À Wittelsheim, 44.000 tonnes d'amiante, de mercure et de résidus électroniques croupissent depuis dix ans dans une ancienne mine de potasse. Aujourd'hui, il y a urgence: la nappe phréatique du Rhin est menacée. Ici, même la colère reste polie. Pas de cris, pas de slogans gouailleurs qui viendraient écorcher les parois de la mairie de Wittelsheim (Haut-Rhin). Les habitants évoquent à voix basse leur lassitude, usés de devoir encore parler du «tombeau», de la «poubelle». Soixante-dix printemps bien sonnés, Jean, ancien mineur, a le dos cassé d'avoir soulevé le sel toute sa vie. En ce jour de septembre, il a tout de même tenu à être présent pour attendre les résultats de la CLIS, la Commission locale d'information et de surveillance de Stocamine. Cette "énième réunion" doit régler le sort du premier, et sans doute dernier, centre d'enfouissement souterrain de déchets ultimes en France. L'histoire de Stocamine, il ne l'a pas vraiment vu venir. Au début des années 1990, on lui avait parlé d'une solution pour recaser «les petits gars de la mine dans un nouveau boulot», «qu'ils ne soient pas envoyés à l'ANPE comme les collègues des mines du Nord». «On nous a bien dit que c'était des produits toxiques, qu'on allait les enterrer sous nos pieds, mais on nous a promis que tout était sécurisé. J'y ai cru, sans doute aussi parce que j'avais envie d'y croire», ajoute-t-il. Comme Jean, les habitants de Wittelsheim se souviennent encore du slogan, à l'époque de l'ouverture: «Stocamine, un nouveau visage pour la mine.» L'idée semble belle: les galeries de l'ancienne mine de potasse Joseph-Else vont servir d'entrepôt aux déchets ultimes, c'est-à-dire l'amiante, le mercure et les résidus électroniques ne pouvant être traités par la technologie. À l'image de ce qui se passe en Allemagne avec les déchets nucléaires. C'est une aubaine pour les élus alsaciens qui cherchent une solution à la fermeture de leurs mines. Alors que le bassin minier Amélie, dont fait partie Joseph-Else, n'emploie plus que 2.000 personnes – contre 12.000 dans les années 1960 –, le projet prévoit la création de 200 postes. «C'était l'époque où l'on voyait les mines fermer les unes après les autres. On attendait notre tour. Quand l'idée Stocamine s'est pointée, c'est vrai que, nous, les mineurs, on a eu de l'espoir. On s'est dit qu'on n'était pas finis», confie Jean-Pierre Hecht, représentant du personnel de Stocamine. En février 1999, après près de dix ans de réunions publiques et de commissions d'experts, Stocamine ouvre finalement ses portes. Aux habitants et aux associations écologistes locales qui s'inquiètent, les dirigeants martèlent que «les déchets peuvent être remontés à tout moment». «On a tous avalé l'idée d'un possible déstockage. C'est comme cela que le projet est passé», raconte encore Jean-Pierre Hecht. Mais le 10 septembre 2002, le site «totalement sécurisé» prend feu. (suite)
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.../... Amendement en catimini
Scénario catastrophe
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Comme Areva au Niger, EDF en colonisateur, ici-même Henri Proglio, passé maître de l'imbroglio en quelques mois (1), est annoncé ce jeudi 30 septembre dans la région de Bure-mude. Un pied en Champagne-Ardenne et l'autre en Lorraine - deux régions où EDF étend insidieusement son emprise et sa main mise - l'actuel PDG de l'électricien nucléaire viendra en personne s'assurer de la clé de voûte de son empire factice. À vrai dire et jusqu'à présent, peu en ont eu conscience. Quelle différence entre certains territoires du Canada, de l'Australie, du Niger (pour les plus connus) et d'autres de la France, des Etats-Unis, de l'Allemagne (pour ceux sous les feux de l'actualité)? Aucune. Les premiers voient des autochtones spoliés de leurs terres afin que de puissantes entreprises y puisent l'uranium qui tous va nous éclairer (en rendant ces autochtones encore plus pauvres, voir le Niger l'un des peuples les plus pauvres de la terre), les seconds voient des indigènes spoliés de leurs terres pour y enfouir les rebuts de cet uranium enrichi-consumé-retraité. Alors, en définitive, quelle différence entre les autochtones de là-bas et les indigènes d'ici? Le cas de Bure, en France, est des plus emblématiques. Pour ces Indiens de la France, suivant la vision de quelques précurseurs locaux, quelle a été la sinistre réalité: un débat public qui n'a rien retenu de ce qu'ils ont dit-demandé, une demande de «référendum local» - signée par 50.000 d'entre eux!- balayée d'un revers de main, un déversement de pacotille, car oui, si les sommes englouties pas les GIP semblent importantes (18 millions €/an, puis 40, puis 60) ne nous y trompons pas. Que représentent pour EDF et consorts ces sommes ridicules alors que la poubelle souterraine qu'ils lorgnent pour Bure est annoncée coûter 15 milliards € (et il se dit que ces chiffres sont largement minimisés). Que représentent pour EDF et consorts ces sommes ridicules alors que cette poubelle, et on ne le clame pas assez, est LE maillon incontournable à leurs lucratives activités; que deviendrait leur funeste industrie de l'atome si celle-ci se trouvait constipée? si les poisons-déchets générés (et en quelles quantités) ne trouvaient pas de solution, même une pseudo-solution? Alors oui, on comprend la frénésie de Edf-Areva-CEA à coloniser la région de Bure, à acheter les consciences, à donner quelques miettes aux entreprises métallurgiques locales (comme leur faire fabriquer les containers pour les déchets qui empoisonneront les petits-enfants de leurs petits-enfants). Bure se trouve donc être un enjeu capital pour ce cartel mené par Edf et son chef Proglio. De plus, le loup nucléaire ayant déjà un pied dans la bergerie, on peut se demander quels intérêts avaient les élus locaux à lui ouvrir la porte, à l'exception notable - qu'il faut saluer - des élus unis dans l'EODRA, et que tout-e élu-e clairvoyant-e devrait rejoindre (2). (suite)
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Une filière de formation scandaleuse Une œuvre de colonisation, même rampante, comporte toujours un possible retour de bâton. Edf et consorts l'ont bien compris qui augmentent régulièrement les aumônes versées. Et qui sont à l'affût de tout ce qui pourrait conforter leur emprise. Dernier exemple en date, le lycée technique Blaise Pascal de Saint-Dizier n'étant pas au meilleur de sa forme, Edf s'en est venue proposer sur un plateau une nouvelle filière de formation. Sur les énergies nouvelles, propres, renouvelables, et porteuses d'avenir? Pas du tout. Non, une filière dédiée à la «maintenance nucléaire». Des emplois pour la sous-traitance nucléaire, voilà le seul genre de débouchés que nos décideurs locaux sont en état d'offrir à la jeunesse locale. Et quel cadeau quand on sait à présent, par une multitude de témoignages et de reportages, ce que sont réellement les conditions des «trimardeurs du nucléaire». Conscients de servir de «viandes à neutrons», ces travailleurs de la sous-(mal)traitance viennent d'ailleurs tout récemment de fonder une association nationale (3). Et voilà ce dans quoi, avec tambours et trompettes, on engage la jeunesse locale... OUI à une EDF qui prendrait un virage à 180°, tournée vers les énergies propres et exploitables localement STOP à une EDF du passé, qui s'accrocherait à une énergie atomique risquée, sale, dépendante… Voici le slogan de l'association BZL (Bure Zone Libre), établi pour l'occasion: Quand Jean Rostand disait: "l'obligation de subir nous donne le droit de savoir" nous répondons en écho: "ne plus subir, à présent agir!" Déchets nucléaires: ni en Champagne-Ardenne, ni en Lorraine, ni ailleurs... et surtout ne pas les enfouir! (1) L'accumulation des revers d'EDF sur: http://www.lexpansion.com/ (2) EODRA: Association des élus de Lorraine et de Champagne-Ardenne opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs et favorables à un développement durable; (3) Cf la magistrale conférence-débat menée par Philippe Billiard à l'occasion du Festiv'Info de Bonnet (Meuse) fin août. p.13
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