Bhopal, ca vous dit encore quelque chose? Dans la
nuit du 2 au 3 décembre 1984, dans cette ville du centre de l'Inde,
plusieurs tonnes de gaz mortels s'échappent de l'usine de pesticides
d'Union Carbide. En trois jours, 8.400 morts, 500.000 blessés(1).
En 1989, le gouvernement indien conclut un accord amiable avec Union Carbide,
qui verse 470 millions de dollars. On pouvait penser que la catastrophe
n'était plus qu'un épouvantable souvenir.
Erreur: dix-neuf ans plus tard, rien n'a bougé,
ou presque. Le site, jonché de déchets stockés dans
des bidons mal isolés, n'a pas été dépollué.
Le réseau d'eau est contaminé. Et le nombre de morts parmi
la population qui vit autour de l'usine désaffectée, s'élève
à plus de 20.000. “On dénombre 150.000 malades, des survivants
directs, mais aussi leurs enfants, qui soufrent de malformations, de stérilité,
et de troubles neurologiques», racontent Rashida Bee et Champa
Devi Shukla, deux femmes de Bhopal à la tête d'une association
qui participe à une campagne internationale, soutenue par Greenpeace.
Depuis 1987, elles bataillent pour que le site soit nettoyé, que
les victimes soient suivies médicalement et obtiennent réparation.
Car l'accord conclu avec Union Carbide n'offre que 500 dollars au plus
par personne, “à peine de quoi couvrir les dépenses médicales
pendant cinq ans, alors que les victimes seront malades toute leur vie!»
Aujourd'hui, Warren Anderson, ex-pdg du groupe chimique,
coule une retraite heureuse en Floride, malgré un mandat d'arrêt
international. Et Union Carbide, en fusionnant avec Dow Chemicals, est
devenu le cinquième groupe chimique au monde et s'est débarrassé
d'un nom encombrant.