L'homme n'a pas attendu la fin
de ce siècle pour se chauffer, se mouvoir, produire, grâce
à l'énergie solaire. Elle a longtemps constitué l'unique
ressource énergétique de l'humanité; toutefois, la
civilisation industrielle n'a pu s'accomoder d'une ressource abondante
mais capricieuse, naturelle mais fugitive. Face aux problèmes que
pose l'utilisation des énergies non renouvelables (raréfaction
des ressources, effets négatifs sur l'environnement, risques de
tensions internationales), les énergies renouvelables - flux
permanents (1) d'énergie qui finissent de toute façon dégradés
dans l'environnement - sont redécouvertes et font l'objet de nombreuses
études techniques visant à les domestiquer.
Pour bien appréhender le rôle qu'elles
pourront jouer dans le futur, on peut relever six points iimportants.
La part des énergies renouvelables dans la couverture des
besoins humains a atteint son minium et a maintenant tendance à
croître.
Il s'agit sans doute d'une tendance lourde, qui
a pour origine l'amélioration technique des différentes filières
concernées et les problèmes environnementaux liés
à l'utilisation des autres ressources. Ces énergies couvrent
environ 13% des besoins énergétiques mondiaux, le taux étant
très variable d'un pays à l'autre. En Europe (2),
la couverture n'est que de 5.4%: elle se situe entre 24% pour l'Autriche
ou la Suède et 0.6% pour le Royaume Uni. La Suisse est dans le peloton
de tête avec 16%. Point important à souligner: cette part
n'était que de 5% en 1990, ce qui représente une augmentation
relative de 8% en quatre années. Curieusement, grâce à
son abondance, le charbon suit aussi la même voie puisque, après
avoir baissé depuis le milieu de ce siècle, sa contribution
augmentera très certainement dans l'avenir.
L'utilisation énergétique de la biomasse
constitue encore le pilier des énergies renouvelables, principalement
au Sud.
Toutefois, l'homme a à son égard un
comportement essentiellement de prédateur qui doit être radicalement
modifié pour qu'elle mérite véritablement son qualificatif
de «renouvelable». Exploitation «raisonnable» de
la forêt, développement de cultures énergétiques
efficaces et ne concurrençant pas la production alimentaire sont
quelques-uns des défis à relever pour que le potentiel important
de cette filière soit pleinement et durablement exploité,
ce qui serait une révolution dans les rapports que l'homme entretient
avec la nature.
Aujourd'hui, elle est majoritairement utilisée
dans les pays du Sud, où elle constitue souvent l'essentiel de la
consommation énergétique. Le revenu moyen par habitant est
un bon indicateur de son utilisation: en dessous de 300$ de revenu national
par habitant et par année, plus de 90% de l'énergie est fournie
par la biomasse, en dessus de 2000$, la substitution est presque complète.
(Figure 1)
Les filières très anciennes, datant de l'Antiquité
(hydraulique
et éolienne),
ont pleinement bénéficié d'avancées techniques
(turbines, aéronautique, etc.) et constituent encore des technologies
sur lesquelles il faut compter.
Les moulins ont totalement disparu et la force de
l'eau est utilisée aujourd'hui pour produire de l'électricité
qui peut être facilement transportée et distribuée
grâce au développement du réseau électrique.
Le taux d'équipement de l'hydroélectricité est très
variable d'un continent à l'autre: très élevé
en Europe (80%), moyen en Amérique du Nord (50%) et faible en Amérique
latine, Afrique et Asie (< 30%), qui possèdent un potentiel énorme.
L'impact sur l'environnement que peuvent avoir de grands barrages, comme
Assouan en Egypte ou le futur barrage des Trois Gorges en Chine, peut être
important; sans que cela soit d'ailleurs une fatalité (voir l'utilisation
du potentiel hydraulique des pays de l'arc alpin, par exemple). La mise
en oeuvre d'installations plus petites (jusqu'aux microcentrales de quelques
kW) est nettement plus favorable de ce point de vue.
A plus long terme, seule une transformation intensive issue directement
du rayonnement solaire
a la capacité quantitative de se substituer
aux énergies fossiles, à condition que la demande en énergie
se stabilise grâce à une utilisation plus rationnelle.
Le rayonnement solaire constitue une ressource 10000
fois supérieure à la consommation mondiale d'énergie,
répartie assez régulièrement à la surface de
la terre quand on le compare aux autres ressources. L'espace nécessaire
aux transformateurs solaires n'est pas exagérément important
relativement aux autres transformateurs si l'on tient compte de toute la
chaîne, depuis l'extraction jusqu'au traitement des déchets.
Ainsi, la production d'un Exajoule d'électricité (288TWh,
environ la consommation annuelle d'énergie de la Suisse ou 0.3%
de la consommation mondiale) va demander des surfaces au sol très
variables selon les technologies (ref[2]):
biomasse:
125'000 à 250'000 km2
grands barrages: 8'000 à 250'000 km2
petits barrages: 170 à 17'000 km2
vent:
300 à 17'000 km2
photovoltaïque: 1700 à 3300 km2
centrales solaires: 700 à 3000 km2
lignite:
7000km2
gaz naturel:
200 à 700 km2
Les filières renouvelables les plus utilisées aujourd'hui sont les plus extensives, et de plus elles sont liées à d'autres cycles naturels fondamentaux (carbone et eau pour les forêts et les grands barrages). Un exemple d'interférences malheureuses avec le cycle de l'eau est donné par le catastrophique barrage d'Assouan dans la haute vallée du Nil; pour produire la même quantité d'énergie, il suffirait d'installer aujourd'hui une centrale thermique solaire couvrant une surface d'environ 20 km2 (soit une très faible portion de la retenue d'eau actuelle), à des coûts économiques et environnementaux très inférieurs.
Les exploitations intensives (solaire mais aussi éolienne) présentent donc des avantages indéniables en permettant une exploitation de lieux inadaptés pour d'autres activités (déserts, mers, etc.). Des différentes filières possibles, le photovoltaïque semble être le meilleur candidat à long terme. Il constitue également la seule filière réellement nouvelle et en pleine évolution, où le potentiel de nouveautés technologiques est immense. Les possibilités d'un développement rapide sont réelles mais soumises à des contraintes économiques difficiles. Sous nos latitudes, la capacité de pénétration de ces technologies est principalement limitée par la possibilité de stocker l'électricité d'une saison sur l'autre. La filière de l'hydrogène est à ce titre pleine d'avenir.
Il ne faut pas opposer production centralisée et production
décentralisée, qui sont complémentaires.
Un point de vue souvent rencontré veut qu'on
oppose ces deux possibilités. Ne vaut-il pas mieux renoncer à
de tels schémas, souvent purement idéologiques et saisir
toutes les opportunités de développement des énergies
renouvelables: la première forme fournit des kWh à un réseau
tandis que la deuxième fournit soit directement des prestations
dans des zones isolées, soit soulage le réseau existant.
On estime à près de 2 milliards le
nombre de personnes au monde non encore connectées à un réseau
électrique et la plupart ne le seront sans doute pas avant longtempst.
On peut couvrir quelques besoins élémentaires de cette population
(éclairage, radio, etc.) par des mini centrales solaires décentralisées,
individuelles ou collectives: il s'agit d'un marché très
important aussi bien pour la population concernée et pour les acteurs
du photovoltaïque.
La poursuite du développement des énergies renouvelables
suppose une vision à long terme et une action volontariste, comme
le montre clairement le succès de la filière des éoliennes.
Un rôle critique est tenu par les pouvoirs
publics et par les grandes sociétés énergétiques,
en pleine évolution actuellement (mondialisation de l'économie,
affaiblissement du rôle de l'État, libéralisation des
marchés de l'électricité et du gaz). Une attention
particulière sera indispensable pour que la réglementation
qui va être mise en place à l'occasion de la libéralisation
des marchés énergétiques prenne en compte le nécessaire
développement des énergies renouvelables.
Bibliographie citée
[1] D.F. Barnes, W.M. Floor, Rural energy in developing countries:
a challenge for economic development, Annual
review of energy and the environment, vol. 21, 1996, pp. 497-530.
[2] C. Flavin, Domestiquer le soleil et le vent, L'État
de la Planète 1995/1996, pp. 87-113, La Découverte.
Autres ouvrages
J.C. Debeir, J-P: Deléage, D. Hémery, Les servitudes
de la puissance. Une histoire de l'énergie,
Flammarion, 1986.
J-M. Chevalier, R Barbet, L. Beozoni, Économie de l'énergie,
Presses de la fondation nationale des sciences politiques & Dalloz,
1986.
F. Pharabot, Atlas mondial de l'énergie, Editech,
1989.
B. Dessus, Atlas des énergies pour un monde vivable,
Syros, Paris, 1994.
Eolienne: la croissance, Systèmes Solaires,
No110, novembre-décembre 1995.
E. Barbier, Nature and technology of geothermal eneryy. A review,
Renewable
& Sustainable Energy Review, vol.1, No1, March-June 1997, pp.1-67.
C.j. Winter, j. Nitsch, Hydrogen as an energy carrier,
Springer Verlag, 1988.
A. Crober, En captant la chaleur solaire, nous pourrions nous
passer de charbon, La Science et la Vie, Tome V, avril-iuin
1914.
R. Dracker, P. De Laquil III, Progress commercializing solar-electricity
power systems, Annual review of energy and the environment, vol.
21, 1996, pp. 371-402.
Prospective XXle siècle, Systèmes Solaires,
N0 67/68, mars-avril 1991.
1 Au niveau de l'homme, puisque le soleil continuera à
briller encore quelques milliards d'années.
2 Source: Eurostot, cité dans «Energy for the
future: renewabte sources of energy», Green paper for a community
strategy, en circulation, Com (96)576.
Sur le toit de sa propre maison, un ensemble de 60m²
de panneaux photovoltaïques transforment le rayonnement solaire
en électricité, forme d'énergie extrêmement
noble et maniable, ne pouvant cependant pas être conservée
de la sorte. Elle est donc utilisée dans un électrolyseur,
qui sépare de l'eau en ses deux constituants fondamentaux: oxygène
et hydrogène. C'est ce dernier; comprimé et stocké,
qui est en temps voulu injecté dans le moteur tout à fait
traditionnel du véhicule, pour se combiner à nouveau avec
l'oxygène de l'air et libérer l'énergie capturée.
A l'instar de la photosynthèse des végétaux,
le photovoltaïque couplé à l'électrolyse permet
ainsi un stockage direct du flux solaire sous forme de matière,
utilisable ultérieurement. A quelques différences près:
- La photosynthèse implique non seulement le cycle de l'eau
mais également celui du carbone. Bien que la combustion de bois
ou d'autres produits de provenance végétale libère
du CO2, le bilan global n'en est pas altéré (non
brûlés, les végétaux libèrent le carbone
lors de leur mort naturelle) même s'il n'en va pas toujours de même
pour les bilans locaux, lorsque comme dans les villes consommation et production
sont délocalisées. Plus problématique, l'utilisation
de bois énergétique se heurte dans les pays du Sud à
la déforestation, alors que les cultures énergétiques
(huile de colza, alcool de canne à sucre) se posent en principe
de façon concurrentielle face aux cultures nutritives.
- La production d'hydrogène photovoltaïque peut s'imaginer
sur des zones impropres à la végétation telles que
des zones construites ou, à grande échelle, des zones arides.
Il a ainsi déjà été envisagé d'implanter
de grandes centrales d'hydrogène photovoltaïque dans le Sahara
et d'en transporter la production vers les centres de consommation par
pipeline ou gaziers.
- L'efficacité de captage de l'hydrogène photovoltaïque
s'avère être entre trente et cent fois supérieure à
celle de la photosynthèse. La technologie à mettre en oeuvre
est bien sûr supérieure à celle requise par l'agriculture
ou la sylviculture, mais les surfaces nécessaires sont également
bien plus petites.
- Au lieu d'être faite sous forme de combustion, la recombinaison
de l'hydrogène et de l'oxygène peut également se faire
de façon électrochimique et libérer à nouveau
de l'électricité. L'outil permettant cette transformation,
la
pile à combustible, combiné à des moyens de
stockage d'hydrogène dix fois plus légers que ne le sont
les batteries, ouvre ainsi un nouveau potentiel pour les transports alternatifs.
Le problème de stockage de l'électricité
(tout comme d'autres formes d'énergie comme la chaleur) est un problème
relativement moderne, lié à l'utilisation contrôlée
de la plupart des énergies renouvelables (solaire, hydraulique,
éolienne), qui sont des énergies-flux dont l'abondance ne
coïncide généralement pas - localement ou temporellement
- avec les besoins. Par opposition, les énergies non renouvelables
fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon) représentent des
énergies-stock et constituent ainsi une réserve à
priori - en provenance de temps immémorables - de rayonnement solaire
et de carbone. L'émergence depuis la seconde moitié de ce
siècle de l'énergie fissile a cependant elle aussi reposé
le problème du stockage d'électricité. En effet, la
production nucléaire ne peut pas facilement être modulée
au rythme de la consommation et pourrait d'autre part avoir avantage, pour
des raisons de sécurité, à être implantée
loin des centres de consommation.
Intérêt environnemental et technique
En bouclant le cycle de l'eau de façon particulièrement
simple, l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur énergétique
comporte ainsi un double intérêt fondamental. Environnemental
d'une part (suppression des gaz toxiques, CO2 compris, lors
de la combustion) pour autant qu'il soit produit à partir d'une
source énergétique non polluante. Technique d'autre part,
puisque rendant possibles le stockage à long terme et le transport
sur de longues distances d'énergie électrique. La facilité
de transvasement d'un récipient de stockage à un autre en
fait par ailleurs un combustible idéal pour le transport (via le
moteur thermique ou le moteur électrique).
Parmi les différentes filières possibles,
celle consistant à utiliser comme source énergétique
le rayonnement solaire est à la fois la plus élégante
(le soleil étant lui-même à la base de toutes les autres
énergies renouvelables) et porteuse du plus grand potentiel énergétique:
bien que réparti de façon non uniforme sur la planète,
son flux est sans commune mesure avec les autres ressources et se localise
préférentiellement dans les zones en développement.
Alors que tous les composants de cette filière
peuvent actuellement s'obtenir sur le marché, son utilisation est
pourtant extrêmement rare. En Suisse, une seule installation de production
d'hydrogène solaire à des fins énergétiques
est actuellement en fonction - celle de la famille Friedli, à Zollbrück,
entièrement financée par des fonds privés - alors
que dans le reste de l'Europe quelques rares installations portées
par des fonds publics voient le jour ici et là. Plus récemment,
des annonces répétitives de grandes marques de l'automobile
laissent entrevoir un développement du dernier maillon de la chaîne,
à savoir les voitures roulant à l'hydrogène.
Contrôler les risques
Comme pour d'autres filières d'utilisation
des énergies renouvelables, la lenteur de ce développement
s'explique en partie par une compétitivité économique
encore insuffisante avec les vecteurs énergétiques classiques.
Dans le cas particulier, cela semble cependant également tenir tant
à la méconnaissance généralisée de ce
vecteur énergétique qu'au scepticisme voire à la peur
qu'il engendre encore dans la population. En effet, pour le grand public,
la combustion de l'hydrogène (réaction chimique) est souvent
confondue avec sa fusion (réaction nucléaire) utilisée
de façon non contrôlée dans les bombes à hydrogène
et peut-être un jour de façon contrôlée dans
les réacteurs à fusion.
Sa capacité à s'enflammer ou à
exploser à faible concentration déjà lui confère
par ailleurs une réputation de gaz dangereux, entre autre forgée
par l'explosion du ballon dirigeable «Hindenburg» en 1937.
Ceci occulte généralement le fait que, contrairement au gaz
naturel ou aux vapeurs d'essence, il est plus léger que l'air et
qu'il ne s'accumule pas au sol en cas de fuite dans un local ventilé,
mais s'échappe vers l'atmosphère.
D'importants travaux visant à contrôler
le risque lié à l'utilisation de l'hydrogène sont
par ailleurs en cours, dont le développement d'hydrures métalliques
fiables et bon marché. Il s'agit là de poudres métalliques
qui ont la propriété d'absorber l'hydrogène à
haute densité (plus de 10 fois l'équivalent énergétique
d'un stockage en batteries de plomb) au sein de leur structure atomique,
en relâchant de la chaleur vers l'extérieur. Inversement,
le soutirage d'hydrogène nécessite un apport calorifique
de l'environnement, ce qui empêche des fuites massives lors de ruptures
d'enceintes. Ainsi une expérience de tir au fusil d'assaut sur une
bonbonne de gaz, un bidon d'essence et un stock d'hydrures métalliques
de même contenu énergétique provoque respectivement
une explosion, un incendie ou une petite flamme, facilement contrôlable.
Afin de préparer la mise en place et d'évaluer
le potentiel d'une véritable filière de production et d'utilisation
d'hydrogène solaire, il est aujourd'hui primordial d'allier recherche
fondamentale, recherche appliquée et réalisation d'installations
de démonstration. C'est ainsi que depuis plus de deux ans des chercheurs
du CUEPE, oeuvrant dans l'analyse de systèmes énergétiques,
collaborent étroitement avec le laboratoire de cristallographie,
spécialisé dans le développement d'hydrures métalliques,
avec pour base de travail tant le développement en laboratoire de
nouveaux composés de stockage que l'analyse in situ d'une installation
privée, grandeur nature, fonctionnant en conditions réelles.
Lorsqu'on aborde le problème des énergies
renouvelables et plus particulièrement de l'énergie solaire,
le principal discours est que l'apport du solaire dans nos régions
est si faible que sa contribution est presque négligeable en comparaison
de la consommation globale d'énergie. Si l'on s'en tient strictement
aux chiffres, le raisonnement est certainement valable. La consommation
d'énergie étant en constante augmentation et les réserves
limitées, c'est vers les énergies renouvelables que l'on
peut s'orienter. Le rayonnement solaire sera toujours suffisant pour suppléer
à un certain pourcentage de notre consommation, et cette fraction
sera d'autant plus grande que la consommation sera faible. Puisque le gisement
solaire est quelque chose de plus ou moins immuable, c'est sur la consommation
qu'il faut agir, et cela sans diminution de confort, mais par l'utilisation
rationnelle de l'énergie. Cette remarque est vraie quelle que soit
la source d'énergie. En effet, rien ne sert de chauffer une piscine
avec des capteurs sophistiqués ou d'essayer de subvenir à
tous les besoins en eau chaude avec des capteurs de première génération:
il faut adapter l'utilisation de l'énergie solaire à ses
besoins et optimiser l'efficacité de captage-stockage.
Le soleil peut être considéré
comme à l'origine de la plupart des énergies renouvelables
à notre disposition: énergie éolienne, hydraulique,
etc. Mais son attrait principal reste le rayonnement directement utilisable
sous forme thermique ou photovoltaïque. En effet, la puissance émise
par le soleil est de l'ordre de 3.8 1026 Watts, dont seul 0.00000005%
est intercepté par la terre. Compte tenu de la réflexion
vers l'espace, de l'absorption et de la diffusion par l'atmosphère
terrestre, environ 1000 Watts de puissance par mètre carré
sont disponibles par ciel clair à la surface du sol. C'est cette
source d'énergie, modulée par les conditions météorologiques
et géographiques, qui constitue le gisement solaire. Toute application
liée au rayonnement solaire nécessite la connaissance ou
l'évaluation de ce gisement, et notre objectif est de répondre
par des mesures et des modèles à cette demande.
Pour parvenir à des modèles d'évaluation
du rayonnement incident, il s'agit en premier lieu d'effectuer une campagne
de mesure complète, précise et continue sur une période
significative de temps englobant la plupart des variations climatiques
et statistiques. De plus, pour être certain de la validité
de tels modèles, des mesures effectuées en d'autres sites
géographiques seront nécessaires. Les modèles issus
de cette recherche sont de deux types: les modèles statistiques
qui permettront d'évaluer un rayonnement en un lieu quelconque sur
la base de la seule connaissance de la situation géographique, et
les modèles dynamiques nécessitant certaines mesures in situ
comme données d'entrée pour l'évaluation de paramètres
complémentaires. Ces modèles seront ensuite intégrés
dans des logiciels d'évaluation du rayonnement solaire.
Eau chaude et éclairage
Prenons trois exemples concrets: l'installation
de capteurs solaires pour l'eau chaude sanitaire sur le toit d'une villa,
l'électricité solaire dans une région éloignée
du réseau électrique et l'évaluation de l'éclairage
à l'intérieur d'une pièce d'habitation.
Dans le premier cas, il nous faudra considérer
la situation géographique du lieu (latitude, altitude et dégagement
de l'horizon), les conditions climatiques particulières de la région
(ville, plaine, lac, etc.) ainsi que les contraintes d'installation (orientation
et inclinaison du toit, autorisation de construire, etc.). Ces données
connues, il sera possible au moyen d'un logiciel d'évaluer la quantité
de rayonnement solaire à disposition dans ce cas précis sur
une base annuelle, mensuelle ou horaire; il sera donc possible de faire
une estimation relativement précise des paramètres de l'installation
ainsi que de la quantité d'énergie qu'elle sera capable de
fournir.
Dans le deuxième cas, il ne s'agit pas seulement
de raisonner sur les conditions d'utilisation de l'énergie solaire
dans nos régions, mais bien d'y réfléchir à
une plus grande échelle géographique. En effet, cette utilisation
est généralement nécessaire dans des régions
où des mesures systématiques du rayonnement solaire ne sont
pas disponibles. Nous utiliserons donc une méthode d'évaluation
basée sur les images de satellites. Dans le cas de l'Europe, le
satellite météorologique Météosat génère
une image chaque demi-heure et sa résolution spatiale est de l'ordre
de 5 à 10 kilomètres. Les modèles que nous utiliserons
seront donc capables d'évaluer le rayonnement solaire sur la base
d'une photo prise à 36'000 km d'altitude. L'avantage de cette méthode
est de couvrir la majorité du territoire et donc d'avoir accès
à des valeurs de rayonnement quelle que soit la situation géographique.
Son inconvénient est évidemment d'être un peu moins
précise.
Le troisième cas fait appel à des
techniques plus sophistiquées. En effet, si l'on veut pouvoir estimer
la pénétration de la lumière naturelle à l'intérieur
d'un bâtiment, il est nécessaire de connaître la répartition
de la luminosité dans l'angle de vision de l'ouverture vers l'extérieur.
Dans ce cas, il est préférable d'avoir quelques mesures de
base de rayonnement de façon à augmenter la précision
de l'évaluation. Les modèles nous permettront cette fois
d'évaluer la distribution de la luminosité extérieure,
puis de calculer l'effet de la lumière naturelle qui pénètre
à l'intérieur. Cette connaissance permettra d'équilibrer
la lumière artificielle et naturelle afin d'optimiser le confort
et la consommation d'énergie.
La connaissance des ressources en rayonnement solaire
représente la base de tout dimensionnement d'installation solaire
ou d'éclairage naturel. Malheureusement, la plupart du temps, ces
informations manquent et leur évaluation au moyen de modèles
représente la seule solution. Les modèles que nous développons
sont basés sur des mesures complètes et précises et
validés au moyen de données extérieures; ils sont
intégrés à des logiciels de calculs et disponibles
sur le marché ou sur le réseau Internet.
LE SECTEUR DE L'ELECTRICITE N 'ECHAPPE PAS A LA GLOBALISATION ET A LA LIBERALISATION DE L'ECONOMIE. L'ORGANISATION DE L'EXPLOITATION HYDROÉLEC-TRIQUE ET L'AVENIR MEME DE CETTE SOURCE D'ENERGIE SONT REMIS EN QUESTION. LES CONSÉ-QUENCES POUR LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE, LES SOCIÉTÉS ÉLEC-TRIQUES ET LES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES, NOTAMMENT DANS LES RÉGIONS DE MONTAGNE, PEUVENT ÊTRE TRÈS IMPORTANTES: LES CENTRALES HYDROÉLECTRIQUES FOURNISSENT ENVIRON 60% DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ EN SUISSE, QUI EST EN MOYENNE ANNUELLE D'ENVIRON 52TWH.
65% de la production hydroélectrique provient des barrages situés dans les Alpes. Ces aménagements permettent de stocker l'eau pendant la fonte des neiges en été, lorsque la consommation d'électricité est relativement faible, et de la turbiner en hiver, lorsque la consommation est plus élevée. Ils permettent aussi de moduler la production d'électricité en fonction des fluctuations de la consommation, qui varie de manière très sensible tout au long de la journée. Les aménagements hydroélectriques situés dans les Alpes jouent donc un rôle fondamental dans la couverture des besoins énergétiques de tout le pays, ainsi que dans les échanges avec l'étranger. La Suisse est en effet en mesure d'alimenter le réseau interconnecté européen pendant les heures de pointe et les heures pleines; en échange, elle effectue des prélèvements pendant les heures creuses, notamment pendant la nuit.
Un marché fermé à la concurrence
Du point de vue économique, l'organisation
actuelle du marché de l'électricité se caractérise
par la présence de sept grandes sociétés électriques
(les Ueberlandwerke), qui opèrent sur le marché national
et international, et d'une multitude d'entreprises régionales ou
locales.
Les Ueberlandwerke possèdent les lignes de transport à haute
tension et une partie des centrales électriques; dans la plupart
des cas, elles effectuent aussi la distribution. Les entreprises régionales
ou locales produisent et ou distribuent le courant. Le marché de
l'électricité est relativement fermé à la concurrence,
car les Ueberlandwerke se sont partagé le marché national
et ont créé des «zones d'influence». La distribution
s'effectue dans un régime de monopole. En principe, les prix de
l'électricité comprennent donc une rente monopolistique,
limitée toutefois par une certaine réglementation des prix
et la concurrence des autres vecteurs énergétiques. Il convient
de relever que 75% du capital social des entreprises électriques
suisses appartient aux collectivités publiques.
En ce qui concerne les coûts de production,
il faut rappeler que la plupart des aménagements ont été
réalisés pendant les années 50 et 60, lorsque les
coûts de la construction étaient nettement plus bas. Le coût
du renouvellement des installations est pris en considération seulement
marginalement, par le biais de la création de réserves comptables.
Dans ces conditions, les entreprises électriques ont pu rentabiliser
de manière satisfaisante les investissements dans l'hydroélectrique,
dans la mesure au moins où leur capacité de production était
adaptée à la taille de leur marché.
Du point de vue institutionnel, l'exploitation hydroélectrique
se base sur les «concessions d'eau». La concession est octroyée
par les autorités cantonales ou communales et définit les
droits et les devoirs du concessionnaire. La loi fédérale
prévoit que la durée de la concession doit être de
quatre-vingt ans au plus. Après cette période, les installations
(partie électrique mise à part) sont reprises gratuitement
par la communauté concédante. Une fois octroyé, le
droit d'utilisation ne peut être retiré ou restreint, sauf
pour cause d'utilité publique et moyennant indemnité.
Du point de vue historique, il convient de
rappeler que des cantons de montagne ont été souvent parcourus
par un courant politique qui exigeait la «cantonalisation»
des ressources hydroélectriques. On demandait notamment la création
d'entreprises cantonales ou communales qui assuraient l'exploitation du
patrimoine hydroélectrique par les collectivités locales.
On critiqua fortement les concessions octroyées aux «Partnerwerke»,
ces sociétés de participation qui exploitent les grands aménagements
hydroélectriques et qui cèdent la production à leurs
partenaires dans les villes et les cantons de plaine.
Le système d'exploitation des ressources
hydroélectriques que nous venons de décrire, basé
sur les concessions d'eau et un marché fermé à la
concurrence, peut être évalué par rapport aux répercussions
sur ce que les économistes appellent l'«allocation des ressources»,
l'économie régionale (notamment les cantons de montagne)
et les approvisionnements énergétiques.
Le système en question a permis aux ressources
hydroélectriques de jouer une part très importante dans l'approvisionnement
énergétique de la Suisse. En effet, les entreprises électriques
ont pu effectuer des investissements qui les engageaient pour de longues
périodes, avec d'excellentes garanties juridiques (les concessions
d'eau) et dans un cadre économique qui leur permettait, dans une
certaine mesure, de faire payer aux consommateurs le prix d'éventuelles
pertes. Les cantons de montagne ont bénéficié des
redevances d'eau, que les sociétés électriques doivent
payer en contrepartie de l'utilisation des ressources hydrauliques. Le
montant maximum de la redevance est fixé par la loi fédérale
et relève de la compétence du Parlement. C'est le résultat
d'un compromis entre cantons de montagne, cantons de plaine et Sociétés
électriques, qui toutefois n'a pas manqué de produire des
mécontentements chez les uns ou les autres. L'«allocation
des ressources» a été négativement affectée,
car les prix ne reflètent que partiellement les coûts de production
et de transport.
Les effets de la libéralisation
Si le vent de la libéralisation ne s'était
pas abattu sur le secteur électrique, l'exploitation hydroélectrique
n'aurait vraisemblablement pas subi de changements sensibles jusque vers
la moitié du XXIe siècle, lorsque viendront à échéance
les concessions de la plupart des grands aménagements hydroélectriques
de la Suisse.
Mais l'ouverture des marchés à la
concurrence peut modifier de manière importante les données
du problème. La création d'un marché spot, où
les prix de gros sont déterminés par la confrontation de
l'offre et de la demande et varient tout au long de la journée,
changerait les termes de la valorisation des ressources hydroélectriques.
Même si les concessions d'eau ne subiront pas de modifications, à
cause des «droits acquis» dont bénéficient les
exploitants, La séparation complète de la production, du
transport et la distribution du courant, qui fait partie des conditions
d'ouverture du marché à la concurrence, bouleverserait profondément
l'organisation du secteur. En particulier, elle remettrait en cause les
«Partnerwerke».
Par rapport au statu quo, l'effet sur "l'allocation
des ressources" sera positif, car dans un environnement économique
concurrentiel, les prix sont déterminés par l'offre et la
demande et ne comprennent pas de rente de type monopolistique. Vraisemblablement,
les redevances d'eau seront aussi libéralisées. Elles pourraient
par exemple être liées au prix spot de l'électricité.
Les cantons de montagne partageraient ainsi les bénéfices
et les risques associés à l'exploitation hydroélectrique.
Les investissements dans l'hydroélectrique, qui ont des longs temps
de retour, pourraient être pénalisés, car le marché
est myope et privilégie l'optique de court terme. Toutefois, dans
la mesure où l'on prend en considération les coûts
environnementaux des différentes filières énergétiques,
l'hydroélectrique pourra continuer à contribuer de manière
très importante à l'approvisionnement énergétique
de la Suisse. Par ailleurs, la directive du Parlement européen du
19.12.1996 concernant les règles communes pour le marché
intérieur de l'électricité admet de manière
explicite la possibilité de mettre en service prioritairement les
installations les plus respectueuses de l'environnement.
L'intérêt de la libéralisation
du marché de l'électricité réside dans l'opportunité
qu'elle offre de remettre en discussion une organisation qui est plus adaptée
au passé qu'à l'avenir. Pour comprendre les enjeux et trouver
les solutions, il faudra toutefois se rappeler la mise en garde du Prix
Nobel Robert Solow: «one ought to be as suspicious of uncritical
centralization as of uncritical free-marketeering».
Ses projets de recherche en cours portent sur la libéralisation
du marché de l'électricité en Suisse, et l'estimation
et la gestion des risques des radiations ionisantes (énergie nucléaire).
Enseigne l'économie politique en SES et à la Faculté
des sciences dans le cadre du diplôme en sciences de l'environnement
et du certificat de maîtrise en analyse et gestion des risques géologiques.
Tant en Suisse que dans la plupart des pays industrialisés, la politique environnementale se basait dans le passé essentiellement sur des normes techniques et des réglementations. Actuellement les mesures incitatives, en particulier les taxes écologiques, occupent une large place dans le débat sur la politique de l'environnement. Ainsi, au niveau fédéral, les deux initiatives qui ont abouti en 1995 - l'initiative solaire (qui prévoit une taxe incitative sur les énergies non renouvelables et dont le produit est destiné à encourager l'énergie solaire) et l'initiative énergie et environnement (qui prévoit une imposition des énergies non renouvelables et de l'électricité produite dans les grandes centrales hydrauliques afin d'encourager les économies d'énergie et de freiner le gaspillage) - vont être prochainement inscrites au calendrier des votations. Ensuite ce sera le tour de l'initiative «pour garantir l'AVS - taxer l'énergie et non le travail» dé-posée en 1996 par le parti écologiste suisse. Finalement, la commission de l'économie et des redevances du Conseil national a adopté en novembre 1997 une motion demandant au Conseil fédéral d'élaborer d'ici à l'an 2001 un projet de réforme fiscale écologique.
Inciter plutôt que réglementer
Cette situation devrait réjouir les économistes
qui préconisent depuis longtemps des mesures incitatives plutôt
qu'une politique environnementale basée sur des réglementations.
Du point de vue théorique, les instruments incitatifs ont un avantage
décisif: ils permettent d'atteindre un objectif environnemental,
tel que la réduction de certaines émissions polluantes, au
moindre coût. En effet, ces mesures font appel au mécanisme
de marché qui incite les ménages et les entreprises à
réduire les émissions de la manière qui soit économiquement
la plus efficace.
Contrairement aux normes, les instruments incitatifs
n'obligent pas le pollueur àadopter un comportement ou une technique
déterminée. Entre le paiement d'une redevance ou différentes
mesures d'assainissement, il choisira la stratégie la moins onéreuse.
Ainsi les assainissements les moins chers seront-ils effectués en
premier. Pour arriver à un résultat semblable, l'approche
réglementaire nécessiterait la connaissance de toutes les
techniques de production utilisées par les entreprises ainsi que
l'application d'une réglementation différenciée dans
chaque cas - tâche très coûteuse, sinon impossible.
Les économistes pourront-ils donc se (re)
faire une bonne réputation en réussissant dans ce domaine
le mariage de l'écologie et de l'économie? Rien n'est moins
sûr, car certains amoureux de l'économie ne voient pas cette
liaison d'un bon oeil, même s'ils se gardent bien d'exprimer leurs
critiques en public. Cela aboutit à une situation cocasse où
(presque) tout le monde est d'accord sur le principe des taxes écologiques
mais, lorsqu'il s'agit de passer aux actes, de nombreuses oppositions apparaissent.
Pourquoi ce double jeu? Tous les adeptes de l'économie de marché
s'accordent sur l'idée que des taxes sont préférables,
du point de vue de l'efficacité économique, à des
réglementations lorsqu'il s'agit de corriger une externalité.
Rappelons que l'on se trouve en présence d'une externalité
lorsque le comportement d'une entreprise (ou d'une personne) affecte les
autres membres de la collectivité (p. ex. par la pollution) et que
l'entreprise n'en tient pas compte dans ses choix. Le
rôle de la taxe écologique consiste alors à rappeler
au pollueur que la collectivité attache une certaine valeur à
l'environnement.
En revanche, une taxe sur l'énergie, par
exemple, a un effet redistributif plus important, et surtout plus visible,
que des normes techniques, puisqu'en plus du coût des investissements
d'économies d'énergie il faut assumer la charge de la taxe.
Il n'est donc pas étonnant que les représentants des industries
grandes consommatrices d'énergie fassent beaucoup d'efforts pour
combattre l'introduction d'une telle taxe. Ceci peut aboutir, à
la fin du processus politique, à une forte dilution de la taxe initialement
prévue. Un exemple éloquent d'une telle évolution
est donné par le débat sur l'introduction d'une taxe sur
le CO2 en Suisse.
La Suisse fera-t-elle cavalier seul?
L'effet de serre est dû en grande partie aux
émissions de CO2 qui proviennent d'une consommation excessive
de carburants et de combustibles fossiles. Les efforts pour le combattre
devraient donc être entrepris à l'échelle planétaire.
Malheureusement, la coordination des mesures au niveau international s'avère
très ardue car aucun pays ne veut s'engager sans que les autres
le fassent. Ce problème se pose également au sein de l'Union
européenne, qui a finalement renoncé à l'introduction
obligatoire d'une taxe sur le CO2 au niveau des pays membres.
Dans un tel contexte, il s'agit donc de savoir si la Suisse a intérêt
à faire cavalier seul.
Ceux qui préconisent l'introduction unilatérale
d'une taxe sur le CO2 en Suisse considèrent qu'en augmentant
le prix de l'énergie, elle incite àdes mesures de rationalisation
et au développement de nouvelles technologies. Lors de l'introduction
future d'une telle taxe par la communauté internationale, la Suisse
aurait déjà réalisé les adaptations nécessaires
et pourrait tirer bénéfice de cette avance.
Cependant, lors d'une première procédure
de consultation lancée par le Conseil fédéral en 1994,
plusieurs milieux ont manifesté leur opposition. Les organisations
patronales demandaient notamment que - pour préserver la compétitivité
des entreprises grandes consommatrices d'énergie fossile
- la Suisse n'introduise pas de taxe sur le CO2 avant que ses
principaux partenaires commerciaux ne prennent des mesures analogues. En
réponse à cette exigence, le projet initial du Conseil fédéral
prévoyait de réduire la charge de la taxe pour les entreprises
des branches concernées. Cette proposition d'exonération
partielle n'a cependant pas réussi à satisfaire les milieux
patronaux.
Dans son projet révisé de la loi sur
le CO2, publié en mars 1997, le Conseil fédéral
propose d'accorder une exemption de la taxe à des groupes d'entreprises
qui prennent l'engagement de limiter volontairement leurs émissions
de dioxyde de carbone. De plus, selon ce projet, la taxe sur le CO2
n'entrera pas en vigueur avant l'an 2004 et elle ne sera alors introduite
que s'il est prévisible que l'objectif - une réduction des
émissions de 10% entre 1990 et 2010 - ne sera pas atteint par d'autres
moyens.
On peut alors se demander si le projet original
de taxe sur le CO2 garde encore ses vertus thérapeutiques
après tant de dilutions successives. En effet, les mesures volontaires
de réduction des émissions qui permettraient à certaines
entreprises, et surtout à celles consommant beaucoup d'énergie
fossile, d'échapper à cette taxe s'apparentent plutôt
à l'approche réglementaire traditionnelle et risquent de
compromettre son efficacité économique. De plus, l'idée
que des mesures volontaires d'économies d'énergie pourraient
aboutir au même résultat qu'une taxe est séduisante
mais tient plus de la méthode Coué que d'un raisonnement
économique. En effet, comme le prix de l'énergie influence
la rentabilité des mesures d'économies d'énergie,
les entreprises tiennent compte de ce prix dans leurs choix d'investissement
(voir encadré ci-dessous). Puisqu'une taxe sur le CO2
renchérit l'énergie fossile, elle incite àchoisir
une technologie de production plus efficiente du point de vue énergétique
que celle qui serait adoptée dans le cas de mesures volontaires.
Projets de recherche en cours:
- projet du FNRS dans le cadre du programme prioritaire environnement:
«contribution de la taxation écologique des équipements
au développement durable. Évaluation de l'efficience environnementale
et de l'efficacité économique d'une taxation écologique
des immeubles».
- collabore au cycle de formation du CUEPE «Quels sysfèmes
énergétiques pour le XXIe siècle?», et au cours
du Diplôme en sciences naturelles de l'environnement de la Faculté
des sciences.
Les centrales électriques, les barrages, les
conduites forcées ou les pylônes sont les témoins privilégiés
d'un certain nombre de concepts fondamentaux qui ont marqué l'histoire
de la culture industrielle. Les sites, les plans et l'architecture de ces
constructions demandent, d'un point de vue sémiotique, à
être lus: ils «racontent» en effet l'histoire d'une intervention
humaine dans la nature aux mul-tiples implications. Il existe un impact
non négligeable de l'énergie électrique sur le paysage,
impact qui doit faire l'objet d'une étude approfondie. Cette analyse
sémiotique et esthétique doit s'orienter vers l'élaboration
d'une théorie philosophique de l'énergie électrique,
tout en tenant compte des considérations techniques nécessaires.
L'approche sémiotico-esthétique conçoit les constructions
électriques comme un ensemble de signes.
L'observation de ces objets significatifs est tout
d'abord tournée vers le passé: elle inventorie les différents
éléments, élabore des typologies, propose des interprétations,
opère des comparaisons, etc. Elle doit toutefois également
faire face aux problèmes actuels et futurs d'une présence
importante des constructions électriques dans notre environnement.
Quel aspect faudra-t-il en effet donner aux centrales électriques
de demain? Proposera-t-on de les masquer, de leur conférer une réalité
purement souterraine (une tendance manifeste dans ( la conception des centrales
hydroélectriques de l'après-guerre) ou bien s'agira-t-il,
au contraire, de mieux les exposer (comme dans la période glorieuse
de l'électrification des années vingt) aussi bien dans le
paysage urbain qu'à l'intérieur d'une nature de moins en
moins vierge? Et si l'on choisissait de les montrer, quelle forme leur
donner alors? Faudra-t-il «traduire», extérioriser la
technique pour aboutir à une "Neue Sachlichkeit", à une sémantique
architecturale réaliste et froide? Devrions-nous «régionaliser»
davantage les édifices électriques en prônant l'utilisation
exclusive de matériaux locaux? Ou imposer plutôt leur transformation
en véritables oeuvres d'art intégrant librement tous les
moyens disponibles?
Transformer l'environnement
Ces problèmes ne relèvent pas seulement
de la théorie. Si EDF s'efforce aujourd'hui de réaliser des
pylônes à très haute tension qui sont le fruit de concours
internationaux, si l'on commence à prendre en compte la beauté
de ces objets techniques, c'est que ce changement de perspective exprime
clairement le désir d'une société d'interpréter
son environnement et de participer à sa transformation. En Suisse
aussi la restructuration des centrales électriques ou la surélévation
des barrages posent bien des interrogatifs. Mis à part le coût
économique et le problème de la biodiversité, les
décisions à prendre devront le plus souvent considérer
l'aspect esthétique de la construction ainsi que son intégration
dans le paysage.
Une voie possible de la recherche dans ce domaine
consiste à proposer des modèles actuels à l'échelle
internationale, à indiquer le développement historique aussi
bien du point de vue synchronique que diachronique et à analyser
des propositions concrètes.
S'il est vrai que l'interdisciplinarité se justifie
parfois pour des raisons de pure recherche fondamentale, elle s'impose
le plus souvent dans le cadre de la Cité, car les problèmes
posés par celle-ci sont presque toujours complexes et touchent ainsi
de nombreux domaines scientifiques: les sciences naturelles et techniques,
les sciences humaines et sociales, ainsi que la médecine. Pour y
répondre de manière efficace, il est important de mettre
en place des structures stables, qui ménagent des espaces institutionnels
et financiers adéquats.
C'est dans cet esprit que, par l'entremise de son
Association des professeurs (APUG), l'Université a organisé
en 1976 un colloque interfa-cultaire sur le thème de l'énergie.
On était alors sous l'effet du premier choc pétrolier, et
la question dominante était celle de l'approvisionnement énergétique.
N'allait-on pas bientôt manquer de sources d'énergie? Fallait-il
recourir massivement à l'énergie nucléaire, ce qui
était le thème central de la discussion à cette époque?
Y avait-il d'autres solutions, et lesquelles? Sans ce prononcer définitivement
sur cette question difficile, l'APUG s'intéressa très vite,
à la suite notamment des travaux de Lovins et de Rosenfeld aux Etats-Unis,
au potentiel des économies d'énergie et des énergies
renouvelables. Aujourd'hui, les préoccupations sur les ressources
énergétiques se sont estompées, et on se soucie davantage
des effets environnementaux de la consommation d'énergie, notamment
l'effet de serre. Mais les économies d'énergie et les énergies
renouvelables ont gardé, dans cette nouvelle problématique,
une position clef pour l'avenir.
Activité de services et modélisation
A la suite du colloque de l'APUG, le Rectorat décida
de créer un Centre universitaire, et en confia la création
au professeur Bernard Giovannini. C'est ainsi que le CUEPE vit le jour
en 1977. Les débuts d'une institution sont toujours difficiles,
il faut établir des orientations et trouver des sources de financement.
Dès le début, le CUEPE s'est orienté vers une activité
de services à la collectivité, notamment pour les besoins
de l'Office fédéral de l'énergie et de l'administration
cantonale.
Les premières recherches à caractère
interdisciplinaire se développèrent dans le domaine de la
modélisation de la consommation d'énergie. Elles débutèrent
avec des travaux prospectifs sur la demande d'électricité,
à la demande de la Commission fédérale de l'énergie
dans le cadre de l'évaluation de la preuve du besoin pour la construction
de la centrale nucléaire de Kaiseraugst. Par la suite, l'Office
fédéral de l'énergie confia au CUEPE le mandat de
préparer des perspectives énergétiques, d'abord pour
l'Office, puis également pour le groupe d'experts «Scénarios
énergétiques» chargé d'étudier les ef-fets
à long terme des différentes politiques de l'énergie
dans le cadre des initiatives antinucléaires. La préparation
de ces perspectives demandait d'introduire, à côté
des facteurs explicatifs figurant dans les modèles économétriques,
aussi des facteurs techniques comme les caractéristiques des bâtiments,
le rendement énergétique des appareils, la consommation spécifique
des véhicules, etc. Ce fut ainsi que se développa la première
collaboration interdisciplinaire au sein du CUEPE, pour l'élaboration
de modèles technico-économiques.
Ce thème de recherche s'avéra particulièrement
fructueux. Au plan scientifique, il inspira de nombreuses publications
dont trois thèses de valeur (1). Au plan pratique, il permit de
satisfaire à une demande grandissante de perspectives énergétiques
en provenance des secteurs énergétique et gouvernemental.
La recherche du CUEPE dans ce domaine reste très active et innovatrice.
Elle poursuit l'intégration des méthodes et modèles
des économistes et des ingénieurs tout en élargissant
la problématique de la modélisation des besoins énergétiques
aux aspects institutionnels et culturels (2).
L'énergie solaire au service des bâtiments
En parallèle à l'essor de ce premier
thème de recherche interdisciplinaire, le CUEPE posait les jalons
d'un deuxième domaine de recherche qui allait susciter une collaboration
interdisciplinaire, impliquant, cette fois, les architectes et les physiciens.
Associé très tôt aux activités du CUEPE, le
professeur Guisan développa des mesures de l'ensoleillement à
Genève et l'étude des technologies permettant de tirer profit
de ce gisement énergétique dans le domaine bâti, d'abord
au sein du Groupe de physique appliquée, puis par la mise en place
d'un groupe de chercheurs en systèmes énergétiques
dans le cadre du CUEPE. Tout au long de la dernière décennie,
ces recherches se sont multipliées en dotant le CUEPE d'une compétence
technique et pratique de haut niveau en matière de systèmes
énergétiques pour les bâtiments, comme les capteurs
solaires thermiques ou photovoltaïques, le stockage saisonnier de
l'énergie solaire, l'architecture solaire ou encore le rafraîchissement
passif des immeubles. Cette accumulation d'expérience a été
réalisée grâce aux talents d'animateur d'équipes
déployés par le professeur Guisan jusqu'à sa récente
retraite. Elle fait désormais partie des acquis durables du CUEPE
et elle compte parmi ses marques de visibilité.
Constamment sollicité par des demandes pressantes
d'études appliquées au service de la Cité, le CUEPE
n'a développé que lentement des activités d'enseignement
postgrade et de formation continue. Mis en place dès la création
du CUEPE, le séminaire de recherche consacré à des
sujets pluridisciplinaires d'intérêt pour les chercheurs et
les praticiens du secteur énergétique a été
étoffé, dès 1989, par une «Journée»
thématique annuelle dont le succès de participation n'a cessé
de s'amplifier. Depuis cette année académique, un autre progrès
significatif a été réalisé par l'organisation
d'un ensemble cohérent de sujets de séminaires et de journées
annuelles couvrant la problématique de l'approvisionnement énergétique
au siècle prochain et de ses conséquences environnementales
et sociales. Ce recentrage de l'activité d'enseignement et de formation
du CUEPE autour d'un thème fédérateur a permis d'offrir,
à ressources constantes, un cycle de formation biennal sur le thème
«Quels systèmes énergétiques pour le XXIe siècle?»
apprécié par un public nombreux de professionnels, d'enseignants,
de chercheurs et d'étudiants.
Né au lendemain du premier choc pétrolier,
le CUEPE s'est, dès le début, attaché à développer
un regard multidisciplinaire critique sur le problème de l'approvisionnement
énergétique de nos sociétés, avec en point
de mire la collaboration inter-disciplinaire entre scientifiques des sciences
de la nature et de la technique, d'une part, et sciences de l'homme et
de la société, d'autre part. Avec un recul de deux décennies,
on constate que le CUEPE a su progresser dans la voie de la recherche interdisciplinaire
au service de la collectivité. En adoptant une approche pragmatique
des problèmes et avec un souci constant d'être proche des
bénéficiaires de la recherche, il a également contribué
à jeter des passerelles entre le monde académique et celui
de la pratique.
(2) On trouve une description succincte des recherches en cours dans le dernier rapport d'activité du CUEPE, que l'on peut se procurer auprès de son secrétariat.