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G@zette N°217/218

FICHE: Exclusion Exemption Libération
(28 octobre 2004)
Annie Sugier, Jacques Lochard, Jean-François Lecomte
(Comité 4 de la CIPR)
 

     1) Rappel
     Les concepts d'exclusion, exemption et libération sont définis par les. instances internationales compétentes en radioprotection (CWR 60, BSS 115 de AIEA et directive 96/29/Euratom).
     L'exclusion s'applique aux expositions aux rayonnements ionisants qui ne paraissent pas pouvoir être maîtrisées (unamenable to control): elles sont laissées hors du champ de la radioprotection. Jusqu'à la publication du guide RS-G-1.7 de l'AIEA (cf. ci-dessous), l'approche retenue pour identifier les expositions concernées était purement qualitative et non quantitative (pas de seuils). Les exemples cités par les instances internationales se réfèrent tous à des expositions à la radioactivité naturelle (potassium 40 dans le corps humain, rayonnement cosmique au niveau du sol, radionucléides présents dans la croûte terrestre non perturbée, concentrations non modifiées de radionucléides dans la plupart des matériaux brnts).
     L'exemption est une dérogation à la règle générale soumettant à déclaration ou autorisation les activités humaines impliquant des sources de rayonnement. Les activités exemptées ne sont donc pas soumises à contrôle. Des seuils d'exemption, exprimés en activité (becquerels) et en concentration d'activité (becquerels par gramme), figurent dans les BSS 115 de l'AIEA et dans la directive 96/29/Euratom, cette dernière leur conférant une valeur réglementaire. Ils ont été calculés sur la base d'un critère dosimétrique de l'ordre de 10 microSv/an, avec des scénarios mettant en jeu des quantités modérées de substances contenant des radionucléides naturels ou artificiels (de l'ordre d'1 tonne ou d'1 mètre cube) et en supposant la source intrinsèquement sûre (inherently safe).
     La libération est la sortie automatique, sans autorisation particulière ni contrôle ultérieur, de substances radioactives provenant d'une activité humaine elle-même sous contrôle, dès lors que le niveau de radioactivité de ces substances est inférieur à un seuil. La Commission européenne propose des seuils de libération, mais seulement à titre indicatif (brochure RP 122). Pour les radionucléides artificiels, les seuils ont été calculés sur la base du même critère dosimétrique que pour les seuils d'exemption (10 rnicroSv/an), mais selon des scénarios différents et sans limitation de quantité de matières radioactives enjeu (ils sont donc plus bas). Pour les radionucléides naturels, le critère dosimétrique est de 300 microSv/an.
     Pour bien comprendre ces concepts, il est possible de faire une analogie avec le service militaire, du temps où il existait en France. Les femmes en étaient exclues; certains hommes en étaient exemptés pour des raisons particulières, mais ils restaient mobilisables en cas de conflit; enfin, les hommes qui avaient accompli leur service étaient libérés de leurs obligations militaires.
     2) Positions en présence
     Les définitions ci-dessus ont souvent été mal comprises ou parfois interprétées différemment. Deux approches s'affrontent. La première consiste à définir des niveaux génériques au-dessous desquels le système réglementaire cesse de s'appliquer quelle que soit la situation. Cette approche part du constat de l'ubiquité de la radioactivité naturelle et de la présence dans le bruit de fond de radionucléides artificiels consécutifs aux essais nucléaires atmosphériques, aux accidents majeurs (Tchernobyl) et aux rejets autorisés des installations utilisant des sources radioactives (installations nucléaires et hôpitaux). La seconde consiste à considérer que le système s'applique a priori à toutes les expositions, moyennant un contrôle proportionnel au risque encouru, et en déterminant au cas par cas le niveau de cessation du contrôle.
     En France, c'est la seconde approche pragmatique qui prévaut. Par exemple, la DGSNR a décidé de ne pas utiliser le concept de libération dans la réglementation nationale, préférant autoriser au cas par cas la sortie de matériaux radioactifs, ou susceptibles de l'être, des installations sous contrôle, pour aiguiller ces matériaux vers des filières contrôlées de valorisation ou d'élimination. C'est aussi la position des membres trançais du Comité 4 de la CIPR.

    3) Point sur les publications et les travaux en cours au niveau international
     a) Au sein de l'AIEA
     En septembre 2000, la Conférence Générale de l'AIEA a demandé au Secrétariat de l'Agence de développer des critères radiologiques pour les radionucléides à vie longue présents dans les marchandises, en particulier dans les aliments et le bois (résolution GC(44)/RES/15). Le guide RS-G-1.7 (connu sous l'appellation DS161 lorsqu'il était à l'état de projet) intitulé «Application des concepts d'exclusion, exemption et libération», répond à cette commande.

suite:
Toutefois, ce guide ne s'applique pas aux denrées alimentaires et à l'eau de boisson qui relèvent du Codex Alimentarius (cf. ci-dessous). Il ne s'applique pas non plus au radon, au potassium 40 dans le corps humain et aux matériaux transportés conformément aux règles de l'AIEA.
     Pour répondre à une préoccupation liée au commerce international des marchandises, le document définit le champ d'application de la réglementation en matière de radioprotection. Deux jeux de valeurs en concentration d'activité (Hq/g) sont établis:
     - des valeurs d'exclusion pour les radionucléides naturels (1 Bq/g pour tous les radionucléides sauf pour le potassium 40 qui est à 10 Bq/g) cette approche quantitative du concept d'exclusion rompt avec la pratique en usage auparavant;
     - des valeurs d'exemption pour les radionucléides artificiels (de 0,01 à 10.000 Bq/g selon le radionucléide considéré)  les valeurs ayant été calculées pour de grandes quantités de substances, elles sont donc différentes des seuils d'exemption des BSS115 de l'AIEA et de la directive 96/29/Euratom (elles sont du même ordre que les seuils de libérations proposés par Euratom).
     Le guide précise que ces valeurs peuvent être utilisées pour les concepts d'exclusion, d'exemption et de libération tels que définis dans les BSS115. Elles peuvent aussi servir à la définition d'une substance radioactive et il n'est nonnalement pas nécessaire de réglementer de
telles substances lorsque la concentration d'activité est inférieure (mais les autorités nationales peuvent en décider autrement). Le commerce des marchandises contenant des radionucléides à des concentrarions inférieures à ces valeurs ne devrait pas être soumis à contrôle au titre de la radioprotection. Enfin, une approche graduée conforme au principe d'optimisation est proposée lorsque ces valeurs sont dépassées (contrôle proportionné à l'importance des expositions).
     Ce guide n'est pas totalement satisfaisant. Il résulte d'un compromis acquis après 3 ans de débats difficiles dans lesquels la position de la délégation française, malgré la sympathie qu'elle inspirait, n'a finalement pas été retenue.

     b) Codex Alimentarius
     Ce Codex, élaboré sous l'égide de l'OMS et de la FAO, contient les normes internationales applicables aux denrées alimentaires. Pour faire suite à la résolution de l'Assemblée Générale de l'AIEA, ces agences ont entrepris la mise à jour du Codex pour ce qui concerne la radioactivité.
     En l'état actuel du projet, celui-ci recommande des valeurs indicatives de concentration d'activité applicables au commerce international de denrées alimentaires. Seuls les radionucléides artificiels sont pris en considération, la présence de radionucléides naturels dans les aliments étant considérée comme non maîtrisable. Les valeurs proposées s'échelonnent de 0,001 à 10 Bq/g selon la série de radionucléides. Elles sont généralement plus basses que celles du guide RS-G-l .7 de l'AIEA. Cependant, pour certains radionucléides, elles sont plus élevées (iode 129, carbone 14, technicium 99, cobalt 60, césium 134 et 137).
     Les valeurs du Codex sont valables aussi pour l'alimentation des enfants. Le critère dosimétrique est 1 mSv/an (niveau d'exemption d'interv'ention proposé par la CIPR 82). A la suite d'un éventuel événement radiologique, la proportion de denrées consommées importées de régions contaminées à été considérée de l'ordre de 10% la première année pour ensuite diminuer. Pour les pays n'important qu'occasionnellement des denrées contaminées, la dose par habitant de'vrait être de l'ordre de 10 microSv/an. Pour les pays dont le territoire est contaminé à plus grande échelle, des valeurs plus contraignantes peuvent être fixées au niveau national. Les denrées présentant des concentrations inférieures à ces valeurs devraient être considérées comme propres (safe) à la consommation humaine. Au-dessus, les autorités nationales décident si, et dans quelles circonstances, les denrées peuvent être distribuées sur leur territoire.

     Ce projet est insatisfaisant car certaines valeurs sont plus permissives pour les denrées alimentaires que pour les autres produits. De plus, même s'il est indiqué que les autorités nationales ont la possibilité de fixer des valeurs plus contraignantes, le projet ne met pas suffisamment en évidence la nécessaire prise en compte des situations particulières d'exposition. Par exemple les valeurs proposées peuvent conduire à des doses de plusieurs mSvlan dans des territoires contaminés dans lesquels l'ensemble de l'alimentation est affecté.
     (...)

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