchets en France.
     La proposition de Cogema est clairement en conflit aussi bien avec la loi française sur les déchets radioactifs qu'avec les engagements de plusieurs ministres sur cette question. Hier encore, Mr. Longuet, ministre de l'Industrie, tout en affirmant qu'il ignorait les négociations en cours, répétait que tous les déchets de retraitement quitteraient la France.
     Le directeur de la branche retraitement de Cogerna, Jean -
Louis Ricaud, a tenté de calmer les critiques en se contentant d'affirmer, en substance, que rien d'illégal n'a été commis dans la mesure où rien n'a été signé pour le moment.
     "Il est inconcevable qu'une compagnie appartenant à 100 % à l'Etat français se permette de discuter des clauses de contrat qui en sont en contradiction flagrante tant avec la loi qu'avec les engagements gouvernementaux" estime Jean-Luc Thierry de Greenpeace. "Toutes ces offres se font dans le secret, probablement avec l'espoir de placer devant le fait accompli aussi bien l'autorité politique que l'opinion publique. Toute la lumière doit pouvoir etre faite sur cette affaire."
     Greenpeace demande à Cogema d'aller au-delà des déclarations de principes et de confirmer ou démentir si elle envisage, comme indiqué dans le document confidentiel de:
     - stocker pour une période de 15 ans ou plus du combustible irradié étranger sans qu'aucune décision définitive ne soit prise quant à son retraitement;
     - conserver une grande partie des déchets nucléaires liés au retraitement des combustibles étrangers;
     - conserver gratuitement en France ou transférer à un pays tiers le plutonium issu du retraitement des combustibles étrangers.

Informations complémentaires:
Jean-Luc Thierry, (1)47 70 46 89

suite:
Greenpeace révèle les négociations illégales de Cogema
avec ses partenaires étrangers

Paris, le 25 juillet1994

     Greenpeace a rendu public aujourd'hui un document confidentiel révélant l'état des négociations de la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) avec ses clients étrangers pour le retraitement des combustibles irradiés.
     Le document, transmis à Greenpeace, sous couvert d'anonymat, par des responsables de l'industrie nucléaire, est un texte de travail en vue de l'amendement d'un contrat de retraitement signé en 1990 entre une compagnie électrique allemande et COGEMA. Les clauses de l'avenant font apparaître des conditions beaucoup plus favorables pour le client allemand, lui permettant par exemple d'avoir un prix garanti pour le combustible MOX fabriqué à partir du plutonium séparé ou meme de laisser le plutonium en France. COGEMA, menacé de perdre ses clients allemands et belges à partir de l'an 2000, casse les prix pour assurer la survie de son usine de la Hague.
     Certaines des propositions reprises par COGEMA, Si elles devaient déboucher sur la signature d'un accord, constitueraient des infractions flagrantes à la loi de décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs en France. L'importation de combustibles irradiés en France, sans que leur retraitement soit envisagé à court terme, constituerait de fait un stockage de longue durée pour le compte d'un pays étranger. La France, déjà engluée dans un programme d'utilisation du plutonium qui l'amène à utiliser des milliards de francs de fonds publics pour tenter de réduire cet
encombrant produit du retraitement, hériterait également du plutonium de ses clients. Mais les propositions de COGEMA suggèrent également que seul un équivalent de radioactivité serait renvoyé à ses clients étrangers, les déchets de moyenne et faible activité restant en France, soit 96% du volume total.
     "Toutes ces négociations se déroulent à l'insu des citoyens français. Mais le gouvernement est-il au courant de ces projets de transactions illégales?" s'interroge Jean-Luc Thierry, chargé des questions nucléaires à Greenpeace France. En effet les ministres de l'Industrie successifs ont clairement affirmé que la totalité des déchets du retraitement seraient retournés à leur pays d'origine.
     Greenpeace, qui remarque que tous les clients étrangers de l'usine de retraitement de la Hague cherchent à rompre leurs contrats malgré les investissements considérables déjà effectués dans UP3, demande que les ministres concernés s'expriment sur la légalité des tentatives de COGEMA. L'organisation écologiste demande en outre, en raison des infractions légales que constitueraient ces modifications des contrats de retraitement et des conséquences économiques considérables de ce dossier qu'une commission d'enquête parlementaire envisage toutes les conséquences des négociations en cours. "Tous les éléments du dossier doivent être enfin accessibles" estime Jean-Luc Thierry. "Le débat qui a eu lieu en Allemagne ou en Belgique devrait pouvoir se dérouler en France. Nous sommes convaincus que l'abandon du retraitement apparaîtra comme la réponse la plus adaptée."

p.25

Retour vers la G@zette N°139/140