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G@zette N°269, septembre 2013

La diversité énergétique va-t-elle enfin gagner?
NOUVELLES DE FUKUSHIMA
(dossier Gazette Nucléaire)

 
     1 - Fukushima: Tepco découvre du strontium extrêmement nocif dans le sous-sol
     lesechos.fr | Par Yann Rousseau | 19/06 | 08:24

     Des tests mettent en lumière la présence de 1.000 becquerels de strontium par litre dans le sous-sol, soit un niveau plus de 30 fois supérieur à la norme.
     Le chantier du démantèlement ne cesse de se compliquer dans la centrale de Fukushima-Daiichi. Ce matin, Tepco, l’opérateur du site, qui tente actuellement de faire face à l’inquiétante accumulation d’eaux contaminées dans les réacteurs a indiqué qu’il venait de découvrir des niveaux très élevés de strontium 90 dans l’eau souterraine qui s’est accumulée aux pieds des réacteurs détruits. Cet élément radioactif extrêmement nocif, notamment s’il est inhalé ou ingéré, a été retrouvé à des doses anormalement élevées dans des échantillons d’eau prélevés à proximité du bâtiment qui abrite la turbine du réacteur 2 de la centrale. Lorsque des prélèvements avaient été réalisés en décembre 2012 au même endroit, les analyses avaient montré seulement 8,6 becquerels de strontium 90 par litre d’eau. Désormais, les tests mettent en lumière la présence de 1.000 becquerels de strontium par litre, soit un niveau plus de 30 fois supérieur à la norme de 30 becquerels par litre jugée tolérable par les autorités japonaises.
     «Il existe une forte probabilité que ces niveaux soient dus à une fuite antérieure en provenance d’un bâtiment d’une pompe», a tenté d’expliquer Tepco dans la matinée, avant de noter qu’il avait aussi découvert, dans ces eaux, des niveaux anormalement élevés de tritium. Cette nouvelle devrait encore compliquer la stratégie de gestion des eaux contaminées du site. Tepco qui tente de limiter l’écoulement dans la centrale d’eau souterraine, afin de réduire l’accumulation d’eau contaminée dans les sous-sols des réacteurs, espérait convaincre les associations de pêcheurs de la région d’accepter le détournement vers la mer d’une partie des eaux circulant sous les collines du site. L’électricien assurait qu’il ne relâcherait que des eaux “propres”. Mais les pêcheurs se sont pour l’instant montrés très dubitatifs et ont refusé d’approuver l’opération.

     2 - "Situation d'urgence" à Fukushima, alors que l'eau radioactive se déverse dans l'océan
     Le Monde.fr avec AFP | 06.08.2013 à 08h32
     Une "situation d'urgence" a été déclarée, mardi 6 août, par l'Autorité de régulation nucléaire japonaise (NRA) à la centrale de Fukushima, où de l'eau hautement radioactive se déverse toujours dans l'océan Pacifique, sans que l'opérateur Tepco (Tokyo Electric Power) soit en mesure de la contenir.  
     Selon la NRA, cette eau contaminée est en train de monter vers la surface et dépasse les limites légales d'écoulement radioactif, plus de deux ans après la catastrophe – accident nucléaire le plus grave depuis Tchernobyl, causé par un séisme et un tsunami qui avaient provoqué une panne de grande envergure dans la centrale.
     L'ampleur de la menace posée par l'eau contaminée et ses conséquences sur l'environnement halieutique ne sont pas connues avec certitude. Mais les fuites radioactives de ce type peuvent affecter la santé des animaux marins puis celle des hommes qui consommeraient  leur chair.

     TRITIUM, STRONTIUM, CÉSIUM...
     Dimanche, Tepco a communiqué pour la première fois une estimation des fuites radioactives dans l'océan. Bilan: entre vingt et quarante mille milliards de becquerels se sont déversés de mai 2011, soit deux mois après l'accident, à juillet 2013.
     A la fin de juillet, la compagnie était revenue sur sa théorie selon laquelle l'eau chargée de tritium, de strontium, de césium et d'autres éléments radioactifs stagnait sous terre, et avait avoué qu'elle atteignait l'océan. Un revirement survenu au lendemain d'élections sénatoriales qui se sont soldées par la victoire du Parti libéral-démocrate du premier ministre Shinzo Abe, largement favorable au nucléaire. A la suite de cet aveu, l'autorité nucléaire japonaise a prévu d'enquêter sur ces fuites et de surveiller la contamination de l'océan.
     Tepco avait toutefois assuré que l'impact de cette fuite radioactive dans le Pacifique était limitée et que les analyses d'eau de mer "ne montraient pas d'augmentation anormale des taux de radioactivité". Pourtant, dans des mesures prises dans un puits situé entre les réacteurs et la mer, Tepco avait enregistré un niveau de radioactivité de plusieurs dizaines de milliers de fois supérieur à la dose limite admise pour de l'eau de mer – niveau qui grimpait encore au mois de juillet.
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     "Nous ne savons toujours pas quelle est la cause précise de ces fuites, qui sont plus compliquées que nous ne le pensions", avait aussi déclaré Tepco, qui fait l'objet de critiques récurrentes pour sa façon, jugée malhonnête, d'informer le public. Pour l'instant, Tepco n'a prévu que des solutions temporaires pour pallier le problème. L'opérateur de la centrale injecte un produit chimique souterrain afin de solidifier les sols et d'éviter que les eaux radioactives ne s'écoulent, mais, selon le quotidien japonais Asahi, il n'est pas efficace au niveau des nappes phréatiques.

     TEPCO CRITIQUÉ
     Dans la centrale, chaque jour, 3.000 techniciens et ouvriers travaillent d'arrache-pied pour préparer le démantèlement du site, mais ils sont en permanence confrontés à de nombreuses avaries dans des lieux qui leur restent inaccessibles à cause de la radioactivité.
     Tepco a été très critiqué pour son manque de réactivité face aux conséquences du tsunami et à la fusion des réacteurs. Dans les premières semaines qui ont suivi la catastrophe, le gouvernement japonais avait autorisé Tokyo Electric Power à déverser en urgence des milliers de tonnes d'eau contaminée dans le Pacifique.
     Mais la diffusion de ces eaux toxiques a été vue d'un très mauvais œil par les pays voisins et les pêcheurs japonais. Depuis, la compagnie a promis qu'elle ne déverserait pas d'eau irradiée sans le consentement des localités voisines.

     3- Fukushima : 2000 travailleurs exposés à un cancer de la thyroïde
     Le Monde.fr  19.07. Par Audrey Garric
     La révélation devrait faire l'effet d'une bombe. La compagnie Tokyo Electric Power (Tepco) a annoncé, vendredi 19 juillet, que près de 2 000 travailleurs de la centrale accidentée de Fukushima présentaient un risque accru de cancer de la thyroïde, soit 10% des personnes ayant travaillé sur le site.
     L'opérateur japonais a réalisé des examens sanitaires pour 19.592 de ses travailleurs – 3.290 employés de la firme et 16.302 employés d'entreprises sous-traitantes. Résultat: 1973 ouvriers ont vu leur thyroïde exposée à des doses cumulées de radiations supérieures à 100 millisieverts. Un niveau au-delà duquel un risque accru de développer un cancer a été démontré par les études épidémiologiques – la dose de radioactivité naturelle reçue par l'organisme étant de 2,4 millisievert par an et celle venant des INB devant être inférieure à 1 millisievert par an...

     DIX FOIS PLUS DE PERSONNES CONCERNÉES
     Jusqu'à présent, seulement 522 travailleurs avaient vu leurs doses de radiations transmises à l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En février, l'OMS avait alors conclu que 178 ouvriers présentait un risque accru de cancer. Mais le ministère de la santé avait fait part de doutes sur les critères choisis pour ces premières évaluations, et avait demandé à Tepco de revoir sa méthode d'estimation du niveau d'exposition aux radiations.
     Comment une telle évaluation a-t-elle été réalisée? "Le cancer de la thyroïde est essentiellement développé après une contamination interne à l'iode 131, c'est-à-dire après que ce radionucléide a été ingéré ou inhalé", explique Alain Rannou, expert à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Les relevés des dosimètres – des instruments qui mesurent l'exposition aux radiations externes – ne sont donc pas suffisants. "Il faut réaliser des mesures anthropo-radiamétriques, qui détectent les rayonnements de l'organe ciblé, ou procéder à des examens urinaires pour connaître la quantité d'iode 131 sécrétée par les urines", poursuit l'expert.
     Reste une difficulté: la demi-vie de l'iode 131, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que la moitié des atomes se désintègrent naturellement, est de huit jours. "Il faut estimer à quel moment chaque travailleur se trouvait dans une zone contaminée. De façon à calculer, à partir des mesures, quelle quantité d'iode 131 il a en réalité incorporé», complète Alain Rannou.

     VIOLATIONS DES RÈGLEMENTS SUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITE
     En juin, des tests effectués sur 174.000 personnes habitant la préfecture de Fukushima, qui compte près de deux millions d'habitants, avait conclu que 12 mineurs étaient atteints d'un cancer de la thyroïde, 15 autres cas étant suspects. "Les autorités n'ont pas mis en évidence d'effet sanitaire avéré de la catastrophe, prévient Alain Rannou. Les données scientifiques actuelles ne permettent pas de faire la différence avec le risque spontané de développer un cancer dans la population générale."
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     Malgré tout, les opérations de décontamination de la centrale détruite par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, sont régulièrement entachées de révélations sur les conditions de travail illégales et les violations des règlements sur la santé et la sécurité des 3000 "liquidateurs" qui se relaient jour et nuit sur le site. En décembre dernier, le quotidien Asahi Shimbun avait notamment révélé que la société de construction Build-Up aurait demandé à une dizaine de ses ouvriers de recouvrir de plomb leurs dosimètres lorsqu'ils intervenaient dans les zones les plus radioactives de la centrale accidentée afin de sous-déclarer leur exposition et permettre à la société de continuer à travailler sur le site.
     4 - "Le risque sanitaire du nucléaire est encore mal évalué"
     LE MONDE | 25.07.2013 à 09h54  Propos recueillis par Stéphane Foucart et Pierre Le Hir
     Alors que Tepco, l'opérateur de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, vient d'annoncer que 1973 salariés ont été fortement irradiés à la suite de l'accident du 11 mars 2011, Nicolas Foray, radiobiologiste à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et chercheur au Centre de recherche en cancérologie de Lyon, souligne que les effets des expositions répétées à des radiations et les facteurs individuels ne sont aujourd'hui pas pris en compte dans le calcul des risques.
Près de 2.000 travailleurs de Fukushima ont subi des radiations supérieures à 100 millisieverts (mSv). C'est considérable...
     Il s'agit de la dose reçue à la thyroïde et non de la dose ramenée au corps entier – dite "efficace" –, base du calcul du risque sanitaire. Une telle subtilité rend hélas encore plus complexe le message pour le grand public. En fait, les données fournies par Tepco pour ses salariés et les entreprises contractantes, soit un peu plus de 28.000 personnes, font état, de mars 2011 à mai 2013, d'environ 170 travailleurs exposés à des doses efficaces de plus de 100 mSv, le maximum étant 679 mSv.
     La question de fond est de savoir si le risque est correctement évalué. Il dépend à la fois de la contamination externe, que mesure le dosimètre, et de la contamination interne par inhalation ou ingestion, qui échappe à ce type de mesure. Si bien que la dose totale reçue peut être sous-estimée. A Fukushima comme à Tchernobyl et, plus généralement, dans les activités nucléaires, le risque sanitaire est encore mal évalué.

     Le seuil de 100 mSv est-il le bon niveau d'alerte?
     Ce que nous a appris le suivi des populations victimes des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki, et qu'a confirmé l'accident de Tchernobyl, c'est que le risque de leucémie s'accroît significativement à partir de doses efficaces de 100 mSv, et celui des autres types de cancers à partir de 200 mSv. Toutefois, ces seuils sont valables pour des doses délivrées en une seule fois – expositions "flash" en quelques secondes ou minutes –, ce qui n'est pas toujours le cas.
     L'évaluation du risque pour les travailleurs du nucléaire est donc mal faite?
     Aujourd'hui, elle est fondée sur le calcul des doses efficaces cumulées. On fait la somme de l'ensemble des rayonnements reçus et on met le salarié à l'arrêt une fois qu'il a atteint la limite réglementaire d'exposition dans l'année.
     Mais cette approche peut ne pas tenir compte de certains effets de répétition. On sait que 100 mSv reçus en une fois augmentent le risque de leucémie. Mais les données radiologiques montrent qu'une exposition étalée dans le temps – par exemple 1 mSv par jour pendant cent jours – va induire un risque différent. Probablement moindre.
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     Les risques calculés pour les personnels de Fukushima qui n'ont pas été irradiés en une seule fois seraient ainsi surestimés?
     Non, ce n'est pas aussi simple. Dans certaines situations, les risques pourraient être au contraire sous-évalués pour l'exposition à des doses répétées. Dans des travaux publiés en 2011, nous avons montré, dans le cas de mammographies médicales, que deux expositions successives, à quelques minutes d'intervalle, peuvent produire des dégâts sur l'ADN plus importants qu'une exposition double délivrée en une seule fois. A l'inverse, dans le cas des radiothérapies utilisées dans le traitement des cancers, où les sessions sont journalières et les doses plus fortes, les effets semblent s'additionner. Il faut donc déterminer dans quelles conditions d'expositions répétées on peut ou non se baser sur la dose cumulée.
     En outre, nous ne sommes pas égaux devant les radiations. Pour des raisons génétiques notamment, certains ont davantage de risque de développer un cancer. Ce facteur individuel n'est aujourd'hui pas pris en compte.
     Sait-on quelle fraction de la population est plus fragile face aux rayonnements ionisants?
     Pas encore avec précision. Nous mettons en place une étude consistant à prélever des tissus – peau, sang – chez 500 volontaires sains. Puis à irradier les cellules à différentes doses pour tenter de le savoir. Les données radiologiques et génétiques suggèrent un taux compris entre 5% et 15%. C'est beaucoup!
     Selon l'Organisation mondiale de la santé, le surrisque de cancer de la thyroïde pourrait atteindre 70% chez les femmes vivant près de la centrale de Fukushima, mais les risques seraient faibles pour les populations plus éloignées. Etes-vous d'accord avec ces conclusions?
     Elles me paraissent conformes avec les modèles, mais ce ne sont que des modèles qui calculent un risque à partir de doses estimées. Après Tchernobyl, on a estimé en 2005 à un peu plus de 6.000, dont 15 mortels, les cas de cancer de la thyroïde dus à l'iode 131. La radioactivité totale générée par l'accident de Fukushima étant 10 fois moindre, et le système de radioprotection étant mieux organisé au Japon, on pourrait s'attendre raisonnablement, malgré une plus grande densité démographique, à moins de cas de cancer de la thyroïde chez les enfants japonais.

     5 - EXTRAITS
     ACRO: Point sur la situation de l’eau contaminée à Fukushima (10 août 2013)
     Pour consulter tout le dossier: allez sur le site ACRO
     La catastrophe de Fukushima a déjà provoqué la plus forte pollution radioactive marine de l’histoire. C’était en avril 2011, l’eau contaminée du réacteur n°2 se déversait dans la mer via une galerie souterraine qui débordait. En mai 2011, ce fut le tour du réacteur n°3.
     TEPCo a estimé à 520 m3 d'eau très radioactive, soit 4.700 térabecquerels (1 terabecquerel représente un million de millions de becquerels) ou 20.000 fois l'autorisation de rejet annuel la fuite d’avril. Plus précisément, il y avait 2.800 terabecquerels d'iode-131, 940 térabecquerels de césium 134 et autant de césium 137.
     Ce seul rejet mériterait d'être classé au niveau 5 ou 6 de l'échelle internationale INES. L’IRSN avait estimé que c’était 20 fois plus.
     Pour refroidir les combustibles fondus TEPCo injecte en continu de l’eau dans les réacteurs. Si elle s’arrête, les combustibles se remettent à chauffer et des gaz radioactifs peuvent être émis. Cette eau se contamine et s’écoule dans les sous-sols des bâtiments réacteurs et dans tout un enchevêtrement de galeries souterraines. Les bâtiments turbine voisins sont aussi inondés.
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     Au début, TEPCo arrosait sans trop se préoccuper du devenir de l’eau. Des ouvriers mal protégés ont pataugé dans une flaque fortement contaminée, entraînant la plus forte dose reçue à ce jour. Et puis les niveaux ont commencé à monter et l’eau a débordé dans la mer. Une course contre la montre s’est alors engagée : colmater tant bien que mal la fuite pour arrêter le déversement en mer et pomper l’eau des sous-sols, la traiter et la réinjecter.
     L’océan a aussi reçu 80% des rejets aériens, encore plus massifs.
     Des chercheurs de la Japan Agency for Marine Earth Science and Technology ont prélevé du plancton en 10 points du Pacifique au large de la centrale de Fukushima, de Hokkaïdô à Guam, et ont trouvé une contamination systématique en césium 134 et 137. La contamination la plus élevée en césium 134 est de 8,2 à 10,5 Bq/kg et la plus basse, de 1,9 Bq/kg. Il faut ajouter le césium 137: 14,9 Bq/kg pour l'échantillon le plus contaminé. Les échantillons ont été prélevés moins d'un an après la catastrophe, en janvier-février 2012, de 500 à 2.100 km de la centrale.

     Une pollution marine persistante
     Presque deux ans et demi plus tard, l’océan reste fortement contaminé sur de centaines de kilomètres, malgré la présence de forts courants marins. L’eau de pluie lessive les sols avant de se retrouver dans les rivières et se rejeter en mer et contribue elle aussi à la pollution marine.
     C’est particulièrement flagrant dans la baie de Tôkyô, où l'eau de mer est aussi contaminée qu’à quelques dizaines de kilomètres de la centrale. Des chercheurs ont aussi découvert des points chauds dans des dépressions où la contamination en césium peut être 5 fois plus élevée que dans les environs immédiats ou à l’embouchure des fleuves. Les sédiments de l'embouchure de l’Abukuma, située à Miyagi à 70 km de la centrale, y sont plus de deux fois plus contaminés que dans les environs.
     Toute la faune des fonds marins se contamine au contact des sédiments. Puis, cela remonte la chaîne alimentaire. Une partie des ressources halieutiques est donc touchée et les pêcheurs n’en peuvent plus d’attendre de pouvoir reprendre leurs activités. Un bar avec plus de 1.000 Bq de césium par kilogramme a été pêché récemment au large d'Ibaraki, province limitrophe, au Sud de Fukushima. C'est plus de 10 fois la limite fixée par les autorités.
     Mais à proximité de la centrale, la situation est toute autre: aussi bien l’eau que les sédiments sont contaminés à des niveaux beaucoup plus élevés qu’au large. Les poissons qui vivent dans le port devant la centrale et y sont piégés par les filets mis en place par TEPCo peuvent atteindre des centaines de milliers de becquerels par kilogramme pour le césium. Pour l’ACRO et pour de nombreux experts, c’est le signe que les fuites ne se sont jamais arrêtées, même si les niveaux ne sont pas comparables à ceux d’avril 2011. Des publications scientifiques tentent d’en estimer l’ampleur.
     La présence de tritium dans l’eau de mer au pied de la centrale est aussi une preuve indéniable que cela fuit. Le tritium, hydrogène radioactif, ne s’accumule pas dans les sédiments, contrairement au césium, et se disperse rapidement. Il n’est pas apporté par les rivières. La seule origine possible est la centrale. Et les données ne manquent pas.
     Mais TEPCo a toujours nié que la centrale de Fukushima daï-ichi continue à fuir en mer et les autorités japonaises ne l’ont pas contredite.

     L’eau contaminée, le cauchemar de TEPCo
     Au printemps 2011, pour éviter de nouveaux débordements vers la mer, TEPCo a fait mettre en place, dans l’urgence, une station de traitement des eaux contaminées des sous-sols des bâtiments réacteur. Elle ne retire essentiellement qu’une partie du césium et le sel. Cette station a connu de nombreux déboires au début, puis elle a été remplacée par des unités plus durables.
     L’eau traitée est ensuite réinjectée pour refroidir les réacteurs. TEPCo parle de «circuit fermé».
     - L'eau des sous-sols des réacteurs est très contaminée: 5,4 millions de Bq/l pour les deux césiums dans le réacteur n°1 et 53 millions de Bq/l dans le réacteur n°2 (prélèvement du 22 mai 2013). Les niveaux sont similaires dans d'autres bâtiments. A la sortie de l'installation de traitement des eaux, il reste du césium 137, jusqu'à 2.700 Bq/L au niveau de l'unité de désalinisation. Il y a d'autres éléments radioactifs, comme de l'antimoine 125 ou du tritium. La contamination bêta totale y atteint encore presque 100 millions de Bq/l.
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     Mais la compagnie s’est rapidement aperçue que le compte n’y était pas: 400 m3 d’eau souterraine pénètre chaque jour dans les sous-sols et vient se mélanger à l’eau qui s’est contaminée au contact des combustibles qui ne sont plus protégés par une gaine métallique. La compagnie doit donc pomper ces 400 m3 quotidiennement en plus des 300 m3 qu’elle injecte pour refroidir les réacteurs. Ainsi, jours après jours, ces 400 m3s’accumulent et TEPCo ne sait plus où mettre les cuves de stockage.
     Fin mars 2013, TEPCo estimait à 76.000 m3 la quantité d’eau contaminée dans les sous-sols des réacteurs 1 à 4. Il y avait 40.000 autres mètres cubes ailleurs. A cela s'ajoutait l'eau des 930 cuves, avec plus de 260.000 m3.
     Au 7 mai, il y avait 290.000 m3 d'eau contaminée dans 940 cuves, plus environ 94.500 m3 dans les sous-sols. TEPCo veut atteindre une capacité de stockage de 700.000 m3 d'ici 2015, mais ne sait pas encore où elle va mettre les cuves.
A tout cela s’ajoutent les boues de traitement qui constituent des déchets très radioactifs à vie longue sans solution.(...)

     Conclusion
     Peut-on conclure? Le fait que la centrale fuit en mer est une évidence depuis longtemps. TEPCo a refusé de voir l’évidence car elle n’a pas de solution et ses finances sont à sec. Ce stockage souterrain dans les galeries, tranchées etc est bien pratique car il permet de faire des économies de cuves. Alors, pas vu, pas pris. Quand l’ampleur des fuites a changé, TEPCo a dû se résigner à admettre les faits. Mais c’est trop tard pour agir, elle aurait dû le faire avant.
     Si l'on avait dit honnêtement aux pêcheurs qu'il y a 300 m3 d'eau radioactive qui s'écoulent dans l'océan et qu'en pompant 100 m3 par jour en amont de la centrale on espère pouvoir diminuer ces fuites, ils auraient accepté. Là encore, quelle perte de temps! Cette pollution va venir s’ajouter aux rejets passés, retardant d’autant tout espoir de voir renaître les activités marines.
     Un collectif d'ONG et d'élus a demandé aux autorités de consacrer plus de moyens humains au problème des fuites, quitte à retarder l'instruction des dossiers de demande de redémarrage de quelques réacteurs nucléaires. Actuellement, d'après le Japan Times, 80 employés de la NRA travaillent sur les dossiers de sûreté des réacteurs et 42 sur la crise à Fukushima.
     TEPCo qui, par le passé, n’avait pas hésité à falsifier des rapports de sûreté, reste TEPCo. Ces explications sur ses erreurs de communication ne sont pas recevables. Quand de la vapeur d’eau s’échappant du réacteur n°3 a été récemment découverte, TEPCo a immédiatement dit que c’était la pluie. Elle n’a pas attendu d’être sûre d’elle. Or ce n’était pas la pluie... Elle a reconnu par la suite qu’elle injecte 16 m3/h d’azote et qu’elle n’en récupère que 13 m3/h. Les 3 m3/h restant s’échappent par elle ne sait où. Et ces gaz sont radioactifs.
     Le rejet atmosphérique pour les trois réacteurs est de l'ordre de 10 millions de Bq/h (10 MBq/h). Il doit ne s’agir que du césium. Si l'on multiplie 24 h et 365 j, on arrive à presque 88 milliards de Bq/an (88 GBq/an). C'est beaucoup plus que les rejets aériens d'une centrale nucléaire en fonctionnement normal et même que les rejets aériens en césium de l'usine de retraitement de La Hague. Les graphes montrent que ces rejets sont stables depuis un an. TEPCo évalue l'impact sanitaire à la bordure du site à 0,03 mSv/an. Il n'est pas dit comment ils ont fait le calcul. C'est moins que ce qui dû à la contamination des sols au même endroit, mais ce serait jamais accepté pour une centrale en fonctionnement normal.
     Le pire est peut-être devant nous. En cas de grave problème dans le stockage de l’eau contaminée, suite à un séisme par exemple, ce sera une nouvelle fuite majeure. La situation à la centrale reste très fragile: on se souvient qu’un rat a fait disjoncter 9 installations.
     Mais TEPco reste optimiste. Elle a publié une nouvelle version de sa feuille de route qui prévoit le retrait du corium (combustible fondu) à partir de 2020 pour les réacteurs 1 et 2, et 2021 pour le 3. C'est 18 mois plus tôt que pour la précédente feuille de route. On ne sait pas encore quel jour...

Petit ajout du dernière minute

     TEPco reconnaît savoir depuis le début que des centaines de tonnes d’eau contaminée se sont déversées dans l’océan...
     Comme quoi la politique du «pas vu, pas pris» n’est pas une solution adéquate surtout quand il s’agit d’un accident majeur.
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