Avant de décrire l'accident tel qu'il ressort actuellement des informations à notre disposition, il nous faut faire un bref rappel technique qui sera d'ailleurs aidé par les schémas ci-dessous. Le réacteur de Three Mile Island 2 est du type PWR, c'est-à-dire qu'il comprend un circuit primaire dans lequel un pressuriseur maintient une pression telle (150 bars) que l'eau ne bout pas à la température de fonctionnement (320°C). Le modérateur et le caloporteur étant constitués par cette eau du circuit primaire, il est nécessaire d'enrichir légèrement l'uranium naturel: on passe de 0,7% en U235 à 2,6% dans le cas de la centrale qui nous intéresse. Le circuit primaire comprend ainsi le réacteur[1], quatre pompes primaires[2] qui ont pour but de faire circuler l'eau, deux échangeurs de chaleur[3] et un pressuriseur[4]. Tout ce premier circuit peut être contaminé par suite des fuites des gaines des combustibles tolérées dans ce type de centrale à eau légère (environ 1% de gaines fissurées), aussi est-il à l'intérieur d'un bâtiment en béton appelé enceinte de confmement et séparé de l'eau secondaire qui traverse la turbine par la paroi des tubes des générateurs de vapeur. L'accident grave est toujours dû au fait que, pour des raisons diverses, le cœur du réacteur n'est plus suffisamment refroidi; cela provient soit d'un mauvais refroidissement par le circuit secondaire, soit d'une défaillance propre au circuit primaire, soit des deux en cascade. Aussi sont prévues des injections de sécurité dans le circuit primaire: à haute pression, s'il s'agit de brèches de faible importance, à basse pression et fort débit, s'il s'agit de la rupture franche d'une tuyauterie primaire. De plus une aspersion extérieure au circuit est installée dans l'enceinte contenant le réacteur. Enfin, un circuit auxiliaire permet de refroidir le réacteur à l'arrêt (RRA). |
Sur ces différents circuits, il y a bien sûr des vannes et des soupapes. Ces dernières, en particulier, ne sont pas sans poser des problèmes car elles sont surtout prévues pour s'ouvrir. Certaines soupapes de sécurité installées sur le circuit primaire n'expédient pas leur vapeur ou leur eau dans l'atmosphère mais dans des volumes de stockage: il s'agit en effet d'une eau très contaminée. Le circuit secondaire qui fait tourner la turbine et l'altérateur comprend: - les générateurs de vapeur[3] qui récupèrent la chaleur du circuit primaire et produisent la vapeur du circuit secondaire; - les turbines[5] dans lesquelles cette vapeur se détend et fournit l'énergie mécanique qui entraîne l'altérateur; - le condenseur[6] où la vapeur se condense au contact de la source froide du circuit: autre circuit (tertiaire en somme) qui à Three Mile Island cédait sa chaleur à l'atmosphère grâce à des aéro-réfrigérants; - des turbo-pompes alimentaires[7] qui renvoient l'eau après réchauffage aux générateurs de vapeur. Sur ce circuit existent aussi des sécurités et en particulier un système auxiliaire qui permet d'envoyer de l'eau dans les générateurs de vapeur (côté secondaire) en cas de défaillance de l'alimentation normale. Au moment de l'accident, le réacteur n°1 était à l'arrêt pour rechargement du combustible et le réacteur n°2 (accidenté) était, lui, à 97% de sa puissance nominale. p.2
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Three Mile Island unité N°2
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Description de l'accident lors des 16 premières
heures, le 28 mars:
Lors d'une réunion publique le 4 avril, les ingénieurs de la NRC ont présenté à leurs directeurs, le scénario de l'accident tel qu'il découlait du dépouillement des enregistrements de la centrale. Seuls les enregistrements correspondant aux 16 premières heures avaient été dépouillés.[1] En prenant comme origine des temps l'instant où débute l'accident (4 heures du matin, heure locale), le 28 mars, le scénario est le suivant: Temps: - 0: Perte pour une raison non encore établie de l'alimentation normale des générateurs de vapeur. Ceci entraîne l'arrêt automatique de la turbine. - 3 à 6 s: Ouverture de l'électrovanne de décharge du pressuriseur sur signal de pression primaire élevée (153 bars)[2]. - de 9 à 12 s: Arrêt d'urgence du réacteur au signal pression primaire élevée (161 bars). - de 12 à 15 s: La pression primaire descend à 152 bar, puis à 148 bars. La température de la branche chaude à la sortie du cœur atteint 320°C. La vanne de décharge du pressuriseur aurait dû se refermer à 155 bars, or elle ne se referme pas. - 30 s: Les trois pompes d'alimentation de secours des générateurs de vapeur marchent à pleine pression. Leur débit est nul: les vannes en aval sont fermées, ce qui est en contradiction flagrante avec les spécifications techniques. - 60 s: Le niveau pressuriseur monte rapidemcnt - Niveau «bas» des générateurs de vapeur A et B. - 2 mn: Démarrage automatique de l'injection de sécurité haute pression sur signal basse pression primaire, 110 bars. - de 4 à 11 mn: Le niveau pressuriseur sort de sa gamme de lecture. Successivement à 4,5 mn et 10,5 mn, l'opérateur arrête les deux pompes d'injection de sécurité. A 6 mn, ébullition en masse («steam flashing») dans le cœur. Pression primaire: 93 bars; température sortie du cœur: 308°C A 7,5 mn, les pompes des puisards d'enceinte se mettent automatiquement en service. A 8 mn, l'opérateur ouvre les vannes d'alimentation de secours des générateurs de vapeur. A 8 mn 18 s, la pression est minimum dans le générateur de vapeur B. A 8 mn 21 s, la pression (côté secondaire) dans le générateur de vapeur A remonte. - de 11 à 12 mn: Le niveau pressuriseur est de nouveau lisible. Remise en route manuelle des pompes d'injection de sécurité haute pression. - 15 mn: Rupture des membranes d'éclatement du ballon de décharge du pressuriseur à environ 13,5 bars. - de 20 à 60 mn: Les pression et température du circuit primaire restent stables; pression primaire: 72 bars; température du cœur: 287°C (conditions d'ébullition). - l h 15: L'opérateur arrête les deux pompes primaires de la boucle B. «A ce stade des dégradations s'étaient certainement déjà produites sur le combustible, mais le plus grave était à venir» (citation NRC). - 1 h 40: L'opérateur arrête les deux pompes primaires de la boucle A. - 1 h 45 à 2 h: Le cœur commence à s'échauffer fortement. La température de sortie du cœur dépasse 327° et sort de la gamme de lecture pendant 14 mn. La température d'entrée du cœur décroît à 65°. - de 2 h 15 à 3 h: La pression primaire passe de 48 à 148 bars. A 2 h 20, isolement du générateur de vapeur B. Décharge à l'atmosphère de la vapeur secondaire par les soupapes de décharge commandées. A 3 h, ouverture de la vanne de décharge du pressuriseur (action manuelle). A 3 h, détection de radioactivité dans le réseau de drains des puisards d'enceinte. (suite)
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suite:
- 3 h 15: Pic de pression: 34 bars dans le ballon de décharge du pressuriseur. - 3 h 50: Nouveau pic de pression: 0,76 bar dans le ballon de décharge de pressuriseur. La pression primaire serait de 120 bars. La pression dans l'enceinte atteint 0,31 bar. Isolement automatique de l'enceinte à une pression de 0,3 bar (suppression). - 5 à 6 h: La pression primaire passe de 85 à 145 bars. - 7 h 30: Ouverture de la vanne de décharge du pressuriseur pour réduire la pression primaire. Nota: De nombreuses manœuvres ont été effectuées sur la vanne de décharge. Elle semble donc être restée, dans une certaine mesure, manœuvrable pendant l'accident. - de 8 h à 9 h: La pression primaire décroît à 35 bars. Les températures mesurées par les thermocouples du cœur (52 mesures) donnent des valeurs très diverses. Les thermocouples sortent de leur gamme de lecture: 325 à 370°C. Une ébullition dans une partie du cœur est certaine. Les accumulateurs se sont en partie déversés dans la cuve (pression de charge des accumulateurs: 41 bars). - 10 h: Pic de pression de 1,9 bar dans l'enceinte (probablement explosion d'hydrogène). Démarrage de l'aspersion d'enceinte qui est arrêtée (manuellement?) après avoir injecté 20 m3 d'eau sodée dans l'enceinte. - 13 h 30: Fermeture de la vanne de décharge du pressuriseur pour augmenter la pression primaire afin de: - réduire les dimensions d'une bulle d'incondensables et/ou de vapeur, - permettre le démarrage des pompes primaires. Mise en route des pompes primaires de la boucle A. A ce moment, la forte différence de température entre l'entrée et la sortie du cœur (branches froide et chaude) indique un débit quasiment nul dans le cœur. - 13 h 30 à 16 h: La pression primaire augmente de 44,8 à 158 bars. - 16 h: La température de sortie du cœur décroît à 293°C. La température d'entrée du cœur remonte à 204°C. Le générateur de vapeur A fonctionne et évacue sa vapeur vers le condenseur où le vide a été rétabli. 16 heures après l'accident, l'installation se trouve dans l'état général suivant: - très forte dégradation du combustible: les ingénieurs de la NRC estiment qu'environ 10 à 25% des crayons de combustible ont été rompus. Le refroidissement des crayons de la zone centrale du cœur est gêné par leurs déformations. Cependant, les mesures faites ultérieurement sur l'activité de l'eau primaire montrent une faible concentration en produits de fission solide, ce qui indique qu'il n'y a pas eu de fusion notable du combustible. - Présence d'une bulle d'incondensablés au sommet du cœur. La présence et les dimensions de cette bulle ont pu être estimées en corrélant les variations de pression du circuit primaire, les températures des branches chaudes et froides, les températures du cœur et le niveau du pressuriseur. Cette bulle est essentiellement composée d'hydrogène provenant d'une réaction zircaloy/eau qui a pu se produire lors des phases d'assèchement du cœur au cours desquelles la température des gaines aurait atteint un niveau rendant possible cette réaction (on nous a même cité la valeur de 1920°C!). - Ebullition locale dans le cœur indiquée par les thermocouples du cœur. - Présence dans l'enceinte d'une eau fortement contaminée dont l'activité était de 800.000 Ci/m3. - Contamination du bâtiment des auxiliaires nucléaires à la suite du déversement d'environ 40 m3 d'eau contaminée puisée dans l'enceinte par les pompes d'exhaure[3]. Ce déversement est dû au débordement des réservoirs du traitement des effluents liquides. - Le refroidissement du cœur est assuré par circulation de l'eau primaire (utilisation d'une pompe primaire) dans la boucle A et évacuation de la chaleur par le générateur de vapeur A. Ce mode nécessite le fonctionnement du système d'eau d'appoint et notamment un débit de décharge d'eau primaire fortement contaminée d'environ 80 l/mn en direction des circuits du système de contrôle volumétrique et chimique (RCY). - Rappelons que la pression primaire est de l'ordre de 118 bars, la température de branche chaude de 293°C; les thermocouples du cœur indiquent la présence de zones d'ébulution dans le cœur. p.3
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AU 6 AVRIL 1979 Nous n'avons pas pu recueillir de renseignements
précis concernant l'évolution exacte des paramètres
de la centrale au delà des seize premières heures. Cependant,
les principales actions de l'exploitant, agissant sous le contrôle
des ingénieurs de la NRC et avec le concours d'ingénieurs
de Babcock et Wilcox, ont eu pour buts:
ÉTAT DE L'INSTALLATION AU 5 AVRIL 1979 ET PROBLEMES POTENTIELS Au 4 avril, les mesures dans le cœur n'indiquaient
plus aucune trace d'ébullition dans ce dernier.
(suite)
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suite:
La puissance résiduelle du cœur était de l'ordre de 5 MW. Les estimations conduisaient à penser que la bulle d'incondensables avait fortement décru. Aucune indication chiffrée de son volume ne nous a été communiquée alors que, le 3 avril, il était question d'environ 1,4 m3 et que, précédemment, les estimations les plus pessimistes avaient indiqué environ 25 m3 à 60 bars. * L'exploitant envisageait de passer en circulation
naturelle, tout en remplissant complètement d'eau le pressuriseur.
Une telle opération permettrait de s'affranchir des problèmes
suivants:
RAPPEL DES CONCLUSIONS DE LA RNC Lors de la réunion du 4 avril, la NRC
a indiqué en conclusion de son exposé que l'accident était
dû aux six causes suivantes:
p.4
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