Rarement le Rapport annuel sur la sûreté et la
radioprotection n’a suscité autant d’articles dans la presse et de
commentaires. Pourtant rien ne semble différencier le cru 2015 de celui
des années précédentes. (suite)L’Autorité nucléaire propose un discours de prime abord très classique. Mais la prose de l’ASN est plus complexe que peut le laisser penser une lecture rapide. Chaque mot compte surtout ceux qui sont soigneusement évités par les rédacteurs du rapport: «L’année 2014 se situe globalement dans la continuité des années précédentes en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Dans l’ensemble, la situation reste assez satisfaisante, mais on ne doit pas s’en tenir là. En effet, l’importance des enjeux et les attentes de la radioprotection au vu de l’analyse des accidents, de l’accroissement des connaissances scientifiques et des développements technologiques.» La sûreté nucléaire ne progresse guère en France puisqu’on est «dans la continuité des années précédentes» Sans le dire explicitement, l’Autorité de sûreté nous rappelle que ce qu’elle met en cause années après années n’entraîne aucune évolution notoire de l’état du parc nucléaire. Et elle considère qu’il est toujours aussi urgent de «relever les exigences de sûreté» ne serait-ce que progressivement. Ces mots ont d’autant plus de force que la publication du Rapport 2014 intervient au moment même où l’Autorité publie un avis extrêmement sévère sur l’EPR: L’ASN a été informée par AREVA d’une anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville. La réglementation relative aux équipements sous pression nucléaires impose au fabricant de maîtriser les risques d’hétérogénéité des matériaux utilisés pour fabriquer les composants les plus importants pour la sûreté. Pour répondre à cette exigence technique, AREVA a mené des essais chimiques et mécaniques sur un couvercle de cuve similaire à celui du réacteur EPR de Flamanville. Les résultats de ces essais ont montré, fin 2014, la présence d’une zone présentant une concentration importante en carbone et conduisant à des valeurs de résilience mécanique plus faibles qu’attendues. (.../...) |
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(.../...) Des premières mesures ont confirmé la
présence de cette anomalie dans le couvercle et le fond de la cuve de
l’EPR de Flamanville. AREVA a proposé à l’ASN de réaliser à partir
d’avril 2015 une nouvelle campagne d’essais approfondie sur un
couvercle représentatif pour connaître précisément la localisation de
la zone concernée ainsi que ses propriétés mécaniques. p.1L’ASN se prononcera sur le programme d’essais, contrôlera sa bonne réalisation et instruira le dossier que présentera AREVA pour démontrer la résistance de la cuve du réacteur EPR de Flamanville. Elle fera notamment appel à son appui technique, l’IRSN, et au Groupe permanent d’experts dédié aux équipements sous pression nucléaires. Force est de reconnaître avec Greenpeace France qu’il s’agit d’un «problème grave, très grave». L’Autorité de sûreté nucléaire vient de porter le coup de grâce au projet EPR... qui ne l’a jamais convaincu. Par cet avis, l’ASN donne à voir clairement le pouvoir que lui ont accordé des textes successifs depuis 1999 et surtout une capacité à mettre au jour l’inconséquence de l’industrie nucléaire. Quelque chose a bel et bien changé en France, les privilèges du nucléaire s’érodent au fil du temps. Même Sylvestre Huet, journaliste qui a toujours été très favorable à l’industrie nucléaire, remarque ce changement d’époque. Trois ans après Fukushima, l’actualité de l’accident nucléaire est dans tous les esprits. La sortie du «tout nucléaire» est acquise. Reste à déterminer comment va être accompagnée la diminution progressive d’un parc nucléaire dont le manque de robustesse est chaque jour plus évident. Reste à savoir si l'ASN disposera enfin de toute l'autonomie requise pour décréter des mises à l'arrêt immédiate sans craindre les foudres de Bercy ou de l'Elysée. Restent à envisager de nouvelles modalités pour que l'information du public soit plus précise... Si tout change, rien ne bouge... Aujourd'hui on est en droit de s'inquiéter. La lecture attentive des rapports successifs depuis 2012 donne à voir une normalisation inquiétante du discours. Si on perçoit entre les lignes que les inquiétudes de l'Autorité sont fortes, il apparaît clairement que le discours est contraint. |
La parole officielle n'évolue guère. Les tutelles
de l'ASN lui recommande de produire un discours rassurant. Comme le
Serpent Kaa dans le Livre de la Jungle, l'Etat nous enjoint d'avoir confiance.
Si quelques soucis existent par endroit la sûreté est garantie partout.
À croire que l'accumulation des défaillances et des écarts donne une
somme nulle. Quel que soit l'état effectif des installations
nucléaires, l'image d'une industrie vertueuse doit être présentée au
public. (suite)Une fois de plus le Rapport de sûreté de l'ASN peine à cacher cette contradiction entre la situation réelle de l'industrie nucléaire et les choix politiques. En 2014, la tension est clairement palpable entre ce que l'Autorité voudrait dire et ce qu'elle dit effectivement. Alors que le spectacle de la déliquescence de l’industrie nucléaire est de plus en plus évident nous est servi la ritournelle classique du «tout va bien à quelques exceptions près»: «Ce principe de renforcement de la sûreté et de la radioprotection s’applique à toutes les installations, y compris à celles qui sont aujourd’hui en service depuis de nombreuses décennies. Les problèmes rencontrés en 2014 sur certaines installations (CISbio international, Osiris, FBFC...) sont l’illustration de la difficulté de mise en œuvre de ce principe. Dans la même logique, l’éventuelle poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires au-delà de quarante ans et les nombreux réexamens de sûreté engagés des installations de recherche et du cycle du combustible donneront lieu à des rendez-vous majeurs et complexes dès 2015.» On a affaire à une sorte de procrastination appliquée au contrôle de sûreté. Les décisions nécessaires aujourd’hui sont renvoyées à demain. Voilà encore une année de gagner pour l’industrie nucléaire qui envers et contre tout conserve le soutien des instances gouvernementales. La transition énergétique promise ne change rien à cela. La loi qui est en cours de finalisation aggrave même la situation. Elle a fait sauter l’ancienne limite des trente années d’exploitation. Et l’ASN s'est trouvée contrainte de présenter le calendrier des quatrièmes visites décennales lors de la rencontre nationale des CLI en décembre dernier. Si «la possibilité de poursuite du fonctionnement des réacteurs d’EDF au-delà de leur quatrième réexamen de sûreté» n'est pas garantie, il semblerait bel et bien que la dynamique est engagée. Le rapport 2014 précise en effet que «le premier réexamen de sûreté concerné interviendra dès 2020.» Alors même que le retour d’expérience des «VD3» n’a pas eu lieu, l’Autorité de sûreté est entraînée dans une fuite en avant inquiétante par l’Etat. Elle a beau préciser que la poursuite du fonctionnement des réacteurs d’EDF au-delà de leur quatrième réexamen de sûreté n’est pas acquise, cela ne gêne pas en haut lieu. L’important est de poursuivre coûte que coûte l’exploitation de vieilles casseroles faute d’alternative énergétique disponible tout du moins en France. Tout porte à croire que l’Autorité de sûreté est contrainte de s’engager dans une voie qu’elle n’a pas choisie ni souhaitée. Le drame est qu'elle reçoit bien peu en contrepartie de sa fidélité au cadre politique qui lui est imposé. Les effectifs qu’elle demande n’arrivent qu’au compte-goutte et le renforcement de ses pouvoirs de sanction se fait attendre. La dynamique engagée à l’issue de Fukushima semble bel et bien freinée... L’image d’un système de sûreté français exemplaire en prend un coup. À force de rogner les moyens de l’ASN, d’exercer des pressions institutionnelles pour modérer ses avis, et surtout s’esquiver les revendications de la société civile, les acquis s’étiolent et la capacité à faire face à de nouveaux enjeux est fragilisée. «Le collège de l’ASN a rendu en 2014 deux avis qui soulignent la nécessité de renforcer le dispositif de contrôle de l’État pour faire face à des enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection sans précédent, tels que les suites de la catastrophe de Fukushima, la généralisation des réévaluations de sûreté à l’ensemble des installations nucléaires, la poursuite éventuelle du fonctionnement des réacteurs d’EDF au-delà de leur quatrième réexamen de sûreté, le contrôle de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville et l’évaluation de sûreté des projets de stockage de déchets radioactifs. Le besoin d’un tel renforcement a été confirmé par l’audit du système du système français de contrôle de la sûreté et de la radioprotection réalisé en 2014 sous l’égide de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique par une équipe d’experts internationaux.» |
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Comment s’étonner dès lors que l’éditorial du Collège se termine
par une injonction claire adressée à l’Etat nucléaire? p.16«Une réforme est donc nécessaire pour doter l’ASN et l’IRSN d’un financement adapté et adaptable aux enjeux, reposant à la fois sur le budget de l’État et sur une contribution annuelle des exploitants nucléaires, fixée par le Parlement.» Tout cela n’a rien de très rassurant. Si la lecture de l’imposant rapport 2014 de l’ASN apporte une fois encore une masse d’informations utiles pour mieux comprendre la situation de l’industrie nucléaire, sa lecture laisse un goût amer. L’indépendance de l’Autorité de sûreté semble de plus en plus relative pour ne pas dire compromise. Ainsi voit-on apparaître des expressions nouvelles comme «mitigation d’un accident nucléaire» Cette notion jusque-là réservée aux risques naturels est à présent appliquée au domaine nucléaire. «L'objectif de la mitigation est d'atténuer les dommages, en réduisant soit l'intensité de certains aléas (inondations, coulées de boue, avalanches, etc.), soit la vulnérabilité des enjeux. Cette notion concerne notamment les biens économiques: les constructions, les bâtiments industriels et commerciaux, ceux nécessaires à la gestion de crise, les réseaux de communication, d'électricité, d'eau, de communication, etc.» Jusque-là, il était seulement question de limiter les effets d’un accident considéré comme très improbable. À présent que chacun reconnaît l’accident comme inéluctable, la doctrine de sûreté évolue insensiblement. Puisque la réduction à la source ne sera jamais acquise et l’intérêt national impose de persévérer dans le nucléaire, il s’agit d’organiser la réponse accidentelle. C’est bien ainsi qu’à commencer l’année 2014 avec la publication du terrifiant plan du SGDSN... Quelle mission revient à l’ASN dans ce nouveau contexte? N’être que l’huissier en charge de surveiller une industrie qui en dernier recours bénéficiera toujours de la clémence de l’Etat. Clémence qui en devient absurde lorsque l’impasse économique dans laquelle l'industrie nucléaire a plongé le pays est évidente... 2014, une année pourtant très riche Derrière le discours rassurant, il est nécessaire de lire plus en détail la prose de l'Autorité de sûreté. Une fois qu'elle a donné des gages à ses tutelles, elle peut - avec cette prudence qui la caractérise -livrer des informations qui méritent toute notre attention. L'année 2014 a ainsi été très riche. L'ASN a renforcé la réglementation sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, pris des décisions plutôt audacieuses en réponse à des critiques anciennes du mouvement antinucléaire. Voilà quelques exemples: Risque sismique: «Le 21 janvier 2014, elle a notamment fixé, pour les centrales nucléaires d’EDF, le niveau de l’aléa sismique auquel ce dernier doit résister. À cette occasion, elle a aussi indiqué que, dans la gestion d’une telle situation, le refroidissement du réacteur et l’évacuation de la puissance devaient privilégier l’usage des générateurs de vapeur et que l’étanchéité de l’enceinte de confinement devait être préservée le plus longtemps possible.» Noyaux durs: «Du 22 octobre au 21 novembre 2014, l’ASN a mis à la consultation du public les projets de décisions fixant les prescriptions complémentaires applicables au «noyau dur» pour les installations d’Areva et du CEA. Ces prescriptions définissent notamment les agressions à prendre en compte pour ce «noyau dur» ainsi que les exigences de dimensionnement associées. Les décisions correspondantes ont été approuvées en janvier 2015.» Contrôle des réacteurs en activité: «Il s’agit notamment de la centrale du Blayais, dans laquelle EDF doit remplacer les trois générateurs de vapeur du réacteur 3 en raison de l’usure de leurs faisceaux tubulaires. Après examen de la conception et de la fabrication des nouveaux générateurs de vapeur, fabriqués par Areva, l’ASN avait constaté qu’Areva n’avait pas apporté toutes les justifications de sûreté nécessaires. En préalable au montage puis à la mise en service des nouveaux générateurs de vapeur, en novembre 2014, le président de l’ASN a donc demandé à Areva et à EDF d’apporter ces justifications de sûreté, notamment sur les sollicitations mécaniques pour le dimensionnement des équipements, les propriétés mécaniques de certains matériaux, la représentativité des méthodes de calcul pour vérifier la tenue mécanique des équipements ou encore l’adéquation des méthodes de contrôles à la détection des défauts potentiels.» |
Mise sous surveillance renforcée de l’Usine AREVA de Romans-sur-Isère: «L’ASN a en outre placé l’installation FBFC d’Areva sous surveillance renforcée. Cette décision fait suite à des constats
préoccupants sur le management de la sûreté, la rigueur d’exploitation,
notamment vis-à-vis de la maîtrise du risque de criticité, et le
pilotage des projets. Le collège de l’ASN a convoqué la
direction générale de l’établissement en février 2014 et une rencontre
avec l’ensemble du management a été organisée sur site en mai. L’ASN
prendra position à la suite de l’analyse du plan d’action élaboré par
FBFC et à l’inspection de revue réalisée en novembre 2014.» (suite)Mise à l’arrêt définitif du réacteur Osiris de Saclay: «En 2008, eu égard aux risques présentés par le réacteur expérimental Osiris mis en fonctionnement il y a 50 ans à Saclay, en région parisienne, et sur la base des engagements du CEA, l’ASN avait prescrit d’arrêter ce réacteur en 2015. Conformément à la position de l’ASN, publiée durant l’été 2014, le Gouvernement a confirmé l’arrêt du réacteur fin 2015. L’ASN avait alerté les différentes parties concernées dès 2009 sur les enjeux internationaux et nationaux associés à la production de radiopharmaceutiques par des réacteurs expérimentaux.» Médecine nucléaire: «En 2014, l’ASN a publié le bilan des inspections menées dans les 217 services de médecine nucléaire français entre 2009 à 2011. Si l’état de la radioprotection est jugé globalement satisfaisant, des progrès sont encore attendus en ce qui concerne la formation du personnel à la radioprotection des patients et des travailleurs, la réalisation des études de poste pour l’ensemble des personnels, les contrôles de qualité interne et la complétude des plans de gestion des déchets et des effluents.» Mais dans le même temps elle a aussi admis des poursuites de fonctionnement au mieux surprenantes au vu de l'état effectif des installations concernées: Prescriptions encadrant la poursuite de fonctionnement de réacteurs: «En 2014, l’ASN a encadré par des prescriptions la poursuite de fonctionnement au-delà de son troisième réexamen de sûreté du réacteur 1 de Dampierre-en-Burly, et au-delà de leur deuxième réexamen de sûreté des réacteurs 1 et 2 de Nogent-sur-Seine, 2 et 3 de Cattenom, 1 et 2 de Saint-Alban/Saint-Maurice, 1 de Penly.» Prescriptions encadrant la poursuite de fonctionnement d’installations du cycle du combustible: «en 2014, l’ASN a aussi encadré par des prescriptions la poursuite de fonctionnement au-delà de leur examen de sûreté de plusieurs installations d’Areva (Mélox - usine de fabrication de combustible de MOX à Marcoule, et IARU - installation d’assainissement et de récupération de l’uranium du site de Tricastin) et du CEA (réacteurs Éole et Minerve à Cadarache). Il s’agissait du premier réexamen de sûreté de ces installations, qui n’étaient pas soumises à ce processus avant la loi TSN de 2006.» Finalement le bilan 2014 est au mieux mitigé. Si certaines actions sont intéressantes, d'autres sont pour le moins décevantes. Dès qu'une nécessité économique est en jeu, il semblerait que l'ASN devienne soudainement très tolérante. Ce paradoxe n'est pas de son fait. Comme le donne à voir l'inspection de l'AIEA qui a eu lieu en novembre 2014, certaines missions de l'ASN pourraient être perfectionnées: «En novembre 2014, le système français de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a été évalué par une équipe européenne sur la sûreté nucléaire prévoyant de recevoir une mission de revue par les pairs tous les dix ans. L’équipe a identifié de bonnes pratiques comme l’implication des parties prenantes, l’indépendance des commissaires et du personnel de l’ASN, la coordination entre les organismes de contrôle impliqués dans la planification d’urgence. La mission a aussi identifié quelques points qui méritent une attention particulière ou des améliorations, notamment, le cadre réglementaire pour le contrôle des expositions dans le domaine médical, le système utilisé par l’ASN pour évaluer et modifier son cadre réglementaire ou les moyens humains et financiers dont dispose l’ASN pour l’exercice de ses missions. Le rapport définitif de l’AIEA a été transmis à la France au premier trimestre 2015 et publié sur le site Internet de l’ASN.» |
suite:
Le rapport parle de lui-même. L'exemplarité de l'ASN est en fait toute relative.
Ce ne sont pas tant ses méthodes et ses personnels qui sont ici mis en
cause mais les moyens dont elle dispose. Alors que la loi de transition
promise pour 2013 lors de la campagne présidentielle n'est toujours pas
promulguée, il apparaît clairement que
le contrôle des installations nucléaires est nettement perfectible...
si tant est qu'une volonté politique réelle existe en ce sens! p.17Quelques éléments amènent à en douter. Des rubriques qui figuraient dans les Rapports des années précédentes ne figurent plus dans le cru 2014. C’est le cas par exemple du chapitre «gérer l’urgence» présent en 2013. Pourtant il était annoncé qu’en 2014, «les exercices viseront le déploiement du plan gouvernemental de gestion de crise et de la démarche post-accidentelle.» Point de trace de tout cela dans l’introduction de Jean-Christophe Niel. Alors qu'il a été fixé en décembre 2013 un programme précis avec des objectifs clairement définis, il est étonnant que l’ASN ne publie aucun bilan de ces exercices... serait-ce que cette lui responsabilité lui échappe désormais? Une fois encore ces exercices de crise ont donné à voir une efficience toute relative. Tout récemment à Gravelines l’événement a tourné à la farce. «S’il y a un jour un pépin, observe Jean-Claude Delalonde, c’est vers les élus locaux et non le préfet ou le ministre que la population se tournera. Et s’ils n’ont pas été préparés à la crise, ce sera la panique et une grande pagaille», s’inquiète-t-il. En septembre 2014 à Cattenom, un exercice de grande ampleur a eu lieu. Le bilan n’a guère été plus honorable que l’année précédente comme l’a rapporté Dominique Boutin lors du séminaire de l’ANCCLI du 15 et 16 Octobre 2014. «Le CODir-PA a fait certes de nombreux progrès dans l’approche formelle et les REX montrent bien les évolutions dans le bon sens... Mais on ne peut pas encore se vanter d’être opérationnel sur le terrain. Il n’est qu’à voir encore les comportements de l’opérateur vis-à-vis de la« transparence effective » pour des broutilles, pour s’inquiéter de sa gestion «à la TEPCO» et donc faire sous-estimer la nature du risque réel. Les temps de transfert formel de l’information et des consignes me paraissent aussi comme un handicap majeur. Ainsi, le fait de ne pas anticiper certaine opération me paraît dommageable. Par exemple, ne pas anticiper la phase «post-accidentelle» en la tuilant avec la phase de crise....peut conduire à du flou généralisé et de la perte de confiance envers les acteurs responsables.» On aurait attendu quelques commentaires de l’Autorité de sûreté dès l’introduction du Rapport 2014. Comme on aurait aimé avoir quelques informations sur le bilan que tire l’ASN des consultations du public qu’elle met en œuvre en amont de ses prises de décision. Décidément on a l’impression d’avoir affaire en 2014 à un exercice formel qui rompt avec le souci d’ouverture qui a prévalu au cours des années précédentes. Il est très important que l’Autorité de sûreté s’occupe du radon ou qu’elle surveille le retrait des sept millions de détecteurs de fumée radioactifs installés sur le territoire. Mais le mouvement antinucléaire attend plus que cela. Pour ne prendre qu'un exemple on peut se demander comment se fait-il que la question de la reprise et du conditionnement des déchets anciens de La Hague ait tant tardé? Cette question mérite d’être posée d’autant plus que la décision prise après consultation du public en 2014 suscite au mieux de sérieux doutes. Une fois encore, on a la très désagréable impression que l’Autorité de sûreté se trouve contrainte de valider les choix de l’exploitant. Mais ce qui peut être fait dans des conditions économiquement acceptable ne correspond pas aux nécessités de sûreté ni à la protection de l’environnement et de la santé publique. Et aujourd’hui on se trouve face à la menace d’une nouvelle extension des capacités d’entreposage sur le site de La Hague. De nouveaux bâtiments vont être construits en 2018 et 2022 pour accueillir 12000 CSD. Ne serait-il pas temps de décréter l’arrêt d’une telle accumulation de matières radioactives dans le Nord Cotentin? Même si ce projet donne à voir que Cigéo a décidément du plomb dans l’aile, personne ne peut se satisfaire de cette dérive. La Normandie n’a pas vocation à devenir la poubelle nucléaire de la France... alors que les défaillances d’un procédé obsolète sont de plus en plus fréquentes. Ne reviendrait-il pas à une autorité de sûreté pleinement autonome de tirer les conséquences nécessaires de cette situation absurde et périlleuse? |
En tout cas beaucoup attendent une plus grande transparence.
Elle s'impose à l'heure où le dialogue environnemental est à l'ordre du
jour du conseil national de la transition énergétique. L'ASN ne peut
plus se contenter de présenter ses décisions et quelques données très
générales. Il est nécessaire qu'elle fournisse des informations
précises sur la situation du parc nucléaire, qu'elle explique pourquoi
elle fait tel ou tel choix. Ne conviendrait-il pas ainsi que des
indicateurs précis soient établis pour apprécier la sûreté, la
robustesse et la fiabilité d'une installation? Ne conviendrait-il pas
que les rapports de sûreté donnent à voir les débats qui existent
autour de la sûreté nucléaire et de la radioprotection? Ne
conviendrait-il pas que les rapports ne présentant pas seulement ce qui
a été fait mais comment cela l'a été et les difficultés rencontrées? (suite)Ce ne sont pas là des questions futiles. L'enjeu pour l'ASN est de renforcer cette relation de confiance avec le public qu'elle a l'ambition de construire... COMMENTAIRE Cette analyse du Réseau Sortir du nucléaire montre la difficulté de fournir de l’information: il est clair que les dossiers sont longs à traiter, mais on peut au moins faire des points intermédiaires. De plus il faut effectivement que l’ASN explicite mieux son suivi d’EDF et qu’on obtienne l’accès aux réponses d’EDF aux injonctions ASN. Par exemple sur la reprise des déchets anciens de la Hague les premières demandes datent de 1984. Cogéma à l’époque avait mieux à faire avec la construction de UP3 et ce malgré un rappel de la DSIN (Michel Lavérie en était le chef) menaçant de ne pas autoriser cette usine si un plan de reprise n’était pas commencé. |
suite:
Il a donné un avis défavorable à la poursuite de l’expérience
Superphénix d’où l’intronisation de son successeur André-Claude
Lacoste. Celui-ci a poursuivi la demande et a réclamé un bilan à son
représentant à Caen. Ceci a donné un bilan très bien documenté en 1998.
Et une fois de plus il a été rappelé à Cogéma la date de 2030. p.18Notons d’ailleurs qu’en 2015 c’est toujours pour 2030 qu’il faut assainir la Hague. L’ASN a demandé à obtenir de moyens humains en plus grand nombre pour pouvoir effectuer un meilleur suivi des installations. Elle a également demandé à bénéficier de pouvoirs plus étendus: amendes, procès-verbaux, fermeture temporaire, etc. Il nous fallait un expert public de qualité et l’IRSN est devenu cet expert en 2002. Cet organisme a bien progressé en quelques années et est un appui sérieux pour l’ASN et les citoyens. Sachons leur poser des questions et travailler pour que tous les dossiers soient ouverts. Certes cela ne suffira pas si chaque fois que les associations (en experts, en connaisseurs de leur environnement, en travailleurs,…) expriment une opinion, suggèrent une approche, proposent et que la réponse est: «on vous présente une étude, un texte, mais on ne peut pas revoir les points de mesures, on ne peut pas vous répondre plus vite, on ne peut pas accepter votre proposition» soit parce que le temps est déjà dépassé, et cela demanderait des études complémentaires... Une fois c’est admissible. À chaque fois cela nuit à la participation: il est vrai qu’admettre des interlocuteurs jusqu’au niveau décisionnel ce n’est pas fréquent. Dommage!!! |