Nous avons trouvé, dans
des revues spécialisées, des articles intéressants,
qu'il nous a semblé utile de faire connaître à nos
lecteurs, et ce d'autant que parfois on nous reproche de ne rien dire de
ce nucléaire militaire angoissant qui nous entoure, nous survole
ou croise dans les mers.
Le premier article est extrait de «Revue Plan d'Urgence» de juillet-septembre 1978 et a été écrit par M. Farooq Hussain, chargé de recherches au King's College de Londres, qui n'est pas seulement célèbre par ses choeurs... Le probleme posé est passionnant: «Que fera un commandant de blindés une fois qu'il saura qu'il va mourir de radiotoxémie dans le mois à venir?» Nous avons retenu les passages les plus significatifs
à notre sens:
Les planificateurs de l'OTAN accordent. une importance considérable à une utilisation restreinte d'armes atomiques pour montrer la «résolution» des pays de l'Alliance au cas où une défense classique ne suffirait pas à contenir une attaque soviétique. Mais le nombre des cibles sur lesquelles on peut employer des armes nucléaires tactiques est grandement limité par la nécessité d'infliger le moins possible de dommages inutiles aux villes et d'éviter la mort de milliers de civils: |
éventualités qui seraient toutes deux politiquement
inacceptables pour les pays membres de l'OTAN, et en particulier l'Allemagne
où il est le plus vraisemblable que ces armes seraient utilisées.
On a donc mis au point la bombe à neutrons (bombe à effet
rayonnant renforcé, ERW dans le jargon militaire) afin de disposer
d'une arme qui n'engendre qu'un minimum de «dommages indirects»,
mais dont le pouvoir de dissuasion soit quand même important pour
l'URSS.
L'auteur nous explique ensuite pourquoi il faut utiliser des ERW à fusion, pour avoir peu de souffle et beaucoup de rayonnement et «l'équilibre» qu'il y a lieu d'observer entre les ERW et le reste de l'arsenal nucléaire nécessaire pour détruire les aérodromes, les ponts, etc. 20% lui semblent un bon compromis. Mais passons toutes ces considérations, pour arriver à notre sujet, le personnel militaire: Le principal problème est peut-être celui de savoir ce qu'il adviendrait des troupes soviétiques exposées à un rayonnement neutronique. Etudions l'un des nombreux scénarios possibles. Supposons qu'une concentration de 300 chars d'assaut, ayant chacun un équipage de trois ou quatre personnes, occupe une zone de deux kilomètres carrés en Allemagne. Cette colonne pourrait se trouver à proximité d'une ville ou d'un village, et les accords de l'OTAN prévoient qu'on ne doit pas endommager au point de les rendre dangereux plus de 5% des édifices de cette agglomération. Il est donc impossible de faire exploser une bombe directement au-dessus de la cible. p.6
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Des radiations mortelles pour tous les
soldats d'une unité de chars d'assaut
Dans ces circonstances, l'officier de l'OTAN, chargé des opérations pourra donc recourir à une ogive nucléaire à effet de rayonnement renforcé, que l'on fera exploser à une altitude comprise entre 130 et 200 mètres. Cela ne détruirait que les édifices situés dans un rayon de 130 mètres à partir d'un point projeté à la verticale de l'explosion. Mais tous les soldats de la colonne de chars recevront des doses mortelles de radiations, même si certains n'en mourront pas avant plus d'un mois. Toutefois, tous commenceront à souffir de diverses formes de radiotoxémie, et les stratèges de 1'OTAN espèrent que cela réduira de façon notable leur capacité et leur désir de combattre (voir graphique). Si 300 hommes d'équipage de chars se trouvent à moins d'un km du lieu de l'explosion, ils seront exposés à un rayonnement de plus de 8.000 rad; ceux-là deviendront incapables d'exercer une activité physique en quelques minutes, bien qu'ils puissent reprendre conscience et ne pas mourir avant deux jours. Si 500 soldats se trouvent dans un périmètre compris entre et 2 km, ils subiront une irradiation de 650 à 8.000 rad; ceux-là pourront survivre une semaine ou plus et, peut-être, redevenir dans l'heure qui suit capables de combattre[1]. Les 200 soldats restants se trouveront à une distance de 2 à 2,5 km et seront exposés à un rayonnement de 200 à 650 rad; ils ne mourront pas avant au moins un mois. Les troupes situées à plus de 2,5 km ne mourront pas et leur potentiel d'activité physique ne sera pas diminué, mais seront susceptibles de subir une irradiation dangereuse (plus de 200 rad) car ayant des conséquences à long terme. La distance de sécurité[2] minimale pour les troupes de l'OTAN est donc de 2,5 km[3], mais une erreur dans le processus d'avertissement ou dans le lâcher de la bombe peut facilement faire en sorte que des soldats de l'OTAN soient dangereusement irradiés. La première conséquence d'une radiotoxémie provoquée par une forte irradiation est un état qui s'apparente au mal de mer. Une exposition à un rayonnement supérieur à 8.000 rad affecte le système nerveux central. Cela amène en quelques minutes un état de prostration et la mort dans les 48 heures. Une dose de 3.000 rad entraîne un syndrome gastro-intestinal accompagné de vomissements, de diarrhée, d'une forte fièvre et ensuite d'un coma; le sujet atteint meurt dans les 14 jours. Une exposition à un rayonnement de plus de 450 rad provoque des hémorragies sous-cutanées et gingivales et la mort dans les trois semaines qui suivent l'irradiation. La moelle est attaquée à environ 100 rad, ce niveau d'irradiation n'amène pas forcément la mort, mais une longue maladie s'ensuit obligatoirement. Après l'exposition au rayonnement et la phase initiale, il se produit une phase pendant laquelle le mal progresse de manière cachée et dont la durée dépend de l'irradiation subie. Le personnel militaire est censé assumer ses fonctions durant cette période même si ses «capacités physiques sont altérées». On calcule l'altération des capacités physiques par rapport à l'irradiation en fonction du degré d'effort physique qu'exige l'exécution d'une tache militaire, c'est-à-dire selon qu'elle nécessite un gros effort physiqùe, comme cela est le cas dans l'infanterie ou un faible effort, comme dans le cas des opérateurs d'équipement électronique qui ont surtout à pousser des boutons. On vous jure que ce
n'est pas un gag! Passons le texte où l'auteur
tente d'expliquer l'origine des valeurs d'irradiation prises en compte
et pour finir ce texte passionnant, intéressons-nous un instant
aux blessés:
(suite)
|
suite:
A la suite d'un conflit nucléaire tactique où les adversaires se seraient tous deux servis d'armes nucléaires, la question des soins à apporter aux blessés soulèverait d'énormes difficultés. Le nombre de blessés qu'entraîne chaque explosion atomique est en effet si considérable qu'on ne pourrait faire grand-chose pour soigner les cas de radiotoxémie, les prisonniers ennemis blessés amplifiant encore le problème. On s'est attaché à étudier les effets psychologiques de l'irradiation sur des troupes que l'on maintiendra en opération, après altération des capacités physiques, jusqu'à ce que les soldats meurent de cette irradiation. Mais il est extrêmement douteux que l'on puisse se fier à un entraînement spécial et à la discipline dans de telles circonstances. Le problème de l'évaluation du nombre de blessés qu'entraînerait l'utilisation d'armes nucléaires tactiques est encore compliqué par les effets à retardement du rayonnement. Les endroits temporairement isolés du champ de bataille à cause d'un rayonnement résiduel d'une intensité intolérable, c'est-à-dire là où se trouveraient la plupart des blessés, seraient dangereux et longs à réoccuper. La radioactivité induite dans le sol à la suite de l'explosion d'une ERW est bien moins forte et de plus courte durée que celle laissée par des armes à fission, mais l'irradiation neutronique intense de l'acier et des autres matériaux aurait probablement des conséquences dangereuses. Pour des activités militaires, on considère qu'une exposition à un rayonnement résiduel de 2 rad à l'heure est acceptable. Mais l'on déconseille au personnel militaire d'encourir de façon répétée une irradiation de plus forte intensité pour s'occuper des blessés.[4] Comme on a pu le voir avec le dernier article, les problèmes de dosimétrie en temps de guerre sont posés, aussi nous avons le plaisir de vous informer sur ce point grâce au Médecin en chef Andrieu[5], qui a publié un article intitulé: «Les problèmes médicaux de la dosimétrie individuelle en temps de guerre» dans la revue Médecine et armées (1978, 6, 7). Dès l'introduction, le cadre est fixé: Il est très difficile
d'apprécier la valeur, les limites et les problèmes de la
dosimétrie individuelle en temps de guerre nucléaire. En
effet, nous n'avons aucune expérience pratique de ce genre de conflit.
a) Rayonnement initial et résiduel
p.7
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L'instant, le lieu
et les caractéristiques du rayonnement initial sont imprévisibles.
C'est un phénomène que l'on subit, on ne peut lui opposer
que quelques consignes de «défense passive». Ce rayonnement
est un mélange en proportions très variables de photons alpha
et de neutrons.
Les caractéristiques observables de l'explosion et la situation météorologique permettent de prévoir approximativement l'évolution des retombées dans le temps et dans l'espace. La situation n'est plus totalement subie. Elle est en partie contrôlable. Le rayonnement secondaire est un mélange alpha, bêta et gamma, mais il n'y a pas de neutrons. Il y a irradiation externe et possibilité de contamination intense. b) Puissance de l'arme
Et maintenant, les raisons d'une dosimétrie individuelle: La dosimétrie individuelle
est nécessaire dans la mesure où elle est un élément
essentiel pour l'appréciation quantitative de la radiolésion.
Il est essentiel pour le médecin de faire un diagnostic, un pronostic
et un traitement. Pour le commandement, le problème est un peu différent.
Deux situations justifient une dosimétrie:
L'auteur insiste ensuite longuement sur les problemes posés par le fait que les doses reçues par un individu, ou entre ceux-ci, sont largement hétérogènes, ce qui ne facilite pas la tâche. En effet, pour n'être pas anéanti par une explosion nucléaire, même de très faible puissance, il faut être à une certaine distance de l'arme. Cette distance favorise la diffusion du rayonnement augmentée par tous les matériaux qui peuvent faire écran. Mais les données actuelles sont insuffisantes pour préciser le degré d'hétérogénéité de la dose dans un corps humain. Des mesures expérimentales sont possibles sur mannequins anthropomorphes, encore faudrait-il réaliser diverses situations typiques qui ne correspondraient pas exactement aux situations réelles. Retenons seulement que la dose tend à devenir plus homogène lorsqu'augmentent la distance et la diffusion sur les obstacles. C'est un phénomène favorable pour la dosimétrie. d'où : Sur le plan mititaire, l'incidence
de l'hétérogénéité sera différente
suivant les circonstances:
(suite)
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suite:
Par contre, on peut prévoir que la dose variera moins d'un individu à l'autre; - s'il s'agit d'une retombée en cours, la dose sera moins dépendante de la hauteur. Ceci est valable pour l'irradiation gamma des individus protégés par une tenue chaude. S'il n'en est pas ainsi, il y aura irradiation par le rayonnement bêta des parties cutanées non protégées avec risque de contamination interne. La dosimétrie sera donc très complexe. Hélas!
Les documents officiels qui traitent
des pertes par irradiation ne prennent en compte ni le débit de
dose, ni son fractionnement. Il y a donc une surestimation qui va dans
le sens de la sécurité. L'expression d'un équivalent
de dose (déjà critiquable si la dose n'est pas homogène),
ne peut exprimer un seul et même état radiopathologique si
une même dose est répartie différemment dans le temps.
Le reste de l'article est consacré essentiellement à des problèmes techniques que nous épargnons à nos lecteurs. Mais avant de quitter notre médecin-chef, nous citerons le passage où il est question des difficultés de la dosimétrie clinique: Nous n'avons aucune expérience
de la guerre nucléaire. Peu de médecins connaissent la radiopathologie:
les irradiés par accident ou par thérapeutique sont rares
et entre les mains de quelques spécialistes. On ne peut pas conclure
actuellement sur une appréciation clinique suffisamment fiable.
Voyez, il ne manque pas un bouton de guêtre! p.8
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