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G@zette N°267, février 2013

Sera-t-il possible de sortir enfin du tout nucléaire pour entrer dans une politique énergétique cohérente? Les dés sont jetés...
DERNIERES NOUVELLES

Bouygues Nucléaire ne fera pas sa base chaude à Mably (Loire-42) 
Les bases chaudes de maintenance nucléaire en France
Document réalisé par Charles-Henri Vigouroux,
professeur de physique en retraite,
ancien adjoint au maire de Mably en charge de l’environnement, membre du Collectif Mably sans nucléaire
janvier 2013
 
Rappel des premiers épisodes
     Pour être présent sur les marchés prometteurs de la prolongation des centrales nucléaires existantes (maintenance accrue, remplacement de nombreux éléments), et du démantèlement des plus anciennes, le groupe Bouygues Construction a créé fin 2008 une filiale dédiée à ces activités, Bouygues Construction Services Nucléaires (BCSN).
     Celle-ci a souhaité disposer d’une «base chaude» pour entretenir et entreposer les machines et les robots contaminés par leur utilisation sur les sites nucléaires partout en France, car depuis sa création l’entreprise est contrainte d’effectuer la maintenance de son matériel dans les bases chaudes d’EDF et d’Areva.
     Sur l’initiative des missions de développement économique de Rhône-Alpes et du Département, la Communauté d’agglomération du Grand Roanne a proposé d’implanter cette base chaude à Mably dans les bâtiments d’une usine récemment fermée. Dans la négociation le président du Grand Roanne, Christian Avocat, a obtenu de BCSN que la base chaude serait accompagnée d’une unité de recherche et développement de matériels robotisés, en lien avec l’enseignement supérieur roannais et le LASPI (Laboratoire d’Analyse des Signaux et des Processus Industriels) qui est un laboratoire de recherche de l’IUT.
     Dès l’annonce de ce projet en novembre 2010, un Collectif s’est constitué pour réclamer un débat public mais son objectif devait évoluer rapidement en faveur de l’abandon du projet. En effet, pour limiter au maximum la dissémination et les transports des matières radioactives, les bases d’entretien et les entrepôts de matériels contaminés doivent nécessairement se trouver sur les sites déjà nucléarisés.
     La première réussite du Collectif fut d’obtenir en janvier 2011 que BCSN consente à fournir au Grand Roanne un dossier de présentation du projet. Bien que cela puisse paraître incroyable, alors qu’il n’y avait encore aucun dossier écrit il avait été demandé en novembre au Conseil communautaire d’autoriser l’achat des bâtiments et leur transformation par la collectivité selon un cahier des charges à fournir par BCSN. En séance, les élus écologistes avaient vivement réagi et lancé une discussion conduisant à l’ajournement du vote pour manque d’information. Mais, nouveau paradoxe, la note de présentation finalement envoyée par BCSN en janvier ne comportait aucun renseignement sur la radioactivité!
     Le débat public organisé par le Collectif le 23 février réservait une autre surprise de taille: la défection de dernière minute du pdg de BCSN qui s’était pourtant engagé à y participer. Le président du Grand Roanne dut défendre seul le projet, et Roland Desbordes, président de la CRIIRAD, qui avait fait le déplacement, ne pouvait que dénoncer l’envoi d’un dossier vide par BCSN et la dérobade de son pdg refusant de débattre en public.
     En juin 2011, le Grand Roanne et BCSN ayant programmé trois jours de lobbying auprès des acteurs roannais politiques, économiques, universitaires, syndicaux, le Collectif les a mis au défi d’un deuxième débat public et, après avoir bien hésité, cette fois le directeur technique de BCSN et le responsable du projet base chaude sont venus, accompagnés d’un expert du CEA. Ils ont pu constater l’opposition de la salle, sans huées ni invectives mais avec des arguments et de la fermeté.
suite:
     Parmi les autres actions du Collectif Mably sans nucléaire: pétition au maire de Mably en avril 2011 (avec les 1500 premières signatures, recueillies en un mois, il y en aura plus de 4000 au final), création d’un blog (http://mablysansnucleaire.over-blog.fr), conférences de presse, interventions auprès des élus, initiation d’un projet de zone agricole bio à Bonvert - Idée reprise et développée par des agriculteurs bio et des consommateurs, qui ont créé l’association Vivre bio en roannais et demandent la conversion en zone d’activités agricoles bio diversifiées des 90 ha en réserve depuis des décennies pour l’extension de la zone industrielle de Bonvert jouxtant le site visé par BCSN -, envoi d’un dossier d’information à l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire), etc.
 
Retoqué par l’ASN et taclé par les opposants, 
le projet s’évanouit 

     Une base chaude nucléaire échappe aux contraintes des INB (installations nucléaires de base) comme à la réglementation des ICPE (installations Classées pour la protection de l’environnement). Il n’y a donc ni étude d’impact, ni enquête publique. Il suffit d’un dossier de demande d’autorisation auprès de l’ASN.
     BCSN a déposé son dossier de demande en février 2012, et deux mois plus tard l’ASN rendait son verdict: «incomplet et insuffisamment détaillé (...) pour ce qui concerne les risques radiologiques aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du site, sur l’homme et sur l’environnement, en fonctionnement normal et en cas d’incendie, ainsi que sur les moyens techniques mis en œuvre pour limiter ces risques à un niveau aussi faible que possible
     Par courrier du 20 avril 2012, l’ASN informait le maire de Mably qu’un délai de 3 mois était donné à BCSN pour apporter les compléments nécessaires, et rappelait l’importance de la transparence et de l’information du public. Copie de ce courrier était adressée au Grand Roanne et au Collectif Mably sans nucléaire.
     BCSN n’ayant pas fourni les compléments demandés, une réunion a eu lieu le 8 octobre avec l’ASN, dont il est ressorti le désarroi des dirigeants. Réticents à poursuivre à Mably compte tenu de l’opposition au projet, ils balançaient entre la recherche d’un autre site et l’abandon pur et simple.
     La société propriétaire des bâtiments promis à BCSN n’attendit pas plus longtemps et loua ses locaux à deux entreprises du textile, une teinturerie industrielle et une marque de confection, Mado Marcel.
     A l’entame de l’année 2013 le Collectif estima qu’il était temps de forcer le Grand Roanne et BCSN à prendre position publiquement et convoqua une conférence de presse pour engager les journalistes à soumettre à la question le président de l’agglomération et le pdg de l’entreprise. Le 15 janvier, suite à ces contacts, la presse locale pouvait enfin titrer que BCSN abandonnait son projet à Mably.
     Le pot-de-terre roannais a donc gagné contre l’ogre Bouygues, mais le comportement et l’incompétence des dirigeants de BCSN, ainsi que la fermeté du contrôle de l’ASN, y sont pour beaucoup.
     Pas de triomphalisme du côté du Collectif Mably sans nucléaire, seulement la satisfaction citoyenne d’avoir porté le débat sur la place publique, du début à la fin, et de l’avoir combattu avec rigueur et détermination jusqu’à son abandon.

p.22


LETTRE ASN (Codep-Lyo-2012-022429)
20 avril 2012
     Objet: Dossier de demande d’autorisation de détention et d’utilisation de sources radioactives non scellées transmis à l’ASN au titre du code de la santé publique par la société Bouygues Construction Services Nucléaires (BCSN) le 10 février 2012 concernant le projet d’implantation d’une installation de conception et de maintenance de matériel au leu dit Bonvert à Mably (Loire)
     Monsieur le Maire
     L’ASN tient à vous informer par la présente que la société Bouygues Construction Services Nucléaires (BCSN) lui a transmis le 10 février 2012 un dossier de demande d’autorisation pour la détention et l’utilisation de sources radioactives concernant un projet d’implantation sur la zone industrielle de Bonvertà Mably (Loire) d’une unité de conception et de maintenance de matériels nécessaires à la maintenance et à la déconstruction de sites nucléaires.
     L’ASN considère qu’en l’état, ce dossier n’est ni complet ni suffisamment détaillé.
     L’ASN a par conséquent demandé au pétitionnaire de compléter le dossier en objet pour ce qui concerne les risques radiologiques aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du site, sur l’homme et l’environnement, en fonctionnement normal et en cas d’incendie, ainsi que les moyens techniques mis en œuvre pour limiter ces risques à un niveau aussi faible que possible. L’ASN a demandé au pétitionnaire le 19 avril 2012 de lui transmettre ces compléments dans un délai de trois mois.
     Bien entendu, la transmission à l’ASN de ces compléments ne préjuge ni de la recevabilité du dossier en objet, ni, a fortiori, de la décision finale que pourra être amenée à prendre l’ASN sur ce dossier.
     Par souci de transparence, il me paraissait important de vous transmettre ces informations.
     Enfin, à toutes fins utiles, je vous informe que j’adresse une copie du présent courrier à MM. les sous-préfet de Roanne et Président de la Communauté de commune du Grand Roanne ainsi qu’au collectif «Mably sans nucléaire».

Suite PENLY
Inspection n° INSSN-CAE-2012-0286 du 22 mai 2012 - CODEP-CAE-2012-030404
Thème: requalification des composants du CPP à la suite de l’événement survenu sur le réacteur n°2 le jeudi 5 avril 2012

Synthèse de l’inspection
     L’inspection du 22 mai 2012 portait sur le programme de requalification partielle du circuit primaire principal (CPP) à la suite de l’événement survenu sur le réacteur n°2 le jeudi 5 avril 2012, pendant lequel un départ de feu a été constaté au niveau de la pompe primaire RCP 051 PO et d’une tuyauterie importante (dite branche en U). Les inspecteurs se sont rendus dans le local de ces composants pour contrôler notamment l’état de ces équipements. Les inspecteurs ont également abordé le traitement proposé par le CNPE pour le dépassement du nombre d’occurrence d’une situation prévue dans le dossier des situations (DDS) lors de la conduite de l’événement.
     L’inspection s’est déroulée alors que toutes les expertises sur les équipements concernés par le départ de feu n’étaient pas encore disponibles. Au vu de cet examen, et sans préjuger de la suffisance du programme de requalification proposé qui dépendra des résultats des expertises et analyses en cours, les inspecteurs ont constaté que le programme de requa-lification partielle était globalement cohérent avec les attendus de l’article 15.IV de l’arrêté du 10 novembre 1999 du 7 février 2012 dit «arrêté INB» et notamment dans la définition des éléments importants pour la protection (EIP).
 
A. Demandes d’actions correctives

A.1 Modification métallurgique et programme d’expertise
     Dans le programme de requalification [document référencé «D5039 NE/12.031 indice 0»], vous proposez une analyse de l’influence métallurgique de la présence de flammes au contact du circuit primaire principal (CPP). Le risque identifié est une modification de la microstructure du matériau, qui serait susceptible d’entraîner une fragilisation de l’acier par baisse des caractéristiques mécaniques et notamment de la ténacité.
     Les premiers éléments issus des contrôles et disponibles le jour de l’inspection faisaient état d’une microstructure anormale sur deux zones distinctes du coude moulé de la branche en U du CPP située au droit du groupe moto-pompe primaire (GMPP) 2 RCP 051 PO.
     Au jour de l’inspection, les inspecteurs ont constaté que le CNPE:
     - n’avait pas évalué les températures auxquelles ont été soumis les équipements, bien qu’un début de vitrification ait été constaté sur un morceau de calorifuge en laine de verre,
     - n’a pas pu se prononcer sur la nature de la modification de microstructure des matériaux,
     - ne disposait pas d’éléments factuels quant à l’étendue et à la profondeur des zones à microstructure anormale,
     - ne disposait pas d’une estimation de la ténacité du matériau avec cette microstructure modifiée,
     - n’a pas évalué les risques de vieillissement thermique des matériaux, et ceci en particulier pour ce qui concerne le risque de précipitation de chrome aux joints de grain des matériaux du CPP.
     A l’issue de ces premières informations, il apparaît que le CNPE ne dispose donc pas de l’ensemble des éléments nécessaires pour se prononcer sur l’état des caractéristiques mécaniques des parties du CPP soumises à l’incendie. Toutefois, vous avez lancé un programme d’essais afin de caractériser l’influence d’un départ de feu sur la microstructure des matériaux concernés.
     Ce programme doit permettre de déterminer de façon enveloppe les propriétés des matériaux et justifier en conséquence la tenue, sur la durée d’exploitation du réacteur, de ces équipements.
     Je vous demande de me transmettre:
     - une estimation des températures auxquelles ont été soumis les équipements,
     - votre analyse de la nature de la modification de microstructure des matériaux,
     - les éléments permettant de juger de la position, de l’étendue et de la profondeur des zones où la microstructure des matériaux a été modifiée,
     - les nouvelles caractéristiques mécaniques des matériaux modifiés,
     - votre analyse de la nocivité du risque de modification métallurgique, qui prendra notamment en compte l’impact de ces modifications sur le vieillissement du matériau,
     - les justifications quant à la tenue de ces matériaux sur la durée d’exploitation du réacteur n°2.

A.2 Analyse de la nocivité chimique de la combustion de l’huile de lubrification
     Dans le programme de requalification, vous proposez une analyse de la nocivité potentielle des résidus de combustion de l’huile vis-à-vis d’un risque de corrosion de l’acier inoxydable. Toutefois, les inspecteurs ont constaté que le CNPE ne disposait pas de tous les éléments permettant de caractériser le risque de corrosion induit par la combustion de l’huile.
Je vous demande de:
     - préciser le comportement des polluants lors de la combustion de l’huile: sont-ils vaporisés, ou se déposent-ils au niveau du point de combustion?
     - préciser, s’ils se vaporisent, dans quelle proportion se vaporisent-ils aux températures de combustion estimées (fourchette haute et basse), et quel est le chemin des fumées?
     -  préciser l’impact de ces fumées sur les autres équipements si elles sont porteuses d’éléments polluants, et proposer une analyse de risque le cas échéant,
     - vous prononcer sur la représentativité des prélèvements réalisés en terme de concentrations locales des éléments polluants. En particulier, si les polluants se concentrent au point de combustion, quelle est la concentration de polluants dans cette zone très localisée?
     - me transmettre l’avis du CEIDRE relatif à la nocivité potentielle des résidus de combustion de l’huile vis-à-vis d’un risque de corrosion de l’acier inoxydable (avis référencé « EDEDFM120160 »).

suite:
A.3 Programme d’expertise relatif au risque de corrosion par les résidus de combustion de l’huile
     Vous avez mis en œuvre un programme de ressuage sur toutes les soudures du périmètre concerné de façon à confirmer l’absence de corrosion par piqûre.
Je vous demande de me transmettre les résultats de ces ressuages, et de justifier que le choix de ces soudures est suffisant au regard de l’analyse relative au risque de dépôts de polluants par les fumées ou par concentration due à la combustion.
 
B. Compléments d’information

B.4 Dépassement des situations du transitoire n°23 lors de l’incident
     Au cours de l’incident, et en application des procédures de conduite, le transitoire n°23 du dossier des situations a subi 19 occurrences. Le compteur de ce transitoire n’avait aucune occurrence avant le 5 avril, et le dossier des situations prévoit 10 occurrences sur 40 ans d’exploitation.
     Deux zones singulières sont potentiellement concernées par ce dépassement d’occurrences:
     - la soudure A17, située sur la ligne d’aspersion du pressuriseur,
     - la soudure T40Y001 M1 qui relie la ligne d’aspersion au pressuriseur.
     Vous avez mis en œuvre des tirs radiographique sur ces soudures à la suite de l’incident. Vous avez précisé que ces contrôles n’ont pas mis en évidence de défaut de fatigue.
     Vous avez également repris les calculs des facteurs d’usage, qui servent à estimer le risque d’amorçage et de propagation de défauts de fatigues jusqu’à 40 ans d’exploitation. D’après les éléments recueillis pendant l’inspection, ceux-ci resteraient inférieurs à 1, ce qui signifie que ces zones ne devraient pas voir apparaître de fissures de fatigue avant les 40 ans d’exploitation si le dossier des situations est respecté.
Je vous demande de me transmettre les résultats des contrôles réalisés sur les soudures A17 et T40Y001 M1, ainsi que les résultats des nouveaux calculs de facteur d’usage. 

B.5 Mise à jour du programme de requalification partielle
     Vous avez précisé que le logement de joint n° 2 de la 2 RCP 051 PO sera remplacé à l’identique. Le programme de requalification partielle ne le précise pas alors que cette pièce fait partie du CPP. Vous aviez également précisé que l’annexe 8 du programme de requalification partielle relative à l’emplacement des zones de prises de réplique n’était pas à jour. Par ailleurs, vous avez indiqué que l’ensemble des pièces visées à l’annexe 9 de ce programme de requalification ne serait pas remplacé, ceci contrairement aux éléments visés dans ledit programme.
Je vous demande de me transmettre la mise à jour du programme de requalification partielle prenant en compte ces éléments.
Par ailleurs et concernant les pièces visées à l’annexe 9 du programme de requalification, je vous demande de justifier l’absence de tout impact, en terme de sûreté, du non remplacement de certaines de ces pièces. 

     B.6 Justification des défauts de fabrication laissés en service
     Les inspecteurs ont constaté que la branche en U «RCP5TY» et la ligne de by-pass «RCP27TY» ne faisaient l’objet préalablement à l’incendie d’aucun défaut qui fasse l’objet d’un suivi en service. Les inspecteurs ont examiné par sondage les résiliences des matériaux notées dans les rapports de fin de fabrication, et ils ont constaté que ces valeurs étaient conformes. Néanmoins, vous n’avez pas recherché si des défauts avaient été détectés en fabrication dans les pièces soumises au départ de feu. En effet, en cas de modification des caractéristiques des matériaux, les justifications relatives à la présence de ces défauts doivent être reprises.
     Je vous demande de me transmettre la liste des défauts de fabrications recensés sur la volute de la pompe primaire, la branche en U et son piquage, et de justifier que ces défauts restent acceptables en service au regard des événements survenus le 5 avril dernier. 

     B.7 Collecte des huiles en cas de défaillance du circuit de lubrification des GMPP
     Un évènement similaire - un départ de feu dû à une fuite d’huile - avait été déclaré par le CNPE de Paluel en 1984. Le compte-rendu de l’évènement préconisait la mise en place d’un bac récupérateur d’huile pour pallier ce genre d’incident.
     Les inspecteurs ont constaté qu’en plus du risque de fuite accidentelle, une soupape de sécurité est présente sur le circuit d’huile. Il n’y a aucun bac récupérateur en sortie de soupape, et une ouverture de celle-ci mènerait forcément à la présence d’huile sur les GMPP et la branche en U, ce qui pourrait éventuellement mener à un nouveau départ de feu.
     Je vous demande de me faire part de vos propositions pour mettre en œuvre, sur vos installations, ce type de modifications visant à recueillir toute fuite éventuelle provenant du circuit d’huile d’un GMPP.

A. Observations

     Néant.
     Vous voudrez bien me faire part de vos observations et réponses concernant ces points dans les meilleurs délais. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.
     Pour le directeur général de l’ASN et par délégation,
Le Chef de division, signée par Simon HUFFETEAU
p.23


Inspection n°INSSN-CAE-2012-0289 du 14 juin 2012 CODEP-CAE-2012-038571
thème «Prestations»

Synthèse de l’inspection
     L’inspection réactive du 14 juin 2012, réalisée conjointement avec l’inspection du travail de l’ASN, fait suite à une information syndicale reçue par la division de Caen concernant notamment l’organisation et le déroulement de la surveillance des prestataires dans le cadre de la visite partielle du réacteur n°2. Les inspecteurs ont procédé au contrôle par sondage de l’organisation et des effectifs alloués à la surveillance des activités au sein des services du site. Plus précisément, ils ont contrôlé les activités de robinetterie réalisées lors de la visite partielle du réacteur n°2 et en cours au jour de l’inspection. Les inspecteurs ont également contrôlé la formation du personnel en charge des activités de surveillance de l’équipe sollicitée.
     Il apparaît que l’organisation mise en œuvre par le CNPE de Penly pour la surveillance des prestataires est insuffisante. En particulier, les inspecteurs ont constaté:
     - une absence de programme et d’actions de surveillance pour un prestataire effectuant des interventions sur des matériels classés IPS (important pour la sûreté),
     - l’absence d’identification et de définition de la charge d’activités à surveiller et de détermination des effectifs nécessaires à la surveillance,
     - un effectif en personnel chargé de surveillance des activités robinetterie insuffisant au regard de la charge de travail présente sur l’arrêt en cours.
      Enfin, les inspecteurs ont noté que, malgré l’identification préalable en amont de l’arrêt par le service des difficultés à venir en matière de surveillance des prestataires, les mesures compensatoires mises en place par le site ont été tardives et se révèlent par ailleurs insuffisantes pour répondre aux exigences réglementaires.
 

A.Demandes d’actions correctives

A.1. Application de l’article 4 de l’arrêté du 10 août 1984
     Les inspecteurs ont demandé à se faire communiquer les programmes de surveillance des prestataires effectuant des travaux dans le domaine de la robinetterie lors de l’arrêt du réacteur n°2 en cours. Selon le référentiel qualité interne de l’entité, ces programmes de surveillance sont établis et validés par le service en amont du démarrage de la prestation.
     Or, parmi les neuf entreprises sous-traitantes intervenant sur l’arrêt, dans le domaine de la robinetterie, les inspecteurs ont constaté que deux d’entre elles n’ont pas fait l’objet de l’élaboration d’un programme de surveillance. La première est une entreprise d’assistance technique dans le domaine de la robinetterie n’intervenant pas physiquement sur des matériels. La seconde est une entreprise de robinetterie intervenant sur les soupapes du circuit secondaire de vapeur «VVP» classées IPS, pour laquelle aucune action de surveillance n’avait eu lieu depuis le début de l’arrêt.

suite:
     Il apparaît donc que les dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 10 août 1984 dit «qualité1» et celles de votre référentiel interne de surveillance des prestataires (DI 053, DI 116, DI 123 et note d’organisation du site D5039-SPE.128) ne sont pas respectées. Ce point a fait l’objet d’un constat d’écart notable.
     De plus, il convient de rappeler que le démarrage d’activité sous assurance qualité ne doit pouvoir se faire que si les programmes de surveillance sont effectifs.
Je vous demande de:
     - procéder à l’établissement d’un programme de surveillance pour l’entreprise de robinetterie concernée et d’effectuer les actions de surveillance ad hoc.
-procéder à la surveillance de l’entreprise d’assistance technique dans le domaine de la robinetterie selon les modalités prévues par votre référentiel (DI 123);
     - prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir l’élaboration des programmes de surveillance en amont des prestations et ce, quel que soit le service. Vous m’informerez du dispositif retenu;
     - vous positionner sur la déclaration d’un évènement significatif pour la sûreté, ceci eu égard aux écarts suscités relatifs au non respect des dispositions de l’arrêté qualité pour ce qui concerne la surveillance de vos prestataires.
     En outre, vous voudrez bien m’indiquer si d’autres services du site se sont retrouvés dans une situation analogue lors de la visite partielle 2012 du réacteur n°2 (i.e. absence de programme de surveillance et absence de fiche de surveillance pour des activités concernées par la qualité sur du matériel IPS).

A.2. Gestion des emplois et compétences
     L’équipe d’inspection s’est intéressée à la gestion des effectifs du service SEM présents au sein de l’équipe Machines Statiques, et plus particulièrement à la population des Chargés de Surveillance et d’Intervention (CSI) en charge de l’élaboration des programmes de surveillance, ainsi qu’à celle des Chargés de Surveillance (CS) en charge de la réalisation des activités de surveillance.
     L’équipe Machines Statiques dispose de quatre chargés de surveillance et d’intervention (CSI) qui sont chacun affectés à un domaine particulier: chaudronnerie, robinetterie, cuve et générateurs de vapeur. Le quatrième est en appui transverse.
     Sur l’organigramme du service, l’effectif de chargés de surveillance de l’équipe Machines Statiques affiche sept personnes. Cependant, deux d’entre elles sont en formation et ne disposent pas de l’habilitation de chargé de surveillance. Ces personnes sont en appui technique. En parallèle, un autre technicien chargé de surveillance vient d’être promu CSI. Ainsi, il n’y a en réalité que quatre chargés de surveillance pour toute l’équipe Machines Statiques.
     Il ressort de cette situation une carence en effectif opérationnel de chargé de surveillance dans le domaine de la robinetterie par rapport à l’effectif nominal prévu dans l’organisation du service. Ceci est par ailleurs confirmé par les difficultés relevées pour la réalisation des actes de surveillance. Ce point a fait l’objet d’un constat d’écart notable. 

p.24


Je vous demande de prendre les mesures correctives immédiates afin d’être en mesure de respecter les exigences réglementaires de surveillance des prestataires. Vous m’informerez des mesures retenues.

A.3 Identification préalable des besoins en emplois et compétences
     Les inspecteurs ont également interrogé vos services sur les éventuels outils dont pourraient disposer les équipes afin d’identifier, en amont des arrêts, le volume d’activité concernée par la qualité nécessitant une surveillance des prestataires. Vos services ont indiqué que de tels outils n’existent pas aujourd’hui sur le site. De facto, le site n’est pas en mesure d’évaluer l’adéquation ressources/besoins en surveillance de prestataires. Ce point a fait l’objet d’un constat d’écart notable.
     Je vous demande de réaliser pour tous les métiers un audit interne ayant pour thème la surveillance des prestataires et plus précisément la déclinaison de l’article 4 de l’arrêté qualité pour chaque activité concernée par la qualité. Vous analyserez par type d’arrêt l’adéquation et la suffisance des moyens humains présents par rapport au volume d’activités à surveiller. Votre audit prendra également en compte les évolutions prévisionnelles des effectifs dans chaque métier avec leur adéquation au regard des organigrammes actuels. Vous me communiquerez les conclusions de cet audit et du plan d’actions qui en découlera.

A.4 Préparation des arrêts de réacteur
     Enfin, interrogés sur le dimensionnement des effectifs de chargés de surveillance de l’équipe Machines Statiques pour faire face aux différents types d’arrêts (Arrêt pour Simple Rechargement, Visite Partielle, Visite Décennale), même en présence de l’effectif nominal d’agents habilités, vos services ont indiqué qu’il est admis, au regard des effectifs, que la surveillance des prestataires peut être correctement réalisée en ASR mais que cela n’est pas le cas en VP ou lors d’une VD. Ceci explique le recours ponctuel mais insuffisant, hors ASR, à des renforts externes en chargés de surveillance en provenance du site de Cattenom et de l’ULM (Unité Logistique Maintenance).
Je vous demande, dès lors que de tels constats sont connus en amont d’un arrêt quel qu’en soit le type (ASR, VP, VD) de prendre les mesures nécessaires pour y remédier notamment avec l’appui de vos services centraux et de m’en informer dans le cadre de la préparation des arrêts.

A.5 Facilitation
     L’équipe d’inspection a pu observer que le rôle de facilitation, c’est-àdire d’aide logistique auprès de l’entreprise prestataire, revient fréquemment au chargé de surveillance. Pourtant, le référentiel interne au travers notamment de la DI 116 (paragraphe 4), vient limiter ce rôle et préconise de la déléguer à une autre personne que le chargé de surveillance.

suite:
     Cette disposition, que vos services centraux ont prévu dans cette directive interne, vise à répondre à l’exigence de qualité de la surveillance en garantissant au chargé de surveillance une disponibilité suffisante pour assurer sa mission sans qu’une activité secondaire vienne en entraver la bonne conduite. Cette séparation des rôles est d’autant plus importante en période d’arrêt de réacteur où la présence d’un grand nombre de prestataires rend les besoins en logistique très importants et la charge de facilitation très forte.
     L’une des raisons invoquées par votre représentant, lors de l’inspection, est liée à l’évolution des mentalités des entreprises intervenantes qui se cantonnent de plus en plus stricto sensu aux termes du contrat. Ceci a pour conséquence, dès le moindre écart au contrat, à conduire le métier concerné à le corriger pour le prestataire afin que la prestation soit réalisée (par exemple pour des besoins en matériels ou en des pièces de rechange).
     Je vous demande de m’indiquer l’organisation retenue sur le site pour que les chargés de surveillance n’aient pas à assurer, ou alors de façon marginale, des missions de facilitation.
     Vous vous assurerez de l’application effective des mesures prises en ce sens.
 
B.Compléments d’information


B.1. Traçabilité des habilitations du personnel
     Les inspecteurs ont consulté les carnets individuels de formation (CIF) des chargés de surveillance de l’équipe Machines Statiques afin de contrôler la présence des libellés des stages habilitant à la surveillance des prestataires. Ils ont rencontré le cas d’un agent qui n’a pas réalisé ces stages habilitants mais qui dispose pourtant d’une habilitation du service qui ne figure pas dans son CIF.
Je vous demande de m’indiquer comment sont répertoriées les habilitations délivrées sur la base de l’expérience des agents au sein des carnets individuels de formation des agents concernés.
 

C. Observations

     C.1. Les inspecteurs ont constaté que le compte rendu de réunion de levée des préalables de l’activité «Visites complètes des six soupapes VVP» en date du 06 juin 2012 réalisée par l’entreprise en charge de cette activité n’a pas été signé par le représentant de cette entreprise.
     Je vous demande de me faire part de vos observations et réponses concernant ces points sous deux mois. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.
 

Pour le directeur général de l’ASN et par délégation,
Le chef de division, signée par Simon HUFFETEAU
p.25

Site AREVA La Hague
Inspection n° INSSN-CAE-2012-0411 des 3 et 4 déc. 2012.
N/Réf.: CODEP-CAE-2013- 001665
Thème: équipements sous pression (nucléaires et conventionnels)


Synthèse de l’inspection
     L’inspection des 3 et 4 décembre 2012 concernait le suivi des équipements sous pression (nucléaires et conventionnels). Les inspecteurs ont notamment examiné l’organisation mise en place sur le site pour le suivi des équipements sous pression nucléaires. Les inspecteurs ont contrôlé par sondage les dossiers réglementaires de cinq équipements sous pressions redevables de l’arrêté du 12 décembre 2005 dit «arrêté ESP-N» ainsi que l’avancement des engagements envers l’ASN que l’établissement AREVA NC La Hague a pris en vue de satisfaire aux exigences réglementaires de l’arrêté ESP-N en vigueur. Les inspecteurs ont également assisté à des mesures d’épaisseur d’un équipement classé ESP-N implanté dans l’atelier d’extraction-concentration dénommé T2.
     Au vu de cet examen, l’organisation définie et mise en œuvre sur le site pour le suivi des équipements sous pression soumis à l’arrêté ESP-N est très insuffisante. Les inspecteurs considèrent que l’établissement AREVA NC de La Hague doit fournir des efforts conséquents pour se remettre en conformité avec les exigences réglementaires de l’arrêté ESPN.

A Demandes d’actions correctives
     A la demande de l’ASN, vous avez communiqué par lettre HAG 0 0513 11 20010 du 21 février 2011 le document HAG 0 0513 11 70031 00 intitulé «identification / classements des ESP-N de AREVA NC la Hague». Le point 8 de cette note comporte un programme d’actions pour les ESPN qui annonce la constitution des dossiers réglementaires et l’identification des besoins d’aménagements réglementaires jugés nécessaires pour ces appareils compte tenus de leur conception, de leur mode d’exploitation et de l’ambiance radiologique qu’ils génèrent.
     Lors de l’inspection menée le 2 février 2011 sur le thème des équipements sous pression, l’ASN avait examiné la note précitée en version projet et avait formulé en lettre de suites plusieurs demandes d’actions correctives en vue d’obtenir un calendrier consolidé pour votre programme d’actions prévu pour les équipements soumis à l’arrêté ESP-N. Vous avez répondu à l’ASN par lettre HAG 0 0513 11 20058 du 8 août 2011 en prenant plusieurs engagements envers l’ASN de réalisation d’actions dont les termes étaient prévus en 2011 ou 2012. Lors de l’inspection des 3 et 4 décembre 2012, les inspecteurs ont relevé un retard très important dans la réalisation de ces engagements.

A.1 Justification des niveaux de classement des équipements ESPN
     L’article 5 de l’arrêté ESP-N prescrit que l’exploitant d’une installation nucléaire de base doit dresser la liste des équipements sous pression nucléaires utilisés dans l’installation et que l’exploitant doit déterminer et justifier le niveau et la catégorie qu’il confère à ces équipements. Les exigences réglementaires de l’arrêté ESP-N différent en effet selon la catégorie et le niveau des équipements soumis.
     Le document HAG 0 0513 11 70031 00 précité et communiqué le 21 février 2011 comporte bien une liste des équipements identifiés comme soumis à l’arrêté ESP-N avec une proposition de classement de niveaux et de catégories pour les soixante appareils concernés. Les inspecteurs ont cependant constaté que la justification des niveaux et des catégories appelés par l’article 5 de l’arrêté ESP-N n’est pas réalisée.
     Dans votre lettre HAG 0 0513 11 20058 du 8 août 2011 en réponse à l’inspection du 2 février 2011, vous vous engagiez envers l’ASN à faire courant 2012 ce travail de justification en premier lieu pour les équipements de type demi-coquilles de chauffe des évaporateurs de produits de fission implantés dans les ateliers d’extraction / concentration T2 et R2, que vous considérez comme étant le cas enveloppe.
     Vous annonciez également le déroulement d’un exercice de type Plan d’Urgence Interne visant à conforter la démonstration des possibilités de retour à un état sûr de l’équipement en cas d’accident et à examiner les dispositions de mitigation des conséquences d’un tel accident. Les inspecteurs ont constaté que l’exercice de type PUI n’a pas été mené et que la note de justification, encore en projet, NS 100807 00 0001 A T2 4120 indice A qui concernent les trois évaporateurs de produits de fission implantés dans T2, ne répond pas à l’attendu réglementaire. Les inspecteurs n’ont pas eu connaissance de note pour les équipements comparables de l’atelier R2 ni pour aucun autre des équipements classés ESP-N du site.
Je vous demande de justifier les niveaux et les catégories de chacun des équipements sous pression nucléaires conformément aux dispositions de l’article 5 de l’arrêté ESP-N.

A.2 Constitution des dossiers d’exploitation.
     Les inspecteurs ont communiqué à l’exploitant cinq jours ouvrés avant l’inspection des 3 et 4 décembre 2012 la liste des équipements classés ESP-N pour lesquels un contrôle par sondage du dossier réglementaire serait mené par l’ASN lors de l’inspection. Les inspecteurs ont ainsi cher-ché à consulter les dossiers de cinq équipements implantés dans les ateliers T2 et R2 (équipements T2 4120-23, T2 4121-40, T2 4140-31, R2 4120-21 et R2 4620-40).
     Les inspecteurs ont tout d’abord relevé qu’en dépit du préavis d’information, aucun document papier ne leur a été présenté au cours de l’ins-pection des 3 et 4 décembre 2012. Ils ont cependant relevé qu’un bon nombre d’éléments ont été regroupés dans la gestion électronique des documents de l’établissement et que la majorité des pièces techniques (notes, procès verbaux, plans,...) était regroupée dans un fichier par équi-pement sous pression nucléaire. L’exploitant a également pu présenter une liste datée des documents par équipement mais sans un vrai formalisme d’assurance qualité.
     Les inspecteurs considèrent que ce regroupement documentaire et ces listes, si elles étaient sous assurance qualité, pourraient constituer l’essentiel de la partie descriptive de l’équipement notamment ses données de conception et de fabrication prévues par les articles 1.a et 1.b de l’annexe 5 de l’arrêté ESP-N.

suite:
     Les inspecteurs ont également insisté sur le fait qu’il paraît illusoire de ne pas prévoir de constituer un exemplaire papier des dossiers d’équipe-ments ESP-N qui reprenne l’essentiel des documents clés (dont les plans principaux).
     L’article 1.c de l’annexe 5 de l’arrêté ESP-N prescrit lui, que les équipements sous pression nucléaires concernés doivent disposer d’un dossier d’exploitation qui regroupe diverses pièces techniques ou réglementaires relatives aux contrôles de mise en service, aux requalifications pério-diques, aux réparations ou modifications, aux incidents de fonctionnement ainsi que les comptes rendus des opérations d’entretiens et de surveillance. Les inspecteurs ont constaté que les équipements classés ESP-N qui ont fait l’objet d’un contrôle par sondage sont tous démunis du dossier d’exploitation requis par l’arrêté ESP-N. Il semble manifeste que cela soit généralisé.
     Je vous demande de vous remettre en conformité avec les exigences réglementaires de l’article 1.c de l’annexe 5 de l’arrêté ESPN en constituant les dossiers d’exploitation de chacun des équipements sous pression nucléaires qui y sont soumis.
     Je vous demande également de terminer la constitution des parties descriptives des dossiers de chacun des équipements sous pression nucléaires en conformité avec les exigences réglementaires des articles 1.a et 1.b de l’annexe 5 de l’arrêté ESP-N.

A.3 Constitution des programmes des opérations d’entretien et de surveillance.
     L’article 2.1 de l’annexe 5 de l’arrêté ESP-N prescrit que les équipements sous pression nucléaires concernés doivent disposer d’un programme des opérations d’entretien et de surveillance. Les inspecteurs ont constaté que les équipements classés ESP-N qui ont fait l’objet d’un contrôle par sondage lors de l’inspection des 3 et 4 décembre 2012 sont tous démunis d’un tel programme pourtant requis par l’arrêté ESP-N. Il semble manifeste que cela soit généralisé.
Je vous demande de vous remettre en conformité avec les exigences réglementaires de l’annexe 5 de l’arrêté ESPN dans les plus brefs délais en constituant les programmes des opérations d’entretien et de surveillance de chacun des équipements sous pression nucléaires qui y sont soumis.

A.4 Assurance qualité des opérations de mesures d’épaisseur.
     Les inspecteurs ont pu assister à des mesures d’épaisseur de l’équipement sous pression nucléaire 4120-23, qui est un évaporateur de produit de fission, de l’atelier d’extraction/ concentration T2. Il convient tout d’abord de souligner positivement les efforts réalisés pour effectuer des mesures d’épaisseur sur une partie de ces équipements puisqu’ils sont implantés en zone inaccessible au personnel compte tenu de leur ambiance radiologique.
     L’établissement AREVA NC a ainsi progressivement développé des méthodes de contrôles dont la conduite est déportée et qui permettent de disposer de mesures d’épaisseur sur ces équipements. Des moyens spécifiques ont été développés pour utiliser les fourreaux endoscopes qui traversent le mur séparant le local procédé où est implanté l’évaporateur du local accessible par le personnel. Un premier évaporateur de T2 a ainsi été contrôlé en 2011 et les deux autres de l’unité 4120 l’ont été fin 2012. En se rendant dans le local 248-3 de l’atelier T2 et en examinant le matériel et les procédures mises en œuvre, les inspecteurs ont néanmoins relevé que le dossier de suivi de l’intervention utilisé le 4 décembre 2012 et qui porte la référence «NT 100761 20 0604 B – juillet 2012» prévoit pour les contrôles d’épaisseur de l’évaporateur 4120-23 l’utilisation de deux sondes à ultrasons de technologie et de diamètre différents. Les inspecteurs ont relevé que les mesures d’épaisseur réalisées lors de leur passage le 4 décembre 2012 étaient faites avec une troisième sonde à ultrasons de diamètre inférieur non décrite dans le dossier de suivi de l’intervention. Ceci est en contradiction avec les principes d’assurance qualité même si les intervenants ont expliqué ce fait par le retour d’expérience des opérations similaires menées la semaine précédente sur l’évaporateur voisin 4120-21.
Je vous demande de veiller à ce que les contrôles menés sur les équipements classés ESP-N soient réalisés dans le strict respect des procédures d’assurance qualité. Je vous demande de me communiquer la fiche d’écart que vous ouvrirez pour notifier aux entreprises prestataires de la réalisation de ces contrôles la situation détectée par les inspecteurs.
     Pour ces mêmes contrôles d’épaisseur des évaporateurs de produit de fission de T2, les inspecteurs ont demandé pourquoi l’exploitant n’avait pas envisagé d’utiliser les deux fourreaux endoscopes lors de la campagne de contrôle. En effet, il semble que ces deux fourreaux soient de diamètre et longueur identique et qu’aucune tuyauterie ne gêne à leur débouché. Il semble donc possible de réaliser les contrôles par ultrasons successivement dans l’endoscope inférieur, comme déjà réalisé, mais aussi dans l’endoscope supérieur, en permutant la perche porte sonde ultrasons et la perche caméra. Ceci aurait comme potentiel avantage de disposer de deux zones d’études d’épaisseur sur ces équipements sous pression nucléaire.
Je vous demande de me préciser votre analyse sur l’intérêt et la possibilité de réaliser les contrôles d’épaisseur déportés en utilisant les deux fourreaux endoscopes implantés dans le mur de séparation.

B Compléments d’information
B.5 Mesures d’épaisseur des tubes de l’équipement 4140-31 de T2
     Le document HAG 0 0513 11 70031 00 intitulé «identification / classements des ESP-N de AREVA NC la Hague» annonce dans son point 7.2 une première mesure d’épaisseur «pouvant avoir lieu en 2012» pour les tubes de l’équipement sous pression 4140-31 de l’atelier T2 mis en service en 2008 en remplacement d’un équipement similaire dont le faisceau tubulaire avait connu une cinétique d’usure bien plus rapide qu’attendu. En dépit d’un arrêt pour maintenance assez long de toute l’usine UP3, et donc de l’atelier T2, en cette fin d’année 2012, les inspecteurs ont noté que l’exploitant avait décidé de reporter les mesures d’épaisseur des tubes de l’équipement 4140-31 de T2.
Je vous demande de me préciser une nouvelle échéance de réalisation, qui prendra la forme d’un engagement envers l’ASN, pour la réalisation d’une première mesure d’épaisseur des tubes de l’équipement 4140-31 de T2.

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B.6 Surveillance des tuyauteries de fluide caloporteur et des compartiments sous pression
     Le document HAG 0 0513 11 70031 00 intitulé «identification / classements des ESP-N de AREVA NC la Hague» précise au point 4 les principes généraux de surveillance des tuyauteries de fluide caloporteur et des compartiments sous pression qui sont en fonctionnement normal exempt de radioactivité. La vérification de l’absence de radioactivité vise à détecter toute dégradation d’intégrité de la barrière de confinement constitué des parois des équipements. Selon la configuration des équipements, il y a une surveillance en continu de l’absence d’activité par comptage ou réalisation de prise d’échantillons à périodicité définie, a priori mensuelle à ce jour.
     Les inspecteurs considèrent que la prise d’échantillons à périodicité définie permet de constater a posteriori la présence ou non d’activité dans l’équipement mais ne permet pas de s’assurer de l’absence de fuite entre les compartiments. Ainsi, cette disposition ne semble pas répondre aux dispositions du projet de guide d’application de l’arrêté ESPN reprenant les prescriptions des travaux du COLEN (COmité de Liaison des Equipements sous Pression Nucléaires).
Je vous demande de m’apporter votre justification du respect des dispositions du projet de guide d’application de l’arrêté ESPN reprenant les prescriptions des travaux du COLEN

B.7 Choix du fluide pour déterminer le classement des équipements ESPN de niveau 3
     Le document HAG 0 0513 11 70031 00 intitulé «identification / classements des ESP-N de AREVA NC la Hague» précise au point 4 les principes généraux de classement dans les diverses catégories de l’arrêté ESPN des équipements de niveau 3 en utilisant le tableau des risques des fluides de groupe II.
     Les inspecteurs ont fait remarquer que cette disposition semble méconnaître les dispositions de la fiche d’orientation 2/10 du CLAP (Comité de Liaison des Appareils à Pression nucléaire) qui prescrit que, pour les équipements à double compartiment comportant des fluides différents, ce soit le fluide identifié comme le plus dangereux qui doit être retenu pour déterminer le classement en catégorie de l’équipement sous pression. Les inspecteurs considèrent donc que pour bon nombre d’équipements classés ESPN niveau 3, il conviendra de réviser la justification de leur catégorie.
Je vous demande de m’apporter votre justification du respect des prescriptions de la fiche d’orientation 2/10 du CLAP et de communiquer votre analyse sur les conséquences de cette fiche sur le classement en catégories des équipements ESP-N de niveau 3.
B.8 Conformité réglementaire des contrats passés avec les organismes habilités et agréés.
     Dans votre lettre HAG 0 0513 11 20058 du 8 août 2011 en réponse à l’inspection du 2 février 2011, vous confirmiez que l’organisme agréé qui intervient sur votre établissement pour les opérations réglementaires définies dans le décret 1999-1046 relatif aux équipements sous pression, le faisait par le biais de contrats liant AREVA NC et des entreprises de maintenance prestataires.
     Dans votre lettre HAG 0 0513 11 20077 du 23 décembre 2011 en réponse à l’inspection des 23 et 24 juin 2011 au cours de laquelle les inspecteurs sont revenus sur ce point, vous vous engagiez à mener une vérification des contrats précités pour contrôler qu’ils ne comportaient pas de clauses susceptibles d’influencer la nécessaire indépendance de tels organismes agréés vis-à-vis du donneur d’ordre. Vous vous étiez également engagé à faire évoluer la procédure «suivi de la qualité d’une prestation de maintenance sous traitée». Les inspecteurs ont effectivement noté que le canevas d’audit prévoit bien désormais un point d’examen des garanties d’impartialité et d’indépendance des organismes agréés par l’État.
     Cependant les inspecteurs ont mentionné le contenu de l’article 2.2.2 de l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, dit «arrêté INB»; cet arrêté entre en vigueur à compter du 1er juillet 2013. En effet, l’article 2.2.2. traite dans son tiret II le cas des interventions des organismes agréés ou reconnus par l’État et précise notamment que «pour ces activités, les contrats qui lient l’exploitant et l’organisme sont spécifiques
Je vous demande de me préciser comment vous comptez organiser en 2013 vos contrats avec les organismes ou laboratoires indépendants de l’exploitant, habilités, agréés, délégués, désignés, reconnus ou notifiés par l’administration.

C Observations
     C.9 Révision de la note risque de corrosion par le fluor des équipements en zirconium.
      Dans votre lettre HAG 0 0513 11 20058 du 8 août 2011 en réponse à l’inspection du 2 février 2011, vous vous engagiez à mener pour fin 2012 la révision de la note HAG 0 0440 08 20056 00 qui traite du risque de corrosion par le fluor des équipements en zirconium. Les inspecteurs ont noté le bon avancement des actions préalables à la révision de cette note.
     Vous voudrez bien me faire part de vos observations et réponses concernant ces points dans un délai qui n’excèdera pas deux mois. Pour les engagements que vous seriez amené à prendre, je vous demande de bien vouloir les identifier clairement et d’en préciser, pour chacun, l’échéance de réalisation.

Pour le directeur général de l’ASN et par délégation,
Le chef de division, signé par Simon HUFFETEAU
suite:
RÉSULTAT
MISE EN DEMEURE DE L’ASN 
Paris, le 28 Janvier 2013: Note d’information 
L’ASN met en demeure AREVA NC de s’assurer de la conformité des équipements sous pression nucléaires de l’établissement de La Hague avec les exigences réglementaires spécifiques

     L’établissement AREVA NC de La Hague, qui prend en charge le retraitement des combustibles irradiés, comporte plusieurs installations nucléaires de base dont des usines en fonctionnement et des usines anciennes, en cours ou en attente de démantèlement.
     Différents équipements dans ces usines sont des «équipements sous pression» (1) qui peuvent présenter un risque important pour la sûreté. Parmi ceux-ci, certains contribuent en outre au confinement de substances radioactives et sont susceptibles, en cas de défaillance, d’entraîner des rejets radioactifs importants (notamment du fait de la présence de com-partiments sous pression). C’est pourquoi une réglementation spécifique, celle de l’arrêté ESPN (2), encadre leur conception, leur fabrication et leur maintenance. Cette réglementation prévoit notamment des vérifications techniques périodiques et concerne les 60 équipements sous pression nucléaires inventoriés par l’exploitant, répartis dans différents ateliers du site de La Hague.
     Lors d’une inspection les 3 et 4 décembre 2012 sur le site de La Hague, l’ASN a constaté plusieurs lacunes sérieuses dans la prise en compte des exigences documentaires ainsi que des exigences liées à la maintenance et aux vérifications spécifiques imposées par la réglementation relative aux équipements sous pression nucléaires.
     En premier lieu, AREVA NC n’a pas justifié le classement (en différents niveaux et catégories) des équipements sous pression nucléaires inventoriés. L’arrêté ESPN prévoit en effet des exigences techniques proportionnées aux risques présentés par les équipements en fonction de leurs niveaux et catégories. Pour prévenir ces risques – notamment ceux pou-vant engendrer des rejets radioactifs importants, l’exploitant doit donc définir et justifier ce classement.
     Lors du contrôle par sondage des dossiers réglementaires réalisé en inspection, l’ASN a également constaté qu’aucun des équipements sous pression nucléaires ne disposait de dossier d’exploitation, ni de programme des opérations d’entretien et de surveillance – deux documents pourtant exigés par l’arrêté ESPN.
     L’ASN note par conséquent que l’exploitation, les vérifications et la maintenance de ces équipements nucléaires, dont certains contiennent des niveaux très élevés de radioactivité, sont effectuées par AREVA NC selon des procédures dont la conformité avec le texte réglementaire de référence n’est pas avérée.
     Par décision n°CODEP-CMX-2013-004344, l’ASN met donc en demeure l’établissement AREVA NC de La Hague de respecter les dispositions des articles 5, 13 et annexe 5 de l’arrêté ministériel du 12 décembre 2005 afin d’être in fine en mesure de s’assurer de la conformité de ces équipements sous pression nucléaires avec les exigences spécifiques définies en fonction de leurs enjeux de sûreté.

Pour en savoir plus:
     - Consulter la décision n°CODEP-CMX-2013-004344 de mise en demeure de l’Autorité de sûreté nucléaire.
     - Consulter la lettre de suite de l’inspection des 3 et 4 décembre 2012:
     1. Les équipements sous pression sont les appareils destinés à la production, la fabrication, l’emmagasinage ou la mise en œuvre, sous une pression supérieure à la pression atmosphérique, des vapeurs ou gaz comprimés.
     2. Arrêté «Equipements sous pression nucléaires» du 12 décembre 2005

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COMMUNIQUE
Victimes polynésiennes indemnisées - L’arbitraire
Association Moruroa e tatou* - Siège: 563 Boulevard Pomare - Papeete Tahiti

     «Enfin une bonne nouvelle!» La présidente du Comité d’indemnisation de la loi Morin annonçait avec fierté que 4 Polynésiens – bientôt 5 – ont été indemnisés. «Quatre Polynésiens sur un total de neuf indemnisations, ce n’est pas rien», renchérit M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense devant les membres de la commission consultative de suivi des essais nucléaires réunie à Paris ce 11 décembre 2012.
     Au cours de cette réunion de la Commission, le président de Moruroa e tatou a demandé quelques précisions: «Qui sont ces Polynésiens dont nous apprenons aujourd’hui avec plaisir l’indemnisation?» Très embarrassée, Mme Eve Aubin, présidente du Comité d’indemnisation, précisa qu’il s’agissait d’habitants des îles ou atolls des Gambier, de Reao et Pukarua... autrement dit, de victimes de retombées radioactives dans des îles situées à plus de 400 km de Moruroa et Fangataufa.
     Bonne nouvelle alors puisque le ministère de la défense reconnaît enfin que les essais aériens de 1966 à 1974 ont pu «arroser» toutes les îles polynésiennes, comme ne cesse de le dire Moruroa e tatou depuis des années.
     Problème cependant! Roland Oldham interroge: «Comment se fait-il que les anciens travailleurs polynésiens – tout comme les personnels civils et militaires métropolitains – qui se trouvaient quotidiennement sur les sites d’essais de Moruroa et de Fangataufa n’aient pas pu être indemnisés? Pourtant leurs dossiers sont conformes aux exigences de la loi Morin et ils sont atteints des mêmes cancers que ceux des îles éloignées? Pourquoi les doses reçues à Moruroa étaient négligeables alors qu’elles ne l’étaient plus à 400 km? Ce mystère mérite explication. »
      Toujours aussi embarrassée, Eve Aubin avoue que les dossiers des «îliens» indemnisés avaient été préparés et instruits par le médecin militaire en charge du «Centre médical militaire de suivi» installé à Papeete.
     Ainsi, la leçon est claire: c’est parce qu’ils ont été déposés avec l’assistance et le soutien de Moruroa e tatou et de ses avocats que les dossiers de demande d’indemnisation sont rejetés!
     Le Comité d’indemnisation veut aussi faire savoir aux Polynésiens qu’il faut s’adresser directement à l’armée pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation..
     Ainsi donc, l’armée fait exploser ses bombes, l’armée pollue et contamine, mais c’est l’armée qui choisit ses victimes et qui désigne elle-même ceux qu’elle indemnisera. Encore plus scandaleux, c’est un ministre de la défense socialiste qui confirme et félicite les «Docteurs Folamour» et autres «Professeurs Nimbus» du Comité d’indemnisation chargés d’éliminer les «mauvaises» victimes de la bombe française! Moruroa e tatou fustige ce ministre socialiste qui s’assoit sur la promesse du Président Hollande de réformer cette loi d’indemnisation qui n’indemnise quasiment personne. Un véritable reniement assorti du soutien à l’arbitraire.
Moruroa e tatou le répète à nouveau: si les 30 ans d’essais nucléaires en Polynésie sont le fruit d’une décision politique de la France, les réparations dues aux victimes doivent aussi être le résultat d’une décision politique. Il est inadmissible que nos politiques se réfugient derrière un comité «pseudo-scientifique» pour masquer leur manque de courage politique.

Roland Oldham
 
* Moruroa e tatou: site 1 (Association des anciens travailleurs et des victimes des essais nucléaires de Moruroa et Fangataufa), site 2 (Mémorial des essais nucléaires) et:
archives sur le Centre d'Expérimentation Nucléaires du Pacifique: Point-Zero-Canopus
suite:
FUKUSHIMA - LE DESESPOIR DES HABITANTS
Enterrons Fukushima - Le Canard Enchaîné, 19 décembre 2012 - Jean-Luc Porquet

     Les Japonais, monsieur, voilà des gens censés: ils viennent d’en finir avec le parti du centre gauche qui était au pouvoir depuis trois ans. Et qui leur promettait zéro nucléaire à l’horizon 2040. Ils ont fait triompher le PLD, le parti de droite farouchement pronucléaire qui a dirigé le pays pendant cinq décennies et qui, à ce titre, est responsable de la collusion des intérêts privés et administration, ainsi que de la corruption des autorités de sûreté nucléaire – bref de ce qui a mené au désastre de Fukushima.
     Bon, certes le PLD a adroitement entretenu le flou sur ses intentions. Il doit tenir compte des 100.000 anti-nucléaires qui chaque vendredi soir manifestent devant la résidence du Premier ministre. Des 70% de Japonais qui veulent sortir du nucléaire. Des 48 réacteurs sur 50 toujours à l’arrêt. Il se donne officiellement trois ans pour voir s’il est vraiment prudent de les redémarrer. Allez, on sait bien ce que cachent ces précautions de langage: Fukushima c’est fini, le nucléaire c’est reparti !
     Voilà qui doit réjouir Luc Oursel, le patron du géant Areva, qui livre du MOX au Japon, y gère deux sites de production et y pilote la construction d’une usine de retraitement: «Le Japon aura du mal à se passer d’énergie nucléaire», se félicitait-il juste avant ces élections, expliquant que les caractéristiques naturelles du pays n’y favorisaient guère les énergies renouvelables. Même s’ils n’en veulent pas, les Japonais seront bien obligés d’y recourir, au nucléaire. Bien fait!
     D’ailleurs, maintenant que les techniciens d’Areva, qui avaient fui éperdument le pays juste après la catastrophe, sont revenus sur place, ils voient dans ce pays un merveilleux terrain d’expérience, où ils peuvent mettre au point des technologies ad hoc: début décembre, Areva s’est félicité d’avoir «développé un outil permettant d’établir rapidement la cartographie détaillée des zones contaminées». Le FMV (Field Monitoring Vehicule) est composé d’un tracteur avec remorque, sonde et appareil de mesure. Bientôt, annonce tout aussi fièrement le groupe français, il disposera en prime d’un hélicoptère sans pilote qui pourra lui aussi mesurer le niveau de contamination (AFP, 7/12). Des outils promis à un riche avenir...
     Comme vient en effet de nous l’apprendre l’Acro, Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, le mois dernier, l’un des deux organismes chargés de la sûreté en France, l’IRSN, a mis discrètement en ligne, en anglais, et sur un site spécialisé, une étude, passée du coup largement inaperçue, sur ce que coûterait une catastrophe nucléaire en France. Les experts de l’IRSN ont imaginé un accident nucléaire un peu moins grave que Fukushima: la fusion d’un seul cœur de réacteur (contre trois à Fukushima), associée à des rejets massifs entraînant l’évacuation de 100.000 personnes (contre 160.000 à Fukushima). Devinette: même en ne tenant pas compte des conséquences sur les autres pays européens, qui seraient affectés par des rejets radioactifs massifs, combien cela coûterait? La réponse est: 430 milliards €  (pdf). C’est plus que le budget de l’État. C’est suffisant pour mettre un pays à genoux. Heureusement, Areva pourra vendre à l’État ses FMV dernier cri et ses hélicos sans pilote...


Terre souillée
Sur Arte
http://www.m2rfilms.com/crbst_8.html

     Partir ou rester? Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, cette question hante les paysans qui ne savent plus comment assumer leur mission séculaire: celle de nourrir leurs concitoyens. «Terre souillée» s’attache à l’histoire de trois familles paysannes de Nihonmatsu, une ville de 60.000 habitants située à trente kilomètres de la zone interdite. Tous pratiquent l’agriculture biologique depuis plus de trente ans. Seiju Sugeno et sa fille Mizuho ont décidé de rester. Collaborant étroitement avec un scientifique de l’Université de Nigata, ils multiplient les expériences pour décontaminer leurs sols. À 70 ans, Kisaburo Tanno et sa femme Midori ont décidé, eux, de partir pour recommencer de zéro dans la préfecture de Nagano. La mort dans l’âme, car ils ont dû abandonner la ferme que la famille Tanno exploitait depuis treize générations. Quant à Shisasei Tarukawa, il a décidé de partir pour... toujours. Deux semaines après l’accident nucléaire, les autorités ont ordonné la destruction de sa récolte d’épinards, et il s’est suicidé. Aujourd’hui, sa veuve et son fils continuent de cultiver, car ils n’ont pas le choix...
     Entre silences et rires nerveux, le reportage dessine le désespoir des paysans de Fukushima, dont la terre sacrée a été définitivement «souillée».

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