Nous n'aborderons ici que trois
aspects:
- le coût du kWh nucléaire comparé au coût du kWh thermique classique - les difficultés de financement .du programme - le nucléaire et l'emploi. Nous verrons là encore qu'il y a loin des promesses d'il y a trois ans - le nucléaire est compétitif, il créera des emplois - aux dures réalités de 1977. B.a. Les incertitudes du coût du Kwh nucléaire
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Les économistes de l'EDF ont pourtant la réputation d'être
les meilleurs économistes français; mais la déformation
volontaire ou involontaire des données, l'occultage des informations
économiques, l'absence totale de paramétrage, des erreurs
méthodologiques surprenantes, l'ignorance des coûts sociaux
laisseraient au moins penser que les calculs ne cachent rien moins que
la subjectivîié de leurs auteurs, pour ne pas dire plus.
1. Le coût d'investissement des centrales nucléaires.
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L'EDF et le CEA avancent diverses
explications pour justifier de ces différences(8)-(9):
- durée de construction plus importante (9 ans aux USA contre 5 ans en France) qui pèse sur le montant des intéréts intercalaires; - coût de la main d'oeuvre qualifiée plus élevée aux USA, - commandes groupées en chaudières nucléaires et en turbo-alternateurs qui permettent de profiter d'effets de série importants; - engagements par paires de réacteurs avec décalage optimal dans le planning industriel - renforcement des normes de sécurité et de protection de l'environnement aux Etats-Unis et en Allemagne qui se traduisent par des modifications techniques, un renforcement des contrôles techniques et un accroissement de la durée de construction - rapports de force différents entre les firmes électro-mécaniques et les firmes électriques dans chaque pays. Ces différents arguments pourraient expliquer une partie des différences, mais, à vouloir trop prouver, ils ne convainquent pas: 1. Les durées de construction en France sont et seront beaucoup plus importantes que prévu au vu des retards pris sur les premiers réacteurs (Fessenheim I et Il, Bugey II et III) du fait de la mauvaise organisation des chantiers, des retards techniques et du renforcement des contrôles du. SCPRI et des Services des Mines. 2. Les recommandations de ces services ont conduit à certaines transformations dont les conséquences ne sont pas répercutées sur les coûts annoncés. 3. L'organisation mise en place autour du programme au sein de l'EDF (spécialisation de chaque région d'équipement dans la commande d'une partie de la tranche: réacteurs, turbo-alternateurs... etc.) entraîne des hausses de frais d'étude ou d'engenering qui ne sont pas pris en compte dans les coûts. 4. Le coût de la main d'oeuvre qualifiée française est la plus élevée d'Europe et n'est pas très loin du coût observé aux USA. 5. M. Boiteux lui-même reconnaît, dans différents interviews, qu'il faut conforter les marges de FRAMATOME au niveau de ses ventes de chaudières à l'EDF afin que cette société puisse être suffisamment solide pour pouvoir exporter 6. Le prix de base de la centrale est automatiquement majoré de 6,2 % lorsque le programme annuel passe de 6.500 Mwe à 4.500 MWe. 7. Les réacteurs sont de plus en plus souvent engagés par paires aux USA et la standardisation des éléments des centrales est de plus en plus répandue. Certes les coûts français restent inférieurs aux coûts américains, ou allemands, mais ils ne sont certainement pas au niveau de 2.150-2350 F/kWe (en Francs 1976), mais plutôt au minimum au niveau de 2.600 F/kWe. Un conférencier de l'EDF, P.Daurès, a reconnu ainsi publiquement, en mars 1977 qu'EDF envisageait une hypothèse plus pessimiste que 2.150 F/kWe: (suite)
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+ 10-12 %: augmentation des contrôles + 5 % : augmentation de la durée de construction. Si l'on y adjoint l'effet de la réduction des programmes annuels à 5.000 MW, le coût approcherait donc bien ces 2.600 F/kWe. Monsieur Boiteux, dans une conférence de presse de mars 1977, reconnaissait que le coût était de 2.600 F/kWe en F 1977, soit 2.340 F en F 1976, tout en n'admettant que des hausses de coût limitées. 2. Le coût du cyde du combustible
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3 La durée d'utilisation des centrales nucléaires
Pour la comparaison nucléaire/thermique, l'EDF et le CEA prennent des durées de fonctionnement très optimistes pour les centrales nucléaires, très pessimistes pour les centrales thermiques classiques. Ceci joue sur les coûts respectifs des kWh, les économistes calculant l'amortissement des investissements en les divisant par le «nombre d'heures actualisées» qui est déduit directement des durées annuelles de fonctionnement, c'est-à-dire des «facteurs de charge». Les hypothèses de calcul d'EDF et du CEA sont: - pour les centrales nucléaires: un «facteur de charge» égal à 7.5 % pendant la quasi-totalité des 20 ans de durée de vie de la centrale - pour les centrales thermiques classiques: un facteur de charge de 75 % pendant 6 ans; celui-ci décroit ensuite si vite qu'il est inférieur à 50 % pendant la deuxième moitié de la vie de la centrale. Ces hypothèses nous paraissent incorrectes: ï En ce qui concerne le nucléaire, l'expérience industrielle est insuffisante pour supposer un taux d'utilisation aussi optimiste que celui retenu par EDF. Il semblerait même qu'aux USA des maladies de vieillesse interviennent dès la cinquième ou sixième année de fonctionnement et font baisser les performances de la centrale du fait d'arrêts prolongés de plus en plus fréquents (conf. le rapport Cormey sur les centrales américaines). ï En ce qui concerne le thermique classique, l'expérience semble prouver à l'opposé que d'excellents facteurs de charge peuvent être obtenus pendant la majeure partie de la durée de vie de la centrale, soit 30 ans. Nous avons calculé les prix du kWh nucléaire et thermique classique. - En prenant en compte un coût d'investissement de 2.600 F/kWe pour les centrales nucléaires (contre 2.150 F/kEe pris par EDF) - En retenant le coût du combustible nucléaire calculé par nous ci-dessus - En faisant les hypothèses suivantes sur l'utilisation des centrales: - nucléaire: 65 % de facteur de charge, soit 47.000 heures actualisées sur 20 ans - thermique classique: 40 % du facteur de charge, soit 58.450 heures actualisées sur 30 ans. Précisions que pour calculer des coûts comparables, il est nécessaire de comparer des services rendus identiques il faut donc calculer le coût du kWh nucléaire pour un nombre d'heures actualisées identique à celles du thermique classique, soit 58.450 heures. Il faut donc supposer la création d'une autre centrale nucléaire au bout de quinze ans pour obtenir ces 58.450 heures actualisées. C'est ce que nous avons fait dans nos calculs: (suite)
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(données de 1976) Hypothèse sur le prix du fuel: H1 : 300 F/T, H2 : 370 F/T
BIBLIOGRAPHIE 1. M. Carasso et al. Data base of the Energy Supply Model
- Bechtel Corporation - Report to NSF-NTIS - Springfield USA - Août
1975.
p.9
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B.b. Financement du programme
Compte tenu du coût très important des installations nucléaires, qui ont en plus une fâcheuse tendance à l'escalade, le problème du financement se pose d'une façon de plus en plus aiguë. Pour couvrir le programme, trois solutions sont possibles: - l'autofinancement qui entraîne une hausse des tarifs et donc consiste à faire payer le programme par le consommateur ; et dans ce cas par lequel: l'abonné domestique ou le client industriel? - la dotation en capital faite par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable, mais une fois encore par lequel? - les emprunts soit sur le marché intérieur, mais les disponibilités sont limitées, soit sur le marché international. La situation actuelle n'est pas brillante et suivant la formule de M. Boiteux: «Prise entre l'arbre et l'écorce, EDF fait ce qu'elle peut pour atteindre les objectifs qui lui ont été assignés». Les doléances de la direction d'EDF sont d'ailleurs fort nombreuses en ce moment: A propos du financement: «L'équipement nucléaire du pays est une affaire nationale; elle l'est dans ses motivations ; elle l'est aussi dans la volonté politique qui la sous-tend. Il me semble qu'elle ne peut pas ne pas l'être également pour son financement». Conférence de presse du 22 mars 1977 de M. Boiteux.
A propos de l'emprunt:
« Mais notre crédit n'est tout de même pas illimité, et le montant de nos emprunts à l'étranger au cours des trois dernières années représente déjà l'équivalent en devises de 20 milliards de francs.» (M. Boiteux). Notons en passant que le chiffre d'affaires d'EDF est de 32 milliards de francs en 1976. Nous reviendront sur ce point dans l'avenir. B.c. Nucléaire et emploi
Après la construction «une centrale nucléaire de quatre tranches comprendra environ 300 agents d'EDF. L'expérience montre que 50 à 80 personnes seront d'origine locale» (source: document EDF : une centrale nucléaire dans la com mune). Sans commentaire! 2. Dans la sidérurgie Les charges de travail seraient pour le contrat de programme no 1 (16 tranches): 1% du chiffre d'affaires de l'industrie des compresseurs 3% du tonnage de production de la robinette rie (Rateau Montréal et Cercerg) 13% de la production totale des pompes Pour le groupe Creusot-Loire, ce même programme représentera en 1980 20 % de l'activité mécanique ou encore 10 % de l'activité consolidée de ce groupe. (source: étude de DAFSA)
D'après l'IREP (Institut de recherche et d'étude
de planification), 37 entreprises françaises bénéficient
de 92 % du marché, et sur ce nombre, 2 entreprises (dont Creusot-Loire)
représentent à elles seules 55 % du marché.
Ces données ne tiennent pas compte de la sous-traitance. Au niveau des entreprises, nous pouvons déjà savoir que pour la CEM, 10 % des heures de travail en 980 sont prévues pour le CPl et qu'à Nekpic, Superphénix représente 14 % de la charge de travail pour 3 ans. Cela ne représente qu'une faible part de la charge de travail des entreprises concernées. (suite)
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Il faut remarquer qu'une autre politique énergétique pourrait créer autant sinon plus d'emplois. L'industrie nucléaire est très mécanisée, très «capitalisée». Pour un investissement donné, le nombre d'emplois créés est plus faible que dans une industrie moins lourde. A capital investi égal, les économies d'énergie ou le solaire créeront plus d'emplois que le nucléaire. De récentes études effectuées aux Etats-Unis tendraient à montrer que les industries les plus énergivores sont généralement celles qui emploient le moins de monde (l'énergie et la force de travail sont en concurrence pour l'utilisation d'une même fraction de capital). Bien sûr, l'idéal n'est pas de travailler davantage! Mais nous avons suffisamment montré par ailleurs à quel point le nucléaire est une technologie asservissante pour ses travailleurs, pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir. Dans une prochaine Gazette nous réserverons une étude à ce qu'est l'EDF depuis la nationalisation, nous pourrons voir ainsi comment, à la notion de service public a été ajoutée depuis peu à la dimension «marketing». Il sera intéressant à ce niveau d'analyser ce qui actuellement est considéré comme un objectif prioritaire la pénétration de l'électricité aussi bien dans le domaine domestique que dans le domaine industriel. En effet, un des problèmes qui se posent actuellement c'est que faire de l'électricité nucléaire dont il a été décidé a priori qu'elle devait couvrir 85 % de l'accroissement énergétique jusqu'en 1985.
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