Introduction 2010 sera une année charnière au chapitre des enjeux nucléaires. En avril, le président Barack Obama sera l'hôte d'un Sommet sur la sécurité nucléaire. En mai, les Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) se réuniront à New York à l'occasion d'une conférence d'examen. Puis le Canada accueillera en juin le Sommet du G8, qui sera en partie consacré à la prolifération nucléaire. Or, alors même que des pays comme l'Iran et la Corée du Nord mettent à rude épreuve le régime de non-prolifération nucléaire et qu'on s'inquiète de plus en plus de voir des groupes terroristes acquérir des matières nucléaires, il est partout question d'accroître sensiblement l'exploitation de l'énergie nucléaire à des fins civiles. Cette «renaissance nucléaire» annoncée de toutes parts est à l'origine du projet Perspectives de l'énergie nucléaire, créé en mai 2006 et visant un objectif en trois volets: * déterminer l'ampleur, la forme et la nature probables d'un éventuel regain du nucléaire à l'horizon 2030, sans juger des mérites de l'énergie nucléaire mais pour prédire son utilisation future; * examiner ses répercussions sur la gouvernance mondiale dans les domaines de la sûreté, de la sécurité et de la non-prolifération nucléaires; * formuler des recommandations à l'intention des décideurs du Canada et de l'étranger sur les mesures à prendre pour renforcer la gouvernance mondiale dans ces trois domaines. Ce document présente les principales conclusions du projet et s'accompagne d'un Plan d'action en cinq points. PRINCIPALES CONCLUSIONS
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Une taxe carbone ou un système de plafonnement et d'échange favoriseraient le nucléaire par rapport au charbon ou au gaz, mais il faudra vraisemblablement des années pour en assurer la mise en oeuvre. * Un réseau en restructuration. La demande d'efficacité énergétique suscite un réexamen approfondi des modes de production et de distribution de l'électricité qui jouera en défaveur de l'énergie nucléaire * Goulets d'étranglement industriels et pénurie de main-d'oeuvre. L'industrie nucléaire a beau accélérer le renforcement de ses capacités, le déclin à long terme du secteur lui rendra la tâche particulièrement difficile. * Le problème des déchets nucléaires reste entier. Depuis 60 ans qu'on produit de l'énergie nucléaire, aucun pays n'a trouvé de solution durable au problème des déchets nucléaires, qui reste très présent dans la conscience publique et continue d'alimenter l'opposition à toute électricité d'origine nucléaire. * Craintes soulevées par la sûreté, la sécurité et les armes nucléaires. De nombreux facteurs freinent le regain du nucléaire, notamment le souvenir de Tchernobyl et de Three Mile Island, la peur du terrorisme nucléaire depuis le 11-Septembre, les révélations d'A.Q. Khan sur la vente de plans d'armes nucléaires ainsi que les tentatives de l'Iran, de l'Irak, de la Libye et de la Corée du Nord pour se doter de la bombe. * Autres contraintes au sein des pays en développement aspirant à l'énergie nucléaire. Au nombre de ces contraintes: faible gouvernance, insuffisance des infrastructures (réseaux électriques fragiles et peu nombreux), systèmes de réglementations déficients, culture de sûreté et de sécurité incertaine, incapacité d'attirer du financement et des technologies de contrôle des exportations. Bref, malgré de solides facteurs d'impulsion et d'indéniables avantages, le nucléaire se heurte à trop d'obstacles par rapport à d'autres modes de production de l'électricité pour que son regain actuel lui permette d'accroître ses parts de marché d'ici à 2030. La gouvernance mondiale est déjà
déficiente
Sûreté nucléaire
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Sécurité nucléaire * Comme c'est le cas de la sûreté nucléaire, de nombreux Etats électronucléaires (mais pas tous) sécurisent efficacement leurs matières et installations nucléaires, ce dont témoigne la rareté des incidents. * Surtout depuis le 11-Septembre, les craintes suscitées par le terrorisme nucléaire ont donné lieu à une campagne de sécurisation des matières et installations des deux secteurs du nucléaire civil et militaire. Mais l'éventuel regain du nucléaire accroîtrait le nombre de ces matières et installations, sans parler de leur transport, qu'il faudrait aussi sécuriser efficacement. * Le régime de sécurité international du nucléaire civil est plus récent et beaucoup moins développé que les régimes de sûreté et de non-prolifération. Et s'il s'est sensiblement amélioré depuis le 11-Septembre, il ne serait pas en mesure de faire face à toute forme de regain du nucléaire. * Les instruments juridiques clés ne sont pas adoptés ou en mis en oeuvre à grande échelle, le contrôle par les pairs n'est appliqué que partiellement et l'usage excessif du secret limite tout autant la transparence que l'échange des leçons apprises et des meilleures pratiques. Non-prolifération nucléaire
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De ce point de vue, les menaces les plus graves sont les suivantes: * La vente de réacteurs nucléaires à des Etats manquant d'expérience et de capacités, notamment en matière d'infrastructures matérielles et administratives de base, de cadre juridique et réglementaire, de contrôles douaniers et frontaliers, d'une culture de sûreté et de sécurité fondée sur des capacités d'application de la loi notamment en cas d'accidents et menaces à la sécurité. Or toute gouvernance déficiente en général, de même que le crime et la corruption en particulier, empêcheront les intéressés de remplir rapidement ces exigences. * Le risque que les Etats électronucléaires actuels, pressés de renforcer leurs capacités, négligent de remplir les exigences clés de sûreté et de sécurité, d'enrichir leur culture en la matière et de doter leurs organismes réglementaires de moyens plus importants. * La possibilité qu'une poignée d'Etats prétextent la production d'énergie nucléaire à des fins civiles pour acquérir les capacités nécessaires à la fabrication d'armes nucléaires (le problème de «couverture nucléaire»). A cet égard, le Moyen-Orient serait une source d'inquiétude particulière étant donné la volonté présumée de l'Iran de se doter de telles armes. * L'acquisition par un nombre grandissant d'Etats de technologies nucléaires sensibles, surtout l'enrichissement de l'uranium et le retraitement du combustible épuisé pour produire du plutonium, risquerait de leur procurer des ingrédients clés pour fabriquer des armes nucléaires. PLAN D'ACTION EN CINQ POINTS
(2) Sécurité nucléaire:
s'assurer de protéger toutes les matières et installations
nucléaires contre les accès non autorisés et les prises
de contrôle ou attentats terroristes
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* Le Sommet sur la sécurité nucléaire d'avril 2010 doit se pencher sur la sécurité de l'industrie du nucléaire civil et non seulement sur les enjeux relatifs aux armes et au nucléaires et aux stocks de matériel désuet. * Etablir une véritable communauté mondiale vouée à la sécurité nucléaire à laquelle participeront toutes les parties prenantes. (3) Non-prolifération nucléaire:
s'assurer que le regain du nucléaire ne favorise d'aucune façon
la prolifération des armes nucléaires
(4) AIEA: renforcer son rôle central
en augmentant son financement, en modernisant sa structure et en réformant
son fonctionnement
(5) Engagement des parties prenantes:
s'assurer que tous les partenaires, notamment l'industrie, participent
à la gestion judicieuse du regain du nucléaire
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D'où les recommandations suivantes: * Convoquer un forum international ou adapter une tribune existante (comme l'ancien Partenariat mondial pour l'énergie nucléaire) qui rassemblera tous les Etats et entreprises concernés par la vente mondiale de réacteurs nucléaires de puissance afin d'harmoniser les critères applicables à cette activité. * Ce forum pourrait élaborer un code de conduite applicable à l'industrie, qui limiterait la vente des réacteurs nucléaires aux seuls Etats qui remplissent ces conditions: * conformité complète aux garanties et au Protocole additionnel de l'AIEA; * adhésion aux principales conventions de sûreté et de sécurité; * reconnaissance et mise en oeuvre des normes de sûreté et de sécurité les plus rigoureuses, y compris en participant aux contrôles par les pairs; * mise en place d'un système de réglementation national approprié; * conformité aux exigences d'établissement de rapports de la Résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations Unies. * De plus, les fournisseurs de réacteurs devraient aussi tenir compte de la stabilité des gouvernements, de la qualité de la gouvernance, de la sécurité régionale et de la renonciation volontaire des Etats à faire usage de technologies nucléaires sensibles. Conclusion
COMMENTAIRE
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