Pourquoi y a-t-il danger à
Cadarache?
L'usine Mox de Cadarache, comme d'ailleurs l'ensemble de ce centre nucléaire, est placée sur des failles actives ultra dangereuses. Cette usine est l'une des quatre installations nucléaires de base (INB) manipulant du plutonium sur ce site. Construite en 1961, pourrait-elle résister à un séisme comme celui qui s'est produit à Lambesc en 1909 et qui a atteint l'intensité IX? On peut se permettre d'en douter. À cause de la dangerosité sismique du site de Cadarache et de la non conformité de l'usine MOX, la Direction de la Sécurité des Installations Nucléaires (DSIN) a demandé sa fermeture. Le MOX est un mélange d'uranium et de plutonium: ce dernier est l'élément chimique le plus dangereux de la planète. Des poussières de plutonium avalées, et surtout inhalées, dans des quantités de l'ordre du millionième de grammes suffisent pour engendrer des cancers irréversibles (car cet élément à tendance à se concentrer dans les poumons, les os et le foie), des leucémies et modifications génétiques chez nos descendants (Davis, 1997 – Morichaud, 2000). 1. – Qu'est-ce qu'une faille?
Fig. 1A – Faille: le plan de rupture porte des stries verticales. Le banc repère permet de mesurer le décalage vertical.
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2. - La rupture des roches engendre des vibrations du sol Le broyage et la striation des roches produisent des vibrations du sol. Pour s'en persuader, il suffit de se placer à proximité d'une pelle mécanique qui attaque une paroi rocheuse. La rupture d'un banc calcaire soumis à la traction de l'engin produit des vibrations du sol qui ne sont ressenties que dans un rayon d'une dizaine de mètres. il en est tout autrement dans le cas d'un déplacement le long d'une faille. Les masses en mouvement sont plusieurs millions de fois supérieures au demi mètre cube arraché par la pelle mécanique. 3. – L'enregistrement des vibrations
4. – La surveillance des failles
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L'enregistrement par les
sismographes se fait pratiquement en temps réel (le temps nécessaire
à la propagation des ondes). Les destructions engendrées
par les séismes de forte magnitude se produisent au moment de l'enregistrement.
Il est alors trop tard pour intervenir.
Le problème de la prévision reste donc non résolu car aucun appareil n'est susceptible de donner d'éventuels signes annonçant un séisme. Fig. 2 A – Répartition des séismes le long des failles des Cévennes (2), de Nîmes (3) et d'Aix-en-Provence – la Durance (4) pendant la période 1992-1995. Le Centre Nucléaire de Cadarache est situé sur le couloir faillé le plus actif du SE de la France.
5. – La caractérisation des séismes
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L'intensité d'un séisme exprime l'importance des destructions des édifices, des modifications de l'environnement et des réactions humaines confrontées à un tremblement de terre. Elle est donnée par l'échelle MSK qui comporte 12 degrés (de I à XII). L'intensité diminue dès qu'on s'éloigne de l'épicentre. L'intensité du dernier séisme de Provence, qui dévasta plusieurs villages autour de Lambesc le 11 juin 1909, a atteint le chiffre IX dans toute la zone épicentrale comme l'attestent les rapports historiques, les photographies d'archives et l'analyse objective de la littérature (Reyre G., 1909 – Despeyroux & Godefroy, 1985 - Lambert et al., 1996, 1997 - Muller et Nury, 2001). 6. – Le couloir faillé NNE-SSW d'Aix-en-Provence
– la Durance
Fig.3 – Le couloir faillé d'Aix-en-Provence – la Durance avec localisation des séismes historiques. Le volcan de Beaulieu, dont la lave provient du manteau terrestre, se situe à l'intersection des failles E-W et NNW-SSE. Ceci démontre que ces failles recoupent toute l'écorce terrestre. Le faisceau occidental longe le versant ouest
de la vallée de la Moyenne Durance entre Château-Arnoux, Peyruis,
Volx, Manosque, Ste-Tulle, Beaumont et Mirabeau. Il passe alors en pleine
montagne vers Meyrargues, Aix-en-Provence, Bouc-Bel-Air, l'Estaque et se
poursuit dans le Golfe du Lion.
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Dans chacun de ces deux faisceaux,
les failles sont discontinues, se divisent en plusieurs branches ou bien
se relaient.
La grande largeur de la zone faillée plaide en faveur de l'existence en profondeur d'une discontinuité très importante traversant une grande partie de la croûte terrestre (au moins sur 20 km) comme le suggèrent les données de gravimétrie et de sismique pétrolière. Une bande faillée transcontinentale. Les études géologiques montrent que le couloir faillé d'Aix-en-Provence - la Durance appartient, tout comme les trois autres grandes failles du SE de la France, à une gigantesque bande faillée qui se poursuit bien au-delà des Alpes (Muller & Nury, 2001). Une analyse rétrospective des événements géologiques qui se sont produits dans les régions entourant la Méditerranée actuelle depuis le début de l'ère secondaire permet de reconstituer le tracé de cette bande faillée transcontinentale: elle s'étendait alors sur 6.000 km de long avec une largeur de 400 km (Muller et al., 1997). Elle a été tronçonnée lors des mouvements alpins mais est restée pratiquement continue sur la plaque européenne entre le SE de la France et la Sibérie. C'est une discontinuité majeure de l'écorce terrestre qu'il convient de ne pas sous-estimer, car elle fut le siège de déplacements quasi permanents, ponctués de chocs sismiques majeurs. Le bloc provençal, situé à l'Est du couloir faillé d'Aix-en-Provence - la Durance (et comprenant le Mercantour et les Maures), était localisé primitivement à quelques 250 km plus au sud. Il s'est ensuite déplacé vers le NNE en glissant le long du couloir faillé décrochant à la vitesse moyenne de 10 centimètres par siècle, ce qui implique une multitude de séismes de forte magnitude, comme le démontre d'ailleurs l'intense broyage des roches observé le long des failles. 7. – Les failles inverses Est-Ouest les
plus dangereuses de Provence
Fig. 4 - Chevauchement : le glissement du bloc supérieur entraîne la striation du plan de chevauchement. Ces stries indiquent très précisément la direction du déplacement. Le séisme de Lambesc de 1909, localisé sur une faille inverse, a atteint l'intensité IX MSK alors que les séismes répertoriés depuis dix siècles le long du couloir faillé d'Aix-en-Provence - la Durance n'ont pas dépassé l'intensité VIII. ( suite )
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Pour illustrer cette différence potentielle de destruction liée aux séismes se produisant sur ces deux types de faille, on pourrait comparer les dégâts survenant à deux véhicules, l'un ricochant le long d'une glissière d'autoroute (faille de la Durance), l'autre la percutant frontalement (faille inverse de Lambesc). Une dizaine de failles inverses E-W ont été répertoriées en Provence. Plusieurs sont très proches du site nucléaire de Cadarache serait à 15 km (faille du Lubéron). Ces failles non mentionnées sont les suivantes: · la faille chevauchant de Vinon - St-Julien apparaît en surface à 5 km au Nord du site de Cadarache. Elle se suit sur 20 km. LE plan de faille incliné vers le Sud se prolonge en profondeur sous Cadarache; · la faille chevauchante de Gréoux - Esparron-de-Verdon apparaît elle à 5 km encore plus au Nord. Elle a aussi un pendage Sud et se suit sur plus de 20 km; · le chevauchement de Vautubière apparaît à 6 km au Sud de Cadarache. Compte tenu de son faible pendage Nord, le plan de faille devrait se prolonger sous le site de Cadarache. Deux autres failles importantes encadrent encore Cadarache: · à 3 km au NE, est située la grande faille de Ginasservis de direction NW-SE (NI50E), qui se suit sur 10 km; · à 2 km au SW de Cadarache, la grande faille de Rians dont le tracé NNW-SSE se suit également sur une dizaine de km. Fig. 5 : Carte géologique simplifiée de la région de Cadarache, établie à partir des cartes géologiques à 1/50 000 de Pertuis et Tavernes, montrant les chevauchements et les failles inverses qui encadrent le site nucléaire. Pourquoi le CEA a-t-il passé sous silence l'existence de ces cinq failles si proche du centre nucléaire? Méconnaissance de la géologie provençale? · quelle faille va rejouer? · où se situera l'épicentre du séisme sur la faille? · quand se produira le séisme? · quelle sera l'intensité du séisme? 8. - Le recours à la sismologie est-il
une aide?
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Une idée fausse, mais adroitement
véhiculée, prétend que les petites secousses garantissent
contre les grandes, comme si ces petites secousses étaient comparables
à une soupape de sécurité par où s'échapperait
le trop-plein d'énergie. Au contraire, elles sont le signe que les
tensions sont sur le point d'atteindre le seuil de résistance des
roches (Rousseau, 1961). Quand les tensions auxquelles sont soumises les
couches géologiques sont presque égales à la valeur
de ce seuil il suffit d'une cause insignifiante telle une marée
plus forte ou un changement de pression atmosphérique pour déclencher
un séisme (Rousseau, 1961). Là non plus, il n'y a pas de
signe annonciateur.
La complexité tectonique de la Provence a des conséquences sur la dangerosité sismique de cette région, en particulier à cause de l'existence des deux types de failles cités plus haut. Les failles décrochantes jouent actuellement pratiquement en permanence et permettent le déplacement, même infime, des blocs. Le compartiment oriental de ces failles glisse vers le Nord. Entre ces failles décrochantes, les roches sont en compression et l'énergie s'y accumule. Les failles inverses, situées entre les failles décrochantes, permettent le “ rétrécissement ” des blocs. Elles seront réactivées lorsque l'énergie qui s'y accumule dépassera le seuil de résistance au frottement des blocs l'un sur l'autre. Le long de ces failles inverses (contrairement aux failles décrochantes), il n'y a pratiquement pas de petits séismes. Elles ne préviennent pas et sont infiniment plus destructrices. 9. – La Provence prise en tenailles entre
l'Europe et l'Afrique
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Fig. 6 - Schéma simplifié des zones d'affrontement entre les plaques Afrique-Arabie et Eurasie. L'Afrique migre vers le Nord depuis 80 millions d'années. L'éjection de la Turquie et son dérapage vers l'Ouest se répercute jusque dans le SE de la France. Cette région est ainsi prise en tenailles entre ces deux énormes masses continentales. La masse de la plaque africaine est sept fois plus grande que celle de la Méditerranée et de l'Europe méridionale confondue. Les séismes récents de Turquie,
puis de Grèce et, probablement dans un futur plus ou moins proche,
ceux qui se produiront dans les Balkans, dans les Alpes et finalement avec
un contre-coup en Provence, confirment cette dérive permanente venant
de l'Est.
10. – La réglementation parasismique des installations
nucléaires
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3) le Magasin de Stockage
d'uranium enrichi et de plutonium (INB53),
4) le Laboratoire d'Études et de Fabrication des Combustibles Avancés comprenant une chaîne de fabrication expérimentale et une chaîne pilote pour la production du MOX, 5) le Réacteur Masurca utilisant un combustible à 54% de plutonium dans un cœur de type Super Phénix. A côté de ces unités, il y a des entreposages de déchets radioactifs dans des conditions plus que surprenantes pour un site qualifié de sismique: 6) les hangars n° 2 à n° 9 abritent 3748 fûts de boue contaminée avec du plutonium et de l'uranium, 7) des fosses doublées de béton renforcé d'asphalte renfermant plutonium ou uranium pyrophorique, 8) cinq tranchées en pleine terre contenant des déchets contaminés en partie par du plutonium. Ces déchets devraient être repris par le CEA en raison des risques de contamination de la nappe phréatique sous-jacente, 9) la piscine et le bassin du réacteur Pégase convertis en 1980 pour le stockage de 2.703 conteneurs refermant 64 kg de plutonium, 10) une station de traitement, assainissement, reconditionnement (star). On y projetait d'entreposer dès 1999 une centaine d'éléments MOX dans un puits de la cellule C2. Les autorités de l'État sont au courant de la gravité de la situation puisque des organismes officiels ont multiplié l'implantation de sismographes dans toute cette zone. La DSIN est intervenue auprès de la COGEMA et du CEA pour ordonner la fermeture de l'usine MOX. Mais quelles informations nos responsables politiques ont-ils pu recevoir d'un organisme comme le CEA qui cultive le silence, voire la désinformation ? N'est-il pas irresponsable de sa part de vouloir réviser à la baisse l'intensité des séismes potentiels dans le but de conserver des installations obsolètes et de mettre ainsi délibérément en jeu la sécurité des populations de la Provence et bien au-delà ? Il est encore temps d'intervenir avant qu'un scandale comme celui du sang contaminé ou de la vache folle se reproduise, mais il faut agir très vite, car les séismes ne préviennent pas et ne peuvent être retardés. 11. – Un état dans l'État
?
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Un séisme majeur, à l'origine de la désorganisation de l'usine MOX et en particulier de celle des systèmes de régulations ,peut entraîner la diffusion de la poudre de plutonium , soit dans l'eau (en contaminant les circulations souterraines et de surface), soit dans l'air. Ces poussières pourraient alors être véhiculées sur une partie du territoire français, voire de l'Europe, par les grands flux atmosphériques . Cette diffusion aurait des conséquences dramatiques pour des milliers de personnes, tant en France que dans les pays voisins pour deux raisons principales: · la dangerosité extrême du plutonium. L'absorption d'une quantité infime, de l'ordre du millionième de gramme, entraîne des troubles de santé irréversibles. La période de cet élément pour que sa radioactivité diminue de moitié est longue, 24.386 ans, c'est-à-dire, douze fois la durée de l'ère chrétienne! À partir d'une quantité initiale d'une tonne, il reste encore un kilogramme de plutonium au bout de 240.000 ans. Combien de personnes seront susceptibles d'être contaminées pendant ces centaines de milliers d'années? · l'importance de la production annuelle du MOX à Cadarache. Le MOX contient 6% du Pu. En l'an 2000, il est passé dans ce centre plus de 3 tonnes de plutonium (WISE, 2000). Les risques pour les générations futures sont démesurés!
Nous appuyons sans réserve la décision de fermeture de l'usine MOX par la DSIN et demandons qu'elle soit suivie d'effet en 2001. En appliquant déjà en 1995 le principe de précaution, cet organisme était bien conscient de sa responsabilité face au danger nucléaire. Bibliographie sommaire CEA – Info CEA, n° 11, sept. 2000 Davis M., 1997 – La France nucléaire. WISE, Paris Despeyroux J. & Godefroy P., 1985 – Nouveau zonage sismique de la France. Délégation aux risques majeurs, Premier Ministre et Ministère de l'Environnement, Paris Fourno J.-P, Roussel J. et Lécorché J-P., La sismicité instrumentale récente de la Provence dans son cadre sismo-tectonique. Géologie Méditerranéenne , t. 20, PP. 7-23 IPSN, 1997 – Réseau d'enregistrement sismique de l'IPSN autour de la faille de la moyenne Durance Lambert J.., Levret-Albaret A., Cushing M, et Durouchoux C, 1996 – Mille ans de séismes en France – Catalogues d'épicentres – paramètres et références. Ouest Éditions, Presses Académiques, Nantes Lambert J., Bernard P., Czitrom G., Dubié J.-Y., Godefroy P. et Levret-Albaret A., 1997 – Les tremblements de terre en France, hier, aujourd'hui, demain… Éditions du BRGM, Orléans Muller J., Guieu G., Cornée J.-J., Saint-Marin J.-P., Puigdefabrégas C., Ferrandini J. et Berastegui J., 1997 - The role of Eurogondwanian late hercynian faulted swarms during the Eocene Phiocene tectonic evolution of the Mediterranean. Regional Commitee on Mediterranean Neagene Stratigraphy interim Colloquium. RCMNS Catania, Italie, pp.79-80 Muller J. & Nury D., 2001 – Sur les dangers d'un entreposage de déchets radioactif en subsurface ou en profondeur dans le Sud-Est de la France, Collectif Rhodanien Déchets Nucléaires et APRII-RAD, 2ème éd Morichaud J.-P., 2000 – Rappel, Forum du Plutonium, Déc. 2000. Reyre G., 1909 – Album-Souvenir du tremblement de terre en Provence. Comité Diocésain d'Action Religieuse, Aix-en-Provence Rousseau P., 1961 – Les tremblements de terre, Hachette, Paris Rousset C., 1978 – De l'importance régionale de la faille d'Aix-en-Provence. C. R. Acad. Sci. Paris, t. 286, D, pp. 189-192 Tazief H., 1962 – Quand la terre tremble, Fayard, Paris WISE, Briefing CADI- v4, 21 août 2000 p.15
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