Jardin filtrant pour nettoyer la nature
Le Jardin filtrant, concept de filtre végétalisé
" pour traiter la planète " a été élaboré
en 1999. Phytorestore vient d'inaugurer, en juin 2003, une nouvelle installation
permettant " un traitement de l'eau usée zéro rejet " pour
la commune rurale d'Escamps, dans l'Yonne. Située au milieu d'un
parc de ce village de 500 habitants, qui regroupe une aire de jeux, et
des terrains de sport, ce jardin filtrant paysager reçoit les eaux
usées de la commune, acheminées par des canaux enterrés.
Traversant tout d'abord un premier filtre vertical, l'eau est débarrassée
de ses charges organiques. Un filtre horizontal permet ensuite de traiter
les germes, l'azote et divers autres polluants. Enfin, au bout du jardin
filtrant, une aire d'infiltration et d'évapo-transpiration traite
l'eau résiduelle et permet d'assurer "zéro rejet" à
l'extérieur du site. Les ressources de ce jardin sont même
réutilisées, les plantes fauchées servant de compost
puis d'engrais pour le parc.
Zéro pollution visuelle
"Ce qui est très important, c'est de rendre
la ressource première réutilisable, et surtout d'intégrer
les solutions de traitement dans l'urbanisme, sans pollution visuelle,
commente Thierry Jacquet, créer un site dans la cité, c'est
un principe de l'écologie urbaine". Phytorestore qui envisage
de dépolluer ou traiter des décharges, des rivières,
des fleuves, des canaux, des boues urbaines, ou encore des eaux pluviales
(pour alimenter des sanitaires) a déjà à son actif
des réalisations d'envergure : une station d'épuration lancée
à Honfleur pour les eaux usées de quatre communes, un jardin
traitant les eaux pluviales au cœur de Toulouse, un autre sur une friche
industrielle de 12 hectares à Caen ou encore la restauration d'une
ancienne décharge en base de loisir de 26 hectares à Amiens.
La société souhaite aussi pouvoir acquérir des terrains
pour ouvrir des espaces de "remise en forme pour terres malades".
Applications à grande échelle aux Etats-Unis
La phytoremédiation a de beaux
jours devant elle selon Thierry Jacquet. Le concept de la phytoremédiation
s'est généralisé dans le monde depuis 2000 grâce
à plusieurs programmes de recherche, mais c'est surtout aux Etats-Unis
qu'elle a été mise en application à grande échelle.
Un cabinet américain, cité part le magazine Usine Nouvelle,
estime le marché américain à 30 millions de dollars
et le marché mondial, entre 235 à 400 millions de dollars
en 2005. Si, aux Etats-Unis, une cinquantaine d'entreprises se partagent
ce marché, en Europe, les entreprises sont très peu nombreuses
et la phytoremédiation est surtout un sujet... de
recherche. Un vaste programme européen, COST 837, a été
lancé, en 2000, pour mettre au point les premiers essais sur le
terrain.
Des atouts reconnus...
Pourtant les atouts sont importants : coûts
réduits (10 à 100 fois moins cher que les techniques physico-chimiques
ou mécaniques), qualité biologique des ressources préservée
pour une réutilisation, méthodes douces pour l'homme et l'environnement,
absence de co-produits nocifs, pollution visuelle évitée,
recours à une ressource renouvelable que sont les plantes...Cette
approche responsable nécessite un changement de vision, qu'appelle
de ses vœux Thierry Jacquet : "Il faut considérer un matériau
pollué, tel que la boue d'épuration, comme une ressource
potentielle, et non un déchet.. Le terreau obtenu par phytoremédiation
peut, par exemple, servir d'amendement pour un espace vert."
... mais des freins encore nombreux
"Le traitement par les plantes est long et nécessite
un espace important, alors que le coût foncier en ville est de plus
en plus élevé," explique encore Thierry Jacquet. Pour lui,
la raison majeure du retard français repose sur l'absence de volontés
politiques importantes. Il rend donc un hommage appuyé à
la " conscience " des élus qui ont opté pour sa solution
écologique. Dans une note de synthèse, l'INRA de Bordeaux
estime que " le développement des opérations de dépollution
reste sous la dépendance de l'action réglementaire, récente
dans ce domaine, et des moyens financiers faibles que les entreprises sont
prêtes à consacrer à cet " investissement non productif"
Thierry Jacquet, souligne aussi le manque de recherche appliquée
: " L'idéal est de créer des pôles de compétences,
comme cela a été fait à Lyon ou Lille, où des
synergies sont établies avec des entreprises de ce secteur pour
faire avancer les applications concrètes. Paradoxalement, en Ile-de-France
où besoins et débouchés sont immenses, il n'y a pas
de pôle de compétences sur Paris."