La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°197/198


A PROPOS DU NUCLÉAIRE

JEAN PIGNERO
Jean Pignero milite depuis longtemps contre le danger nucléaire.
Il nous demande, le 6 novembre 2001, de critiquer personnellement et de faire connaître autour de nous,
oralement ou/et par écrit, ses dernière réflexions sur ce sujet

     1 – Ce sont les scientifiques qui ont fourni et qui fournissent aux Politiciens et aux Militaires les données nécessaires pour construire et développer les armes nucléaire. Les ingénieurs militaires qui participent à ces recherches le font du fait de leurs connaissances scientifiques. 

     2 – Les sciences sont presque toutes pacifiques, mais la science des rayonnements ionisants, à l'origine pacifique, est devenue en 1934 la science nucléaire quand des scientifiques sont arrivés à transformer des atomes naturels en atomes artificiels; 
     3 – La science nucléaire est, pour partie, un crime nucléaire quand les armes nucléaires permettent de tuer indistinctement un grand nombre de militaires et de civils. 
     4 – Ce crime peut être qualifié de crime nucléaire contre l'humanité parce que la technique tout entière issue de toute la science nucléaire produit obligatoirement des pollutions connues des scientifiques, dont une partie ne peut être détectée par des non-scientifiques, ni contrôlée, ni détruite. Transportées par les vents, les eaux, la terre, ces pollutions nucléaires s'imposeront dans le monde entier pendant des siècles et nuiront à tous les êtres vivants. 
     5 – Ces pollutions méritent d'être reconnues par les sympathisants, militants, associations antinucléaires comme le motif premier de leurs pensées et de leurs actions, même si ces pollutions ne concernent qu'un aspect de leurs actions. 
     Voici quelques propositions : 
     5a - Il faudrait, dans tous les pays, que le Pouvoir politique reconnaisse le crime nucléaire contre l'humanité comme une vérité première : à nous d'intervenir auprès des politiciens et de porter plainte en justice contre les criminels nucléaires, donneurs d'ordre et praticiens. Nos demandes et nos plaintes risquent d'être déclarées irrecevables au motif que ce crime n'existe pas dans le code pénal ni dans la constitution ; ce rejet, s'il a lieu, devrait nous conforter dans notre revendication. 
     5b – Il serait donc souhaitable que les militants des associations antinucléaires modifient les statuts de leurs associations afin qu'ils incluent le crime nucléaire contre l'humanité et leur refus primordial de ce crime, refus qui justifie leurs actions militantes contre un danger particulier du nucléaire. Ils pourraient demander aux sympathisants leur avis et leur approbation de la rédaction de ce texte qui rendrait plus difficile aux pronucléaires de déclarer irrecevables leurs contestations. 
     5c – Il faudrait alors personnaliser nos demandes et nos plaintes, pas du tout par haine personnelle ou politique, mais du seul fait de l'exigence de notre volonté de sauvegarde humanitaire. Concernant le Pouvoir politique, il faudrait proposer, pour la France, les noms du président de la république, Chirac (puis, éventuellement, de son successeur), du premier ministre, Jospin (puis de son successeur) et de tous les ministres qui ont signé des ordonnances, des lois et décrets favorisant le nucléaire. Et ajouter les noms des politiciens qui ne sont plus membres du gouvernement actuel, mais qui ont participé, en leurs temps, aux même responsabilités : Giscard, etc. 
     5d – Pour mémoire, faire juger les responsables décédés : de Gaulle, Mitterrand, etc. 
     6 – Ensuite ou en même temps, concernant le Pouvoir scientifique, il faudrait porter plainte contre les scientifiques qui ont oeuvré ou oeuvrent, même indirectement, pour le développement du nucléaire, dont tous les responsables des installations nucléaires. 
     Et, à titre posthume, porter plainte contre les scientifiques dont F. et I. Joliot sont les représentants les plus éminents.
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Création IRSN
LETTRE AU PREMIER MINISTRE
     Depuis de longues années (1974) notre association, le Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN), milite pour une sûreté de haut niveau dans le domaine du nucléaire permettant une meilleure protection des populations et de l'environnement. Pour arriver à bâtir une telle sûreté s'appuyant sur une radioprotection et un contrôle environnemental de qualité, il faut certes des hommes et des femmes de haut niveau mais aussi des institutions qui leur permettent de déployer toutes leurs potentialités.
     Une réforme courageuse semblait être en cours d'élaboration concernant la sûreté et la transparence dans les domaines de l'énergie nucléaire. D'une part, il s'agissait de rendre indépendants des promoteurs, les organismes contrôlant la sûreté des installations nucléaires, dont le dernier maillon faible était l'IPSN, ses liens historiques et structurels avec le CEA ne lui donnant pas la liberté d'action qui aurait dû être sienne. Et d'autre part, il fallait aussi revitaliser le volet santé et radioprotection qui aurait dû être la mission de l'OPRI (ancien SCPRI) mais que ces organismes (SCPRI ou OPRI) n'ont jamais eu les moyens (et peut être l'envie) de mettre totalement en oeuvre.
     En matière de santé, la complémentarité de l'IPSN et de l'OPRI est évidente. Le premier organisme a développé de très performants moyens de calcul, de mesure et d'expertise dans le domaine de la radioprotection. Il poursuit des recherches sur les effets des contaminations et des irradiations ainsi que sur les moyens palliatifs. Le second devrait travailler au niveau des populations en effectuant des contrôles individuels et environnementaux. Ses moyens limités, une philosophie héritée du feu SCPRI, ne l'ont jamais incité à remplir sa mission, mais plutôt à se placer dans une position de "chevalier servant" de l'industrie nucléaire. 
     Les modifications de structure de l'IPSN, création d'un conseil de direction, d'un comité scientifique, d'un comité d'éthique, ont permis à cet Institut de mieux définir son rôle et in fine à reconnaître (publiquement) que, par le passé, des erreurs ont pu être commises. Cette attitude va dans le sens de la transparence que le gouvernement semble vouloir promouvoir. Par contre il ne semble pas que la grâce ait touché l'OPRI dont la Direction continue d'évaluer ce qu'elle peut admettre à l'aune des indemnisations auxquelles cela pourrait conduire (cf la dernière intervention de son directeur à la journée d'information du 31 janvier 2002 en Corse). 
     Le GSIEN, consulté par Mr Le Déaut à propos de son rapport sur le contrôle de l'industrie nucléaire, avait recommandé de rendre l'IPSN indépendant du CEA, pour lui donner sa liberté d'analyse. Pour une sûreté de haut niveau, il faut un contrôle rigoureux. Ce contrôle ne peut être exercé que par un institut d'état, indépendant des établissements contrôlés. Son budget doit être assumé totalement par l'Etat car il ne faut pas qu'il soit obligé de passer des contrats pour avoir un budget suffisant, avec les industries dont il doit contrôler le fonctionnement et vérifier les dossiers. 
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     A cette occasion, le GSIEN avait, également, souhaité le renforcement d'un institut tel que l'OPRI pour assurer le contrôle de l'environnement et par suite une radioprotection de qualité pour la population et les travailleurs. Il fallait rompre avec les habitudes de secret. L'OPRI actuel, petite entité de 200 personnes ne pouvait assumer un tel rôle : pas assez de personnel, moyens trop concentrés. Sa régionalisation, dans le cadre des DASS, pouvait permettre un meilleur contrôle de la radioprotection de toutes les installations nucléaires (industrielles, recherches, médicales, vétérinaires, etc...) ainsi qu'une meilleure information de la profession médicale (ce que celle-ci demande pour pouvoir mieux assumer son rôle en cas d'accident ) 
     La proposition de Mr Le Déaut de création de l'IRSN, institut regroupant IPSN et OPRI ne nous avait pas paru une bonne voie. Néanmoins, nous espérions, cependant, que cette création permettrait un brassage constructif de cultures et d'éthiques différentes, à condition d'éviter toutefois qu'un choix peu judicieux des futures instances dirigeantes privilégie les anciennes pratiques tant réprouvées. 
     Il nous apparaît, à la lecture de tous les textes des projets concernant l'IRSN, que loin d'assurer ouverture et transparence, cet institut va au contraire contribuer à détruire les quelques avancées qu'il y avait depuis une dizaine d'années, suite à Tchernobyl entre autre. Une première avancée importante en sûreté fut la créationde la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires. Une autre fut celle de la réforme du SCPRI. Et la dernière aurait été l'indépendance de l'IPSN. Dans ces conditions il n'est alors nul besoin de créer cet énorme IRSN qui risque de casser ce qui commençait à se rôder. 
     Un point particulièrement important n'a pas été traité avec toute l'attention nécessaire : la clause de conscience. Prévoir que des contrôleurs soient soumis au droit de réserve est une chose. Oublier que ces mêmes personnes doivent pouvoir transgresser ce droit est une grave erreur. L'expert doit pouvoir s'exprimer et ne pas être soumis à sanction en cas de désaccord avec sa hiérarchie, s'il estime que son silence conduit à induire des risques graves pour la population et le pays (l'affaire du sang contaminé en est un exemple dramatique mais plus récemment la tenue des enceintes de confinement en cas d'attentat a obligé les experts à contredire le ministre certainement mal informé...)
     Il nous semble, malgré tous les efforts entrepris pour améliorer la sûreté et la radioprotection que le projet actuel ne peut pas être adopté en l'état. 
     Nous espérons que vous serez sensible à nos arguments car si nous souhaitons une réforme des organismes de contrôle de la sûreté et de la radioprotection, ainsi que du contrôle environnemental, cette réforme doit répondre aux aspirations des citoyens. 
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L'Écologiste n°6.
Édition française de The Ecologist.
Défaire le développement, refaire le monde
     L'idée du “ développement ” a été lancée en 1949, par le président des États-Unis Harry Truman. Plus de cinquante ans après, le bilan est désastreux.
     La critique du développement ? Cela nous ramène à la naissance de l'écologie, dans les années 1970 : rappelons les best-sellers que furent le rapport du Club de Rome Halte à la croissance (Fayard, 1972), le programme Changer ou disparaître (Fayard, 1972) de l'équipe de The Ecologist menée par Teddy Goldsmith ou encore Small is beautiful d'E. Schumacher (Seuil 1978)…
     Fort heureusement depuis quelques années, la contestation de la mondialisation de Seattle à Porto Alegre porte également la contestation du “ développement ” lui même, et non pas de telle ou telle modalité. Le développement, loin d'être la solution, apparaît plutôt comme le problème ! 
     Ce numéro de L'Écologiste invite à renouer avec l'inspiration des débuts de l'écologie, afin de penser non pas un développement alternatif mais bien des alternatives au développement. Serge Latouche, économiste, professeur émérite de Paris XI et président de l'association La Ligne d'Horizon avec laquelle ce numéro a été réalisé, préface ce numéro et montre que le “ développement durable ” adopté par toutes les multinationales et même par des associations écologistes ressemble fort à une contradiction dans les termes. 
     Ce numéro de L'Écologiste est organisé en trois parties : la critique du développement (Première partie) – Les alternatives possibles (Deuxième partie) – Les textes classiques (Troisième partie). Il constitue un document sans équivalent sur le sujet
     Un numéro à lire pour préparer la conférence des Nations Unies sur “ le financement du développement ” à Monterrey (Mexique) du 18 au 22 mars 2002 et surtout le sommet des Nations Unies sur le “ développement durable ” à Johannesburg du 26 août au 4 septembre 2002 ! 
     L'écologiste est partenaire du Colloque à l'UNESCO sur l'après développement, organisé par l'association La Ligne d'Horizon et Le Monde Diplomatique du 28 février au 3 mars 2002. 
Tel. 01 42 06 05 26 ou www.apres-developpement.org
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Désarmement nucléaire rime avec arrêt du nucléaire.
Dominique Lalanne
Stop-Essais/Abolition des armes nucléaires
Janvier 2002
     Nucléaire civil et militaire sont intimement liés aussi pour éviter le développement futur du nucléaire et stopper le nucléaire actuel, il ne faut pas oublier de promouvoir le désarmement nucléaire et la lutte contre la prolifération. Les deux exemples suivants en sont une preuve intéressante.
     Le plutonium pourrait être interdit de production prochainement
Lors de la réunion de la Conférence de Révision du Traité de Non-Prolifération à New-York en mai 2000, le texte suivant a été publié en compte-rendu de la conférence: 
     "La Conférence insiste sur la nécessité de négocier lors de la prochaine conférence sur le désarmement sur un Traité non-discriminatoire, multilatéral, international, et autorisant des vérifications, qui concerne l'interdiction de matériaux fissiles pour arme nucléaire ou pour tout autre dispositif conduisant à des explosions nucléaires, et ceci dans un double but de désarmement nucléaire et de non-dissémination". 
     "La prochaine conférence sur le désarmement est vivement encouragée à mettre au point un programme de travail qui prenne en compte une mise en ?uvre immédiate de négociations sur un traité de façon à aboutir dans un délai de cinq ans". 
     Donc l'usine de La Hague doit prévoir l'arrêt de sa production de plutonium d'ici environ 5 ans car le plutonium séparé à La Hague fait bien partie des matières fissiles pouvant permettre des explosions nucléaires. Les américains ont d'ailleurs fait exploser une bombe au plutonium extrait de réacteur (mélange des isotopes 239 et 240) pour s'assurer que cela était possible. 
     Le texte de la conférence est encore plus contraignant puisqu'il faudra neutraliser le plutonium actuellement séparé...!!! L'usine de La Hague pourra donc re-conditionner le plutonium dans des déchets radioactifs pour le rendre inutilisable. 
     Beaucoup de travail en perspective quand on sait qu'un réacteur produit environ 250 kg de plutonium par an. L'industrie nucléaire n'a pas à craindre d'être au chômage...
Le Mégajoule prépare l'industrie nucléaire civile du futur
     Le laser Mégajoule en construction près de Bordeaux est à but explicitement militaire et destiné à mettre au point les armes nucléaires des années 2020-2050 pour le France. L'idée est de maîtriser la fusion de l'hydrogène ce qui permettrait aux militaires de réaliser des bombes nucléaires à fusion pure et allumage laser...et donc sans l'allumage actuel qui passe par une bombe au plutonium.
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On obtiendrait ainsi des bombes nucléaires de puissance modulable, sans pollution de plutonium, et avec des flux de neutrons beaucoup plus intenses, donc des bombes beaucoup plus meurtrières pour les vies humaines. En particulier une version "fusion pure" des "mininukes" américaines actuelles (dont la pression de l'opinion publique a empêché l'utilisation en Afghanistan) permettrait de tuer les hommes dans leurs abris sans pour autant pénétrer très profondément dans le sol. 
     Mais les militaires pourraient aussi avoir envie de recycler vers les civils la maîtrise de la fusion et vendre d'ici 30 ans un réacteur à fusion. Les flux intenses de neutrons engendrés par de tels réacteurs produiront des quantités importantes de bétons et d'aciers rendus radioactifs par "activation" et l'isotope d'hydrogène utilisé, le tritium, risquera de se répandre dans la nature créant de l'eau radioactive, de l'eau tritiée, qu'il sera impossible de neutraliser. La période radioactive du tritium est de 12 ans et il faudra donc attendre des dizaines de périodes, voire plus, pour retrouver des conditions viables en cas d'accident. Après la civilisation du plutonium on risque de tomber dans l'industrie du tritium. 
     Enfin, le Laser Mégajoule viole le Traité d'arrêt des essais nucléaires signé et ratifié par la France et à ce titre, il faut se mobiliser pour faire arrêter ce projet (voir sur le site www.obsarm.org). Ce laboratoire réalisera de véritables explosions nucléaires qui pourront correspondre jusqu'à l'équivalent de 5kg de TNT. 
Conclusions

     Bien sur, le nucléaire civil d'aujourd'hui est détestable, et nous en héritons car le choix du plutonium a été guidé par la production de bombes nucléaires dans les années 1950. Et cinquante ans après nous avons une énorme industrie qu'il est bien difficile de remettre en cause. Méfions nous de la période actuelle qui nous prépare un autre nucléaire pour 2050.... Les gouvernements des Etats nucléaires, ont officiellement signé des Traités pour sortir du nucléaire militaire, mais pratiquement perfectionnent leurs arsenaux. La France en tête avec de nouveaux équipements (nouveaux missiles, nouvelles têtes nucléaires, nouveau sous-marin, Mégajoule) budgétisés au niveaux de 60 milliards d'euros pour les dix prochaines années. L'arrêt du nucléaire militaire est une condition sine-qua-none d'un arrêt du nucléaire civil, et peut-être un objectif encore plus difficile à atteindre.

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