La G@zette Nucléaire sur le Net!  
G@zette N°263, février 2012
La Cour des Comptes et l’ASN bousculent le nucléaire français


RAPPORT de la COUR DES COMPTES
Les coûts de la filière électronucléaire
Rapport public thématique
Janvier 2012

 

Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -

     La Cour publie un rapport public annuel et des rapports publics thématiques. 
     Le présent rapport est un rapport public thématique. Il traite des résultats d’une enquête réalisée par la Cour à la demande du Premier ministre (procédure désormais régie par l’article L. 132-5-1 du code des juridictions financières). 
     Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles, les enquêtes et les évaluations conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des comptes et, pour certains, conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres. En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages larges et variés. 
     Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres. 
     Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics: l’indépendance, la contradiction et la collégialité. 
     L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et statutaire de leurs membres garantit que les travaux effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation. De même, la Cour et chaque chambre régionale ou territoriale des comptes décident librement de la programmation de leurs travaux. 
     La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations ressortant d’un contrôle, d’une enquête ou d’une évaluation, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés;  elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
     La publication dans un rapport public est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour. 
     La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de préparation, de contrôle ou d’évaluation et de publication. 
     Tout contrôle, enquête ou évaluation est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les projets de rapport public.

suite:
     Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général. 
     Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la chambre du conseil où siègent, sous la présidence du premier président et en présence du procureur général, les présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers maîtres en service extraordinaire.
     Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales, quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif déontologique. 
*
     Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site Internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La documentation Française. (...)

Chapitre IV
Provisions et actualisation

     I - Le montant des provisions dans les bilans
     Les dépenses futures de démantèlement, de gestion des combustibles usés et de gestion des déchets qui ont déjà été produits sont aujourd’hui intégrées dans les comptes des exploitants, parce qu’elles sont inéluctables mais l’échéancier de réalisation de ces dépenses est souvent très long. Elles sont donc comptabilisées sous forme de provisions, calculées sur la base des charges brutes identifiées dans le chapitre III précédent et auxquelles est appliqué un taux d’actualisation. 
     Au total, dans les comptes d’EDF, d’AREVA, du CEA et de l’ANDRA, les dépenses futures de la filière électronucléaire sont évaluées en 2010 à 79,4 Md€2010 de charges brutes pour le démantèlement des installations, la gestion du combustible usé et la gestion à long terme des déchets radioactifs. On peut rapprocher ce montant, par exemple, de la valeur actuelle des investissements initiaux faits dans le parc en exploitation (83 Md€2010 en coût overnight). 
     Compte tenu de l’effet de l’actualisation, ces charges brutes se traduisent par des provisions inscrites dans les états financiers des principaux exploitants, à hauteur de 38,4 Md€ en 2010.
     Ainsi, le total des provisions dans les comptes représente à peine la moitié (48%) du montant des charges brutes, proportion qui diffère fortement entre les exploitants du fait de l’échéancier de ces dépenses futures. Ainsi les dépenses futures du CEA sont, pour une partie importante, actuellement en cours (démantèlement des installations, RCD), ce qui limite l’impact de l’actualisation, puisque ses provisions représentent 66% de ses charges brutes.

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Charges brutes de la filière nucléaire

Provision de la filière nucléaire

Source: Cour des comptes à partir des états financiers des exploitants et des rapports sur les charges nucléaires de long terme et leur financement
* dont 158,8 M€ hors périmètre de la loi de 2006

Comparaison des charges et des provisions par type de dépenses

Source: Cour des comptes à partir des états financiers des exploitants

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     II - L’actualisation des provisions
     Compte tenu de l’impact très important de l’actualisation des charges brutes dans le calcul des provisions qui les représentent dans les comptes des exploitants, il faut examiner avec attention les méthodes et les taux d’actualisation employés. 
     A - Le principe de l’actualisation
     1 - Convertir des montants futurs en montants présents
     Les montants provisionnés par les exploitants nucléaires ont vocation à être dépensés sur une période de temps longue, parfois même très longue. Or, pour toute réflexion économique et financière portant sur une période de temps longue, il est admis qu’un montant, perçu ou dépensé dans le présent, n’est pas strictement équivalent ou comparable à un montant à percevoir ou à dépenser dans le futur.
     L’actualisation consiste à tenir compte de cette valeur du temps en rapportant ces dépenses futures en valeurs présentes.
     L’actualisation est ainsi «l’opération mathématique qui permet de comparer des valeurs économiques qui s’échelonnent dans le temps: il s’agit de ramener la valeur future d’un bien, d’une dépense à une valeur actuelle. L’actualisation repose sur deux éléments essentiels: l’appréciation des flux monétaires (échéancier des dépenses et recettes immédiates et futures, réelles ou fictives) et le taux d’actualisation (coefficient permettant de ramener le futur au présent). Le taux d’actualisation est un taux de substitution entre le futur et le présent ; il traduit la valeur du temps pour une entreprise ou une collectivité : c’est en quelque sorte le "prix du temps"» (Commissariat général du plan, Révision du taux d’actualisation des investissements publics, 2005). 
     Le principe de l’actualisation est également prévu par les normes comptables internationales, et plus spécifiquement la norme IAS 37 relative aux provisions, passifs éventuels et actifs éventuels. Cette norme a été transposée dans le règlement communautaire n°1126/2008 de la Commission du 3 novembre 2008, qui dispose que «lorsque l'effet de la valeur temps de l'argent est significatif, le montant de la provision doit être la valeur actuelle des dépenses attendues que l'on pense nécessaires pour éteindre l'obligation. Étant donné la valeur temps de l'argent, les provisions relatives à des sorties de trésorerie se produisant peu après la date de clôture sont plus onéreuses que celles relatives à des sorties de trésorerie de même montant se produisant à une date ultérieure. Lorsque l'effet est significatif, les provisions sont donc actualisées. Le taux d'actualisation doit être un taux avant impôts reflétant les appréciations actuelles par le marché de la valeur temps de l'argent et des risques spécifiques à ce passif. Le taux d'actualisation ne doit pas refléter les risques pour lesquels les estimations de flux de trésorerie futurs ont été ajustées».
     Les dépenses futures estimées par les exploitants pour l’aval du cycle nucléaire sont donc d’abord estimées en valeur brute, selon les conditions économiques de l’année en cours. Ces valeurs brutes sont ensuite actualisées par un taux qui permet de déterminer les montants à provisionner aujourd’hui pour couvrir des dépenses futures. Dans les comptes des exploitants, c’est bien la valeur actualisée qui est prise en compte au bilan. 
     Cette opération revêt une grande importance pour les exploitants: toute variation à la hausse ou à la baisse du taux d’actualisation se traduirait par une variation de la provision actualisée et, s’il y a lieu de l’actif de contrepartie, ce qui aurait donc un impact sur leur bilan et leur compte de résultat. Ce changement s’opérerait alors même que les devis estimatifs pour le démantèlement ou la gestion des déchets resteraient inchangés, c’est-à-dire à valeur brute constante.
     2 - L’absence de consensus sur le bon taux d’actualisation
     Compte tenu des incertitudes économiques à long terme et de la préférence variable des acteurs économiques pour le présent, le choix d’un taux d’actualisation comporte nécessairement une part d’arbitraire qui le rend discutable. Une solution alternative de compromis peut consister à appliquer des taux différents d’actualisation en fonction de la période à laquelle seront effectuées les dépenses. 
     Une telle approche était préconisée par l’annexe 8 de l’étude économique prospective de la filière nucléaire de juin 2000 (JM. Charpin, B. Dessus et R. Pellat, Etude économique prospective de la filière nucléaire: rapport au Premier ministre, juin 2000). Ce rapport au Premier ministre recommandait de distinguer deux phases dans l’actualisation: la première phase d’une durée de 30 ans avec un taux d’actualisation de 6%, la seconde au-delà de 30 ans avec un taux d’actualisation de 3%. Le rapport Lebègue de 2005 sur la révision du taux d’actualisation des investissements publics préconisait pour sa part d’utiliser un taux d’actualisation net d’inflation de 4%, décroissant dans le temps à partir de 30 ans et limité à un taux plancher de 2% net pour les investissements de très long terme. Le ministère britannique des finances recommande également d’utiliser un taux d’actualisation dégressif en fonction du temps (HM Treasury, Intergenerational wealth transfers and social discounting, juillet 2008: «This declining rate is based on uncertainty about the future values of time preference and calculates a certainty equivalent rate taking into account the range of this uncertainty»). 
suite:
      Pour les exploitants, cela reviendrait ainsi à utiliser différents taux d’actualisation en fonction de l’échéance estimée de leur provision: le taux pourrait être plus élevé pour la provision relative au démantèlement des installations que pour la provision relative à la gestion à long terme des déchets HA-MAVL qui couvre des dépenses postérieures à 2100. La mise en œuvre d’une telle approche impliquerait toutefois que les exploitants justifient provision par provision le taux d’actualisation retenu. Elle pourrait créer une complexité supplémentaire sans changer fondamentalement la valeur des provisions actualisées: les exploitants utiliseraient ainsi un taux plus élevé qu’actuellement pour les provisions dont l’échéance est inférieure à 30 ans, avant de le faire diminuer progressivement pour atteindre un taux réel de 2% pour les dépenses les plus éloignées dans le temps, conformément aux préconisations du rapport Lebègue. 
(...)

Chapitre VIII
Conclusion générale

     Les chapitres précédents ont permis «d’expertiser les coûts de la filière nucléaire» comme le demandait le Premier ministre dans sa lettre du 17 mai 2011 (annexe 1), en analysant avec précision les différentes catégories de coûts, passés, présents et futurs, que l’on peut rattacher à l’activité de production de l’électricité nucléaire. Ils apportent des éléments de réponse aux deux questions qui sont en général soulevées concernant « le coût du nucléaire»: tous les coûts sont-ils pris en compte? Ces coûts sont-ils bien évalués?
     Pour avoir une vision globale de la réponse que l’on peut apporter à ces questions, il faut, d’une part, examiner les coûts inclus dans les comptes des opérateurs industriels et, d’autre part, s’intéresser aux autres types de coûts qu’ils soient financés par des crédits publics ou qu’ils s’agissent d’externalités. 
     I - Les coûts inclus dans les comptes des exploitants
     Les coûts inclus dans les comptes des exploitants, EDF et AREVA principalement, peuvent être classés en deux catégories, dans lesquelles on retrouve les dépenses passées, présentes et futures: ceux relatifs aux investissements et au capital et ceux inclus dans les charges d’exploitation.
     Comme précisé précédemment, on considère que les coûts d’AREVA (investissements et charges d’exploitation, y compris les coûts futurs) sont intégrés dans les coûts du combustible payés par EDF, pour la partie de l’activité d’AREVA qui est concernée par la production d’électricité nucléaire française. Par conséquent, pour éviter de comptabiliser deux fois les mêmes coûts, l’examen des seuls comptes d’EDF est utilisé pour répondre aux questions posées sur les coûts supportés directement par les exploitants.
     A - Investissement et capital 
     1 - Un investissement initial lourd dont le coût au MW progresse dans le temps
     a) Le montant de l’investissement initial dans le parc actuel 
     Le premier chapitre a permis de mesurer les investissements faits à la fois en termes de recherche (55 Md€2010) et de construction des installations nécessaires à la production d’électricité nucléaire (121 Md€2010), sans oublier le coût global de Superphénix (12 Md€2010). 
     Pour éviter les doubles-comptes, seules les dépenses de construction du parc seront prises en compte au titre des investissements pour les calculs ultérieurs. Les dépenses de recherche sont en effet intégrées soit dans les charges d’exploitation des exploitants, pour la recherche financée par les industriels, soit dans les dépenses financées sur crédits publics. Pour mesurer les coûts de production du parc actuel, on ne prendra en compte que le coût de construction des 58 réacteurs existants, soit un coût «overnight» de 83,2 Md€2010 - Cf. chapitre I: le coût overnight est la somme du coût de construction initial  (72,9 Md€2010), des frais d’ingénierie (6,9 Md€2010) et des charges de pré-exploitation (3,4 Md€2010)-. Ce total est calculé en ramenant, en euro 2010, les dépenses constatées ou estimées faites essentiellement au cours des années 1973 à 2002. 
     Ce coût peut être complété par les intérêts intercalaires dus au fait que la construction des centrales s’étale sur plusieurs années. En l’absence d’information précise sur les modalités de financement des dépenses de construction, la Cour évalue à 12,8 Md€2010 le montant des intérêts intercalaires en utilisant un taux d’intérêt réel de 4,5%. EDF les estime à 23 Md€2010, en les rémunérant à un taux de 7,8% que la Cour ne considère pas adapté à ce calcul. 
On peut donc évaluer l’investissement initial dans les 58 réacteurs actuels à 96 Md€2010 pour une puissance installée de 62.510 MW, soit 1,535 Md€2010 par MW installé.

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     b) Un coût de construction par MW qui augmente au cours du temps
     Si l’on ne retient que le coût de construction initial, y compris ingénierie (79751 Md€2010) ramené à la puissance des réacteurs, on constate qu’il progresse dans le temps, de 1,07 Md€2010/MW en 1978 (Fessenheim) à 2,06 Md€2010 en 2000 (Chooz 1 et 2) ou 1,37 Md€2010 en 2002 (à Civaux), avec une moyenne de 1,25 Md€2010 pour les 58 réacteurs. 
     Cette augmentation s’explique notamment par des référentiels de sécurité qui évoluent dans le temps. 
     Sans que l’on soit en capacité de faire une comparaison précise, faute de connaître le coût total final de l’EPR, on constate que le coût de construction rapporté au MW continue de progresser avec cette nouvelle génération, qui doit répondre, dès sa construction, à des exigences de sûreté très importantes. Avec un coût de construction estimé à 6 Md€ pour l’EPR de Flamanville (tête de série) et une puissance de 1 630 MW, le coût au MW est de 3,7 M€; avec un coût de série potentiel de 5 Md€, le coût au MW est de 3,1 M€. 

     2 - Des investissements de maintenance en forte progression 
     Il n’a pas été possible de calculer le montant total des investissements de maintenance réalisés sur les réacteurs actuels depuis leur construction, à la fois pour en assurer le bon fonctionnement en termes de production et pour en améliorer progressivement la sécurité et la sûreté. Aussi ne peut-on utiliser que les données actuelles ou celles qui sont prévues par EDF pour les années qui viennent. 
     Le ralentissement de ces investissements au cours des années 2000 a montré leur importance puisque cela a fait significativement chuter le coefficient de disponibilité du parc et donc sa production. Aussi faut-il probablement prendre en compte dans les calculs de coût de production, au titre de ces investissements de maintenance, un montant sensiblement plus élevé que celui constaté ces dernières années, EDF travaillant, pour sa part, sur un programme d’investissements de 50 Md€ entre 2011 et 2025, soit une moyenne annuelle d’environ 3,3 Md€, ce qui correspond presque au double des investissements réalisés en 2010, eux-mêmes déjà en hausse par rapport aux années antérieures. Ce plan sera complété avec les investissements nécessités par les prescriptions de l’ASN à la suite de l’accident de Fukushima, mais dont une partie serait déjà incluse dans le plan de 50 Md€. Le montant des investissements de maintenance annuel moyen devrait donc être de 3,7 Md€.

Investissements de maintenance d’EDF

Source: Cour des comptes  *information donnée aux marchés financiers par EDF à l’occasion de sa communication financière du 1er semestre 2011 

suite:
     3 - Des dépenses de démantèlement dont le montant ne peut être connu avec certitude
     Il faut rapprocher des investissements les dépenses de «fin de vie» des centrales, c'est-à-dire les dépenses de démantèlement des installations, que l’on peut compléter par les dépenses de «derniers cœurs». En ces dernières, comme les charges de démantèlement, ne sont dues qu’une fois, à la fin de vie de chaque réacteur. 
     Dans les différents calculs de coût de production, ces dépenses sont bien prises en compte. Elles sont estimées aujourd’hui à 18,4 Md€2010, en charges brutes, pour le démantèlement des 58 réacteurs du parc actuel et à 3,8 Md€2010 pour les derniers cœurs. 
     Le chiffrage du démantèlement repose sur une méthode historique simpliste, mais dont les résultats sont corroborés par des méthodes beaucoup plus élaborées, dont les paramètres techniques doivent toutefois êtres validés par des experts externes à l’entreprise. 
     Les chiffrages actuels doivent être regardés avec précaution, l’expérience en la matière, tant d’EDF (centrales de 1e génération) que du CEA ou d’AREVA, ayant montré que les devis ont tendance à augmenter quand les opérations se précisent, et les comparaisons internationales donnant des résultats supérieurs aux estimations d’EDF. 
     Toutefois, la grande dispersion des résultats de ces comparaisons internationales montre l’incertitude qui règne dans ce domaine.

Récapitulatif des dépenses d’investissements ou assimilées

Source: Cour des comptes 
Chiffres en grisé: montants à inclure dans le coût de production pour l’exploitant du parc actuel, hors dépenses sur crédits publics *on ne prend que la moitié des charges brutes de démantèlement pour tenir compte du fait qu’environ 50% des investissements sont financés par des investisseurs étrangers

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     4 - Un coût du capital très significatif et pouvant faire l’objet de diverses estimations selon la question posée 
     Au total, comme le montre le tableau supra, sur un total d’investissements estimés à 228 milliards€, toutes dépenses confondues, qu’elles soient financées par crédits publics ou par les exploitants, qu’elles concernent les centrales actuelles ou celles de 1ère génération, les investissements et dépenses assimilées à prendre en compte dans le calcul du coût de production, pour l’exploitant, de l’électricité nucléaire fournie par le parc nucléaire actuel s’élèvent à 118,2 Md€2010 (investissement initial + charges futures liées à l’investissement) auxquels s’ajoutent, chaque année des investissements de maintenance pour un montant qui s’est élevé à 1,7 Md€ en 2010 mais qui devrait doubler en moyenne pour les 15 années qui viennent. 
     La production d’électricité nucléaire repose donc sur une industrie très capitalistique à cycle long pour laquelle le coût du capital est une variable qui a un impact extrêmement significatif sur le calcul de coût global. 
     Il est difficile aujourd’hui de «reconstruire» l’histoire du financement de ces investissements nucléaires avec précision, comme on l’a vu au chapitre I-I-B, à la fois pour des raisons de disponibilité de l’information et parce que le parc actuel n’a pas fait l’objet d’un mode de financement spécifique qui lui aurait été dédié; les informations disponibles concernent donc l’ensemble des activités d’EDF. Par conséquent le choix du mode de calcul du coût du capital repose sur des conventions. 
     Par ailleurs, il n’est pas évident de déterminer la valeur économique du parc actuel: il n’existe pas de marché des centrales d’occasion suffisamment liquide pour évaluer la valeur de marché du parc historique d’EDF; les ratios boursiers sont inopérants, dans la mesure où il n’existe pas d’opérateurs purement nucléaires cotés et où les parcs sont structurellement différents; enfin, une approche en termes de flux de trésorerie actualisés se heurterait à la forte incertitude qui pèse sur les prix de vente futurs de l’électricité et sur la durée résiduelle de vie du parc historique. 
     Aussi, le calcul du coût du capital et de sa part dans le coût global de production fait-il l’objet d'approches diverses, plusieurs paramètres pouvant varier en fonction de ce que l’on veut mesurer, et donc du montant du capital dont on cherche à calculer le coût, voire de la répartition, dans le temps, de ce coût (coût annuel constant ou dégressif) (Dans cette partie, l’objectif de la Cour n’est pas de faire une présentation exhaustive de toutes les approches et les méthodes existantes mais d’expliquer les différences qui existent entre les approches et les résultats les plus fréquemment utilisés.). On peut citer notamment les approches suivantes: 
     a) Le coût comptable de la production à un moment donné. 
     La méthode la plus simple consiste à prendre en compte le montant des amortissements comme seul élément de calcul de la part des investissements et du capital dans le coût de la production électronucléaire. Elle permet de mesurer le coût comptable de la production électronucléaire à un moment donné. Le montant des amortissements est très dépendant des méthodes comptables appliquées dans le passé mais aussi de la durée de fonctionnement du parc. Lorsque le parc est complètement amorti, ce montant devient nul. 
     Cette méthode ne tient pas compte du coût du capital, c'est-à-dire de sa rémunération, comme pour n’importe quel facteur de production. 
     Par ailleurs, le total des amortissements permet de reconstituer le montant du capital investi dans le parc mais à sa valeur initiale, sans tenir compte de l’inflation ni, bien entendu, de l’évolution des coûts de construction dans les réacteurs nucléaires au cours du temps. 
     b) Le coût courant économique (CCE): le calcul du coût global moyen sur toute la durée de fonctionnement, utile notamment pour comparer les coûts de différentes formes d’énergie 
     Dans cette approche, on cherche à mesurer le coût annuel de rémunération et de remboursement du capital permettant, à la fin de vie du parc, de reconstituer en monnaie constante le montant de l'investissement initial (c'est-à-dire le montant qui permettrait de reconstruire, à la fin de vie du parc, un parc identique au parc historique). 
     Pour faire ce calcul, EDF retient la méthode du coût courant économique qui permet la prise en compte du coût du capital dans le calcul du coût moyen de la production d'électricité nucléaire en la combinant avec le modèle financier, dit "modèle d'évaluation des actifs financiers" ou MEDAF, d'usage courant chez les industriels, qui fournit une estimation du taux de rendement attendu par le marché pour un actif financier en fonction de son risque systémique 
suite:
     - Le MEDAF sert à calculer le WACC (weighted average cost of capital) ou coût moyen pondéré du capital.- 
     Le coût de rémunération et de reconstitution du capital investi y est mesuré à travers un loyer économique à échéances annuelles constantes sur toute la durée de fonctionnement du parc. Ce loyer est calculé de façon à permettre à un investisseur d’être remboursé et rémunéré de son investissement à la hauteur de sa valeur réévaluée à la fin de sa durée de vie. En d’autres termes, le loyer économique, constant en euros constants, reflète le prix qu’un fournisseur serait disposé à payer s’il avait à louer le parc nucléaire plutôt qu’à le construire. 
     Cette approche ne tient pas compte des conditions historiques de financement de la construction du parc et cherche à donner une idée de ce que coûterait aujourd’hui sa reconstruction à technologie constante. Elle permet de calculer le coût global moyen, pour l’exploitant, de production du parc nucléaire sur toute sa durée de vie. 
     La méthode de calcul d’EDF a été vérifiée par la Cour qui en a établi une version modifiée (voir annexe 15). 
     Les résultats de cette méthode sont sensibles au taux de rémunération du capital choisi et, à l’inverse, ils ont une faible sensibilité à la durée de fonctionnement des centrales, ce qui ne permet pas de l’utiliser pour calculer l’impact financier induit par un allongement de la durée de vie du parc. 
     c) L’approche de la commission Champsaur: calcul du coût de production en France sur les 15 prochaines années (c'est-à-dire avec une durée de vie de 40 ans, le parc ayant 25 ans en moyenne en 2010), en tenant compte du fait que le parc est déjà en grande partie amorti, utilisé pour le calcul d’un tarif 
     Si l'objectif est, tout en prenant en compte un coût du capital, de calculer le coût de production actuel du parc existant, il faut tenir compte de l’historique de ce parc, notamment de ses conditions de financement et de ses amortissements passés. Il faut donc d’abord déterminer la part du capital investi lors de la construction du parc qui n’a pas encore été remboursée et qu’il reste à rémunérer et rembourser, et ensuite procéder à la valorisation du coût de cette partie du capital, par exemple avec une méthode identique à celle de l’approche précédente. 
     C’est l’approche de la commission Champsaur (La mission confiée à la commission Champsaur était de «faire des propositions méthodologiques sur la détermination du juste prix de l’ARENH sur la période de régulation (2011 – 2025), de donner des ordres de grandeur de ce prix et de mesurer l’impact en termes d’évolution tarifaire» - Source DGEC), approche largement reprise dans un avis de la commission de régulation de l’énergie (CRE) sur la fixation du tarif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH), qui vise à répondre à l’objectif de la loi NOME de répercuter, dans le prix de l’ARENH, la compétitivité du parc nucléaire historique, en tenant compte du fait que celui-ci est largement amorti, ainsi qu’à l'impératif de "convergence" avec le dispositif tarifaire qui l'a précédé. 
     Son objectif est de rembourser le capital résiduel d’ici 2025 (ce qui suppose une durée de fonctionnement des centrales de 40 ans) en considérant que le capital a dans un premier temps été remboursé au rythme de l’amortissement comptable (donc à un rythme plus important que dans le calcul du CCE), justifiant ainsi des tarifs moins élevés en fin de vie du parc. 
     Elle consiste donc, en ce qui concerne la rémunération et l'amortissement du capital, à les calculer sur la base d'une valeur comptable nette non réévaluée (de manière plus précise, la base d’actifs correspond à l’addition de deux composantes: la valeur nette comptable du parc et une partie -15/40ème- des actifs dédiés au financement des charges de long terme du nucléaire), et ce uniquement sur la durée de vie résiduelle du parc. Cette approche permet de tenir compte du fait qu’à l’époque de la construction du parc, les tarifs étaient plus élevés qu’aujourd’hui en valeur réelle, du fait des amortissements, initialement dégressifs et étalés seulement sur 30 ans (voir chapitre II-B). 
     Le chapitre I-B montre que les dépenses de premier investissement du parc nucléaire sont amorties à 75% et que sa construction a bénéficié de conditions de financement facilitées par la garantie implicite de l’Etat sur sa dette ainsi que d’un faible niveau de rémunération exigé par l’actionnaire Etat.
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     Comme pour le CCE, puisque le calcul du coût moyen sur les années de fonctionnement qui restent utilise les mêmes méthodes, les résultats sont sensibles au taux de rémunération du capital choisi et la durée de fonctionnement du parc est, en revanche, relativement sans effet sur le montant calculé. Par ailleurs, la valeur du capital reconstituée sur la période du calcul (15 ans quand on se place dans le cadre du calcul de l’ARENH) est la valeur historique en euros courants et non sa valeur en euros constants, c'est-à-dire en prenant en compte l’effet de l’inflation depuis la construction du parc, comme dans le CCE.
     d) Le coût comptable complet de production : le calcul d’un coût dégressif dans le temps tenant compte d’un objectif de renouvellement du parc dans les conditions de construction actuelle (C3P) 
     On peut également chercher à calculer la charge annuelle du coût du capital que représenterait un parc nucléaire réévalué, afin de neutraliser l'effet, constaté dans la réalité, d’une augmentation des coûts d’investissements dans les réacteurs au cours du temps, notamment du fait d’exigences de sécurité plus sévères (en plus de l’effet de l’inflation qui est pris en compte par le calcul en € 2010): sur la base de cette simulation, effectuée par EDF sous la dénomination de coût comptable complet de production (C3P) pour l'ensemble de la production d'électricité, quelle qu'en soit la source (nucléaire, hydraulique, thermique à flamme), la Cour a procédé, à fin de comparaison, à une simulation analogue restreinte au seul périmètre de la production d'électricité nucléaire. 
     Cette approche correspond à une méthode comptable qui intègre une part du coût de renouvellement via un sur-amortissement censé compenser le fait que la reconstruction du parc se ferait à un coût supérieur au coût de construction actuel (La détermination du montant de ce "sur-amortissement" est donc particulièrement sensible et sujette à discussion. C’est la raison pour laquelle cette approche n’est pas retenue dans les développements suivants du présent rapport), même calculé en euro 2010. 
     Elle ne correspond donc pas à l’objectif tarifaire de l’ARENH, la loi NOME excluant explicitement le renouvellement du parc dans le calcul de ce tarif (La loi NOME prévoit que la question du renouvellement sera examinée en 2015, lorsque les pouvoirs disposeront de davantage d’informations concernant le prolongement du fonctionnement du parc actuel et que son financement se fera en dehors du prix de l’ARENH, dans les tarifs pour les consommateurs finals); elle ne permet pas non plus de calculer un coût économique puisqu’elle tient compte, pour la réévaluer, de la valeur comptable du parc et de ses amortissements à la date du calcul, se traduisant, à la différence des deux méthodes précédentes, par une échéance de coût du capital dégressive dans le temps. 
     Quelle que soit l’approche utilisée (Voir l’annexe 15 qui explique les modalités de calcul des différentes méthodes), à l’exception du coût comptable, elle donne un poids important au coût du capital par rapport aux autres charges, cohérent avec la dimension très capitalistique de la production électronucléaire. 
     Mais ces différentes approches ne visent absolument pas à répondre à la même question et il faut donc être très attentif, quand on compare le coût de production de différentes énergies, à ce que les modes de calcul soient identiques.

     B - Charges d’exploitation
     1 - Le montant des charges d’exploitation présentes et futures
     Seules les charges d’exploitation d’EDF ont été analysées, la part des charges d’AREVA liées à la production de l’électricité électronucléaire française étant intégrée dans le prix du combustible vendu à EDF. Ces charges d’exploitation ont représenté 8,9 Md€2010 pour une production de 407,9 TWh en 2010. Ces charges sont bien identifiées et leur chiffrage ne pose pas de problème majeur.

suite:
     Les charges futures d’EDF de gestion des combustibles usés (14,4 Md€2010) et de gestion à long terme des déchets (23 Md€2010) doivent être rapprochées de ces dépenses d’exploitation puisqu’elles sont la conséquence de la consommation annuelle de combustible nécessaire à la production d’électricité. Chaque année, le montant de ces charges brutes s’accroît des coûts de gestion futurs des combustibles qui ont été utilisés dans l’année. Ces charges brutes sont actualisées et comptabilisées dans les comptes d’EDF sous forme de provisions (8,8 Md€2010 pour les combustibles usés et 6,5 Md€2010 pour les déchets).
     Ces provisions connaissent chaque année deux types d’évolutions : 
     * une augmentation correspondant aux coûts futurs de gestion des combustibles consommés dans l’année. En 2010, du fait de la consommation des combustibles de cet exercice, le montant des provisions pour gestion des combustibles usés et des déchets a augmenté de 336 M€; 
     * par ailleurs, chaque année rapprochant du paiement de ces dépenses, il faut augmenter le stock de provisions au passif du bilan d’un montant qui constitue la charge financière de désactualisation de ces provisions. En 2010 cette charge de désactualisation s’est élevée à 740 Md€2010. La Cour prend en compte ce montant parce qu’elle veut calculer le coût brut de la production d’électricité nucléaire, ce qui suppose de ne pas tenir compte de son mode de financement, par le prix de vente, le tarif ou des placements financiers. La Cour applique ainsi les normes comptables IAS/IFRS - et notamment la norme IAS 37 sur "les provisions, passifs éventuels et actifs éventuels" - pour laquelle le montant de la provision des dépenses pour aval du cycle (gestion du combustible usé et gestion à long terme des déchets) doit, lorsque l'effet de la valeur du temps est significatif, correspondre à la valeur actualisée des dépenses attendues, nécessaires pour éteindre l'obligation légale de long terme. La charge de désactualisation qui résulte du rapprochement de la date des décaissements attendus fait partie intégrante de l'évaluation de l'obligation et doit être comptabilisée en charge financière. La Cour considère, par ailleurs, qu'en vertu des principes comptables fondamentaux figurant dans le cadre conceptuel des normes applicables, le principe de prudence - consistant à ne pas sous-évaluer les passifs et les charges ni à surestimer les actifs et les produits - et le principe de non-compensation entre les produits et les charges, doivent prévaloir pour calculer des provisions de charges à long terme dans des conditions d'incertitude
     A l’inverse, EDF ou la DGEC n’en tiennent pas compte dans leurs calculs, considérant que le montant annuel de la désactualisation est financé par la gestion et le placement des dotations annuelles aux provisions. 
     Ce faisant, ils calculent un coût net du produit des placements financiers supposés de ces provisions. 
     * Au total, on peut considérer qu’au titre de l'exercice 2010 l’impact des dépenses futures de gestion des combustibles usés et des déchets représente un coût de 1,1 Md€2010, se décomposant en 336 M€, dus à l’évolution de la quantité de combustibles à traiter et de déchets à stocker, et en 740 M€, dus au fait qu’on se rapproche d’une année de la date de traitement et de stockage des combustibles et des déchets produits jusqu’alors. 
Au total, les charges d’exploitation, complétées par les pro     visions pour gestion des combustibles usés et gestion à long terme des déchets, s’élèvent donc à 10 Md€2010.

Les charges d’exploitation et provisions associées

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     2 - Une incertitude importante sur le coût de  gestion à long terme des déchets 
     Les provisions qui couvrent les charges futures de gestion des combustibles usés (voir chapitre III-II) sont calculées sans incertitude majeure, à partir des coûts et des tarifs d’AREVA. 
     En revanche les provisions qui sont censées couvrir la gestion à long terme des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue ne sont pas stabilisées. Elles sont actuellement calculées sur la base d’un devis arrêté en 2003 mais qui a fait l’objet, depuis cette date, d’une révision approfondie par l’ANDRA aboutissant à un quasi doublement du devis initial en monnaie courante. EDF, AREVA et le CEA seront donc conduits à réévaluer leurs provisions dès que le montant définitif du devis sera arrêté. Par ailleurs, un certain nombre de matières aujourd'hui considérées comme valorisables pourraient à l'avenir être considérées, en tout ou partie, comme des déchets. Les coûts associés à cette éventuelle requalification ne sont à ce jour pas pris en compte par les exploitants, conformément au cadre juridique et comptable actuel
     Par ailleurs, en l’absence actuellement de filière capable de recycler les quantités de MOX et d’URE usés que produisent les centrales, EDF calcule les provisions pour la gestion à long terme de ces matières comme s’il s’agissait de déchets relevant du centre de stockage géologique profond dans les mêmes conditions que les déchets HA et MAVL. Cette disposition est acceptable, à condition que, dans cette hypothèse, la provision soit bien «calibrée», ce qui n’est pas assuré aujourd’hui. Au-delà du chiffrage, il serait plus sécurisant que cette hypothèse soit réellement étudiée et à terme, éventuellement développée, au cas où le programme de 4ème génération connaîtrait des difficultés. 

     La Cour fait donc deux recommandations en matière de gestion à long terme des déchets:
     * elle souhaite que soit rapidement fixé le nouveau devis sur le coût du stockage géologique profond, de la manière la plus réaliste possible, c'est-à-dire en tenant compte des résultats des recherches menées sur ce sujet mais sans anticiper sur leurs résultats, et dans le respect des décisions de l’ASN, seule autorité compétente pour se prononcer sur le niveau de sûreté de ce centre de stockage;
     * elle demande à ce que soit chiffré, dans le cadre de ce nouveau devis, le coût d’un éventuel stockage direct du MOX et de l’URE produits chaque année et que cette hypothèse soit prise en compte dans les travaux futurs de dimensionnement du centre de stockage géologique profond. 

     C - Les calculs du coût de production et leur sensibilité aux évolutions de différents paramètres 
     1 - Des coûts qui diffèrent sensiblement en fonction des différentes approches du calcul
     Comme on l’a vu au A-4, les différentes approches du calcul du coût de production de l’électricité nucléaire prennent en compte les divers types de coûts (passés, présents, futurs) identifiés chez les exploitants et rappelés dans les développements précédents, mais elles donnent un poids différent aux investissements et au coût du capital. 
     A titre d’illustration, la Cour a choisi de retenir quatre approches (coût comptable, coût courant économique, coût visant à calculer le tarif et coût comptable complet de production):
     - dont chacune a pu, selon les utilisateurs concernés, connaître diverses variantes d’impact limité;
     - qui traitent de façon largement similaire les coûts de fonctionnement, mais divergent fondamentalement quant à la rémunération et à la reconstitution des capitaux investis.
     Le tableau suivant donne le montant des grandes catégories de coûts tels qu’ils ressortent des quatre types d’évaluation. 

Comparaison des résultats des quatre types d’évaluation
du coût de production de l’électricité nucléaire en 2010

Source: Cour des comptes 
* les écarts mineurs avec les calculs des charges d’exploitation du chapitre II et du B du présent chapitre sont expliqués dans l’annexe 15.
suite:
          Les résultats des calculs et l’analyse des points de convergence de divergence sont présentés dans l’annexe 15 qui précise les modalités de calcul du CCE, du C3P et de l’approche de la commission Champsaur, les trois calculs étant appliqués à l’année 2010:
     - le coût comptable est le résultat de l’addition des dépenses d’exploitation validées par la Cour dans le calcul du CCE, des investissements de maintenance et d’un montant de 1.831 M€ représentant le cumul des amortissements 2010 (1.352 M€) et de la charge annuelle de démantèlement calculée par la Cour (461 M€);
     - concernant le CCE, l’annexe explique les écarts de méthode entre la Cour et EDF. Pour les charges d’exploitation, cet écart porte essentiellement sur la prise en compte des montants de désactualisation annuelle des provisions pour la gestion des combustibles usés et des déchets ; pour le coût du capital, la Cour n’intègre pas les charges futures de démantèlement dans le calcul du « loyer économique » mais les prend en valeur brute. Ces deux corrections de sens inverse sont de montants relativement équivalents;
     - concernant l’approche de la commission Champsaur, la Cour en fait une application à l’année 2010, alors que les chiffres, plus élevés, habituellement retenus et commentés sont ceux calculés en moyenne sur la période 2011-2025, qui intègrent un montant d’investissements de maintenance cohérent avec le programme d’EDF de 50 Md€ d’ici 2025, soit environ le double de celui de 2010. Le faible écart entre le coût comptable calculé par la Cour et le coût calculé par l’approche Champsaur est dû au fait que ce dernier ne prend pas en compte les charges de désactualisation, son objectif étant de calculé un tarif et non un coût brut comme le fait la Cour dans son calcul du coût comptable.
     Le tableau suivant reprend, exprimés en termes de coût par MWh produit, les résultats du tableau précédent. Ces calculs sont faits sur la base d’une durée de fonctionnement des 58 réacteurs du parc actuel de 40 ans et avec le montant d’investissements de maintenance réalisé en 2010, donc sensiblement inférieur à celui des années à venir.

Résultats des différentes évaluations du coût du MWh en 2010  en fonction de la question posée

Source: Cour des comptes *estimation Cour des comptes Rappel : production 2010: 407,9 TWh 

     Ce n’est pas ce coût de production qui est aujourd’hui calculé dans certaines comparaisons internationales, notamment celles de l’AEN, ni comparé à celui des autres énergies, comme dans les coûts de référence de la DGEC. Dans ces deux cas, outre le coût du capital qui peut être calculé avec des méthodes encore différentes, le coût est calculé pour un investisseur qui entrerait aujourd’hui sur le marché avec de nouvelles centrales, en l’occurrence, des EPR pour la France. Une telle évaluation présente un caractère très théorique: autant on peut demander à un exploitant les coûts effectifs d'un vrai outil industriel, autant la simulation du coût fictif d'un parc fictif est aléatoire. Le résultat obtenu n'aurait de sens que dans le cadre d'un programme nucléaire réel avec des effets constatés d'optimisation et de série. Il est donc beaucoup trop tôt pour que la Cour puisse donner et valider un calcul de coût de production pour un parc d’EPR.

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     2 - Les résultats sont relativement peu sensibles aux évolutions  des charges futures provisionnées
     Comme on l’a indiqué précédemment, le montant de certains éléments de coût est calculé en faisant des hypothèses et avec des incertitudes parfois notables. Il est donc important de mesurer la sensibilité du coût de production global en faisant varier le montant des éléments de coût dont les montants paraissent les moins sûrs. 
     Pour donner une idée de la sensibilité du coût de production de l'électricité nucléaire aux trois paramètres qui sont les plus incertains:
     - taux d’actualisation, gestions des combustibles usés et des déchets radioactifs, coût du démantèlement
     - en retenant des hypothèses simplifiées (notamment un taux constant d'inflation de 2%), il est intéressant de calculer l'effet de leur variation sur le coût de production annuel. 
     Sur la base des données comptables disponibles, des simulations ont été effectuées aux conditions 2010 et établies selon la méthode CCE telle que révisée par la Cour, c'est-à-dire sur un coût total annuel de 20 Md€: elles ne mesurent que l’effet sur le coût de production et n’intègrent pas les conséquences éventuelles sur le montant des actifs dédiés à constituer pour couvrir certaines provisions (Voir annexe 16 pour plus de précisions sur les calculs.)

Le taux d’actualisation

     Les provisions sont calculées actuellement avec un taux d’actualisation de 5%, intégrant un taux d’inflation de 2%. Ce taux est sensiblement équivalent à celui utilisé à l’étranger et on a montré (chapitre IV) qu’une diminution de ce taux de 1% provoquerait une augmentation des provisions d’EDF de 21% (+ 6 Md€ par rapport aux 28,3 Md€ actuels). 
     Sur la base d'une simulation simplifiée, en s'en tenant à l'effet récurrent d'une telle variation, c'est-à-dire en faisant abstraction du réajustement instantané de la charge de désactualisation l'année où l'on changerait le taux d'actualisation:
     * si on baissait le taux d'actualisation à 4% (au lieu de 5%): le coût annuel de production de l'électricité nucléaire croîtrait de +162 M€/an, soit + 0,8%;
     * si on montait le taux d'actualisation à 6% (au lieu de 5%): le coût annuel fléchirait de – 131 M€/an, soit – 0,6%.

Les dépenses de fin de cycle

     Concernant les dépenses de fin de cycle, si les provisions pour gestion des combustibles usés semblent relativement fiables, celles pour gestion des déchets devraient être rapidement revues. Le nouveau devis de l’ANDRA étant un peu plus du double de celui qui sert aujourd’hui de base aux calculs des provisions, il est intéressant de mesurer ce que donnerait un doublement de cette provision dont l’augmentation devrait également résulter d’un calcul plus précis des conséquences du stockage du MOX et de l’URE usés. 
     Sur la base d'une simulation simplifiée, si l'on retient la dernière hypothèse de devis de l'ANDRA, le coût annuel de production de l'électricité nucléaire augmenterait de 200 M€ (soit + 1% en €/MWh)
suite:

Le coût du démantèlement

     Les coûts de démantèlement d’EDF, comme ceux d’AREVA et du CEA, font l’objet de calculs et de suivis réguliers qui montrent, d’une part, qu’en règle générale, les devis ont tendance à progresser dans le temps malgré les progrès des méthodes d’élaboration du fait de la nouveauté de ces sujets et du manque de retour d’expérience dans ce domaine, et que, d’autre part, ces augmentations sont périodiquement intégrées dans les comptes des exploitants, réduisant donc les risques de dérapages significatifs. 
À titre illustratif et avec un calcul simplifié, à taux d'actualisation inchangé (5%):
     * si le devis de démantèlement augmentait de 50%: le coût annuel de production de l’électricité nucléaire progresserait de 505 M€, soit + 2,5% du coût de production total;
     * si le devis de démantèlement doublait (+100%): le coût annuel de production augmenterait de 1 milliard. Cela ne représenterait toutefois qu’une augmentation du coût de production du MWh de 5%.
     Ces tests de sensibilité à la variation de divers paramètres relatifs aux charges futures montrent que, compte tenu de l'horizon d'une durée de fonctionnement du parc de 40 ans sur laquelle ils ont été calculés, ils modifient le coût annuel actuel de production de l'électricité nucléaire de façon certes non négligeable mais relativement limitée.

     3 - L’impact de l’évolution des investissements de maintenance est significatif
     Si l’impact de l’évolution des charges futures liées au démantèlement et à la gestion des déchets est limité, celui de l’évolution des investissements de maintenance est nettement plus sensible. 
     Les calculs précédents ont été faits en utilisant le montant des investissements de maintenance de 2010 (1,7 Md€). Sur la base du programme d’investissements de 55 Md€ environ, envisagé par EDF, qu’elle a commencé à mettre en œuvre depuis 2010 et qui semble intégrer les investissements consécutifs aux travaux de l’ASN sur les évaluations complémentaires de sûreté, le montant moyen annuel d’investissement serait plutôt de 3,7 Md€. 
     Le tableau suivant donne le résultat des coûts des différentes évaluations avec ce montant et montre que l’impact de cette évolution des coûts d’investissements sur le coût de production au MWh est compris entre 10 et 15% selon le mode d’évaluation retenu. Dans tous les cas, il est significatif. 

Impact du programme d’investissements de 55 Md€ d’ici 2025 sur le coût au MWh

Source: Cour des comptes

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     4 - La prolongation de la durée de fonctionnement des centrales a un effet sur sa rentabilité
     L’effet de la prolongation de la durée de fonctionnement des centrales ne peut pas être mesuré à partir d’un calcul de sensibilité des coûts calculés avec les approches retenues précédemment, à l’exception de l’approche par le coût comptable. En effet, les deux autres méthodes du tableau ci-dessus ne tiennent pas compte de cette durée dans les calculs mais seulement de la valeur initiale de l’investissement. 
     En revanche, si on fait l’hypothèse que les coûts calculés sont couverts par des recettes (prix, tarifs, autres), il est évident que plus le nombre d’années de fonctionnement du parc augmente, plus les recettes rapportées par l’investissement initial s’accroissent et plus cet investissement initial est rentable pour son propriétaire. 
     En outre, le prolongement de fonctionnement du parc éloignerait le moment du décaissement des charges futures de démantèlement, ce qui diminuerait le montant des provisions, et repousserait à plus tard les investissements de renouvellement du parc qui nécessiteront des ressources de financement importantes, d’autant plus que les coûts de construction des nouvelles générations sont supérieurs à eux des générations précédentes.

     II - Les dépenses financées sur crédits publics
     Le coût de production pour l’exploitant doit être complété avec les dépenses financées sur crédits publics, qui ne sont pas, par construction, dans les comptes des exploitants, si l’on veut essayer de calculer les coûts « pour la société ». Les éléments réunis dans les chapitres précédents du rapport, en matière de recherche et de sécurité/sûreté permettent de faire cinq constats sur ce sujet:
     1 -  En 2010, les dépenses récurrentes sur crédits publics sont d’un montant limité, proche de celui de la taxe sur les INB 
     En 2010, les dépenses financées par des crédits publics se sont élevées à un montant estimé à 644 M€  (414 M€ de recherche publique et 230 M€ pour la sécurité / sûreté / transparence; voir variante: durée de fonctionnement de 50 ans). Limitant son analyse à la détermination de ces coûts, la Cour ne porte aucun jugement sur le caractère suffisant ni sur l’efficacité de l’utilisation de ces crédits. 
     Ces dépenses ne représentent donc que 6,4% des 10 Md€ de charges d’exploitation calculées ci-dessus. 
     En outre, on relève que leur montant est du même ordre de grandeur que celui de la taxe sur les INB, fiscalité spécifique payée par les exploitants (580 M€ en 2010) et dont on peut considérer qu’elle est destinée à couvrir les dépenses publiques qui lui sont liées. (On rappelle toutefois qu’à l’origine, la taxe sur les INB et les redevances qui l’ont précédée ne visaient que le financement des dépenses de sécurité et de sûreté.)

Dépenses annuelles en 2010 (hors investissements)

     2 - Le développement de l’énergie nucléaire repose sur un fort investissement dans la recherche qui a été financé majoritairement sur crédits publics
     L’étude de l’évolution de la recherche depuis le milieu des années 50 jusqu’à aujourd’hui, présentée dans le premier chapitre, montre qu’on peut estimer à 55 Md€2010 les dépenses totales de recherche faites dans le domaine de l’électricité nucléaire, soit environ 1 Md€2010 par an. 
Ces dépenses ont été financées à hauteur de 38 Md€2010, (690 Md€2010 par an en moyenne), par des crédits publics, ce qui représente une proportion (70%) sensiblement supérieure à celle constatée en 2010 et, plus généralement, à celle de ces dix dernières années (environ 40%). 
     En revanche, il n’a pas été possible de faire un chiffrage des dépenses passées de sécurité/sûreté/transparence, mais il est probable qu’à l’inverse des dépenses de recherche financées sur crédits publics, ces dépenses aient tendance à progresser légèrement dans le temps, avec la constitution et le renforcement progressif des organismes qui représentent l’essentiel de ces coûts: l’ASN et l’IRSN. 

suite:
     Comme le montre l’annexe 9 sur l’évolution des taux de la taxe sur les INB depuis 10 ans, les montants relativement proches en 2010 du produit de cette taxe et des dépenses financées sur crédits publics constituent une situation nouvelle, consécutive à deux mouvements de sens contraire: la diminution progressive des dépenses de recherche sur crédits publics et l’augmentation très sensible du produit de la taxe, qui a été multiplié par 4,6 entre 2000 et 2010 (en euros courants). 
     La comparaison, en euros courants, du produit réel de la taxe sur la dernière décennie, 2000 à 2010, soit 3,3 Md€, et du montant de recherches financées sur crédits publics pendant la même période, soit 5,5 Md€, illustre le fait que la situation antérieure était beaucoup plus déséquilibrée qu’en 2010. 
     3 - L’Etat devra financer les provisions du CEA
     Les charges futures du CEA s’élèvent, fin 2010, à 6,8 Md€2010, soit 4,4 Md€2010 de provisions après actualisation, dont 2,9 Md€ pour démantèlement, 1,2 Md€ pour la gestion à long terme des déchets et 0,3 Md€ pour la gestion des combustibles usés. 
     Ces provisions sont réputées couvertes à hauteur de 3,1 Md€ par des actifs dédiés essentiellement constitués de créances sur l’Etat ou de titres d’AREVA dont il est prévu que le CEA puisse les vendre à l’Etat au fur et à mesure de ses besoins. 
     En résumé, de manière directe ou indirecte, l’Etat est le financeur de ces charges futures dont le montant, calculé avec sérieux, reste toutefois incertain comme l’ont montré les réévaluations, souvent très significatives, des devis de ces charges futures depuis une dizaine d’années. 
     4 - Le programme de 4ème génération augmente sensiblement les dépenses futures de recherche sur crédits publics
     Le programme «nucléaire du futur» porté par les investissements d’avenir permet de financer, à hauteur de 650 M€ (entre 2011 et 2017), l’avant projet détaillé (APD) d’ASTRID, démonstrateur visant à développer des réacteurs de 4ème génération à neutrons rapides refroidis au sodium. Si la France continue dans cette voie sur la base des résultats de l’APD, il faudra donc envisager d’autres formes de financements, probablement en grande partie publics, car ce démonstrateur sera encore loin d’avoir atteint la maturité industrielle. 
     5 - L’Etat assure gratuitement une partie du risque «responsabilité civile» en cas d’accident nucléaire 
     En matière d’assurance, la filière nucléaire est dans une situation très particulière: la réalisation du risque est très peu probable, mais, en cas de sinistre majeur, les conséquences peuvent être catastrophiques; toutefois la probabilité de survenance comme la gravité des conséquences sont difficiles à estimer et l’objet de nombreux débats. Néanmoins, il est certain qu’en cas d’accident notable, les plafonds de garantie actuels à la charge des exploitants en matière de responsabilité civile, fixés par des conventions internationales, seraient rapidement atteints et probablement dépassés. 
     Aussi, dans le dispositif en vigueur en matière de responsabilité civile nucléaire, l’Etat pourrait être conduit, en cas d’accident nucléaire dont la probabilité est, certes, très faible, à indemniser les dommages au-delà des plafonds de responsabilité prévus dans les textes actuellement applicables, ainsi qu’à supporter les impacts économiques non couverts par les mécanismes d’indemnisation. Cette garantie est apportée aujourd’hui de manière gratuite aux opérateurs. La Cour a montré que le coût de cette garantie est très faible, si on le rapporte à la totalité des coûts de la production électronucléaire. Mais, en cas d’accident grave, les coûts peuvent être massifs et peser très fortement sur les moyens de l’Etat, sachant qu’en tout état de cause, l’Etat reste in fine le garant de la prise en charge du coût des réparations d’un dommage nucléaire et de ses conséquences, dans leur ensemble. 
     Sur ce point, la Cour formule deux recommandations: 
     * elle recommande que la France fasse ses meilleurs efforts pour que les conventions de Paris et de Bruxelles, signées en 2004, entrent rapidement en vigueur, car elles augmentent sensiblement le plafond de responsabilité des opérateurs, même s’il reste limité;
     * elle souligne également la nécessité que les dispositions du droit positif français actuel soient appliquées avec rigueur, en particulier en matière d’agrément de la garantie financière imposée aux exploitants, ce qui suppose d’appliquer complètement le dispositif réglementaire.
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     III - Les questions en suspens
     Au-delà des incertitudes identifiées dans les développements précédents et dont la Cour a essayé de mesurer la sensibilité par rapport aux coûts de production de l’électricité nucléaire, quatre questions méritent une attention particulière parce qu’elles pourraient avoir des conséquences significatives. 
     1 - L’importance des coûts ne doit pas faire négliger les externalités, positives et négatives, des différentes formes d’énergie 
     En matière de production d’énergie, les externalités, positives et négatives, des différentes techniques sont nombreuses et souvent très opposées les unes aux autres en termes d’impact sur les différents thèmes concernés: économie, santé, environnement. Aussi est-il important d’approfondir les études qui permettent de mesurer ces impacts. 
     La Cour recommande par conséquent que soient encouragés et soutenus les travaux et études consacrés à ces sujets, tant sur l’énergie nucléaire que sur les autres énergies, de nombreux impacts ne pouvant pas être monétarisés, en tout cas actuellement, mais comparés entre les différentes formes d’énergie. 
     2 - Le chiffrage des évaluations complémentaires de sûreté réalisées à la suite de l’accident de Fukushima
     A la suite de l’accident de Fukushima, l’ASN a lancé, à la demande du gouvernement, un exercice approfondi de réexamen des conditions de sûreté des réacteurs du parc actuel. Son rapport et son avis portant sur les «installations prioritaires» ont été rendus publics le 3 janvier 2012. Ils ne permettent pas encore un chiffrage complet et précis de toutes les conséquences qui seront tirées de cet accident mais il est toutefois possible de préciser certains éléments, sachant que les situations d’EDF, d’AREVA et du CEA ne sont pas similaires. 
     * EDF
     Les éléments concernant EDF sont probablement les plus nombreux. Si on se limite aux conséquences financières, on peut distinguer deux grands types de coûts: 
     - les dispositions pour «augmenter la robustesse des installations face à des situations extrêmes» avec notamment la constitution d’un «noyau dur» de dispositions matérielles et organisationnelles pour maîtriser les fonctions fondamentales de sûreté dans les situations exceptionnelles, des dispositions pour réduire le risque de dénoyage du combustible dans les piscines et la mise en place d’une «force d’action rapide nucléaire» (FARN) pouvant être projetée sur n’importe quel site pour assurer la relève des équipes d’un site accidenté. Les conséquences financières de ces mesures, en termes d’investissements, sont aujourd’hui estimées à une dizaine de M€ à réaliser en quelques années;
     On a vu au chapitre VI que ces investissements étaient déjà en partie inclus dans les programmes d’investissements provisionnels et auront donc, probablement, un impact limité sur le coût de production de l’électricité nucléaire. Mais il faudra aussi tenir compte du coût de ces mesures en termes de personnels, et notamment de la mise en place de la «force d’action rapide», ce qui devrait au total, d’après EDF, représenter un coût important de l’ordre de 300 M€ par an;
     - les facteurs sociaux, organisationnels et humains, dont les coûts sont encore plus difficiles à déterminer aujourd’hui; on a vu au chapitre II qu’ils auront cependant des conséquences sur les effectifs et les charges salariales qui en découlent ainsi que sur l’organisation des travaux en sous-traitance.
      * AREVA
     De façon générale et s’agissant d’AREVA, l’ASN reconnaît que l’exercice demandé était difficile en raison de la diversité de ses installations et de la nécessité d’adapter le cahier des charges, initialement conçu pour les réacteurs de puissance, afin de prendre en compte leurs spécificités. Elle considère que la démarche d’AREVA n’a pas été menée à terme et qu’elle doit être poursuivie pour compléter les améliorations de sûreté. AREVA doit encore produire pour la mi-2012, la définition de mesures concrètes dans des études transverses relatives à la gestion de crise. 
suite:
     Comme pour EDF, l’accent est mis sur la constitution d’un noyau dur pour chaque «plateforme» d’AREVA et les dispositifs complémentaires permettant de rendre plus robuste le remplissage des piscines. En revanche, la constitution d’une force d’action rapide semble avoir moins de sens, le nombre de sites étant plus limité et les activités plus diversifiées ; il faut donc plutôt envisager un renforcement des dispositifs de crise sur chaque «plateforme». 
     Les investissements d’AREVA sont prévus dans un plan stratégique de 5 ans qui s’élève à 2 Md€ pour la période. Actuellement, l’entreprise semble considérer que les investissements liés aux évaluations complémentaires de sûreté devraient représenter quelques centaines de millions supplémentaires pour la période. Mais la Cour n’a aucun moyen de valider ces chiffres, notamment du fait que les prescriptions de l’ASN sont encore très peu précises. 
     * Le CEA
     Le CEA est dans une situation relativement proche de celle d’AREVA, compte tenu de la diversité de ses installations, mais encore un peu plus singulière du fait que d’une part, la plupart de ses installations seront examinées en 2012 et que, d’autre part, 3 sur 5 des installations qui ont été examinées dans le cadre de cette première série d’évaluations sont fermées et en cours de démantèlement (Phénix, l’atelier Plutonium et Osiris). Il faut donc, dans chaque cas, préciser les investissements qui ont un sens compte tenu de la diminution des risques au fur et à mesure des progrès des opérations de démantèlement. 
     Le CEA estime aujourd’hui le coût possible des conséquences des évaluations complémentaires de sûreté avec une fourchette relativement large, entre 50 et 500 M€, à réaliser sur 3 ou 4 ans. 
     D’une manière générale, il est donc encore trop tôt pour chiffrer et vérifier le montant des investissements et coûts humains qui seront les conséquences de ces premières évaluations complémentaires de sûreté. 
     L’ASN va demander aux exploitants des études complémentaires pour préciser ses premières conclusions. Il faudra donc en tirer des conséquences, les plus claires possible par rapport aux hypothèses et aux chiffrages de la Cour dans le présent rapport. Mais, comme le dit l’ASN dans son propre rapport, «le retour d’expérience de l’accident de Fukushima pourra prendre une dizaine d’années. Il est apparu nécessaire d’évaluer sans délai la robustesse des installations vis-à-vis des situations extrêmes», mais ce n’est que la première étape d’un processus d’analyse et de réflexion qui sera long. 

     3 -  Les conséquences de la crise financière sur la gestion des actifs dédiés doivent être suivies avec attention
     Les actifs financiers cotés dédiés à la couverture des provisions, hors cycle du combustible, représentaient 18,2 Md€ fin 2010, pour un total à couvrir, d’ici 2016, de 27,8 Md€ (environ 65%), montant très sensible au taux d’actualisation choisi. 
     Ces actifs financiers sont complétés, à hauteur de 7 Md€, par d’autres modes de couverture car les évolutions récentes ont conduit à s’éloigner des objectifs fixés à l’origine, notamment en augmentant la part d’actifs dont la liquidité est moindre et celles des créances croisées entre acteurs de la filière, tout en reculant la date de couverture totale des provisions par ces actifs. 
     Parallèlement, la crise financière actuelle aggrave les incertitudes sur la rentabilité à moyen et long terme des actifs qui constituent les portefeuilles, réduisant la probabilité que ceux-ci atteignent les montants attendus au moment où les décaissements devront intervenir. 
     Les évolutions du dispositif ont eu lieu sans que la commission qui devait structurer la gouvernance de ce dispositif soit mise en place, ce qui est très regrettable. La CNEF est désormais en état de fonctionner, de donner un avis sur l’état actuel du dispositif et, éventuellement, son adaptation à la situation financière actuelle. 
     La Cour recommande, au demeurant, que ce sujet fasse l’objet d’un nouvel examen et, éventuellement, de modification, car il n’est pas sain que la structure et la logique initiale du dispositif soient profondément modifiées au moyen de dérogations successives, à chaque fois que se présente une nouvelle difficulté.

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     4 - La durée de fonctionnement des centrales est  une variable stratégique
     La durée de fonctionnement des centrales fait l’objet d’un examen décennal au cas pas cas par l’ASN, chargée de prendre les décisions sur ce sujet. Aujourd’hui, seules deux tranches (Tricastin 1 et Fessenheim 1) ont reçu l’autorisation de 10 années d’exploitation supplémentaires après leur 3èmes visites décennales, sous réserve que des investissements significatifs soient réalisés. 
     Dans les comptes d’EDF, la durée de fonctionnement prise en compte depuis 2003, car considérée comme «la plus probable» au sens des normes IFRS, est de 40 ans. 
     La Cour constate que d’ici la fin de l’année 2020, 12 réacteurs représentant 10.900 MW atteindront une durée de fonctionnement de 40 ans et que 22 réacteurs sur 58, représentant environ 30% de la puissance nette du parc (18.210 MW), atteindront leur quarantième année de fonctionnement d’ici 2022. Si l’on fait l’hypothèse d’une durée de fonctionnement qui serait limitée à 40 ans, il faudrait donc, dans l’hypothèse où l’on voudrait maintenir la production électronucléaire à son niveau actuel, construire 6 ou 7 EPR d’ici la fin 2020, et 11 d’ici la fin 2022. 
     Ce constat conduit la Cour à faire les recommandations suivantes:
     * au-delà du fait que la «programmation pluriannuelle des investissements» (PPI) de production d’électricité pour la période 2009-2012, indique «privilégier un scénario central de prolongation au-delà de 40 ans du parc nucléaire», les conséquences stratégiques de cette situation devraient être analysées de manière à pouvoir en tirer des orientations de la politique énergétique à moyen terme, publiquement connues et utilisables par tous les acteurs du secteur. 
     En effet, compte-tenu du délai, en matière de politique énergétique, entre la prise de décision et ses effets, particulièrement long pour le nucléaire mais qui existe aussi pour toutes les autres filières, y compris pour les économies d’énergie, ne pas prendre de décision revient à faire un choix, celui de faire durer le parc actuel au-delà de 40 ans;
     * les conséquences financières de cette situation devraient également être clairement identifiées, en fonction des choix stratégiques. En l’occurrence, le montant des investissements nécessaires au maintien en fonctionnement des centrales, avec un «bon» niveau de production doit être chiffré, en y intégrant les conséquences des décisions de l’ASN à la suite de l’accident de Fukushima. Cela représente, pour EDF, un programme d’investissements de maintenance de plus de 50 Md€ d’ici 2025, soit un doublement du rythme d’investissements de maintenance actuels, sans donner toutefois l’assurance d’une prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs puisqu’il dépend de l’avis de l’ASN qui fera sans doute un examen attentif des cuves et des enceintes, a priori non remplaçables;
     * si on envisage le remplacement d’une partie du parc de réacteurs et a fortiori de sa totalité, il importe d’anticiper ces renouvellements et d’en définir le rythme, notamment pour des raisons d’organisation de la filière industrielle (On peut aussi considérer qu’une «démographie déséquilibrée» du parc de réacteurs est un facteur d’aggravation des risques, par exemple en cas d’apparition d’un défaut systémique lié au vieillissement du parc.). Au demeurant il semble difficile, sauf effort tout à fait exceptionnel ou baisse majeure peu probable de la consommation électrique, que les investissements énergétiques de remplacement ou de substitution du parc actuel, quel que soit le dispositif choisi (économies d’énergie, autres sources d’énergie, nouveau réacteur nucléaire), puissent être réalisés dans un délai n’imposant pas une prolongation de tout ou partie du parc actuel au-delà de quarante ans;
     * quelles que soient les réponses données à ces questions dans l’avenir, la Cour relève qu’à court et moyen termes des dépenses importantes d’investissements sont prévisibles tant en matière de maintenance que de construction de moyens de production de remplacement, sans oublier les dépenses d’investissement dans les réseaux de distribution ou dans la recherche, s’il est décidé de poursuivre le programme de développement des réacteurs de 4ème génération. 
     5 - Un besoin de maintenir la transparence sur les chiffrages et d’actualiser régulièrement les données du présent rapport
     La complexité du sujet, l’incertitude des données et le grand nombre d’hypothèses sur lesquelles les chiffres du présent rapport ont été calculés nécessitent que ce travail soit régulièrement revu et approfondi, dans le cadre d’une gouvernance adaptée à la dimension stratégique de la question énergétique et à la grande sensibilité du sujet pour les citoyens.
     Aussi la Cour recommande-t-elle que cette enquête soit régulièrement actualisée, en toute transparence et objectivité, afin de permettre de:
suite:
     - préciser progressivement les méthodes d’évaluation en situation d’incertitude qui sont nécessaires pour évaluer économiquement les décisions à prendre; les études sur les coûts et les probabilité d’accidents devraient notamment être développées et approfondies;
     - suivre, en fonction des retours d’expérience, les évolutions futures des différents éléments de coûts qui ont été analysés, en particulier le chiffrage des conséquences des évaluations complémentaires de sûreté à la suite de l’accident de Fukushima;
     - capitaliser les efforts faits par les différents acteurs et spécialistes du sujet.
     Au demeurant, l’importance des externalités non chiffrables (sauf éventuellement par comparaison avec d’autres solutions), notamment en termes d’impact sur l’environnement, la santé, l’emploi et la balance commerciale, montre que les coûts ne sont certainement pas les seules variables à prendre en compte dans les décisions en matière de production électronucléaire.
ANNEXE 10
Démantèlement: état final retenu par les exploitants

     Extrait du rapport annuel 2010 de l’ASN – Chapitre 15. 1.2 
     «À l’issue de son démantèlement, une installation nucléaire peut être déclassée. Elle est alors rayée de la liste des installations nucléaires de base et ne relève plus du régime des installations nucléaires de base (INB). L’exploitant doit fournir, à l’appui de sa demande de déclassement, un dossier démontrant que l’état final envisagé a bien été atteint et comprenant une description de l’état du site après démantèlement (analyse de l’état des sols, bâtiments ou équipements subsistants...). En fonction de l’état final atteint, des servitudes d’utilité publique peuvent être instituées. Celles-ci peuvent fixer un certain nombre de restrictions d’usage du site et des bâtiments (limitation à un usage industriel par exemple) ou de mesures de précaution (mesures radiologiques en cas d’affouillement, etc.). L’ASN peut conditionner le déclassement d’une installation nucléaire de base à la mise en place de telles servitudes
     La destination finale des sites retenue par les exploitants est précisée dans les rapports triennaux établis en application de l’article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
     Pour EDF, «une étude sanitaire globale conduit au déclassement associé à une servitude éventuelle. Après démolition des superstructures, les cavités restantes sous le niveau du sol sont comblées avec un remblai approprié. Dans la mesure du possible, les gravats non nucléaires issus de la démolition sont utilisés comme remblai après avoir été concassés. 
     L’hypothèse de référence prise pour l’étude 2009 (Etude d’évaluation des charges de démantèlement du parc de réacteurs en exploitation) est celle d’une démolition des bâtiments incluant les radiers de l’ilot nucléaire et de la salle des machines. Le site est prévu d’être réutilisé pour un usage industriel».
     AREVA recherche:
     «- le recyclage / réutilisation des matériaux issus du démantèlement des zones à déchets conventionnels des installations; pour les matériaux issus des zones à déchets nucléaires, ce recyclage / cette réutilisation ne peut être envisagé(e) que dans le domaine nucléaire dans le respect de la réglementation en vigueur;
     - la réutilisation de tout ou partie des bâtiments pour une activité industrielle pérenne, de nature nucléaire ou non, ou la reconversion des bâtiments et des sites à d’autres fins.» 
     Pour le CEA, «le déclassement complet des INB à l’arrêt permet leur réutilisation éventuelle sans contrainte ni surveillance, ou leur démolition en déchets conventionnels. L’installation assainie ne comporte donc plus de zone à déchets nucléaires. Lorsque cet objectif présente des difficultés jugées trop élevées par le CEA, ou lorsque l’utilisation future de l’installation impose des contraintes nucléaires spécifiques, des situations intermédiaires peuvent être envisagées, servitudes associées à des points chauds localisés maintenus sous restriction d’accès, par exemple. 
     Le critère de déclassement complet, dans la perspective de l’avenir à long terme du site libéré, est la dose annuelle susceptible d’être intégrée par les utilisateurs futurs du site. La radioactivité résiduelle laissée sur le site doit conduire pour ces utilisateurs à une dose annuelle maximale inférieure à l’exposition admise pour le public de 1 mSv/an, hors radioactivité naturelle.
     En matière d’état radiologique, l'objectif visé est le déclassement radiologique des locaux et bâtiments. Ces derniers passent à un état de bâtiments banalisés caractérisés par une modification du zonage radiologique et une modification du zonage déchets de référence des bâtiments, avec passage des locaux en zone à déchets conventionnels, dans la mesure où la contamination est retirée et lorsqu’aucun point à risques ne subsiste

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ANNEXE 12
Le respect par les exploitants de la nomenclature des charges et provisions nucléaires
     Dans leurs rapports «article 20», les exploitants ne respectent pas toujours les catégories et sous-catégories de la nomenclature annexée à l’arrêté du 21 mars 2007 relatif à la sécurisation du financement des charges nucléaires (cf. infra). Le non respect de cette nomenclature est préjudiciable à la transparence financière, dans la mesure où la somme des charges de chaque catégorie ne renseigne pas vraiment sur le niveau réel des charges correspondant aux intitulés de cette catégorie.
     Cependant, le non respect de la nomenclature ne conduit pas à une sous- couverture en actifs dédiés.
     Catégorie 1: «charges de démantèlement des INB, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs»
     Le CEA intègre parmi les coûts du démantèlement les charges de gestion à long terme des déchets radioactifs issus du démantèlement (341 M€); ils devraient normalement être comptabilisés dans la catégorie 4. 
     Catégorie 2: «charges de gestion des combustibles usés, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs»
     EDF n’intègre pas dans cette catégorie les charges d’entreposage longue durée des combustibles usés, MOX et URE principalement (1.148 M€); elles devraient cependant trouver leur place au sein de la sous-catégorie 2.2 (charges relatives aux autres combustibles usés) qui, par analogie avec la sous-catégorie 2.1, devrait contenir les frais d’entreposage.
     Le CEA distingue ses combustibles usés selon qu’ils sont recyclables (sous-catégorie 2.1) ou non (sous-catégorie 2.2) dans les installations actuelles mais ne semble pas en tirer de conséquence quant à la non-couverture par des actifs dédiés des charges de la sous-catégorie 2.1 (pourtant liées au cycle d’exploitation). 
     Les charges de la sous-catégorie 2.1 sont les seules qui, parce qu’elles sont «liées au cycle d’exploitation», n’ont pas à être couvertes par des actifs dédiés une fois actualisées. Aucun exploitant ne classe dans la sous-catégorie 2.1 de dépenses qui ne devraient pas y figurer; les défauts de classification sont donc sans conséquence sur le niveau de couverture des provisions par des actifs dédiés. 
     Catégorie 3: «charges de reprise et conditionnement des déchets anciens, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs»
     Le CEA intègre dans cette catégorie les charges de gestion à long terme des déchets radioactifs issus de la RCD (79 M€); ils devraient normalement être comptabilisés dans la catégorie 4;
     Catégorie 4: «charges de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs» (cette catégorie ne concerne que les coûts de stockage et transport)
     EDF intègre dans cette catégorie les charges d’entreposage longue durée des combustibles usés, MOX et URE principalement (1.148 M€) qui devraient être comptabilisées à la catégorie 2. EDF fait aussi figurer dans cette catégorie les charges après fermeture des centres de stockage qui devraient se trouver dans la catégorie 5 (1.056 M€).
     Le CEA intègre dans cette catégorie un certain nombre de dépenses d’entreposage ou d’emballage (190 M€) qui devraient figurer dans d’autres catégories (1, 2 ou 3 selon l’origine des déchets).
     AREVA intègre dans cette catégorie un certain nombre de dépenses d’entreposage intermédiaire (19 M€).
     Catégorie 5: «charges de surveillance après fermeture»
     Cette catégorie inclut toutes les charges après fermeture des centres de stockage: surveillance, entretien de la couverture du centre, fiscalité. EDF n’y fait pas figurer les charges après fermeture des centres de stockage (1 56 M€), considérant qu’elles constituent des frais accessoires aux charges de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs. 
     Divers
     EDF comptabilise dans sa provision pour derniers cœurs (hors nomenclature) des charges de gestion du combustible usé et de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs; ces montants se retrouvent cependant dans les catégories de la nomenclature correspondante (2 et 4) sous l’intitulé «effet réglementaire – combustible engagé». Cette double comptabilisation n’est pas favorable à la transparence.
suite:
ANNEXE 14
Le vieillissement des installations et  les éléments non remplaçables
     1 - Le vieillissement des cuves des réacteurs et des éléments du circuit primaire
     Le vieillissement est caractérisé par les effets de l’irradiation, et des fortes pressions et température sur le matériau de la cuve et du circuit primaire: «fragilisation» de l’acier caractérisée par la diminution de la ténacité (capacité de résistance à un effort mécanique en présence d’un défaut).
     Dans les centrales dites REP (réacteur à eau sous pression), la chaleur est produite par la fission des noyaux d’uranium du combustible placé dans le cœur du réacteur (ensemble des assemblages de combustible). Ces assemblages de combustibles sont contenus dans la cuve du réacteur, qui est composé d’un corps de cuve et d’un couvercle.
     Elle est composée de pièces forgées et usinées en acier d’un poids total de 330 tonnes. Sur la partie centrale de la cuve, cet acier est d’une épaisseur de 20 cm. 
     Cette cuve contient le fluide dit primaire qui circule à travers les assemblages de combustible. Elle constitue une des barrières assurant le confinement des éléments radioactifs. C’est également par le haut de la cuve, à travers son couvercle, que sont introduites les barres de contrôle du cœur et les dispositifs de mesure (neutronique, température) qui permettent la conduite du réacteur. 
     Son rôle est primordial pour les trois fonctions de sûreté de l’installation: le confinement des matières radioactives, la maîtrise de la réaction nucléaire, et le refroidissement des combustibles. Son intégrité doit donc être garantie et démontrée dans toutes les situations de fonctionnement: à la fois dans une situation d’exploitation normale mais aussi en cas de situation accidentelle, et ce pour toute la durée de l’exploitation. 
     Contrairement à d’autres composants du réacteur (éléments du circuit primaire ou secondaire, tels que les générateurs de vapeur), EDF n’envisage pas le remplacement de la cuve. Or, c’est initialement la cuve et les propriétés physiques de son acier qui avaient défini la durée de fonctionnement de référence de 40 ans. Le vieillissement de la cuve dépend aussi du mode d’exploitation spécifique de chaque cuve, en particulier de son plan de charge. Par ailleurs, les variations de températures et de pression (ou «situations transitoires») sont également des événements qui modifient les propriétés des aciers. Ainsi, plus les équipements auront été soumis à des variations fortes de températures et de pression, ou à un bombardement neutronique intense (en pleine puissance), plus ses propriétés vont se transformer et le métal des cuves peut se fragiliser. En particulier, il pourrait devenir moins apte à résister à une situation accidentelle, par exemple un choc froid (injection de sécurité en cas de brèche dans le circuit primaire).
     Cette précision est importante dans le cas du parc français, puisque contrairement à d’autres réacteurs étrangers, les réacteurs français ont la particularité d’être utilisés en «suivi de charge»: en d’autres termes, la puissance du réacteur est modulée dans la journée pour suivre les pics et les creux de la consommation d’électricité (ce mode d’utilisation du réacteur est également très sollicitant pour les assemblages de combustibles) et le nombre de transitoires (variation de puissance et de température) est de fait plus important que pour un réacteur exploité en base. Ces transitoires font l’objet d’un suivi et d’un historique détaillé pour chaque réacteur.
     Conformément à la réglementation, les cuves sont examinées dès leur conception, en exploitation et à l’occasion des visites décennales:
     * les défauts présents sont suivis: comme tout objet forgé, les cuves peuvent présenter des défauts ou des fissurations dès l’origine et les défauts nouveaux sont détectés;
     * le circuit primaire est soumis à un test (l’épreuve hydraulique) qui consiste à le monter en pression, au delà de la pression de fonctionnement et à vérifier l’étanchéité du circuit;
     * l’évolution dans le temps de la température de transition entre l’état ductile (souple) du métal et son état fragile est connue et suivie etc.
     Des progrès notables ont été réalisés dans les appareils de mesure et la détection des fissures. Les observations physiques sont rapprochées des résultats obtenus par la modélisation sur ce que devrait être l’évolution des défauts. De la qualité de cette modélisation dépend aussi la capacité à prévoir finement la durée de fonctionnement résiduelle possible des cuves. Ces programmes de modélisation sollicitent des axes de recherche fondamentale et expérimentale très complexes. En France, les moyens d’études se situent principalement au CEA et chez EDF.
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     2 - Le vieillissement des enceintes de confinement des réacteurs
     Les enceintes qui entourent les cuves ont une fonction de confinement: elles doivent éviter la dispersion de particules radioactives dans l’environnement en cas de rupture du circuit primaire et permettre de limiter les rejets radioactifs dans le cas d’accident grave (fusion du cœur).
     a) Deux catégories d’enceintes
     * Les enceintes à paroi unique du palier 900 MW sont constituées d’un bâtiment en béton précontraint en forme de cylindre (37 m de diamètre par 60 m de hauteur), surmonté d’un dôme. Sa surface intérieure est recouverte d’une «peau métallique» de 6 mm d’épaisseur, qui a pour fonction d’assurer l’étanchéité en cas d’accident. Cette conception et le dimensionnement des ouvrages assurent ainsi un confinement passif, basé sur des barrières physiques importantes et sur la peau métallique interne. Cependant, ces enceintes ne sont pas complètement étanches, ni définitivement protégées d’un risque de dégradation des propriétés du béton. Le taux de fuite en situation d’accident est réglementairement limité à 0,3% par jour de la masse de fluides (air et vapeur d’eau) contenue dans l’enceinte. 
     * Les enceintes à double paroi des paliers 1.300 MW et 1.450 MW (N4): Pour ces réacteurs, la paroi interne est en béton précontraint mais elle n’est pas recouverte d’une peau d’étanchéité. Elle a pour fonction de résister aux conditions de pression et de température internes tout en assurant une «relative» étanchéité: son taux de fuite en situation d’accident est réglementairement limité à 1,5% par jour de la masse de fluides (air et vapeur d’eau) contenue dans l’enceinte. Les paliers 1.300 MW et 1.450 MW reposent sur le principe d’un  «confinement dynamique» assuré par la différence de pression, le vide entre les deux enceintes, et le fait que ces éléments sont construits en béton précontraint.
     En d’autres termes, ces réacteurs n’ont pas intégré au stade de la conception, et a fortiori dans la réalisation, l’objectif d’une limitation totale des rejets radioactifs dans l’atmosphère en cas d’accident grave avec fusion du cœur. 
     Pour le réacteur EPR en cours de construction à Flamanville, l’approche a été différente dès l’étape de conception. Les accidents graves avec fusion complète du cœur et formation de corium, explosion d’hydrogène dans l’enceinte, génération de projectiles à l’intérieur de l’enceinte, percée de la cuve par le corium, etc. ont été envisagés pour dimensionner l’enceinte. 
     b) Effets du vieillissement sur les enceintes de confinement
     Les bâtiments-réacteurs en béton armé et précontraint subissent les phénomènes de vieillissement divers et caractéristiques du béton: il s’agit de déformation, ou de «retrait», de corrosion des câbles d’acier qui forment les armatures, ou encore de pertes de tension des câbles qui assure la précontrainte du béton.
     EDF doit, lors des examens de sûreté (visites décennales), démontrer leur capacité à limiter les rejets radiologiques en cas d’accident. En tout état de cause, dans l’hypothèse d’un accident grave avec fusion du cœur, les radioéléments ne peuvent pas être totalement confinés. Les limites évoquées plus haut (le taux de fuite en situation d’accident est réglementairement limité à 1,5% par jour de la masse de fluides - air et vapeur d’eau - contenue dans l’enceinte pour les 1.300 MW et 1.450 MW) sont à mettre en regard avec les limites nouvelles proposées par le réacteur EPR. 
     En France, les enceintes sont testées sous une pression d’air équivalente à celle qui pourrait apparaître dans l’enceinte en cas d’accidents comme la rupture d’une tuyauterie de vapeur (RTV) ou la perte de la source froide primaire (APRP), afin de vérifier leur résistance et leur étanchéité. Les essais correspondants, appelés «épreuves» de l’enceinte, ont lieu avant la mise en service du bâtiment, puis périodiquement (normalement tous les 10 ans, parfois tous les 5 ans).
     L’épreuve engendre des efforts importants sur l’enceinte et permet de vérifier la bonne qualité de la réalisation générale de l’ouvrage.
     Cependant ce test ne peut être que partiellement représentatif des conditions réelles en cas d’accident dans l’enceinte, puisqu’à la hausse de pression s’ajouterait la hausse brutale de température, qui n’est pas reproduite lors de l’épreuve.
     Pour certaines enceintes du palier 1.300 MW, EDF a appliqué des revêtements composites sur l’intrados de l’enceinte interne pour améliorer son étanchéité et envisage actuellement des revêtements de l’extrados de l’enceinte interne. Cependant, aucune de ces solutions n’apporte une étanchéité totale. EDF envisage de demander une modification à la hausse des critères de taux de rejet des enceintes en invoquant l’amélioration du confinement des bâtiments périphériques qui, selon l’entreprise, compenserait, en termes de conséquences radiologiques, le relâchement des premiers critères.
suite:
ANNEXE 17 
 La production électronucléaire aux USA, en GB, en Allemagne, en Suède, en Belgique et au Japon Comparaisons internationales – généralités

I - La production électronucléaire aux Etats-Unis.

     Les Etats-Unis sont le premier pays du monde par le nombre de réacteurs en fonctionnement: 104  réacteurs sont actuellement en activité dans 70 centrales, inégalement réparties sur le territoire américain. 31 Etats sont dotés de réacteurs nucléaires, principalement dans l’est du pays. 
Le nucléaire représente 20% de la production nationale d’électricité, derrière le charbon (46%), le gaz naturel (23%) et avant les renouvelables (9%, dont 7% pour l’hydroélectricité). Mais il est une ressource majeure pour plusieurs Etats. Il représente plus de la moitié de la production d’électricité dans le Vermont (72,3%) le New Jersey (55,1%) le Connecticut (53,4%) et la Caroline du Sud (52%).
     Sur les 104 réacteurs en activité, 35 sont à eau bouillante (REB/BWR), 69 à eau pressurisée (REP/PWR).
     Une des spécificités du parc nucléaire américain est que presque exclusivement géré par des exploitants privés, il utilise une grande variété de modèles de réacteurs. 26 sociétés d’électricité produisent de l’énergie nucléaire, en faisant appel aux différentes technologies de Westinghouse, Toshiba ou General Electric.
     Parmi ces acteurs demeure une compagnie fédérale, la Tennessee Valley Authority (TVA), créée à l’époque du New Deal pour produire de l’énergie hydraulique. La TVA s’est engagée après la guerre dans la construction de centrales nucléaires. Elle reste un instrument de l’Etat (exemple: sa participation active au programme NP 2010 destiné à tester les nouvelles procédures d’autorisation de sûreté) mais elle mène en même temps sa propre politique en tant qu’opérateur sur un marché concurrentiel.
     Un mouvement est en cours pour restructurer le capital des sociétés productrices d’électricité, qui pourrait conduire à une harmonisation, sinon à une standardisation des équipements.
     La politique américaine de l’énergie a été caractérisée au cours des dernières décennies par des hésitations et des changements de cap, qui ont influencé les investisseurs, sans remettre en cause la place importante du nucléaire dans l’économie nationale.
     L’accident de Three Mile Island (1979) avait entraîné un premier coup d’arrêt dans la construction de nouvelles centrales, la suspension du débat sur le retraitement et le report d’une décision concernant le choix d’un site national de stockage des déchets.
     L’accident de Tchernobyl (Gazette et Infonuc) a accru les hésitations des autorités américaines à encourager une reprise des investissements nucléaires aux Etats-Unis, comme à l’étranger. Washington s’est, dans les années 90, employé à renforcer, par le biais de l’AIEA, les disciplines, les contrôles et les garanties dans la sécurité des centrales nucléaires et la gestion du combustible dans le monde.
     Au début des années 2000, les tensions sur le marché des hydrocarbures et les préoccupations climatiques ont suscité un intérêt nouveau pour le nucléaire. Les autorités américaines ont pris un certain nombre de mesures destinées à faciliter et encourager la production d’électricité par les centrales existantes (dont l’activité a été, pour un nombre important d’entre elles, prolongée) en même temps que les investissements, y compris d’origine étrangère, dans de nouvelles centrales. Le projet de centre national de stockage a été relancé. L’administration Obama a cependant, après son installation, choisi de ne pas poursuivre dans la voie ainsi amorcée.
     La priorité donnée à la promotion des énergies renouvelables comme à l’exploitation des gaz de schiste, la renonciation au moins provisoire au projet de Yucca Mountain, la nomination d’instances de réflexion comme la commission «Blue Ribbon», ont incité les acteurs économiques privés, qui sont aux Etats-Unis les moteurs de la politique énergétique, à observer une attitude prudente ou attentiste. 
     Plusieurs projets de construction de nouveaux réacteurs, pour lesquels des demandes d’autorisation avaient été déposées auprès de la NRC (Nuclear Regulatory Commission) en 2008 et 2009, sont néanmoins en cours d’instruction. Elles concernent notamment AREVA et EDF, candidats à la construction de réacteurs EPR pour plusieurs sociétés américaines de production d’électricité.
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II - La production d’électricité nucléaire au Royaume-Uni
     1 - Place du nucléaire dans la politique de l’énergie au Royaume Uni
     Le Royaume-Uni dispose de 18 réacteurs nucléaires en fonctionnement. L’énergie nucléaire contribue (2010) pour 16% à la production d’électricité: les autres sources sont le gaz (46,3%) le charbon (28,5%), l’éolien (2,7%) l’hydroélectricité (0,95%) et d’autres énergies renouvelables, notamment la biomasse (3,4%). 
     Le nucléaire représentait 26% de la production électrique en 1997. 
     Sa part a ensuite décliné, par suite du vieillissement du parc des réacteurs, et de la désaffection des investisseurs, dont l’intérêt s’était porté en priorité dans les années 70 et 80 sur les ressources en hydrocarbures de la mer du Nord.
     L’épuisement de ces dernières, la priorité donnée aux préoccupations climatiques, ont amené à partir de 2005 un changement de cap. Deux Livres Blancs (2007 et 2008) et plusieurs rapports parlementaires ont plaidé en faveur d’un retour au nucléaire, jugé incontournable et urgent. 
     En 2008, le gouvernement britannique a annoncé son intention de lancer la construction d’une nouvelle génération de réacteurs. L’objectif déclaré était de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité en Grande-Bretagne à 40% d’ici 2050.
     La réalisation de cet objectif implique un renouvellement complet des installations nucléaires existantes. Le parc britannique est composé de réacteurs d’une technologie peu performante et dépassée (AGR, Magnox), d’une usine de retraitement (Sellafield) à la fiabilité souvent mise en cause, tandis que le problème du stockage des déchets demeure sans solution.
     La modernisation ou la réalisation des équipements nécessaires à une vraie relance du nucléaire appelle des investissements importants, pour lequel il a été nécessaire de procéder à une restructuration industrielle, incluant le recours à des partenariats étrangers. C’est dans ce contexte qu’EDF, RWE et E.ON se sont portés candidats, en 2008, au rachat de sociétés de production d’électricité britanniques.
     EDF a réalisé l’acquisition de British Energy en janvier 2009 pour 12 milliards de livres  pour constituer une nouvelle société, (EDF Energy) dans laquelle la société britannique CENTRICA (filiale de British Gaz) a acquis une part de 2,5 milliards de £. La société EDF-Energy (détenue à 80% par EDF et à 20% par CENTRICA), s’est portée candidate à la construction de 4 EPR sur le territoire britannique (2 sur le site de Hinkley, 2 sur le site de Sizewell).
     Parallèlement, le groupe Horizon (RWE/E.ON) s’est porté candidat à la construction de 5 à 7 réacteurs de 3ème génération (EPR ou AP.1000) sur les sites d’Oldbury et de Wilfa.
     Le consortium NuGeneration (Iberdrola et GDF/Suez) s’est également porté candidat à la construction d’EPR à Cumbria.
     Après les élections de mai 2010, le nouveau gouvernement britannique a confirmé sa décision de favoriser la construction au Royaume-Uni (à l’exclusion de l’Ecosse) de 8 centrales nucléaires comportant chacune au moins 2 réacteurs de troisième génération. Le choix des sites a été arrêté et les procédures d’autorisation de construction se poursuivent.
     L’accident de Fukushima n’a pas remis en cause cette orientation.
     2 - Etat du parc nucléaire
     Le parc britannique est composé de plusieurs modèles de réacteurs:
     * 3 réacteurs de type Magnox (Oldbury1, Wilfa 1 et 2) d’une capacité de 217 MW (Oldbury) et 2 fois 490 (Wilfa) mis en service respectivement en 1967 et 1971, doivent cesser leur activité en 2012.
     * 14 réacteurs de type AGR (2 sur chacun des sites de Dungeness, Hartlepool, Hunkley Point, Hunterston, Torness, 4 sur le site de Heysham), mis en service entre 1976 et 1989, doivent cesser leur activité entre 2016 et 2023.
     * 1 réacteur de type PWR (Sizewell), mis en service en 1995, devrait rester en activité jusqu’à 2035.
     Le consortium EDF Energy, acquéreur des installations de British Energy, opère les 14 réacteurs de type AGR et le réacteur PWR de Sizewell.
     La NDA (Nuclear Decommissing Authority), créée en 2005 par le gouvernement britannique pour gérer la cessation d’activité des centrales de première génération, et assurer le retraitement du combustible et la gestion des déchets, opère les réacteurs Magnox encore en activité. 
     La fermeture prochaine de plusieurs de ces installations pousse à un lancement rapide de la construction des nouveaux réacteurs prévus.
     Le premier projet proposé par EDF Energy concerne la construction de 2 réacteurs EPR (1.630 MW x 2) à Hinkley Point dans le Somerset. Le chantier devait commencer en octobre 2011 et la centrale être connectée au réseau fin 2017. La lenteur de la procédure d’approbation GDA (General Design Assesment) devrait conduire à une modification de ce calendrier. Le premier réacteur EPR de Hinkley Point pourrait entrer en activité en 2019. Les 2 EPR de Sizewell devraient être raccordés au réseau entre 2020 et 2022.
     Le consortium Horizon prévoit le dépôt en 2012 des demandes d’autorisation pour construire 5 EPR ou 7 AP1000 sur les sites d’Oldbury et Wilfa. L’entrée en activité de ces réacteurs se situerait entre 2022 et 2025.
suite:
III - La production d’électricité d’origine nucléaire en Allemagne
     1 - Politique de l’Allemagne en matière d’énergie nucléaire et part du nucléaire dans la production d’électricité 
     L’Allemagne, qui accordait au nucléaire une place importante dans sa politique énergétique, a pris en 2001 (gouvernement Schröder) la décision d’engager un processus progressif de sortie du nucléaire. Le gouvernement de Madame Merkel, qui avait amorcé une révision de cette décision, l’a finalement confirmée en 2011 et a décidé d’en accélérer la mise en œuvre après la catastrophe de Fukushima.
     Au début de 2011, l’Allemagne disposait de 17 réacteurs nucléaires, assurant 23% de la production d’électricité nationale. Les autres sources de production d’électricité sont le charbon (55%) l’éolien (7%), l’hydroélectricité (4%) et le solaire (2%).
     Le 6 juin 2011 le gouvernement fédéral a décidé la cessation d’activité immédiate de huit des réacteurs (ceux qui étaient entrés en activité en 1980 ou auparavant). Les 9 réacteurs restants devront être fermés par étapes, d’ici 2022. Cette décision a été approuvée par le Bundestag le 8 juillet 2011.
     Cette décision a entraîné dans l’immédiat un déficit énergétique (réduction de 6,4% de la capacité installée) compensé par des achats en provenance de France et de République Tchèque, mais l’objectif du gouvernement fédéral est d’assurer, à moyen terme, le remplacement du nucléaire par une amélioration de l’efficacité énergétique et un accroissement du recours aux énergies renouvelables. La part de celles-ci dans la production d’électricité devrait passer en 10 ans de 17% (2010) à 35% (2020), pour atteindre 80% en 2050. Le gouvernement fédéral a affirmé vouloir maintenir les objectifs précédemment affichés en matière de réduction d’émissions de CO2 (- 40% en 2020 par rapport à 1990, - 80% en 2050). Pour y parvenir, le pays mise essentiellement sur l’éolien (Mer du Nord), encouragé par des mesures d’aide à l’investissement (fonds de soutien de 5 M€), et sur une politique de réduction de la consommation énergétique.
     Parallèlement, le lancement de la construction de nouvelles centrales au gaz a été décidé. Le débat sur la possibilité de maintenir et même de relancer une production d’énergie à partir d’un charbon «propre» a également été relancé.
     Le changement de politique énergétique devrait avoir des conséquences sur le transport et la distribution d’électricité, qui nécessiteront la construction de plus de 4.000 km de lignes à haute tension.
     2 - Etat du parc nucléaire
     En 2010, l’Allemagne avait produit 133TWh d’électricité nucléaire sur une production totale d’électricité de 590TWh.
     Les réacteurs en service au début de 2011, dont la puissance s’échelonnait de 771 à 1.360 MW étaient de plusieurs types: 6 réacteurs à eau bouillante (BWR), 11 à eau pressurisée (PWR), tous construits par la société KWU, filiale de Siemens (intégrée depuis dans AREVA). 
     La RDA avait construit 6 réacteurs de technologie WER dont l’activité a été interrompue et le démantèlement engagé après la réunification en 1990.
     Le parc actuel de 17 réacteurs (les 8 réacteurs arrêtés n’ont pas encore, à la date du 1er septembre 2011, été déchargés de leur combustible, et leur démantèlement n’est pas commencé) est détenu par 4 opérateurs privés:
     - E.ON (fusion de Veba et Viag) possède totalement ou partiellement 9 réacteurs: Grafenheidfeld, Isar1, Isar2, Unterweser, Grohnde, Brokdorf, Kruemmel, Brunsbuettel, Gundremmingen, Emsland;
     - RWE opère seul ou en partenariat 3 réacteurs Gundremmingen, Biblis, Emsland;
     - VATTENFALL, électricien suédois (qui possède en Suède Ringhals et Forsmark) est opérateur total ou partiel de Brunsbuttel, Krummel et Brokdorf;
     - EnBW opère les réacteurs de Neckarwestheim et Phillipsburg.
     Les opérateurs ont engagé des procédures judiciaires et mènent des consultations avec le gouvernement après la décision de fermeture des réacteurs leur appartenant. Ils s’opposent à l’imposition d’une taxe compensatoire appliquée à la production nucléaire par le gouvernement fédéral en septembre 2010, dont l’introduction avait été alors une compensation pour la prolongation de vie des centrales. Ils font valoir le surcoût que représente le démantèlement accéléré de réacteurs pour lesquels les provisions sont insuffisantes.

IV - La production électronucléaire en Suède

     1 - Place du nucléaire dans la production d’électricité
     La Suède possède 10 réacteurs nucléaires en activité. Le nucléaire assure 40% de la production d’électricité du pays (dont les autres sources sont l’hydro-électricité (48%), les énergies fossiles (10%) et l’éolien (2%). 
     A la suite d’un référendum tenu en 1980, le gouvernement suédois avait décidé d’interrompre l’activité de tous les réacteurs nucléaires avant 2010. En mars 2002, le gouvernement a renoncé à la date de 2010 pour l’abandon du nucléaire prévu dans le référendum. Seules seules tranches de la centrale de Bärseback ont été fermées (l’une en 1999, l’autre en 2005), en partie à cause de la grande proximité du Danemark et de Copenhague.
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     L’incertitude subsistant sur l’avenir du nucléaire pendant la période 2002-2009 a conduit à une limitation des investissements dans ce secteur et à une diminution de la part du nucléaire (qui était de 52% en 2004) dans la production nationale d’électricité. En juin 2010, le Parlement suédois a adopté une loi qui est revenue sur l’interdiction de la construction de nouvelles centrales. La durée de fonctionnement de plusieurs centrales, prévue pour 25 ans, a été portée à 40. La puissance de plusieurs réacteurs a été relevée.
     Le 8 décembre 2010, le groupe Vatenfall a indiqué avoir lancé l’étude de deux nouveaux réacteurs, qui pourraient être couplés au réseau d’ici 2020. Le groupe E.ON examinerait un projet comparable. 
     2 - Situation du marché de l’électricité
     Malgré les travaux entrepris depuis 2005 pour augmenter la capacité des centrales existantes, la Suède connaît depuis quelques années de fortes tensions sur le marché de l’électricité. Le plafonnement de la production nucléaire et les incertitudes de la production hydroélectrique ont provoqué de fortes pénuries sur ce marché, organisé en pool entre les pays nordiques. 
     Dans l’hiver 2009/2010, le prix du MWh sur le marché Nordpool a atteint 1.400 €/MWh (35 fois le prix «normal») avec de fortes conséquences sur l’industrie papetière. Ces tensions, auxquelles a répondu l’augmentation des importations en provenance de Finlande, ont créé ou accentué, un climat favorable à l’augmentation des investissements dans la production nucléaire, jugée incontournable. 
     3 - Etat et productivité du parc nucléaire
     Les 10 réacteurs en activité, sur les sites de Ringhals, Forsmark, et Oskarshamn, sont de type VWR (7 réacteurs à eau bouillante) et PWR (3 réacteurs à eau pressurisée). 3 opérateurs gèrent ce parc: Vatenfall, E.ON et FORTUM (groupe finlandais). Le parc nucléaire suédois souffre d’une faible disponibilité, l’une des plus faibles d’Europe (63%), conséquence de la faiblesse des investissements réalisés au cours de la dernière décennie dans l’entretien.
     Le contexte politique permet aujourd’hui la construction de nouveaux réacteurs, mais le gouvernement suédois a posé en principe devant les 3 opérateurs qu’aucune aide publique ne serait accordée pour le financement de nouvelles centrales.
     Celui-ci devrait être assuré dans le cadre d’un accord avec les grands clients que sont les industries électro-intensives. Des négociations ont été conduites en 2011, à cet effet avec le consortium Industrikraft.

V - La production électronucléaire en Belgique

     1 - Place du nucléaire dans la production d’électricité  et état du parc
     La Belgique a 7 réacteurs nucléaires, qui fournissent 54% de la production nationale d’électricité (46 milliards de kWh), contre 28% pour le gaz naturel (24 milliards de kWh) et 9% pour le charbon (7 milliards kWh), le reste étant assuré par les énergies renouvelables.
     Le parc nucléaire de la Belgique est constitué de 4 réacteurs PWR développant une puissance totale de 2.839 MW à DOEL, et 3 réacteurs PWR développant une puissance totale de 2.985 MW, à Tihange.
     La politique du gouvernement belge à l’égard du nucléaire a connu d’importantes variations dans la période récente. En 1999, fut constituée une commission AMPERE, dont l’objet était d’étudier l’avenir énergétique du pays et les alternatives au nucléaire. Le rapport de la commission, déposé en 2000, concluait à la nécessité de maintenir l’effort nucléaire, tout en développant d’autres sources d’énergie.
     Cependant, après un long débat politique, le Parlement belge a adopté le 31 janvier 2003 une loi fédérale qui interdit la construction de nouvelles centrales et limite la durée de fonctionnement des centrales existantes à 40 ans, de sorte que l’activité de la dernière centrale devrait cesser au plus tard en 2025.
     Une commission sur l’énergie, constituée en 2007, a proposé de revenir partiellement sur ces orientations, en soulignant que le nucléaire était indispensable pour permettre à la Belgique de respecter les objectifs européens en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
     Le gouvernement a annoncé qu’il déposerait des amendements, pour permettre la prolongation d’activité de plusieurs centrales. La crise politique qui a suivi les élections d’avril 2010 n’a pas permis d’engager cette procédure; la situation de droit reste celle d’une fermeture programmée de toutes les centrales, échelonnée entre 2015 et 2025; le nouveau gouvernement belge a indiqué récemment que ce calendrier serait réexaminé.
     L’accident de Fukushima a avivé le débat en Belgique sur l’avenir du nucléaire, sur lequel une décision sera prise après constitution d’un nouveau gouvernement.
     2 - Organisation de la production
     La production électrique d’origine nucléaire est assurée par 2 acteurs principaux:
     - Electrabel, filiale de GDF/Suez, possède 50% du réacteur Tihange 1, 89,8% de Tihange 2 et 3, 100% de Doel 1 et 2, et 89,8% de Doel 3 et 4;
     - EDF possède les 50% restants de Tihange 1.
     À travers SPE (qui est sa filiale à 51% depuis 2009), EDF possède également les 10,2% de Tihange 2 et 3 et de Doel 3 et 4.
     La commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) est l’organe central de contrôle du fonctionnement du marché de l’électricité en Belgique. Elle contrôle notamment les comptes des électriciens et veille à leur transparence. La CREG a infligé récemment à Electrabel une amende de 100.000 €/jour, pour non communication de données sur le coût de production du nucléaire, sans lesquelles elle estime n’être pas en mesure de calculer la «rente nucléaire» dégagée par l’opérateur. Cette sanction fait l’objet d’un appel suspensif.

suite:
VI - La production d’électricité nucléaire au Japon

     1 - Place du nucléaire dans la politique énergétique japonaise; état du parc
     Le Japon s’est engagé à partir des années 50 dans une politique ambitieuse de développement du nucléaire civil pour remédier aux carences du pays en ressources énergétiques. 
     Le programme a été lancé en 1954, après l’adoption d’une loi imposant de limiter les recherches et investissements à un usage pacifique de l’atome.
     Le Japon a investi dans la construction de centrales de technologie britannique (GEC) puis américaine (Westinghouse, General Electric).
     Cette politique s’est poursuivie malgré l’existence d’une réticence dans une partie de l’opinion, renforcée par un certain nombre d’accidents, notamment sismiques, qui ont entraîné la fermeture de plusieurs réacteurs dans les années 70 et 80. Les autorités japonaises, et les sociétés productrices d’électricité, ont poussé les investissements dans les technologies antisismiques, tout en poursuivant un ambitieux programme de construction de centrales, et d’une usine de retraitement, considérant que le Japon qui importe 80% de son énergie (et qui devrait, sans le nucléaire, en importer 96%) n’avait pas le choix. 
     Au début de l’année 2011, à la veille de la catastrophe de Fukushima, le Japon comptait 55 réacteurs nucléaires. Le nucléaire représentait 11,4% de son mix énergétique et 30% de la production d’électricité (contre 60% au gaz/pétrole et 10% à l’hydroélectrique). 
     La nouvelle stratégie nationale pour l’énergie, définie en 2006 par le METI, prévoyait la construction de 11 nouvelles centrales (dont 2 étaient en cours de construction début 2011). L’objectif était de porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% en 2030.
     Ce programme s’appuyait sur des groupes puissants (Toshiba, MHI et Hitachi) qui, à partir de technologies importées puis purement japonaises, ont développé au cours des deux dernières décennies un potentiel industriel et technologique qui a fait du Japon une puissance nucléaire de tout premier plan.
     Neuf opérateurs se partagent la production d’électricité nucléaire, en utilisant un parc peu homogène, composé comme suit:
     - Hokkaido Electric Power Co (HEPCO): 6 PWR
     - Tohoku Electric Power Co (Tohoku Electric): 7 BWR
     - Tokyo electric Power Co (TEPCO):15 BWR , 2 ABWR
     - Chubu Electric Power Co (CHUDEN):  4 BWR, 1 ABWR
     - Hokuriku Electric Power Co (Rikuden) : 1 BWR, 1 ABWR
     - Kansai Electric Power Co (KEPCO) : 11 PWR
     - Chugoku Electric Power Co (Energia) : 2 BWR
     - Shikoku Electric Power Co (Yonden) : 3 PWR
     - Kyushu Electric Power Co (Kyushu Electric) : 6 PWR
auxquels il faut ajouter:
     - Japon Atomic Power Company qui gère: 2 BW, 1 GCR, 1 PWR.
     Après l’accident survenu le 11 mars 2011 à Fukushima, la décision a été prise de démonter les 6 réacteurs de la centrale de Fukushima 1 dont 4 étaient déjà arrêtés. Le gouvernement japonais a décrété pour la 1ère fois «l’état d’urgence nucléaire». 140.000 résidents ont été évacués dans un périmètre de 20 km. La centrale nucléaire de Hamaoka a été fermée en mai, compte tenu du risque sismique élevé existant sur le site. D’autres centrales ont été mises à l’arrêt pour révision ou tests de sécurité. En octobre 2011, seules 11 centrales nucléaires étaient en fonctionnement.
     Un Livre Blanc, approuvé par le gouvernement japonais le 28 octobre, a constaté que «la confiance du public dans l’énergie nucléaire était entamée». Le gouvernement japonais a annoncé son intention de «réduire la dépendance du Japon à l’égard de l’énergie nucléaire ». 

     2 - Organisation de la production et  de la distribution d’électricité
     Une réforme introduite à partir de 1995 a libéralisé par étapes le marché japonais de l’électricité. Les sociétés productrices d’électricité, dont l’activité est organisée sur la base d’un partage territorial, fonctionnent sur un mode plus concurrentiel. La réglementation des tarifs a été assouplie. Fin 2010, 60% du marché de l’électricité était libéralisé. 

     3 - La situation après l’accident de Fukushima
     Il est trop tôt pour connaître les conséquences en termes de coûts de l’accident de Fukushima sur les autres centrales japonaises. Il faut distinguer plusieurs niveaux:
     *les mesures immédiatement demandées par l’Agence de Sécurité aux opérateurs, fin mars, sont peu coûteuses (achat de camions générateurs et de camions pompes supplémentaires, protections supplémentaires contre les tsunamis);
     * les mesures à plus long terme concernant un certain nombre de centrales vulnérables aux tsunamis, à réaliser d’ici 2 ou 3 ans, auront un coût plus lourd en travaux et BTP;
     * les stress tests décidés depuis lors entraîneront vraisemblablement des dépenses de renforcement des protections, dont le coût ne peut encore être évalué.

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ANNEXE 18
Le démantèlement des centrales nucléaires
Comparaisons internationales

A - Le rapport du cabinet La Guardia – 2009

     Dans le cadre de l’exercice Dampierre 09, EDF a commandé un audit au cabinet La Guardia qui, aux Etats-Unis, s’est spécialisé dans l’évaluation des démantèlements, en lui demandant une estimation d’un devis de démantèlement théorique d’un site de deux tranches REP 1.150 MW et en le comparant à celui de DA09. L’étude a été réalisée à périmètre comparable en retraitant les résultats de l’étude DA 09 pour passer de quatre tranches à deux puis une seule. L’écart de puissance n’a pas été pris en compte par EDF qui considère qu’il n’était pas significatif au regard du degré de précision qu’il réclamait. Les calculs de La Guardia donnent un écart très faible avec l’évaluation Dampierre 2009.

Résultats de l’étude de La Guardia commandée par EDF

Source: Cour des comptes- Données EDF 
(1): 10% pour EDF - 18% pour la centrale US

B - Les comparaisons internationales disponibles

     Les calculs réalisés par la Cour ont consisté, dans la mesure du possible, à rapporter les charges brutes de démantèlement étrangères à un coût en €2010 au MW installé puis à considérer que celui-ci était le coût de référence à prendre en compte conformément à la méthode utilisée par EDF. La valeur de référence s’élève en l’occurrence à 291 €2010/MW pour les 58 réacteurs REP en exploitation, soit 18,1 M€2010.
     Les grandes disparités de périmètre ont été corrigées dans la mesure des informations disponibles et, lorsqu’elles ne l’étaient pas, la Cour a fait le choix, arbitraire, de s’appuyer sur les données disponibles, à savoir celles d’EDF pour corriger les périmètres. 
     Les charges de démantèlement des réacteurs de six pays ont été analysées, Allemagne, Belgique, Japon, Royaume-Uni, Suède et USA, avec parfois plusieurs évaluations disponibles par pays et appliquées au parc REP d’EDF en exploitation.

     1 - Comparaison avec l’Allemagne
     Trois évaluations sont possibles dans le cas allemand. Les montants disponibles ont été ramenés à un coût de référence par MW. La base retenue pour la puissance est celle des 17 réacteurs du parc nucléaire allemand encore en exploitation, mais qui ont été arrêtés après Fukushima (8 réacteurs dont 5 REP) ou devraient l’être à l’horizon 2022 d’après la loi de sortie du nucléaire de 2011 (9 réacteurs dont 7 REP), soit une puissance cumulée de 20.464 MW, et en moyenne, 1.203 MW.
     De façon générale, et jusqu’il y a peu de temps, le coût du démantèlement d’un réacteur REP, était évalué en Allemagne, par les exploitants EnBW, E.ON, RWE et Vattenfall, à 500 M€, hors gestion des déchets et du combustible usé, notamment hors construction de bâtiments d’entreposage temporaire sur site, et sans calendrier précis de démantèlement. Le coût de référence s’élèverait alors à 415 €/kW.
     Depuis la décision de sortir du nucléaire prise après Fukushima, E.ON a revu très largement à la hausse ses devis et annonce, quelle que soit la technologie des réacteurs, un montant de 1,1 Md€ par réacteur, mais y compris le coût de la gestion du combustible usé, contrairement à l’évaluation précédente. Pour corriger cette différence, un calcul grossier consistant à rapporter le coût de gestion du combustible usé d’EDF (14,38 M€2010) à un réacteur REP, soit 248 M€, permettrait la comparaison. Le coût allemand à comparer à l’évaluation d’EDF serait alors de 852 M€2010. Le coût de référence s’élèverait alors à 707 €/kW.
     Par ailleurs, le coût global du démantèlement des 17 réacteurs a été estimé par le cabinet de conseil Arthur D.Little en septembre 2011 à 18 Mds €, et, pour un réacteur, entre 670 M€ et 1,2 Md€, en fonction de l’installation et sans tenir compte du stockage définitif des déchets.

suite:
     Le coût de référence se situerait alors dans une fourchette de 556 €/kW à 996 €/kW. Rapporté au parc EDF, les charges brutes de démantèlement seraient les suivantes:

Application des résultats des études allemandes au parc d’EDF

Source: Cour des comptes

     2 - Comparaison avec le Japon
     Le Japon dispose de 54 réacteurs dont 24 REP et 30 REB (réacteurs à eau bouillante) pour une puissance cumulée de 27 537 MW, soit une puissance moyenne de 510 W.
     L’estimation du coût du démantèlement d’un réacteur REP, à fin 2009, atteint, selon les exploitants, 42,2 Md de yens hors gestion des combustibles usés et déchets, soit 319,6 M€2010 (Au taux du 31 décembre 2009, soit 0,0075€ pour 1 JPY. Aux conditions économiques de 2009, c'est-à-dire avec un coût de référence de 286€/kW - source EDF), le coût non actualisé moyen de démantèlement d’un réacteur REP du parc en activité d’EDF s’élèverait à 306,7 M€2010, soit 626 €/kW. 
     Sur la base des coûts japonais, le coût du démantèlement des 58 réacteurs du parc d’EDF s’élèverait donc à 38,9 M€2010, à rapprocher du montant retenu par EDF de 18,1 M€2010.
     En revanche, le coût de démantèlement des quatre réacteurs accidentés de Fukushima de technologie REB, estimé fin septembre 2011 par la «commission d’enquête administrative et financière», créée spécialement pour traiter le cas de l’exploitant TEPCO, s’élèverait à 1.150 Md de yens, soit 287,5 Md de yens pour un réacteur, soit 2,7 Md€ (Au taux du 29 septembre 2011, soit 0,0095€ pour 1 JPY et inflaté de 2009 à 2010). Mais ce chiffrage ne doit pas être comparé avec celui d’un réacteur non accidenté, car le démantèlement des réacteurs de Fukushima devra être réalisé dans des conditions de contamination particulièrement difficiles.

     3 - Comparaison avec les Etats-Unis
     La fourchette des coûts de démantèlement du réacteur REP de Maine Yankee, d’une puissance de 830 MW est estimée avec un bon niveau de précision grâce à trois évaluations disponibles. Par rapport à la situation constatée en France, quatre éléments propres aux Etats-Unis limite la portée de la comparaison:
     * l’existence d’un seuil de libération aux Etats-Unis permet de limiter le volume de déchets produits et les procédures de sécurité à mettre en œuvre pour traiter les volumes concernés;
     * des destructions à l’explosif pour les parties hautes des bâtiments sont utilisées, limitant de fait le recours, plus onéreux, à des équipements spécialisés;
     * la durée du démantèlement a pu être limitée à huit ans, de 1997 à 2005, alors qu’en France la durée de démantèlement d’une tranche est évaluée à quinze ans;
     * a contrario, en cours de démantèlement, l’entreprise en charge des opérations a fait faux bond en raison de problèmes financiers et l’exploitant a dû poursuivre seul, augmentant ainsi les charges à supporter.
     Les trois évaluations américaines des coûts de démantèlement de Maine Yankee sont les suivantes:
     *celle de la société TLG Services, assistant à maîtrise d’ouvrage, en charge de l’évaluation et du contrôle des coûts de démantèlement de trois réacteurs de puissance entre 1995 et 2005: 343,6 MUSD1997 pour le périmètre strict du démantèlement, ou encore 446 MUSD2004 (Base: coefficient d’inflation retenu par la NRC de 3,8% annuel);
     * celle fournie à la Federal Energy Regulatory Commission (FERC): 752,2 MUSD2003 dont 525,7 MUSD2003 de dépenses réelles pour la période 1997 à 2003;
     * celle de l’Electric Power Research Institute (EPRI), un centre de recherche sur l’énergie et l’environnement, indépendant: 558 MUSD à fin 2004.

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     Les coûts de référence correspondant s’élèveraient donc à respectivement 439,7 €/kW, 537,8 €/kW et 550 €/kW. Rapportées au parc EDF, les charges brutes de démantèlement seraient les suivantes:

Application des résultats des études américaines 
au parc d’EDF

Source: Cour des comptes

     4 - Comparaison avec la Belgique
     Le parc des réacteurs belges en exploitation est constitué de sept tranches de technologie REP réparties sur les sites de Tihange et de Doel, exploitées par Electrabel du groupe GDF-Suez pour une puissance cumulée de 5.926 MW.
     Les coûts de démantèlement de trois réacteurs REP de la centrale de Tihange sont évalués par l’exploitant à 1.069 M€2006, soit 1.139 M€2010 et ceux des quatre réacteurs de la centrale de Doel s’élèvent, selon l’ONDRAF (hors installations liées à la gestion des déchets) à 1182 M€2009, soit 1 191,6 M€2010.
     Le coût de référence s’élèverait donc à 393,2 €/kW et rapporté au parc EDF, les charges brutes de démantèlement s’élèveraient à 24,4 Md€2010

     5 - Comparaison avec la Suède
     Les coûts de démantèlement de trois réacteurs REP de la centrale de Ringhals d’une puissance cumulée de 2.799 MW et de 933 MW en moyenne, exploités par RAB, sont évalués par une société privée commune aux exploitants, SKB.
     Le tableau présente les coûts de démantèlement actualisés de ces trois réacteurs, calculés aux conditions économiques de janvier 2010 par SKB qui réalise cette opération sur la base d’une extrapolation des coûts estimés pour les réacteurs Barseback 1 et 2 qui sont de technologie REB. Le cours retenu est celui du 31 décembre 2009.  (...)
     Ainsi, le démantèlement des 3 réacteurs d’une puissance totale de 2.799 MW est évalué à 441,4 M€2009, soit 157,6 € /kW. Ce montant ne peut être pris comme coût de référence parce qu’il est actualisé, il doit donc être rapporté à la puissance cumulée installée pour les 58 réacteurs français, 63 130 MW, soit 9,9 Md€2010 correspondant à environ 20 Md€ de charges brutes.

suite:
     6 - Comparaison avec le Royaume-Uni
     Plusieurs paramètres doivent inciter à la prudence dans la comparaison des estimations françaises et britanniques, en matière de démantèlement des centrales:
     * le parc britannique est essentiellement composé de réacteur de type GCR (gaz cooled, graphite moderated reactor) dont les coûts de démantèlement sont structurellement plus élevés; leur conception fait appel à plus de matériaux et à une complexité plus grande des structures, entraînant de ce fait un accroissement sensible des volumes à traiter et des opérations à mener, donc des coûts;
     * la puissance moyenne des réacteurs arrêtés, dont l’évaluation du démantèlement a été réalisée par la Nuclear Decommissionning Authority (NDA), s’élève à 182 MW par réacteur; elle est de 582 MW par réacteur pour les centrales de British Energy (BE) alors que la puissance nette moyenne des 58 réacteurs français est de 1.072 MW; 
     * en Grande Bretagne, il est prévu un entreposage sur site pendant une centaine d’années des combustibles irradiés;
     * les calendriers de démantèlement et le nombre de centrales entre les deux pays sont différents. Le grand nombre de réacteurs français (58) réduit leur coût unitaire de démantèlement par rapport à celui des 15 réacteurs britanniques en exploitation;
     * les centrales anglaises doivent être distinguées selon qu’elles sont arrêtées, et gérées par la Nuclear Decommisionning Authority créée en 2005, en charge de l’assainissement-démantèlement de toutes les installations nucléaires britannique existantes au moment de sa création, ou selon qu’elles sont exploitées par British Energy. Il convient donc de tenir compte également de ces dernières centrales.
     Si, malgré toutes les réserves liées aux distorsions techniques, d’actualisation, d’organisations et de périmètres, on cherche à comparer les évaluations des charges de démantèlement françaises et britanniques en ramenant les coûts actualisés de démantèlement au MW, il faut distinguer, d’une part, les centrales arrêtées gérées par la NDA et, d’autre part, les centrales en activité de British Energy, dont le démantèlement est financé par le NLF (Nuclear Liabilities Fund).

     6.1 : Les centrales arrêtées (ou en voie de l’être en 2012) et Nuclear Decommisionning Fund de la Nuclear Decommisionning
     À l’analyse de la répartition des charges présentées par la NDA, il apparaît que les coûts les plus élevés ne concernent pas les centrales mais des installations nucléaires autres. Sellafield représente ainsi 52% des coûts identifiés. Pour comparer à EDF, il convient donc de ne tenir compte que des centrales, soit 10 Md£ en valeur actualisée.
     Par ailleurs, les publications de la NDA (ex: rapports stratégiques 2006 et 2011) cumulent aux charges de démantèlement (decommissionning), des coûts de fonctionnement et d’investissements (operations costs) mais intègrent également des revenus commerciaux qui diminuent de façon importante le montant des charges.

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