La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°261
FUKUSHIMA: la catastrophe toujours présente

COMMENTAIRE SUR LE DEBAT en 10 questions
 ORGANISE PAR MEDIAPART AVEC 4 SCIENTIFIQUES
22 juillet 2011


     Tout d’abord je vais résumer leurs points de vue. Puis je donnerai celui de la Gazette.
     Le débat s’appuie sur 3 constats:
     - Le contexte global est celui du réchauffement climatique
     - Le nucléaire ne résoudra pas le problème du CO2 dans le monde
     - Doit-on toujours opposer le nucléaire aux énergies renouvelables?

Pourquoi l’énergie nucléaire est-elle nécessaire?
     Les réponses sont assez contrastées: comme on a besoin d’énergie et qu’il faut éviter le CO2, nous sommes de toute façon condamnés au nucléaire mais:
     - pour l’un le choix de l’Allemagne va augmenter sa consommation de gaz et de charbon donc de CO2 et le remplacement du nucléaire par les énergies renouvelables est un «défi redoutable». 
     - pour l’autre comme la demande énergétique va doubler d’ici 2050 et que on doit simultanément diviser par 2 les émissions de gaz à effet de serre: l’équation est «effroyable» donc on a besoin de toutes les énergies, renouvelables et nucléaire.
     - Et pour le dernier il faut réduire les émissions carbonées de toute façon. Le pétrole s’achève, le charbon est émetteur carboné et même en investissant dans les renouvelables, il faudra du nucléaire.

Peut-on construire partout des centrales nucléaires?
     Catégoriquement la réponse est non, mais en déplorant le désengagement de l’Allemagne et de l’Italie. Par contre il est admis que les pays émergents pourront avoir recours au charbon. Il est annoncé que les pays ensoleillés devraient «profiter du solaire à concentration». Et il est enfin déploré le recours des USA «aux gaz de schiste» et souligné leur manque d’enthousiasme pour des énergies alternatives jugées chères.

Comment la menace climatique, phénomène global, peut-elle être utilisée comme un argument décisif en faveur du nucléaire, qui ne peut être développé que dans certains pays, localement?
     L’argument climat milite forcément pour les économies d’énergie et les énergies sans CO2, donc pour la France «le nucléaire  est une réponse intéressante».
     Pour l’ensemble des pays, il faudrait selon le scénario de l'Agence Internationale de l’Energie «(prévoit que 40% de la demande d’énergie primaire mondiale) soit satisfaite par des énergies sans CO2: 40% Biomasse, 30% nucléaire, 9% hydraulique, 21% autres énergies renouvelables». En France, pour 2020 la part des renouvelables devrait monter à 23%, donc «on ira vers un pourcentage de nucléaire dans la production d’électricité moins élevé qu’aujourd’hui».

Pourrait-on remplacer intégralement le nucléaire par les économies d’énergie et les énergies renouvelables?
     L’avis est qu’on peut «beaucoup réduire la consommation», mais «le recours à l’énergie électrique peut être revu à la hausse», par des choix en matière de transport.
     Un des intervenants précise: «le nucléaire n’est pas sans risque, je préférerais qu’on s’en passe, mais je crois que c’est impossible sauf à exiger des baisses de consommations d’énergie dignes d’un temps de guerre».
     Un autre dit «doit-on toujours opposer le nucléaire aux énergies renouvelables?» et «l’immense majorité des tenants du nucléaire pensent qu’il y a de nombreux secteurs où d’autres énergies sont mieux adaptées.» et  termine par «les énergies renouvelables ne suffiront pas à assurer la consommation française».

suite:
Construire de nouvelles centrales peut-il répondre à l’urgence climatique, si les chantiers durent de plus en plus longtemps, comme l’illustrent les déboires de l’EPR?
     L’intervenant affirme «le fait qu’on exige plus de contrôle explique les retards de l’EPR.» et ajoute «les énergies renouvelables ne vont pas plus vite que le nucléaire!»
     Il ajoute: «si la France a choisi le nucléaire c’est qu’elle n’avait pas d’autre solution» (!?!)

Sans parler du bilan humain, le coût économique d’un événement comme Tchernobyl ou Fukushima est gigantesque. Est-ce que cela ne suffit pas à rendre le risque nucléaire inacceptable?
     Même si l’intervenant reconnaît «que si un accident oblige à condamner une zone de 100 km2 cela peut coûter très cher», il n’en affirme pas moins que «toute entreprise comporte des risques. Le charbon tue dix mille personnes par an». Et qu’il est prêt à assumer (!?!) le risque nucléaire.

Le nucléaire peut-il être géré par des sociétés privées?
     La réponse est «il doit relever de la puissance publique». Et par ailleurs «la sûreté est devenue la priorité des priorités. Elle aurait dû toujours l’être, mais ça n’a pas été le cas à Fukushima
     Qu’Abou Dhabi puisse choisir une centrale coréenne «low cost» pour l’intervenant «semble poser problème».

Même un accident aux conséquences limitées peut avoir de lourdes conséquences sur la filière nucléaire: aux Etats-Unis, on n’a plus construit de centrales nucléaires depuis Three Mile Island. L’atome ne comporte-t-il pas trop d’incertitudes économiques?
     L’intervenante indique que «les incertitudes ne sont pas spécifiques du nucléaire». Il est indiqué qu’un audit est en cours à la Cour des Comptes sur son coût et également sur le fait que, oui ou non le démantèlement est-il pris en compte dans ce coût.
     (Et bien sûr...) «le nucléaire nous donne une indépendance. Jeter cela aux orties serait dommage».

Pourquoi le CEA mène-t-il des recherches sur des projets de réacteurs nucléaires dits «de quatrième génération»?
     Petite revue: 1ère génération Uranium Naturel Graphite Gaz, 2ème  Réacteur à Eau Pressurisée actuel, 3ème EPR plus sûr. Et pour donner plus d’avenir au nucléaire, il faut la 4ème génération. Et bien sûr la filière la plus avancée est celle des Réacteurs à Neutrons Rapides refroidis au sodium, mais a-t-elle un gain de sûreté? L’intervenant a un doute et il estime qu’il doit être dissipé avant de continuer.
Si cela marche il y en a pour des siècles...

La volonté de ne pas abandonner le nucléaire est-elle liée à l’idée qu’il s’agit d’une création de l’esprit humain et qu’un scientifique répugne à renoncer à une invention, quels qu’en soient les risques?
     Petit couplet sur ce que nous devons au nucléaire et à la radioactivité: les applications médicales, la datation. Et tout de même rappel du péché originel des applications de la fission: la bombe.

     Mais quant à être mises au service de l’humanité...

p.7


COMMENTAIRE
     Je dois dire que ce débat avec ce titre «malgré Fukushima, 4 scientifiques expliquent pourquoi ils défendent le nucléaire» a été mal ressenti par pas mal de citoyens. En effet, le titre est accrocheur et surtout réducteur. L’académie des Sciences a d’ailleurs terminé son rapport sur Fukushima par cette phrase: "Ce sont les mécanismes démocratiques et non les experts qui doivent déterminer l’avenir de l’électricité nucléaire. Mais il faut pour cela que les enjeux et les diverses options dans leur ensemble soient clairement explicités, en gardant au premier plan les exigences de sûreté, sans isoler l’industrie nucléaire des autres industries, sans oublier le contexte du changement climatique dans lequel ce débat doit avoir lieu." (recommandation numéro 13 du rapport du sous-groupe nucléaire de l’Académie des Sciences concernant l’accident majeur de Fukushima Dai-Ichi -juin 2011)
     Et je souscris à une telle proposition.
     Cependant je reconnais que nos nucléolâtres (technolâtres de surcroît) ont retenu un certain nombre d’idées.
     Bien sûr les économies d’énergie ont maintenant pignon sur rue. Le seul inconvénient est de toujours affirmer que cela ne suffira pas. Si on n’essaie jamais, cela ne suffira jamais c’est sûr. Depuis le début du nucléaire, arrivant après le tout charbon, puis le tout pétrole, les renouvelables ont toujours été oubliés.
     Si on ne commence pas maintenant pour arriver à la mesure des promesses pour 2020, on continuera du nucléaire puisqu’on aura seulement cette possibilité. Mais vu les manques dans les équipes de concepteurs et de constructeurs, je pense que les retards vont s’accumuler et ce ne sera pas à cause des contrôleurs...
suite:
     Évidemment on ne peut que souscrire aussi au fait que «vendre» à Kadhafi (Libye) n’est pas une bonne idée, mais pourquoi affirmer que «l'Allemagne et Italie commettent une faute en abandonnant cette option»? En revanche je veux bien accepter l’idée que «chaque pays choisira ses options énergétiques», mais à condition d’ajouter aux ressources et au développement industriel, un choix démocratique après consultation des citoyens et ce en un débat ouvert et pluraliste.
     Et il faut vraiment discuter d’un programme énergétique diversifié et reposant sur toutes les énergies disponibles. Programme s’appuyant aussi sur des recherches plus large que  ITER  ou les réacteurs de 4ème génération tels que ASTRID. 
     Je suis d’accord pour ne pas opposer nucléaire et renouvelables, mais à condition que les renouvelables aient leur place et bénéficient de crédits et recherches suffisants: ce qui n’est absolument pas le cas et ce depuis des décennies.
     Quant à admettre le risque c’est bien, mais être prêt ou prête à assumer «le risque nucléaire» ne vous donne pas le droit de ne pas écouter les interrogations, et d’interdire de poser des questions. Poser des questions n’est pas être contre, mais permet d’avoir un œil nouveau sur les installations à risque et de gagner en sûreté et sécurité.
     OK pour le service public, mais c’est un peu tard...
     Croyez-vous vraiment, «chers» scientifiques, que la vérité sur les coûts va être faite?
     En particulier le recours aux prestataires ne va pas aider à garder un parc au top. 
     Je me garderai de penser que les découvertes sont forcément bonnes pour l’humanité. La Science existe, elle est ce qu’elle est ni bonne, ni méchante. Par contre les humains doivent éviter de croire que «toute trouvaille» est un progrès: ce n’est pas forcément vrai et les avancées peuvent être «fondamentales» pour la science, mais catastrophiques pour la population et ce d’autant plus que les scientifiques refusent, dans beaucoup de cas, de présenter les avantages et les inconvénients.
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