Pour analyser les dossiers d'enquête
publique (création et rejets de CEDRA), nous n'avons voulu ni étudier
les dossiers cités en référence, ni visiter le site
de l'installation ou poser des questions au pétitionnaire. Nous
n'avons pas voulu, non plus, demander à consulter les avis des ministères
concernés ayant instruit le dossier (industrie, environnement, santé,
défense, agriculture, services des eaux, … ).
Nous nous sommes cantonnés dans la vision du citoyen pour essayer
de tirer des enseignements sur ce type de dossier et sur l'utilisation
qui pourrait être faite des questionnements.
Les points saillants de cette analyse sont :
1-Le point zéro:
Lors du premier permis, accordé AVANT les résultats de la
première enquête publique conduisant à un refus, un
point
zéro a été réalisé.
Ce point zéro était insuffisant et non contradictoire.
Insuffisant, car il ne portait que sur 38 prélèvements,
n'était pas complété par une étude de l'extérieur
du centre et la partie chimique avait été omise.
Pour pouvoir être utilisé pour un suivi d'environnement et
de santé, ce point ne comportait pas assez de prélèvements.
Non contradictoire, car il a été effectué par
le seul pétitionnaire (Cadarache) de juillet à Octobre 97.
Ce point zéro doit être assuré par un ensemble de laboratoires
: ceux de Cadarache, de l'OPRI, de la CRIIRAD, d'autres tels Subatech,
CEMRAD, ...
Ce point zéro doit comporter une analyse sur le site CEDRA mais
aussi à l'extérieur du site Cadarache. Il doit être
radioactif et chimique.
Une inter comparaison entre différents laboratoires permettrait
une mise en perspective des diverses mesures.
2- Choix du site de Cadarache
Comme il est indiqué dans le rapport de l'Office Parlementaire de
Choix Scientifiques et Technologiques (OPCST) ( mars 2000, n° 2257,
page 136)
"… le centre de Cadarache n'a pas vocation à devenir un centre
d'entreposage. Par ailleurs, les investissements nécessaires faits
à Cadarache, par la dépense qu'ils représentent et
du fait même qu'ils représentent une solution durable, diminuent
l'intérêt de solutions nationales et en compromettent la réalisation."
La surveillance parlementaire, mise en place tardivement (1991) et timidement
(déchets de haute activité), n'a pas pu inverser le cours
des décisions CEA de 1983. En conséquence Cadarache est (et
restera) le centre de regroupements des déchets dit "B" c'est-à-dire
contaminés par des émetteurs alpha (très longue période).
Ce n'est pas étonnant (même si c'est irritant) : une politique
industrielle se construit dans le temps et il faut se donner les moyens
de la construire. Ce fût donc le sens de la décision du CEA.
Force est de constater, en 2002, que les dossiers CEDRA qui arrivent au
niveau de débat ne laissent plus de choix. Il reste à souhaiter
que les solutions préconisées par le CEA ne s'avèrent
pas conduire dans une impasse.
Les raisons invoquées pour le choix de Cadarache sont des raisons
de circonstances insuffisamment étayées. Elles sont devenues
incontournables, mais ne suffisent pas pour justifier un choix qui pèse
sur la politique de traitement des déchets français.
Un audit des pratiques du passé et de celles en gestation devrait
être mené par des experts non-CEA et avec une participation
de tous (CEA, citoyens, CLI, experts) pour pouvoir faire le point des questions
et infléchir les futurs projets grâce à ce dialogue.
3-Séisme, survol, accident de criticité
Ces trois points ont en commun le fait que l'Autorité de Sûreté
Nucléaire (ASN), suite à des accidents, a rédigé
de nouvelles recommandations et a demandé aux exploitants des réévaluations
de sûreté.
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suite:
Séisme : cette construction nouvelle ne peut pas prendre
comme règles celles du démarrage de Cadarache. Les Règles
Fondamentales de Sûreté ont été redéfinies
en fonction des connaissances acquises et des exigences de sûreté
qui en ont résulté.
Que l'ensemble du site ne puisse pas être reconstruit est une réalité.
Que les bâtiments nouveaux soient construits selon des règles
des années soixante tout juste améliorées, nous semble
une erreur. Il est donc indispensable que ce soit l'intensité du
séisme de Lambesc (intensité IX, 1909) qui serve de base
pour le dimensionnement des nouvelles installations.
Survol : L'arrêté de 1957 ne peut plus être
invoqué depuis le 11 septembre 2001. Actuellement toutes les installations
à risques remettent à niveau ce problème et plus généralement
tout ce qui serait lié à des actes terroristes.
Il était de toute façon apparu que prendre comme avion de
référence le CESSNA ou le LEAR n'était pas suffisant,
même en s'abritant derrière de faibles probabilités.
Criticité : L'accident de Tokaï
Mura a conduit l'ASN, à demander le réexamen de la possibilité
d'un accident de criticité.
Par ailleurs, l'accident de l'usine AZF de Toulouse a montré qu'il
était déraisonnable de déclarer "un accident impossible"
même si sa probabilité est très faible.
À la lecture des dossiers, nous pouvons constater que si ces risques
sont pris en charge individuellement, il n'apparaît pas que soient
étudiés les effets d'amplification dus à des effets
"domino".
La
notion de barrières successives n'a de sens que si l'événement
initial (séisme, chute d'avion gros porteur, explosion, etc… ) n'a
pas détruit ces barrières.
4- prélèvement d'eau
La prise d'eau de Cadarache est régie par un arrêté
qui date de 1961:
" CEDRA ne demande pas de prélèvement supplémentaire
et s'inscrit dans la demande en eau actuellement autorisée ;"
(page 5 Étude d'impact)
Comme CEDRA ne demande rien, cet arrêté de prise d'eau n'est
pas révisé. Il serait tout de même important de revenir
sur cette autorisation pour mieux tenir compte de la nouvelle loi sur l'eau
du 3 janvier 1992.
Dans le cadre de cette la loi sur l'eau, la prise d'eau devrait être
revue, car sont concernés : "les ouvrages, travaux et activités
réalisés à des fins non domestiques et entraînant
des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines,
restituées ou non, avec une modification du niveau ou du mode d'écoulement
des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts
directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non
polluants."
Il nous semble nécessaire de revoir ce problème d'eau : prélèvements
dans le canal d'EDF, dans la nappe phréatique, rejets dans la Durance.
5-Inventaire
CEDRA doit regrouper dans ses entrepôts des déchets Faiblement
Irradiants (FI) et Moyennement Irradiants (MI). Ils sont contaminés
par des émetteurs alpha et ne peuvent être admis dans un centre
de surface, tel que défini actuellement par la réglementation.
L'inventaire dressé repose sur le contenu des entreposages actuels
du site (PEGASE, INB 56) ainsi que sur celui des entreposages des autres
sites CEA (Fontenay, Grenoble, DAM-Ile de France, Marcoule, Valduc).
En fin de traitement CEDRA regroupera environ 13000 colis FI et 4700 MI.
L'engagement est pris de ne traiter que des déchets CEA. Cependant
il peut se faire que des déchets provenant d'autres producteurs
soient envoyés à Cadarache sur réquisition préfectorale.
Cet inventaire est extrêmement varié.
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Les déchets proviennent des diverses activités du CEA : résidus
de façonnage de combustible pour les réacteurs de recherche
ou expérimentaux, résidus de traitement de minerai (radifères
du Bouchet), résidus des activités (gants, cellulose, outils,
etc.), boues de station d'épuration, etc.
Le contenu radioactif est plus ou moins explicité en ce qui concerne
la charge en plutonium. De plus l'inventaire des autres radioéléments
n'est pas connu avec précision. Les formes physico-chimiques ne
sont pas précisées. Certains fûts peuvent même
contenir des solvants ou des gaz.
Le traitement des fûts va être assez difficile, surtout pour
les plus anciens.
Il est probable que CEDRA permettra d'avoir une meilleure connaissance
de ces déchets anciens mais la méconnaissance actuelle peut
être source de danger, en particulier pour les travailleurs. Il faudrait
améliorer la précision de l'inventaire radioactif et chimique
des colis anciens.
6-Études de dangers
Elles sont menées de façon très segmentée.
Les scénarios envisagés sont très réducteurs
même s'ils sont déclarés "réalistes". En, effet,
un incendie dans une boite à gants, dans le local d'entreposage
tampon ou un séisme affectant le bâtiment de traitement pendant
son fonctionnement sont considérés comme trois événements
disjoints.
Pourtant en cas de séisme, surtout s'il est hors du dimensionnement
actuel, il est vraisemblable que de nombreuses alimentations en fluides
seraient détruites ou arrêtées. Il ne s'agit plus d'évoquer
un incendie limité à une boîte à gants, mais
d'imaginer les séquences accidentelles conduisant à une dispersion
de produits radioactifs et d'évaluer les quantités qui pourraient
être dispersées.
Le chapitre "Mesures prises pour faire face au risques et limiter les conséquences
des accidents" décrit les installations et les mesures de surveillance
associées.
Il n'est jamais envisagé le contournement des dispositifs installés.
La conclusion se passe de commentaire " Les mesures ont été
prises par rapport à tous les risques envisageables". Certes,
mais reconnaissons que la phrase suivante est moins optimiste.
"Malgré toutes les dispositions prises en matière de prévention
et de surveillance des risques d'origine interne ou externe, des accidents
peuvent survenir."
Dommage que cette phrase n'apparaisse qu'à la fin car elle est la
base d'une maîtrise des dangers et de ce que l'ASN appelle "la
culture de sûreté"."
Plutôt que
de se baser sur un scénario "réaliste", mieux vaut estimer
un terme source pessimiste et des conséquences potentielles à
partir de ce terme source.
C'est pourquoi cette autre affirmation est à proscrire : "Même
dans les conditions accidentelles les plus défavorables, l'impact
radiologique sur le public reste négligeable : aucune contre-mesure
n'est à mettre en place (confinement, évacuation des populations,
… ). ". (page 88, Etude de dangers) Est-ce si certain ?
7-Rejets et impact sur la santé
Rejets chimiques :
"Les rejets de l'installation se situent à des niveaux bien inférieurs
aux domaines dans lesquels les impacts sanitaires sont déterminés.
Par principe de non-pertinence du risque, les effets potentiels sur la
santé ne seront pas développés" (page 139, Etude
d'impact)
(suite)
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suite:
Ce principe de "non-pertinence des risques" (nouvellement créé
pour la circonstance car inconnu jusqu'à ce dossier) conduit à
des aberrations. C'est probablement en son nom que l'explosion du nitrate
d'ammonium n'avait pas à être prise en compte à l'usine
AZF (Toulouse).
Par ailleurs la problématique de la chronicité et celle de
la synergie existent. Il serait bon de développer un peu plus
Rejets radioactifs
Pour la composante radioactive l'absence de registres de santé détaillés
ne permet pas de faire des bilans et c'est dommage. Les enquêtes
épidémiologiques ont besoin de ce support. Il serait opportun
d'avoir un tel registre dans la région. Il faut cependant se rappeler
que ce registre doit être bien préparé, bien suivi
et qu'il ne pourra guère servir avant une période d'enregistrement
d'une dizaine d'année.
Par ailleurs il existe un suivi des rejets liquides et gazeux. C'est un
suivi permettant de vérifier le bon fonctionnement des installations
de Cadarache, ce n'est pas un suivi permettant une réelle connaissance
de la contamination de l'environnement et donc de l'impact du site sur
la santé des populations et des travailleurs.
En conséquence, il convient de revoir les plans de suivi des rejets
liquides et gazeux dans cette optique : impact sur la santé et sur
l'environnement.
Des études plus systématiques doivent être menées
autour des sites : étude radioécologique et chimique (mesures
plus fréquentes, avec un maillage plus adapté, etc.), registres
de morbidité permettant d'effectuer des études plus ciblées.
8-Le calendrier de fonctionnement
La décision de
réaliser les entrepôts par tranche doit permettre de prendre
en charge les améliorations provenant des enseignements du retour
d'expérience.
De plus, de nouveaux procédés permettent aux exploitants
d'effectuer des rejets qui ne représentent que quelques % des autorisations
(autorisations qui ont de 10 à 30 ans d'âge). La nécessité
de les revoir est un impératif.
En conséquence, il nous semble judicieux de limiter dans le temps
l'autorisation de création et les autorisations de rejets chimiques
et radioactifs.
L'expérience des quelques sites actuellement en phase de surveillance ou de reprise (site Manche, Fontenay aux Roses, Marcoule, Valduc, Cadarache), doit conduire à une grande prudence. En effet, aussi bien
sur les emballages des produits, que sur la pratique des entrepôts
ou du stockage, des erreurs d'estimation, d'appréciation ont été
commises. Ces erreurs provenant du niveau de connaissance au moment de
la mise en œuvre doivent pouvoir être rectifiées.
De plus, les estimations de dangers, les calculs des doses et donc des
effets sur la santé sont menés à l'aide de modèles.
Ces modèles doivent être calés par des mesures sur
le terrain qui doivent permettre de les vérifier. Or il s'avère
qu'actuellement les mesures sont insuffisantes en nombre, en localisation
et en précision pour permettre ce calage des modèles.
Il faut, impérativement ne pas reproduire la situation présente
c'est-à-dire des autorisations jamais revisitées à
la lumière du retour d'expérience. Si une erreur a été
commise, on ne devra pas continuer au prétexte que les décisions
de 2002 ont conduit sur une voie irréversible. Et si cette voie
est une impasse ?
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9- Démantèlement
Une page en tout et pour tout. Il est exact que l'installation peut être
décontaminée, qu'elle peut être démontée.
Simplement rien n'est simple en milieu contaminé ou en milieu chimique.
Les difficultés de reprise de toutes les installations devraient
conduire à moins d'optimisme.
Cependant, même annoncé si brièvement, on se réjouit
d'apprendre que ce démantèlement est prévu et qu'une
réserve financière commence à être constituée.
En conclusion
Le GSIEN, ayant voulu se placer dans le cadre strict des dossiers soumis
à la population, en souligne la difficulté de lisibilité,
tout en reconnaissant la qualité du travail.
L'éparpillement des rubriques dans les divers dossiers rend difficile
une vue d'ensemble des problèmes.
De plus, une critique de fond peut être formulée. La philosophie
des études de dangers est en elle-même dangereuse.
Elle consiste à sectoriser les analyses en les considérant
comme statistiquement indépendantes.
Chaque étude de risque est effectuée dans les "règles
de l'art", mais sans tenir compte des effets d'amplification dus à
une interférence avec un autre événement.
(suite)
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suite:
Par exemple, pour les risques liés à un séisme, le
choix d'une intensité du séisme historique, donc d'un séisme
majoré de sécurité (SMS), définit le dimensionnement
des installations. Dans ces conditions, puisque les structures sont sensées
tenir, il n'est pas paru utile au pétitionnaire de prendre en compte
leur éventuelle dégradation dans l'étude des autres
risques.
Or nous contestons le choix de cette intensité qui ne nous semble
pas réaliste au vu de la situation géologique du site et
d'un séisme récent d'une intensité supérieure
(Lambesc 1909).
Dans ces conditions les notions de confinement, de permanence des alimentations
tant électriques qu'en divers fluides ne nous semblent plus être
pertinentes dans les analyses.
De même il n'est pas exclu qu'en cas de séisme un incendie
puisse se déclarer, et ce dans des conditions de confinement qui
ne sont plus celles prises dans l'étude.
Il nous semble essentiel que les études de danger intègrent
cette approche, ce qui rendrait indispensable la révision des termes
sources utilisés pour étudier les éventuels rejets
et leurs effets sur les populations et l'evironnement.
La surveillance environnementale dans ses composantes chimique et radioactive
devrait être réalisée avec la participation de plusieurs
laboratoires. Cette intercomparaison crédibiliserait une analyse
de qualité gage de la santé des travailleurs et des populations.
début p.7
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