Les récentes réévaluations des coûts de matières premières énergétiques, la mise en évidence de la limitation des ressources en pétrole et gaz conduisent les pays fortement industrialisés à repenser leur politique d'approvisionnement énergétique. Dans la conjoncture présente, un certain intérêt se porte vers l'énergie géothermique, longtemps délaissée, mais dont l'utilisation pour le chauffage des locaux paraît fort intéressante. Si l'on regarde les projets de consommation en énergie primaire, on constate qu'après avoir accordé une place prépondérante au pétrole en 1973 (66%), on prévoit de porter la part de l'électricité - et en particvulier de l'électricité d'origine nucléaire... - à un haut niveau en 1985 (31%), la part du pétrole étant alors de 40% et celle des énergies «nouvelles» restant dérisoirement faible (1%). Insistons sur le fait que ces prévisions s'inscrivent, non pas dans la perspective d'une baisse de la consommation énergétique totale, mais bien au contraire dans celle d'une poursuite de la croissance énergétique. En ce qui concerne l'énergie électrique d'origine nucléaire, on prévoit qu'une très grande partie sera destinée à satisfaire des besoins de chauffage, c'est à-dire en basse température. (suite) |
suite:
Une telle utilisation paraît difficile à justifier - et même tout à fait incohérente à qui connaît le cycle de Carnot - et si l'on pense à l'importance des investissements et équipements de production et de transport qu'il faudra mettre en oeuvre - avec toutes les incertitudes de fonctionnement et les risques que feront courir le retraitement et le stockage des déchets nucléaires pour fabriquer une énergie que l'on s'empressera de consommer sous sa forme la plus dégradée de la chaleur à basse température. En examinant le tableau des consommations d'énergie par secteur, on constate en effet qu'environ 85 MTep - soit 35% de l'énergie primaire - seront utilisés en 1985 dans le secteur résidentiel et tertiaire. Si l'on tient compte des besoins énergétiques dans le secteur agricole, c'est plus du tiers de l'énergie qui est utilisée à des besoins de chauffage. Quelle partie de cette consommation pourrait être couverte par la géothermie et les autres énergies nouvelles? Les ressources le permettent-elles? Dans quelles conditions économiques? D'une manière plus générale, quelle pourrait être la part des besoins énergétiques nationaux que pourrait couvrir la géothermie? Il est bien évidemment difficile de répondre à ces questions de manière précise puisque les ressources ne sont pas parfaitement connues, les méthodes d'exploitation ne sont pas toujours ou au point ou pas économiques, et le développement de la géothermie se heurte à des obstacles divers qu'il convient d'analyser. |
** Estimation *** Objectif fixé parle Conseil de Planification de 1er février 1975 |
|
Des recherches géologiques,
des forages, des sites traditionnellement connus et exploités, des
réalisations dues à des initiatives privées, relayées
par des organismes tels que le B.R.G.M. (Bureau de Recherches Géologiques
et Minières) donnent déjà une réalité
concrète au phénomène géothermique.
Dans un premier temps, nous pouvons essayer de faire le point des ressources connues ou estirnées et ceci dans les différents types de «produits» géothermiques. Rappelons d'abord succintement quelques notions fondamentales sur l'énergie géothermique. 1.1. Au cours de l'élaboration du système solaire,
la formation de la terre, par condensation de matière interstellaire
s'est accompagnée d'un très important dégagement de
chaleur. Une partie de cette énergie calorifique subsiste à
l'intérieur du globe, à laquelle s'ajoute celle créée
par la radioactivité des produits contenus dans le noyau, le manteau
et l'écorce terrestres. Les phénomènes thermiques
développés à l'intérieur du globe terrestre
se caractérisent par un flux de chaleur permanent faible, qui se
traduit dans la masse de l'écorce terrestre par un gradient de température
de 1°C par 30 m: le gradient géothermique. Ce gradient
n'est pas égal dans toutes les parties de la croûte terrestre;
en certains endroits, il peut être trois à dix fois supérieur.
Ce flux géothermique, lorsqu'il est de valeur moyenne comme en France,
ne peut pas être exploité aisément. Par contre, il
est intéressant d'extraire la chaleur emmagasinée par des
masses énormes de roches, portées à des températures
supérieures à celles de la surface terrestre et situées
à des profondeurs de 500 à 2.000 mètres.
(suite)
|
suite:
De 50 à 90°C les sites à basses énergies où la température de l'eau d'irnprégnation est plus élevée, de 50 à 80°C, ce qui permet une extraction directe, dans des échangeurs, de la chaleur utilisable pour le chauffage des locaux Cette extraction calorifique directe peut être complétée en refroidissant davantage l'eau géothermale par l'emploi de pompes à chaleur. La formation du DOGGER, dans le bassin parisien est un exemple de site géothermique de ce type. Les forages doivent être alors assez profonds, de 1.500 à 2.000 m pour extraire de l'eau à 70°C environ. De 90 à 150°C, la température est suffisante pour porter à ébullition un fluide binaire[2] (isobutane, fréon ou ammoniac) actionnant une turbine. Peu de centrales de ce type fonctionnent actuellement de par le monde, mais un certain nombre de prototypes ont été mis au point (URSS, Chine, USA). De 150 à 350°C, les sites à hautes énergies. Ils sont associés à des masses rocheuses se trouvant à des températures beaucoup plus élevées que ne le laisse prévoir la valeur régionale du gradient géothermique (exemple 250°C disponible à 4 ou 500 m de profondeur). Il est généralement d'usage de parler de «site à haute énergie» lorsque la température du fluide extrait, le plus souvent de la vapeur d'eau, est supérieure à 180°C. A l'examen des caractéristiques des gisements géothermiques, nous constatons que la forme la plus répandue sur le territoire national sous laquelle nous pouvons disposer de l'énergie géothermique est celle dite «à basse température». On trouve entre 15 et 80 MTep disponibles, en basse énergie, capables de couvrir théoriquement 20 à 80% des besoins énergétiques de chauffage prévus en 1985. On peut ainsi mieux se rendre compte de l'intérêt extrême qu'il y aurait à progresser dans l'emploi des ressources géothermiques et à développer pour cela une véritable politique promotionnelle. 1.2. Connaissance des champs géologiques
(en MTep/an)
p.3
|
Ainsi dans le bassin de Paris,
les couches du Dogger et du Trias peuvent être exploitées.
En Aquitaine, Alsace et Limagne, on peut également parler de ressources
géothermiques prouvées; par contre la connaissance d'autres
régions sédimentaires comme le Languedoc-Roussillon, la région
Rhône-Alpes, la Provence, le Jura est tout à fait insuffisante.
La même ignorance existe au niveau des formations cristallines telles
que Massif Central, Pyrénées, Alpes, alors que l'existence
de sources thermales dans ces régions peut présumer de possibilités
intéressantes.
Dans la gamme des phénomènes géothermiques à «haute température», il semble exister peu de possibilités sur le territoire métropolitain, mais il n'est pas exclu de trouver des sources de vapeur (sèche ou humide) dans des zones d'activités volcaniques telles que le Massif Central. En tout état de cause, il est saisissant de constater la faiblesse des moyens consacrés à la prospection géothermique en France. Quelques travaux de géologie, de géochimie et de géophysique à finalité géothermique ont permis de préciser certaines structures géologiques, mais sans forages, on ne peut considérer la ressource comme prouvée. Or, aucun forage de recherche géothermique n'a jamais été effectué en France, à part ceux effectués en T.F.A.I. par le B.R.G.M. et aux Antilles par EURAFREP. La seule connaissance que l'on ait des nappes géothermales profondes provient de forages pétroliers et plus rarement de forages pour les mines ou l'eau. En 1973, quatre sondages géothermiques (hors de la métropole) contre plus de trois mille pour le pétrole et le gaz; en 74, seuls quatre forages géothermiques étaient prévus (hors métropole) contre 2.456 dans l'Ouest des Etats-Unis. Une telle carence a une influence tout à fait néfaste sur le développement de la géothermie puisqu'elle fait encourir au promoteur qui veut se lancer dans une telle opération d'exploitation un «risque géologique» important. C'est sans doute en développant une prise en charge par un organisme à vocation de service public, des forages et des investigations dans les zones mal connues qu'un des freins au développement de la géothermie sera desserré. (suite)
|
suite:
1.3. Modes d'exploitation L'exploitation de l'eau chaude d'un réservoir géothermique peut se faire essentiellement de deux manières: - en utilisant un forage unique où l'eau chaude géothermale est pompée, celle-ci étant ensuite rejetée après utilisation de sa chaleur dans le réseau hydrographique superficiel. On compte alors sur la réalimentation spontanée du site géothermique ce qui peut être, à la longue, problématique. Une telle solution est assez largement répandue en Hongrie. Si elle est plus économique, elle n'en présente pas moins de sérieux inconvénients: * un abaissement de la pression dans la nappe * le rejet dans le milieu naturel d'une eau à très forte salinité (de 5 à 30 g/l) et renfermant souvent de l'hydrogène sulfuré. Cette eau est très polluante. Il n'est pas question d'employer cette méthode en France. - en utilisant un «doublet», ensemble de deux forages: un forage d'extraction d'eau géothermale et un forage de réinjection simultanée de cette même eau, après refroidissement, dans la couche géologique d'origine (ig.). C'est ce type d'extraction qui est retenu. L'eau refroidie, réinjectée, se dirige du puits de réinjection vers le puits de pompage. Elle se réchauffe au contact de la roche chaude si bien que le «front froid» se déplace dans la couche plus lentement que l'eau. L'étude du déplacement de ce «front froid» n'est évidemment pas simple. Il est cependant important d'en déterminer les caractéristiques d'évolution le mieux possible puisque c'est une des grandeurs qui déterminera la durée possible d'exploitation du site géothermique. N'oublions pas à ce propos que la géothermie a la même caractéristique que d'autres ressources fossiles: elle n'est pas renouvelable: un site géothermique refroidi par l'exploitation et abandonné à lui-même à une profondeur de 2.000 m ne retrouverait sa température initiale qu'au bout de plusieurs millions d'années... d'où l'importance qu'il y a à ne pas exploiter «n'importe comment». p.4
|
1.4. Modalités d'utilisation de l'énergie
géothermique
Si nous nous intéressons plus spécifiquement à l'énergie à basse température, nous lui trouvons les principaux traits suivants: - elle est localisée dans les bassins sédimentaires: Dogger dans le Bassin Parisien, Aquitaine, Alsace.. toutes zones à forte urbanisation. - elle demande à être utilisée pratiquement sur les lieux de forage si l'on veut éviter des coûts de transport élevés et des pertes de calories. - elle fait appel à des techniques d'extraction bien connues et d'une technologie classique. - elle doit être consommée à des températures inférieures à 100°C, donc distribuée dans des réseaux «basse température». En ce qui concerne les zones de consommation, on peut estimer qu'une grande partie des besoins actuels en chauffage pourrait être couverte par la géothermie puisque la plupart des grandes villes sont situées dans des zones favorables. Dans le domaine des équipements industriels et agricoles, des implantations nouvelles peuvent être incitées dans les zones favorables. Un regroupement en unités de consommation d'énergie est également souhaitable - mais ne nous y trompons pas, il ne s'agit nullement pour autant de promouvoir une urbanisation densifiée si l'on se souvient qu'un forage peut alimenter l'équivalent de 2.000 logements. Ceci ne s'effectue pas spontanément mais requiert une modification des tendances et des normes actuellement en vigueur dans le domaine du chauffage. Par exemple, il y a lieu d'entraver le mode de chauffage «tout électrique» développé par EDF, procédé qui tend à faire disparaître les réseaux centralisés de distribution de calories et rend les logements impropres à tout autre mode de chauffage. |
Dans le domaine des modalités d'utilisation,
on pense spontanément qu'il est primordial d'utiliser l'énergie
géothermique sur les lieux du forage; cela permet bien évidemment
un abaissement du coût d'une installation puisqu'aucun frais de tuyaux,
de fouille et de calorifugeage ne sont à ajouter. Le transport,
même sur des distances de plusieurs kilomètres ne doit toutefois
pas être exclu a priori. En Islande, par exemple, des équipements
comportant un transport sur 18 km avec 1°C de perte de température
sont réalisés et un réseau de transport sur 43 km
est actuellement en construction.
Au niveau du réseau de distribution, il est important de pouvoir véhiculer des volumes d'eau élevés, mais ceci se faisant à pression normale, ne pose pas de problème technique; une difficulté existe toutefois en France où beaucoup de réseaux urbains de distribution de chaleur en service actuellement sont en général conçus pour véhiculer de l'eau à 18°C sous 3 bars. Tel est le cas du réseau de chauffage urbain de Paris et de plusieurs zones urbaines de banlieue. Un tel niveau est inadapté à la géothermie et doit être transformé pour passer à la géothermie car les canalisations de relativement faible diamètre sont incompatibles avec le transport d'eau de température inférieure à 100°C. Quant à l'emploi de chaleur d'origine géothermique chez l'utilisateur, il fait appel à des moyens tellement traditionnels que cela ne peut poser aucun problème: toutes les techniques habituelles de chauffage par circulation d'eau chaude conviennent: les radiateurs, les tubes noyés dans le sol, toutes les formes imaginables d'échangeurs air-eau,... (voir Annexe 2). De fait, nous constatons que cette forme d'énergie présente des caractéristiques spécifiques qui, plutôt que d'être des obstacles à son emploi, doivent être regardées comme des incitations à son utilisation pour répondre à des besoins de même spécificité. Cela demande sans doute un effort d'imagination et d'adaptation mais offre en contre-partie la possibilité d'utiliser de manière optimale et sans sophistication des ressources disponibles sur le territoire. p.5a
|
Nous avons vu que sur le plan
de la recherche, de la connaissance même des ressources géothermiques,
un effort particulier, s'appuyant sur une incitation des organismes publics
de recherche, est indispensable. Sur le plan de la mise en oeuvre de cette
ressource sous forme d'installation de chauffage domestique ou industriel
de séchage industriel ou agricole.. le nombre des réalisations
est encore modeste.
2 - 1. Les causes de freinage
En effet:
|
- risque financier enfin, en raison de l'importance
des investissements initiaux et des problèmes bancaires qui en découlent.
De plus, si l'exploitation doit être remise en cause ou stoppée
après un certain temps de fonctionnement, de nouveaux investissements
seront nécessaires pour fournir les calories par des moyens classiques
tandis que les remboursements des emprunts initiaux devront malgré
tout être assurés (voir Annexe 1).
2. A l'autre extrémité du circuit, l'utilisateur n'acceptera pas de supporter ces risques en payant sa thermie plus cher qu'avec un chauffage classique. De toute façon, il est en général absent lorsque ces choix sont effectués. 3. Enfin, les fournisseurs ne voient pas d'un très bon oeil la baisse de consommation qu'entraîne, pour leurs produits, le passage au chauffage géothermique. Ainsi dans le système: * les promoteurs sont réticents et n'acceptent d'envisager une opération que moyennant l'assurance de garanties de plus en plus étendues de la part de l'Etat, * les consommateurs ne sont pas tentés de se mobiliser pour imposer, lorsque c'est possible, ce mode de chauffage, d'autant plus qu'ils ne sont généralement pas informés. * les fournisseurs enfin (Compagnies pétrolières, Electricité et Gaz de France) font tout leur possible pour contrecarrer toute tentative de solution géothermique lorsqu'ils ne peuvent la contrôler en favorisant le choix de chaufferies d'appoint qui les avantage. D'autre part, les obstacles d'ordre administratif ou normatif existent ainsi comme nous l'avons déjà signalé, l'habitude de distribuer la chaleur à l80°C empêche de substituer purement et simplement un générateur géothermique à une chaudière à combustible fossile (fuel ou charbon) ou réalisant la combustion de déchets organiques ou de bois. p.5b
|
2.2. Opérations géothermiques réalisées,
en cours et projetées.
Parmi les installations actuellement en service, signalons: - la réalisation de Melun-d'Almont: c'est la première réalisation due à l'initiative de Ph. Mauges en 1969 et mise en service en 1970. Elle porte sur 3.000 logements. La ressource utilisée est l'eau du réservoir de Dogger à 70°C et 1.800 m de profondeur, avec un débit de 90 m3/h. Il est à signaler qu'après sept ans de fonctionnement l'examen des tubages métalliques montre que ceux-ci assureront les trente années de service prévues pour la durée de vie des installations. - l'opération de Creil réalisée en 1975-1976 par le BRGM et des spécialistes en chauffage. Elle porte sur 3.700 logements. Elle utilise aussi l'eau du Dogger à 59°C et 1.550 m de profondeur. Elle porte sur deux tranches de logements, l'une avec un débit de 310 m3/h, l'autre de 395 m3/h. - l'opération de Villeneuve-la-Garenne réalisée en 1975 par TOTAL pour 2.000 logements. Elle utilise de l'eau du Dogger à 57°C et 1.730 m de profondeur. Le débit est de 180 m3/h avec pompe immergée. D'autres opérations à Mont-de-Marsan, Blagnac, à la Maison de la Radio (avec pompes à chaleur), à la piscine d'Orsay, à Grenoble, à l'aéroport de Lyon-Satolas montrent que le chauffage géothermique n'est pas une utopie et qu'il a atteint le stade de véritables réalisations industrielles. Mais s'il est important de pouvoir se référer à des exemples de réalisations connues, il est intéressant d'avoir connaissance de projets d'équipements. En effet, dans la mesure où les utilisateurs potentiels sont informés du projet, ils peuvent agir auprès de l'organisme qui a pour mission d'étudier le moyen de chauffage et de décider parmi les solutions proposées de promouvoir ou non la solution géothermique. Projets connus:
Autres projets possibles à très court terme:
Taverny (2.000 logements) Nangis (1.500 logements) Montereau (3.000 logements) Choisy-le-Roi Créteil Orly Sucy-en-Brie Le Blanc-Mesnil Val d'Yerres Clichy-sous-Bois La liste est loin d'être exhaustive... (suite)
|
suite:
Par ailleurs, il existe ici et là des puits pétroliers qui pourraient être utilisés, moyennant quelques travaux d'aménagement, en vue d'une consommation locale d'eau: - chaude, près d'Aix-les-Bains en particulier. Projets bloqués:
En résumé, il apparaît:
Il semble, en tout état de cause, que ce soit par une politique volontariste que les choses évolueront et qu'une utilisation importante puisse être faite de cette ressource potentielle disponible sur le territoire. Rappelons qu'avec le solaire et les quelques millions de tonnes de charbon exploitables, c'est une énergie nationale, ne nécessitant d'importation à aucun niveau de production. p.6
|