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G@zette N°267, février 2013

Sera-t-il possible de sortir enfin du tout nucléaire pour entrer dans une politique énergétique cohérente? Les dés sont jetés...
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Avis IRSN N° 2011-361
Objet: Electricité de France (EDF)
Stratégie EDF de la
déconstruction des centrales nucléaires
Réf.: Lettre ASN CODEP-DRD-2010-006503 du 3 février 2010


     Par lettre citée en référence, vous demandez l’avis de l’IRSN sur le dossier présentant la stratégie de déconstruction des centrales nucléaires, transmis par EDF en juillet 2009, qui vise à répondre à la lettre de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR devenu ASN en 2006) de juin 2004, faisant suite à l’examen en mars 2004 par le groupe permanent «Usines», en présence de membres des groupes permanents «Déchets» et «Réacteurs» du dossier présentant la stratégie de démantèlement des réacteurs de première génération transmis par EDF en 2003.
     Vous demandez à l’IRSN d’identifier d’éventuelles priorités de sûreté, susceptibles de remettre en question la stratégie et l’échéancier de démantèlement retenus par EDF, en se prononçant sur l’analyse menée par EDF de la tenue des structures internes des caissons des réacteurs de la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG), notamment au regard du retard associé à la création d’un centre de stockage des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL), l’analyse des risques liés au phénomène de déflagration de poussières de graphite, les aspects relatifs à la gestion des déchets de démantèlement, la faisabilité du démantèlement des installations de Chinon A1 et A2, la pertinence du retour d’expérience international effectué au regard de l’élaboration des programmes de démantèlement actuel et futur et la pertinence des réflexions menées sur la stratégie de démantèlement des réacteurs à eau sous pression (REP) en exploitation.
     Enfin, vous demandez à l’IRSN de vérifier l’état d’avancement de la mise en œuvre des engagements (positions et actions P/A) pris par EDF à l’issue de l’instruction du dossier précité transmis en 2003 et rappelés en annexe 2 à la lettre de la DGSNR de juin 2004.

     1. Contexte
     En 2003, EDF a transmis à la DGSNR un document synthétique présentant sa stratégie de démantèlement et le programme de démantèlement complet envisagé pour les installations à l’arrêt, à savoir le réacteur à eau lourde de Brennilis, les réacteurs de la filière UNGG de Chinon A1, A2 et A3, 4,2 m3 de boues de nettoyage de cuves Saint-Laurent A1 et A2, Bugey 1, le réacteur à eau sous pression de Chooz A et le réacteur à neutrons rapides de Creys-Malville, ainsi que les silos de Saint-Laurent.
     Suite à la présentation, en mars 2004, des conclusions de l’examen de ce dossier par l’IRSN devant les membres des groupes permanents, la DGSNR concluait, dans sa lettre de juin 2004, que la stratégie de démantèlement des réacteurs de première génération retenue, ainsi que le programme et l’échéancier associés, dont la fin était prévue en 2026, étaient acceptables du point de vue de la sûreté et de la radioprotection, sous réserve du respect des engagements pris par EDF et de la prise en compte des demandes formulées dans la lettre précitée, en particulier la réévaluation des conséquences radiologiques associées aux scénarios enveloppes concernant les installations de Bugey 1 et Saint-Laurent A1 et A2, en prenant notamment en compte le risque de déflagration de poussières. La DGSNR notait qu’il convenait de distinguer les installations de Brennilis, Chooz A et Creys-Malville, dont la sûreté jusqu’à la date prévue de leur démantèlement n’appelait pas de remarque majeure, des autres installations qui méritaient un examen plus attentif. Ainsi, la DGSNR concluait que le démantèlement des installations de Bugey 1, de Saint-Laurent A1 et A2 devait être réalisé en priorité, les échéanciers proposés (ouverture des caissons réacteur prévue respectivement à partir de 2009, 2014 et 2012) apparaissant convenables en raison des difficultés à les anticiper plus encore du point de vue industriel.
     Depuis cet examen, les décrets de démantèlement des réacteurs de Creys-Malville, Chooz A, Bugey 1, Saint-Laurent A1 et A2 et Chinon A3 ont été publiés. Il faut toutefois noter que si les échéanciers présentés dans les dossiers de demande d’autorisation de démantèlement des installations de Creys-Malville et Chooz étaient cohérents avec ceux présentés par EDF en 2003, les dossiers de demande de démantèlement des réacteurs UNGG de Bugey 1, Saint-Laurent A1 et A2 et Chinon A3 faisaient en revanche état d’un report important de l’échéance d’ouverture des caissons du fait du report de l’ouverture d’un centre de stockage de déchets FA-VL, exutoire des déchets de graphite issus du démantèlement des réacteurs UNGG.
(suite)
suite:
     Aussi, à la suite de l’instruction de la demande d’autorisation de démanteler l’installation de Bugey 1, dans sa lettre de mai 2008, l’ASN rappelait à EDF que toute prolongation de la durée des opérations de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement de l’installation, qui pourrait être due au décalage de l’ouverture du centre de stockage de déchets FA-VL, devrait faire l’objet d’un dossier permettant d’en évaluer les conséquences sur le démantèlement et la sûreté de l’installation. L’ASN prenait en outre note des engagements pris par l’exploitant lors de l’instruction, comprenant celui de transmettre, lors de la mise à jour du dossier présentant la stratégie de démantèlement des réacteurs de première génération, les dispositions compensatoires en termes de sûreté et de gestion des déchets envisagées pour pallier un éventuel retard de l’échéance de mise en eau du caisson de Bugey 1.
     Pour ce qui concerne les réacteurs de Saint-Laurent A1 et A2, dans sa lettre d’avril 2009 consécutive à l’examen de la demande d’autorisation de démantèlement de ces installations, l’ASN considérait que les reports annoncés appelaient un réexamen anticipé de la sûreté de l’installation tenant compte en particulier «des risques en cas de rupture des structures internes des caissons» et présentant, «le cas échéant, les dispositions compensatoires associées, visant à limiter les conséquences d’une explosion à l’intérieur du caisson». En conséquence, l’article II.1 du décret de démantèlement de cette installation demande à EDF de transmettre «avant la fin de l’année 2013, un dossier réévaluant la tenue des structures internes des caissons.» L’exploitant a indiqué qu’il élaborera ce dossier, sur la base d’un diagnostic actualisé des structures internes des caissons de ces réacteurs.
     Dans ce contexte, le dossier transmis en juillet 2009, objet du présent avis, présente une mise à jour de la stratégie d’EDF pour la déconstruction des centrales nucléaires aujourd’hui à l’arrêt, ainsi que des silos de Saint-Laurent. Il présente également les premiers éléments relatifs au projet de démantèlement de l’atelier des matériaux irradiés (AMI) de Chinon, à la faisabilité du démantèlement des réacteurs de Chinon A1 et A2 et un état de la réflexion concernant la stratégie de démantèlement des REP actuellement en exploitation.

     2. Echéancier de démantèlement
     EDF confirme que la stratégie de démantèlement qu’il retient «est une stratégie de démantèlement sans période d’attente pour décroissance radioactive [qui] se décline par un programme de déconstruction qui vise à démanteler les installations au plus tôt en intégrant les contraintes techniques, industrielles, administratives et financières». EDF retient cette stratégie, dite stratégie de démantèlement «immédiat», pour toutes les INB concernées par le dossier transmis et présente un échéancier de démantèlement des réacteurs à l’arrêt définitif, ainsi que de l’AMI de Chinon et des silos de Saint-Laurent. Dans ce dossier, EDF indique également que «le démantèlement des réacteurs [est engagé] après avoir une garantie suffisante que l’ensemble des déchets disposent d’un exutoire».
     Pour ce qui concerne l’AMI de Chinon, EDF prévoit de déposer la demande de décret de démantèlement en 2013, les travaux de démantèlement devant durer une dizaine d’années. Cet échéancier n’appelle pas de remarque particulière. S’agissant des silos de Saint-Laurent, les opérations de désilage sont prévues à partir de 2021 (au lieu de 2010 initialement). Il est à noter qu’EDF a mis en place une enceinte géotechnique autour de cette installation afin de pallier le risque d’inondation externe. En outre, l’IRSN évalue actuellement la sûreté de cette installation dans le cadre d’un réexamen de sûreté. Le caractère acceptable du nouvel échéancier sera examiné dans ce cadre.
     Pour ce qui concerne l’installation de Brennilis, l’échéancier de démantèlement présente un report d’environ 5 ans qui est principalement lié à l’annulation du décret de démantèlement publié en 2006.
     Toutefois, ce report ne paraît pas de nature à remettre en cause la sûreté de l’installation pendant la période d’attente de démantèlement.
     Les échéanciers de démantèlement des installations de Chooz A et Creys-Malville ne sont pas modifiés de manière notable par rapport à ceux présentés en 2003 et les opérations réalisées dans ces deux installations se poursuivent globalement selon les prévisions initiales.
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     En revanche, EDF prévoit des reports importants des échéances de démantèlement des réacteurs UNGG. Ainsi, les ouvertures des caissons des réacteurs UNGG sont programmées entre 2015 (Bugey 1) et 2031 (Chinon A1), soit des reports de 7 à 14 ans. EDF indique que ces reports sont dus à de nouveaux décalages de la date de disponibilité d’une installation de stockage des déchets FA-VL. EDF conditionne en effet la mise en eau du caisson du réacteur de Bugey 1 («tête de série» pour le démantèlement des réacteurs UNGG) à l’émission du décret de création d’un centre de stockage de déchets de FA-VL. Dans le dossier examiné, EDF ne propose pas de solution alternative qui permettrait d’initier les travaux de démantèlement des caissons dans les délais prévus, en cas de glissement supplémentaire de la date de création d’un tel stockage. A ce sujet, l’ASN a signifié à EDF, dans sa lettre d’avril 2010, qu’elle «considère que l’engagement de la dernière phase de démantèlement des réacteurs UNGG, correspondant à la sortie des déchets de graphite, ne saurait démarrer au-delà de l’horizon 2022, un entreposage temporaire, s’il s’avérait nécessaire, devrait être disponible à cette date». L’ASN ajoute que la nécessité pour EDF de construire cet entreposage sera réexaminée avant 2014.
     L’IRSN note que le processus de sélection d’un site de stockage des déchets FA-VL n’a pas abouti en 2009 et qu’il n’y a pas à ce jour de visibilité sur la date de création d’un tel stockage. L’échéancier présenté par EDF, reposant sur la disponibilité d’un stockage des déchets FA-VL, est donc remis en cause.
     Aussi, l’IRSN estime nécessaire qu’EDF révise sa stratégie, en tenant compte de l’éventualité qu’un centre de stockage de déchets FA-VL ne soit pas disponible en temps voulu et présente les solutions alternatives possibles pour la gestion des déchets de graphite issus du démantèlement des réacteurs UNGG. Cette révision devra permettre à l’ASN de disposer des éléments suffisants pour prendre position avant 2014 sur la création éventuelle d’une installation d’entreposage de ces déchets.
     En tout état de cause, les reports successifs des échéances de démantèlement des réacteurs UNGG amènent à s’interroger sur la sûreté de ces installations en phase d’attente. L’IRSN note à cet égard que, par rapport à l’engagement précédemment cité, EDF ne présente pas, dans la mise à jour de son dossier de stratégie de démantèlement, les dispositions compensatoires envisagées, en termes de sûreté et de gestion des déchets, pour pallier un éventuel retard de l’échéance de mise en eau du caisson de Bugey 1.Pour justifier le caractère acceptable de ces reports, EDF présente des éléments sur le comportement des structures des réacteurs (caisson et support de l’empilement de graphite) et conclut que «la tenue des structures est assurée pour une durée d’au moins 70 ans, bien au-delà de la planification définie dans le programme de déconstruction». En outre, EDF exclut le risque de déflagration de poussières de graphite dans l’hypothèse d’un effondrement des structures «en s’appuyant sur un large consensus international». Ces points sont examinés ci-après.

     3. Sûreté des réacteurs UNGG en attente de démantèlement
     Les structures internes des réacteurs UNGG, constituées de charpentes métalliques assemblées boulonnées et soudées, supportent des empilements de briques de graphite pouvant atteindre 2.000 t, situés dans le cas des réacteurs intégrés de Bugey 1 et de Saint-Laurent A1 et A2, au-dessus des échangeurs à une hauteur de 20 m par rapport au bas du caisson. Dans sa lettre de juin 2004, la DGSNR indiquait que, pour ces réacteurs intégrés, «l’état actuel des structures internes qui supportent ces empilements est mal connu, notamment en termes de corrosion, alors que les matériaux constitutifs de ces structures sont dans le domaine fragile à la température régnant à l’intérieur des caissons. En outre, dans l’hypothèse d’un effondrement à l’intérieur des caissons des réacteurs, le risque d’explosion de poussières de graphite ne peut pas être entièrement exclu dans l’état actuel des études».
     Dans le dossier transmis en juillet 2009, EDF examine les mécanismes susceptibles d’altérer les caissons des réacteurs (modification de l’état des contraintes du caisson et donc dégradation de la résistance ou des caractéristiques des parois) et les transformations chimiques et physiques susceptibles d’altérer les structures internes (corrosion caverneuse des assemblages boulonnés et soudés, corrosion généralisée de l’aire support et fragilisation sous irradiation en fonction de la température). A cet égard, EDF indique que « la démarche de sûreté relative à la tenue des structures interne est basée sur les points suivants:
     * l’état des installations au travers des visites (entrées caissons) et des inspections télévisuelles (ITV) qui permettent d’établir le point zéro;
     * les cinétiques de corrosion des structures internes très faibles en assurant un niveau d’hygrométrie dans les caissons inférieur à 50%;
     * la surveillance et le conditionnement des caissons au travers du contrôle de l’hygrométrie et de la température et du suivi de nivellement
(suite)
suite:
     EDF précise que des investigations, visant à établir un «point zéro» de l’état des réacteurs UNGG intégrés de Bugey 1 et Saint-Laurent A1 et A2, sont en cours et que le maintien d’une hygrométrie inférieure à 50% dans les caissons de ces réacteurs est assuré. Pour ce qui concerne les mécanismes de rupture fragile, EDF rappelle les conclusions d’études datant de 2001 qui concluent, pour les réacteurs de Bugey 1 et de Saint-Laurent A1 et A2, que la rupture des assemblages boulonnés n’impacterait pas la stabilité des structures internes et qu’en ce qui concerne les assemblages soudés, le risque de rupture des soudures est également exclu. Au cours de l’instruction, EDF a présenté un état d’avancement des campagnes de caractérisation de l’état des structures internes du réacteur de Bugey 1. Selon EDF, les premières analyses des matériaux prélevés mettent en évidence l’arrêt de la corrosion depuis la mise en service du conditionnement de l’atmosphère du caisson. EDF a également transmis une réévaluation numérique des contraintes mécaniques dans les structures composant les aires support des réacteurs de Bugey 1 et de Saint-Laurent A2 et présenté l’état d’avancement du programme d’expertise et de caractérisation en résilience et ténacité des aciers prélevés dans le réacteur de Bugey 1.
     L’IRSN rappelle que la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN) en 2001 et la DGSNR en 2004 ont demandé à EDF de transmettre les résultats complets justifiant l’état de corrosion des structures internes des réacteurs de Bugey 1 et de Saint-Laurent A1 et A2. L’IRSN relève que des investigations sont encore en cours pour établir cet état et que les données nécessaires à l’évaluation des risques de corrosion et de rupture fragile des structures internes de ces installations, notamment en cas de séisme, restent à compléter, tout particulièrement pour les réacteurs de Saint-Laurent A1 et A2 qui doivent, à cette fin, faire l’objet de visites (entrées dans les caissons en 2012 et 2013).
     Aussi, bien que des progrès aient été faits par EDF pour acquérir les connaissances nécessaires à l’appréciation de la tenue des structures internes des réacteurs UNGG intégrés à l’arrêt, l’IRSN estime que les éléments transmis à ce jour par EDF sont encore trop parcellaires pour conclure à l’absence de risque d’effondrement de ces structures sur la durée du programme de déconstruction. Le point «zéro» de l’état de structures internes des réacteurs UNGG intégrés reste à établir, sur la base d’observations et de prélèvements suffisamment représentatifs. Ceci fait l’objet de recommandations formulées en annexe 3 au présent avis.
     Pour ce qui concerne les réacteurs UNGG non intégrés (Chinon A1, A2 et A3), compte tenu notamment des hauteurs plus faibles des structures internes par rapport au bas des caissons, les conséquences d’un effondrement de ces structures, consécutivement ou non à un séisme, devraient être plus limitées. Néanmoins, dans le cadre du réexamen de sûreté du réacteur de Chinon A1, l’IRSN recommandait qu’EDF examine la possibilité de poursuivre les investigations, en vue d’améliorer la connaissance de l’état réel actuel des structures internes. L’IRSN estime que la poursuite de telles investigations devrait également concerner les réacteurs de Chinon A2 et A3.
     Aussi, l’IRSN recommande qu’EDF définisse un programme d’investigations complémentaires afin d’établir le point «zéro » des structures internes des réacteurs UNGG non intégrés, à l’occasion de l’évaluation complémentaire de la sûreté des réacteurs de première génération à établir au regard de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (cf. paragraphe ci-après). Ceci fait l’objet d’une recommandation formulée en annexe 4 au présent avis.
     En outre, le risque d’effondrement des structures internes dépend du comportement du génie civil des caissons réacteurs notamment en cas de séisme. A cet égard, les caissons reposent sur des appuis parasismiques constitués de patins en élastomère fretté. S’agissant de l’état des caissons, EDF présente les résultats d’observations menées sur les caissons et les appuis élastomères depuis 2001 et conclut que la tenue des différents caissons est garantie. L’IRSN convient que le génie civil des caissons des différents réacteurs UNGG ne présente apparemment pas de dégradation significative.
     Toutefois, l’IRSN estime que, compte tenu des reports d’échéances annoncés, un programme de suivi de l’état physique des ouvrages permettant d’identifier toute évolution inhabituelle des structures de génie civil devrait être mis en œuvre. En particulier, un diagnostic actualisé de l’état des appuis en élastomère des caissons de Bugey 1, Saint-Laurent A1 et A2 et Chinon A3 apparaît nécessaire. En effet, les dernières investigations menées sur le réacteur de Bugey 1 ont montré que ces appuis pourraient être dégradés. Par ailleurs, les appuis en élastomère des caissons des réacteurs de Saint-Laurent A 1 et A2 et Chinon A3 n’ont pas fait l’objet d’observations depuis plus de dix ans.
p.30

 
     Enfin, il est à noter qu’EDF a évalué le comportement sismique des caissons des réacteurs UNGG sur la base d’un aléa sismique de référence correspondant au Séisme Maximal Historiquement Vraisemblable (SMHV). A cet égard, l’IRSN estime que les caissons des réacteurs UNGG, dont l’ouverture est prévue dans un délai supérieur à 10 ans, devraient faire l’objet d’une étude de leur comportement sous séisme en tenant compte d’un niveau de spectre correspondant au Séisme Majoré de Sécurité (SMS). En conséquence, à l’instar des demandes formulées en 2009 en ce sens par l’ASN à la suite de l’examen des rapports de sûreté de démantèlement des installations de Saint-Laurent A1 et A2 et de Chinon A3, le comportement des structures des installations de Chinon A1 et A2 devrait être évalué en considérant l’action sismique correspondant à un niveau du SMS. Le spectre de l’aléa sismique à retenir pour ces études doit être cohérent avec le spectre utilisé pour dimen-sionner certains équipements des réacteurs implantés sur le site de Chinon («spectre de site»).      S’agissant des structures de l’installation de Bugey 1, bien que l’ouverture du caisson du réacteur soit prévue à une échéance inférieure à 10 ans, l’IRSN estime néanmoins que leur comportement devrait aussi être évalué en retenant le «spectre de site» du CNPE de Bugey, afin de tenir compte des aléas de calendrier relatifs à la disponibilité d’un exutoire pour les déchets de graphite extraits du caisson. Ces différentes remarques font l’objet de recommandations formulées en annexe 3 au présent avis.
     S’agissant du risque de déflagration de poussières de graphite consécutive à l’effondrement des structures internes des caissons, EDF exclut dans le dossier transmis en juillet 2009 l’hypothèse d’une déflagration survenant dans ces caissons en se fondant sur un rapport présentant une synthèse d’expériences internationales qui conclut que cette réaction ne peut survenir que si six conditions physiques et chimiques sont réunies, notamment: i) une source d’allumage d’énergie suffisante; ii) une concentration compatible avec l’échelle d’explosivité; iii) une distribution de taille des particules optimale pour la propagation de la flamme. Selon les informations présentées, seules les poussières de très faibles diamètres contribuent à propager la déflagration. En outre, la présence d’impuretés métalliques dans les poussières de graphite limite le développement de l’explosion. EDF considère qu’il est «hautement improbable» de réunir simultanément les trois conditions précitées et conclut à l’absence de risque d’explosion de poussières de graphite en situations normale et accidentelle.
     L’IRSN souligne que les hypothèses retenues dans le rapport précité correspondent uniquement à des risques relevant du déroulement normal des opérations de démantèlement. Or, il apparaît difficile, pour une situation accidentelle telle que notamment l’effondrement des empilements de graphite sur les échangeurs (dans le cas des réacteurs intégrés) d’exclure qu’une source d’ignition d’énergie suffisante soit générée, ni qu’une concentration explosible de poussières dans le caisson puisse être atteinte. En outre, EDF n’a pas réalisé de caractérisation précise des poussières présentes dans les différents caissons des réacteurs, ni estimé la quantité et la granulométrie de celles susceptibles d’être produites par un effondrement. Ceci aurait permis de vérifier que la granulométrie et la composition des poussières sont effectivement défavorables à la génération d’une explosion dans les caissons. L’IRSN estime en conséquence que l’absence de risque de déflagration en cas d’effondrement des empilements de graphite dans les caissons n’est pas démontrée, en particulier dans le cas des réacteurs intégrés de Saint-Laurent A1 et A2 et Bugey 1. Il apparaît donc toujours nécessaire qu’EDF étudie un tel scénario, et définisse les dispositions permettant d’en prévenir l’occurrence ou d’en limiter les effets, en vue de préciser les risques associés au report du démantèlement des réacteurs UNGG.
     En tout état de cause, conformément à la décision de l’ASN du 5 mai 2011, EDF devra présenter en septembre 2012, une évaluation complémentaire de la sûreté des réacteurs de première génération au regard de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. EDF devra estimer dans ce cadre les situations accidentelles pour les différents aléas (séisme, inondation, évènements naturels extrêmes) qui seront considérés pour les sites sur lesquels ces réacteurs sont situés, ainsi que les dispositions relatives à la gestion de ces situations.
(suite)
suite:
     L’IRSN estime que la stratégie de démantèlement des réacteurs de première génération devra éventuellement être révisée à la lumière des résultats de ces évaluations complémentaires de sûreté et considère qu’à ce stade, l’effondrement des empilements de graphite et, au moins pour les réacteurs UNGG intégrés, la déflagration consécutive des poussières de graphite, devront être considérés en tant que «situations accidentelles redoutées» (au sens des études complémentaires de sûreté) devant faire l’objet d’une analyse. Ceci fait l’objet d’une recommandation formulée en annexe 4 au présent avis.

     4. Stratégie de démantèlement des réacteurs à eau sous pression actuellement en exploitation
      La stratégie de démantèlement retenue pour les REP est un démantèlement immédiat, à l’instar de celle concernant les réacteurs de première génération. Afin de démontrer la faisabilité du démantèlement, EDF décrit le scénario en cours d’étude qui consiste à évacuer le combustible, démanteler les équipements, assainir les structures et enfin démolir les bâtiments ayant fait l’objet d’un assainissement des structures. L’IRSN n’a pas identifié, à ce stade des études, de point rédhibitoire pouvant mettre en cause la faisabilité technique de ce scénario. Toutefois, l’IRSN note qu’EDF n’a pas élaboré de programme global de démantèlement du parc, considérant qu’il est prématuré de fixer un objectif de durée de fonctionnement à chaque réacteur. L’IRSN estime toutefois qu’EDF devrait définir, dans la mise à jour du dossier présentant la stratégie de déconstruction des centrales nucléaires, les premières options stratégiques du démantèlement des REP en tenant compte des diverses hypothèses possibles quant au prolongement éventuel de la durée de vie des installations du parc, ceci notamment en vue d’en identifier l’impact sur les filières de gestion des déchets (cf. paragraphe 6 et recommandation en annexe 2 au présent avis).
     5. Faisabilité des scénarios de démantèlement des réacteurs de Chinon A1 et Chinon A2
     Pour ce qui concerne la faisabilité des scénarios de démantèlement des réacteurs de Chinon A1 et Chinon A2, EDF examine différents scénarios de démantèlement, à sec et sous eau, et retient le scénario de démantèlement «ouvert à sec» notamment en raison des difficultés de garantir l’étanchéité des caissons des deux réacteurs et de capacités de rétention insuffisantes. EDF s’appuie notamment sur le retour d’expérience du démantèlement actuellement en cours de la centrale de WAGR en Grande-Bretagne, de conception similaire à celle de Chinon A1. L’IRSN n’a pas identifié de point rédhibitoire pouvant mettre en cause la faisabilité technique des scénarios de démantèlement.

     6. Gestion des déchets de démantèlement et disponibilité des filières d’élimination
     La politique de gestion des déchets de déconstruction d’EDF est déclinée en différents principes tels que la définition, pour chaque type de déchets, de sa nature physique, de la quantité à produire, du type de conditionnement, de la filière d’élimination envisagée et du mode de transport. Ceci n’appelle pas de remarque de fond. L’IRSN appelle toutefois l’attention sur la nécessité de disposer en temps voulu des filières d’élimination envisagées pour mener à bien la stratégie de démantèlement retenue. A cet égard, outre les difficultés évoquées précédemment liées aux retards pris dans le processus de création du centre de stockage de déchets FA-VL, l’IRSN relève que les centres de stockage TFA et FA-MA sont susceptibles d’arriver à saturation respectivement en 2020 et 2043, selon les prévisions actuelles. Ainsi, il ne semble pas que les centres de stockages existants puissent accueillir l’ensemble des déchets, destinés à être éliminés dans des centres de surface, correspondant au démantèlement des réacteurs actuellement en exploitation. A cet égard, compte tenu des difficultés et des délais nécessaires pour mettre en service un nouveau centre de stockage, l’IRSN recommande qu’EDF, présente dans la mise à jour du dossier de stratégie de démantèlement, les actions visant, en concertation avec l’ANDRA, à garantir la disponibilité des filières d’élimination des déchets TFA et FA-MA jusqu’à la fin du programme de démantèlement des réacteurs de première génération et des REP actuellement en exploitation, ainsi que le calendrier associé.
     L’IRSN suggère que cette question fasse également l’objet d’un jalon dans la prochaine révision du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR).     
p.31


     7. Autres
     La prise en compte par EDF du retour d’expérience national et international en matière de démantèlement n’appelle pas de remarque de fond. Par ailleurs, l’IRSN considère qu’EDF a respecté de manière globalement satisfaisante les P/A prises à l’issue de l’instruction du dossier transmis en 2003.

     8. Conclusion
     En conclusion, l’IRSN estime que la stratégie présentée par EDF pour le démantèlement de ses installations est convenable dans ses principes. Toutefois, les échéances de démantèlement des réacteurs UNGG ont subi des reports importants sans qu’EDF n’ait apporté d’éléments suffisants pour justifier le caractère acceptable de ces reports eu égard à la sûreté de ces installations en attente de démantèlement. Aussi, l’IRSN recommande qu’EDF transmette à l’ASN une révision du dossier présentant la stratégie retenue pour le démantèlement de ses installations, précisant les options permettant de procéder au démantèlement des réacteurs de première génération en respectant l’échéancier prévu, ainsi que les éléments justifiant le caractère acceptable des échéances retenues eu égard à la sûreté des installations en attente de déconstruction. Cette révision devra notamment présenter la synthèse:
     - des résultats des investigations relatives à l’état des structures internes et du génie civil des caissons des réacteurs UNGG, ainsi que des études visant à évaluer le comportement de ceux-ci en situation normale ou en cas de séisme,
     - des résultats des évaluations complémentaires de la sûreté des réacteurs de première génération, réalisées en 2012, précisant les situations accidentelles redoutées pour ces installations, leur conséquences possibles et les moyens permettant de limiter ces dernières, - des solutions alternatives possibles pour la gestion des déchets de graphite issus du démantèlement des réacteurs UNGG en cas d’indisponibilité en temps voulu d’un centre de stockage de déchets FA-VL.
     Cette version révisée devra être transmise dans des délais permettant à l’ASN de prendre position avant 2014 sur les options à mettre en œuvre, notamment la création éventuelle d’un entreposage dédié, conformément aux termes de la lettre adressée en ce sens à EDF par le directeur général de l’ASN. A cet égard, l’IRSN recommande qu’EDF prenne en compte dans le cadre de cette révision, les demandes formulées en annexe 2 au présent avis et transmette à l’appui de cette révision, les dossiers d’analyse de la tenue des structures internes, en situation normale, incidentelle et accidentelle, des installations de Bugey 1, Saint-Laurent A1 et A2, Chinon A1, A2 et A3. Ces dossiers devront prendre en compte les demandes formulées en annexe 3 au présent avis.

Annexe 2 à L’avis IRSN/2011-361 du 23 août 2011
Recommandations à prendre en compte dans la mise à jour du dossier présentant la stratégie de déconstruction des centrales nucléaires

     1. Présenter la synthèse:
     - des investigations effectuées sur l’état des structures internes et le génie civil des caissons des réacteurs UNGG, notamment concernant les réacteurs intégrés de Bugey 1 et de Saint-Laurent A1 et A2, et identifiant celles restant éventuellement à mener, notamment pour les réacteurs non intégrés de Chinon A1, A2 et A3,
     - des études du comportement des installations en situation normale ou en cas de séisme,
     - des résultats des évaluations complémentaires de la sûreté des réacteurs de première génération, réalisées en 2012, précisant les situations accidentelles redoutées pour ces installations, leur conséquences possibles et les moyens permettant de limiter celles-ci,
     - des solutions alternatives possibles pour la gestion des déchets de graphite issus du démantèlement des réacteurs UNGG en cas d’indisponibilité en temps voulu d’un centre de stockage de déchets FA-VL.
     2. Définir les premières options stratégiques du démantèlement des REP selon les diverses hypothèses possibles quant au prolongement éventuel de la durée de vie des installations du parc, en tenant compte de l’impact éventuel de ce vieillissement sur les scénarios de démantèlement et en présentant les dispositions visant, en concertation avec l’ANDRA, à garantir la disponibilité des filières d’élimination des déchets TFA et FA-MA jusqu’à la fin du programme de démantèlement des réacteurs de première génération et des REP actuellement en exploitation.
     3. Consolider les estimations des quantités de déchets réellement produits en tenant compte du retour d’expérience des premiers travaux de démantèlement réalisés et des résultats des plans d’actions visant à améliorer la connaissance de l’inventaire radiologique. En parallèle, s’assurer que les capacités d’entreposage d’ICEDA sont suffisantes.
     4. Réviser l’étude des risques de déflagration de poussières de graphite dans le caisson en intégrant les résultats de caractérisation des poussières contenues dans le caisson (quantité, granulométrie, teneur en oxyde de fer) et en tenant compte des situations accidentelles ou incidentelles susceptibles de se produire pendant l’attente du démantèlement (notamment un effondrement des structures internes), mais égale-ment en phase de démantèlement, en particulier pour les démantèlement qui seront effectués à sec.
(suite)
suite:

 Annexe 3 à L’avis IRSN/2011-361 du 23 aout 2011
Recommandations à prendre en compte dans
les dossiers d’analyse de l’état et de la tenue des structures internes
et du génie civil

     Dans le dossier relatif à l’installation de Saint-Laurent A1 et A2 devant être trans-
mis en réponse à l’article II.1 du décret de démantèlement de cette installation et dans les dossiers d’analyse de l’état et de la tenue des structures internes et du génie civil des installations de Bugey 1, de Chinon A1, A2 et A3 à transmettre en support de la révision du dossier de stratégie, EDF devra prendre en compte les recommandations suivantes.

     1. Point zéro
Présenter le bilan des données expérimentales issues des programmes de surveillance de chaque réacteur (épaisseur, tenue mécanique, porosité, fissuration des différentes couches d’oxydes, ruptures d’assemblages boulonnées et soudées, etc), ainsi qu’un point « zéro » de l’état actuel des structures internes de chaque caisson intégrant les résultats du programme complémentaire d’expertise de prélèvements représentatifs.

     2. Conditionnement de l’air du caisson
     2.1 Décrire les systèmes de surveillance, voire de maîtrise, de l’hygrométrie et de la température de l’air dans les caissons des réacteurs UNGG et justifier leur adéquation en regard des objectifs à satisfaire.

     3. Comportement du génie civil des caissons
     3.1 Sur la base du diagnostic de l’état physique des ouvrages, présenter un programme de suivi de cet état physique permettant d’identifier toute évolution inhabituelle des structures et du génie civil et un bilan de ce suivi.
     3.2 Pour les installations de Bugey 1, de Saint-Laurent A1 et A2 et de Chinon A3, présenter un diagnostic actualisé de l’état des appuis en élastomère du caisson des réacteurs et une réévaluation de leurs caractéristiques mécaniques; prendre en compte cette évaluation dans les études du comportement du caisson, notamment en cas de séisme.
     3.3 Présenter une évaluation du comportement sismique des installations (caissons, bâtiments abritant les échangeurs...) tenant compte des scénarios d’agressions (interactions entre structures, chute des bouteilles échangeur) et de l’état physique actualisé des structures et en considérant l’action sismique correspondant à un niveau du SMS. Le spectre de l’aléa sismique à retenir pour ces études doit être cohérent avec le spectre utilisé pour dimensionner les équipements des réacteurs implantés sur chaque site (« spectre de site »).

     4. Etat et tenue des structures internes
     4.1 Concernant les installations de Chinon A1, A2 et A3, présenter les résultats des investigations menées, notamment en partie basse des structures internes, et justifier le programme de l’ensemble des investigations à entreprendre en vue de mieux connaître l’état réel actuel des structures internes de ces réacteurs.
     4.2 Concernant les installations de Bugey 1 et de Saint-Laurent A1 et A2:
     - justifier la représentativité des essais de mesure de la ténacité des différentes nuances d’aciers utilisés pour la construction des structures internes, notamment dans le cas où l’échantillon n’a subi aucun vieillissement thermique ou par irradiation,
     - justifier les valeurs retenues de résilience ou de ténacité retenues pour les joints soudés assurant l’assemblage des structures internes,
     - présenter une étude des risques de rupture fragile des structures internes en justifiant les hypothèses formulées, notamment concernant la modélisation de l’aire support des empilements (quart ou moitié de cette aire), le choix des corrélations utilisées pour estimer la ténacité des aciers à partir de leur résilience et les caractéristiques des défauts de soudure modélisés.

Annexe 4 à L’avis IRSN/2011-361 du 23 août 2011
Demandes à prendre en compte pour les évaluations complémentaires de sûreté

     Dans le cadre des évaluations complémentaires de la sûreté des réacteurs de première génération à présenter, conformément à la décision de l’ASN du 5 mai 2011, en septembre 2012 au regard de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi:
     - prendre en compte l’effondrement des empilements de graphite et, au moins pour les réacteurs UNGG intégrés (Bugey 1, Saint-Laurent A1 et A2), la déflagration consécutive des poussières de graphite, en tant que «situations accidentelles redoutées» devant faire l’objet d’une analyse,
     - définir le programme des investigations à mener pour établir le point «zéro» des structures internes des réacteurs UNGG non intégrés (Chinon A1, A2 et A3).

Voir aussi: http://www.annales.org/ et mines-energie.org/ (2 pdf)
p.32

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