La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°54/55
I - Situation des mines en France

(Dossier constitué par CLUNA - 7, rue de l'Auvergne - Saint-Félix - 12000 Rody)


     Notre propos, dans cet article, est d'examiner la situation de l'uranium en France (recherche, exploitation, titres miniers) depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir, c'est-à-dire depuis juillet 1981, et jusqu'à la fin du 1er semestre 1983.

TITRES MINIERS
(voir encadré 1)

     PER: permis exclusif de recherches.
     PEX: permis d'exploitation.

     Le conseil des ministres du 30 juillet 1981 avait pris un certain nombre de décisions concernant le domaine nucléaire, dont l'organisation d'un débat sur la politique énergétique nationale au Parlement à l'automne. Pour l'uranium, le conseil des ministres avait décidé qu'«aucune autorisation nouvelle ne serait accordée dans l'immédiat». 
     Effectivement, entre le 1er août et le 8 décembre 1981, aucun titre minier n'a été accordé (à signaler tout de même, en novembre, 5 prolongations de PEX et une prolongation de PER). C'était l'époque du «gel» des titres miniers qui a duré quatre mois. 
     Le débat parlementaire d'octobre 1981 n'ayant pas remis en cause le programme nucléaire du pays, il était logique que le « gel » ne dure pas plus longtemps et, à partir du mois de décembre, c'est reparti comme... avant. A partir de ce moment-là, les demandes et les octrois de titres miniers pour l'uranium ont recommencé à fleurir dans les colonnes du Journal officiel. 

     Qu'on en juge:
· En 1982, ont été octroyés 38 PER (1.470,4 km2), 4 PEX et 2 concessions. Superficie totale: 1.599 km2. Dans la même année, ont été demandés 27 PER (2.080,6 km2), 6 PEX et 3 concessions. Superficie totale: 2.214,7 km2
     Il faut ajouter un grand nombre de modifications ou de prolongations de titres miniers (notamment 23 prolongations de PER et 3 prolongations de PEX). 

suite:
· Pendant le premier semestre 1983, ont déjà été octroyés 17 PER (1.468,6 km2), un PEX et une concessions. Superficie totale: 1.494,3 km2 (soit presque la superficie totale de 1982). 
     Durant la même période, ont été demandés 16 PER (824,2 km2), 2 PEX et 2 concessions. Superficie totale: 910 km2
     Ainsi, entre le 1er juillet 1981 et le 30 juin 1983, ce sont 73 titres miniers qui ont été accordés: 64 PER, 5 PEX et 4 concessions pour une superficie de 3.585 km2 (soit la superficie du Vaucluse). 
     Au 30 juin 1983, les PER couvrent en France une superficie voisine de 10.000 km2, tandis que les demandes de PER en instance concernent 9.330 km2. Total: 19.000 km2, soit quatre départements. A quoi il faut ajouter les PEX et les concessions. 

     Si l'on s'intéresse maintenant aux zones touchées par les titres miniers octroyés ou demandés depuis juillet 1981, on s'aperçoit que la France est globalement coupée en deux dans le sens nord-sud. En effet, le Nord, I'Est, le Sud-Est et le Languedoc-Roussillon sont presque totalement épargnés. 
     Par contre, les titres miniers se concentrent dans l'Ouest et surtout dans le Massif central. Tous les départements du Massif central sont touchés, les plus concernés étant, par ordre décroissant d'importance, la Creuse (en particulier 15 PER octroyés: 316 km2), l'Allier, le Puy-de-Dôme, la Corrèze, la Haute-Vienne et l'Aveyron. Viennent ensuite, à un degré moindre, la Saône-et-Loire, la Lozère, la Loire, la Haute-Loire, le Cantal et la Nièvre Enfin, I'Indre, I'Ardèche, le Cher, le Rhône et la Vienne n'ont été concernés que par un seul titre minier. 
Après le Massif central, la région la plus touchée est le Sud-Ouest: Charente-Maritime, Gironde, Lot-et-Garonne, Dordogne, Lot, Tarn. On notera en particulier, sur le gros gisement de Coutras (20.000 t), une première demande de concession de la COGEMA (novembre 1982). 
     Nous trouvons ensuite l'Ouest avec les Deux-Sèvres, la Loire-Atlantique, la Vendée, le Maine-et-Loire, et la Bretagne avec les Côtes-du-Nord et le Morbihan. 

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     Seule exception à cette répartition géographique des titres miniers, le Var avec 1 PER octroyé. Si des prospections ou des titres miniers existaient antérieurement dans ces vingt-neuf départements, on note par contre l'absence de quelques départements autrefois bien concernés par les titres miniers uranium, en particulier les Alpes-Maritimes, la Savoie, I'Hérault et l'Aude. 
     La région française la plus convoitée par les sociétés minières est le Limousin (Haute-Vienne, Creuse, Corrèze) avec, au total, 53 PER, 16 PEX et 9 concessions, soit 2.363 km2 (14% de la superficie du Limousin). D'autres départements sont bien «garnis»: on peut citer par exemple l'Aveyron dont près de 10% du territoire sont inclus dans des périmètres de titres miniers octroyés ou en instance.
     Quant aux sociétés minières qui ont demandé ou obtenu tous ces titres miniers depuis juillet 1981, elles sont au nombre de 7. Celle qui a eu la plus grosse part du gâteau est la COGEMA (Compagnie générale des matières nucléaires, filiale à 100% du CEA), avec 20 PER, 3 PEX et une concession. Elle a également demandé 18 PER, 4 PEX et 2 concessions. La COGEMA est la plus importante compagnie minière française pour l'uranium: elle détient au 30 juin 1983, 54 PER (4.700 km2 environ), 15 PEX et 12 concessions. 
     Viennent ensuite, toujours pour cette période de juillet 1981 au 30 juin 1983, et par ordre décroissant d'importance en fonction des titres miniers obtenus: la Compagnie française de MOKTA (ex-CFMU. Groupe Rothschild), la Compagnie minière Dong Trieu (passée depuis peu sous le contrôle de la Compagnie française des pétroles, groupe Total), la SCUMRA (filiale de Minatome), la Société nationale Elf-Aquitaine, Minatome (filiale du groupe Total) et enfin la Compagnie industrielle et minière (filiale de Rhône-Poulenc).
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Encadré 1
Les titres miniers
     Les titres miniers, qui concernent l'uranium comme tous les autres minerais dont la liste figure à l'article 2 du Code minier (houille, fer, cuivre, zinc, mercure, tungstène... ), sont le permis exclusif de recherches (PER), le permis d'exploitation (PEX) et la concession. Il faut y ajouter les modifications de titres (extension ou réduction de périmètre, extension à d'autres substances, fusion... ); les prolongations de durée, les renonciations, désistements et retraits. Ils sont réglementés par le Code minier et le décret du 11 mars 1980 relatif aux titres miniers (J.O. du 16 mars 1980). 

     Le permis exclusif de recherches (PER) est demandé par une compagnie minière lorsque, à la suite de travaux de prospection plus ou moins poussés, elle a découvert des indices intéressants. Il lui confère, et à elle seule (exclusivité), le droit d'effectuer des travaux de recherches à l'intérieur d'un périmètre donné et pour un ou plusieurs minerais donnés. Il lui confère également l'exclusivité de la demande ultérieure d'un PEX à l'intérieur du périmètre du PER. 
     Le PER est accordé pour une durée de trois ans (renouvelable deux fois) par un décret du Premier ministre, après une procédure comprenant une enquête publique d'un mois. Le dossier du demandeur, comprenant une notice d'impact sur l'environnement, souvent très succincte, est déposé à la préfecture et, éventuellement, dans les sous-préfectures et les mairies des chefs-lieux de cantons concernés. Le public inscrit ses observations sur un registre d'enquête; il n'y a pas de commissaire-enquêteur. 
     II est important de signaler que, avec ou sans PER, les sociétés minières ne peuvent effectuer des travaux de recherches qu'avec le consentement oral ou écrit des propriétaires des terrains. 

     Le permis d'exploitation (PEX) est demandé par une compagnie minière lorsque, à la suite de travaux de recherches poussés (comprenant des forages et parfois des galeries ou des carrières), elle a découvert un gisement susceptible d'être exploité. Il lui confère, et à elle seule, le droit d'exploiter ce gisement à l'intérieur d'un périmètre donné. 
     Le PEX est accordé pour une durée de cinq ans (renouvelable deux fois) par un arrêté du ministre de l'industrie, après une procédure comprenant une enquête publique d'un mois. Le dossier du demandeur, comprenant une notice d'impact sur l'environnement, est déposé à la préfecture. Comme pour la demande de PER, il n'y a pas de commissaire-enquêteur mais seulement un registre d'enquête. 

     Au lieu de demander un PEX, et surtout si le gisement découvert est important, la compagnie minière peut demander une concession qui lui confère la propriété des minerais contenus dans un périmètre donné. Elle est accordée pour une durée plus longue (vingt-cinq ans souvent) par un décret en Conseil d'État auquel est annexé un cahier des charges. La procédure est la même que pour un PEX. 
     Pour les demandes ou les octrois de titres miniers, I'information du public est assurée par des avis et des publications dans le Journal officiel, dans des journaux locaux ou régionaux et par affichage à la préfecture et dans les mairies des chefs-lieux de cantons concernés (ou de toutes les communes concernées pour les demandes de PEX et de concessions). 

     Enfin, munie d'un PEX ou d'une concession, la compagnie minière ne peut entreprendre l'exploitation du gisement qu'après une dernière procédure d'«ouverture des travaux miniers» marquée par la production d'un dossier auprès du préfet. Ce dossier comprend l'étude d'impact sur l'environnement qui est soumise à une enquête publique de quinze jours à la préfecture et dans les mairies des communes concernées. Là non plus, pas de commissaire-enquêteur, mais un simple registre d'enquête.


LES RECHERCHES
     L'activité de prospection et de recherches s'est donc poursuivie activement en France depuis juillet 1981, non seulement dans les départements cités plus haut mais également dans d'autres régions, sur des titres miniers antérieurs ou en dehors de tout titre minier. 
     En 1980, les sociétés françaises ont dépensé 222 millions de francs (MF) pour l'exploration sur le territoire français, auxquels s'ajoutent 152 MF d'investissements dans le développement minier. Pour 1981, ces dépenses devaient atteindre respectivement environ 234 MF et 130 MF. Nous ne disposons pas de chiffres pour 1982. 
     Cette intense activité de recherches est en grande partie la conséquence du «plan uranium» lancé en 1977, non remis en cause depuis, et qui a instauré un régime de subventions destiné à encourager des travaux comportant des risques financiers élevés, tels ceux de prospection. Les aides gouvernementales plafonnent en principe à 35% des dépenses totales, mais peuvent exceptionnellement en couvrir 50% ; elles ne sont remboursables qu'en cas de découverte de gisements exploitables. En 1980, l'aide s'est élevée à 60 MF. 
     La politique nationale en matière d'uranium consiste donc à encourager et soutenir les travaux de recherches afin de mettre en évidence de façon assez précise l'ensemble des ressources contenues dans le sous-sol français. Celles-ci s'élèvent à environ 122.000 t d'uranium contenu (75.000 t en ressources raisonnablement assurées "RRA" et 47.000 t en ressources supplémentaires estimées "RSE"), plaçant la France au 8e rang mondial. 
     Mais l'activité de recherches des compagnies françaises s'effectue également hors du territoire national. 
     La COGEMA possède plusieurs filiales travaillant à l'étranger : au Canada (SNCL, 100% COGEMA), aux États-Unis (FRAMCO, 100%), en Australie (AFMECO, 100%) et dans plusieurs pays africains: Gabon, Guinée, Niger, République Centrafricaine, Zambie. Elle a également signé des accords avec la Bolivie, le Guyana et le Sénégal. 
     Minatome travaille en Arabie Saoudite, aux USA, en Australie, en Afrique, en Irlande et en RFA. 
     Elf-Aquitaine prospecte en Afrique du Sud, en Australie, au Canada et aux USA. 
     Enfin, au Brésil, s'est constituée une filiale à 100% du CEA, Serbrasil, qui s'intéresse à la prospection d'uranium. 
     En 1980, les sociétés françaises ont dépensé 287 MF en exploration et développement minier à l'étranger. Pour 1981, la somme devait atteindre 330 MF. Il s'agit donc, on le voit, d'un effort considérable, qui s'ajoute aux dépenses effectuées sur le territoire national (694 MF au total pour 1981).

L'EXPLOITATION 
     L'exploitation des gisements nationaux s'est également poursuivie depuis juillet 1981. La production a été d'environ 2.800 t. en 1981 (nous ne disposons pas du chiffre de 1982), l'essentiel étant fourni par les mines de la COGEMA. 

suite:
     Les principaux sièges d'exploitation sont:
· le Limousin: Haute-Vienne surtout, plus quelques petites mines dans la Creuse et la Corrèze (COGEMA essentiellement, Cie minière Dong Trieu, Cie française de MOKTA, SCUMRA).
· l'Ouest et la Bretagne: Beaurepaire, Le Chardon, I'Écarpière, La Chapelle-Largeau, La Commanderie, La Dorgissière (COGEMA) et en Bretagne Pennaran (COGEMA) et Pontivy (SIMURA).
· l'Hérault: Saint-Martin-du-Bosc (COGEMA). 
· la Lozère: Le Cellier, Les Pierres Plantées (Cie française de MOKTA). 

     Plusieurs sociétés françaises participent à l'exploitation de mines d'uranium à l'étranger:
· Canada (gisement de Cluff Lake): société AMOK (CEA 38%, Imétal 37%, PUK 25%). 
· USA: la COGEMA détient 25% de CONOCO-FRAMCO et 80% de Pathfinder Mining Corp. 
· Gabon: société COMUF (MOKTA39 %, COGEMA 18,8%, Minatome 13%). 
· Niger: mine d'Akouta: société COMINAK (COGEMA34 %) ‹ mine d'Arlit: société SOMAÏR (COGEMA 27%, Cie française de MOKTA 11,8%, Imétal 7,6%, Minatome 7,6%). 
· Namibie: Minatome possède 10% de la société Rossing U Ltd. 
· Minatome essaie également de s'implanter en Australie.

     La période juillet 1981-juin 1983 n'a pas vu la création de nouvelles usines de traitement de minerai d'uranium, le projet de la SCUMRA à Bertholène, dans l'Aveyron, ayant été reporté (voir encadré). 
     Les usines en fonctionnement sont donc celles contrôlées par la COGEMA: L'Écarpière (Loire-Atlantique) d'une capacité de 650 t.U/an, Bessines (Haute-Vienne): 1.500 t.U/an, et Saint-Martin-du-Bosc (Hérault): 900 t.U/an. La Cie française de MOKTA exploite l'usine de Cellier (Lozère): 250 t.U/an, la Cie minière Dong Trieu celle de Mailhac-s/Benaize (Haute-Vienne): 500 t.U/an et la SCUMRA celle de Saint-Pierre (Cantal): 100 t.U/an. 

LES PROCÉDURES ET L'INFORMATION 
     Si, comme on vient de le voir en détail, I'activité de recherches et d'exploitation s'est poursuivie activement depuis juillet 1981, y a-t-il eu au moins des améliorations dans le domaine des procédures d'octrois de titres miniers et d'ouvertures de mines, notamment en matière d'information et de démocratisation? 
     Une révision, voire une refonte, du Code minier faisait partie des propositions socialistes avant mai 1981. Nous l'attendons toujours car, depuis cette époque, le Code minier est resté intact. Comme le décret du 11 mars 1980 est, lui aussi, toujours en vigueur, on se doit de constater qu'il n'y a eu aucune modification, et donc aucune amélioration, dans le domaine des procédures et de l'information. 
     Seule la Loi du 12 juillet 1982 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement (J.O. du 13 juillet 1983) pourrait apporter des progrès sensibles. Mais on est obligé d'employer le conditionnel puisqu'il faudra attendre les décrets d'application pour savoir si elle va s'appliquer aux recherches et à l'exploitation des mines, et donc à l'uranium. 

p.5

Encadré 2
Une victoire juridique importante dans le domaine de l'uranium:
l'annulation par le tribunal administratif de Toulouse
de l'arrêté d'autorisation d'une usine de traitement à Bertholène (Aveyron)
     Bertholène: village aveyronnais situé à 20 km à l'est de Rodez, en bordure de l'axe Brive-Méditerranée, dans la vallée de l'Aveyron qui longe au nord le massif boisé des Palanges. 
     C'est dans ce massif, à un kilomètre du village, que la Société centrale de l'uranium et des minerais et métaux radioactifs (SCUMRA) découvre, en 1957, un gisement d'uranium, aujourd'hui évalué à 1.200t. 
     Début 1979, la SCUMRA fait une demande de concession et le dossier soumis à enquête publique révèle qu'elle a également l'intention de construire une usine de traitement de minerai. Effectivement, I'année suivante, elle fait une demande d'autorisation pour une usine de traitement de minerai d'uranium entrant dans la catégorie des installations classées soumises à autorisation. Cette usine, d'une capacité de 250 t U/an, serait située à 1,5 km de la mine, en plein coeur du massif des Palanges. 
     L'enquête publique se déroule du 21 avril au 20 mai 1980 et constitue l'un des temps forts de l'opposition à l'uranium dans l'Aveyron, opposition menée par le «Comité anti-uranium des Palanges», les «Amis de la Terre de l'Aveyron» (A.T. Aveyron) et un collectif d'associations, le «Comité de liaison Uranium-Nucléaire de l'Aveyron» (CLUNA). Le dossier, comprenant l'étude d'impact sur l'environnement, est soigneusement étudié par les A.T. Aveyron qui y relèvent un certain nombre d'insuffisances. Aussi, quand le préfet de l'Aveyron prend l'arrêté autorisant l'usine de traitement de la SCUMRA (25 septembre 1980), décident-ils d'attaquer cet arrêté devant le tribunal administratif de Toulouse. 
     La requête porte sur les deux points suivants:
     a) Insuffisance de l'étude d'impact en ce qui concerne la partie «Analyse de l'état initial du site et de son environnement» et notamment pour la radioactivité naturelle du site (absolument rien dans l'étude d'impact), I'écosystème de la rivière Aveyron, qui devait recevoir le rejet du bassin de décantation, et l'imperméabilité naturelle du site. 
     b) Inobservation de l'art. 3.6e du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées (ces deux textes sont les plus importants pour les installations classées). 
     Cet article précise en effet que «les études et documents porteront sur l'ensemble des installations ou équipements exploités ou projetés par le demandeur qui, par leur proximité ou leur connexité avec l'installation soumise à autorisation, sont de nature à en modifier les dangers ou inconvénients». 
suite:
     Les A.T. Aveyron prétendent que les routes d'accès à l'usine (à construire par la SCUMRA) et surtout la mine d'uranium prévue sur le gisement constituent des équipements projetés par le demandeur qui sont à la fois proches et connexes de l'usine de traitement projetée et, de plus, de nature à en modifier (en les accroissant) les dangers et les inconvénients, ce qui n'est guère difficile à démontrer. Or, le dossier présenté par la SCUMRA ne dit rien des routes d'accès ni de la mine. 
     Bien que, au grand étonnement des A.T. Aveyron, le ministère de l'environnement ait demandé au tribunal administratif de rejeter leur recours, celui-ci, par un jugement du 13 octobre 1982, annule l'arrêté préfectoral d'autorisation du 25 septembre 1980
     Ce jugement est particulièrement intéressant au plan de la protection de l'environnement. En effet, le Tribunal a admis la validité du deuxième point de la requête présenté par les A.T. Aveyron. Il a estimé que, «par leur proximité et leur connexité avec l'atelier de concentration de minerai d'uranium litigieux, les installations d'extraction minière et les équipements de desserte routière susmentionnés sont de nature à modifier les dangers ou les inconvénients dudit atelier; que, dès lors, les requérants sont fondés à soutenir que les études et documents joints au dossier auraient dû porter sur l'ensemble de ces installations et équipements et présentaient un caractère incomplet; que ces lacunes sont de nature à influer sur la légalité de la décision attaquée...» 
     Ce jugement signifie - et c'est là son intérêt général - que, conformément à la lettre et à l'esprit de l'article 3.6e du décret du 21 septembre 1977, pour apprécier l'impact sur l'environnement d'un ensemble d'installations et d'équipements (dans notre cas usine de traitement + mine d'uranium + 2 routes d'accès de 6 km et leur trafic), il faut considérer et étudier, non pas les différents éléments de l'ensemble pris séparément, mais bien l'ensemble dans sa totalité et ses interactions. 
     Lorsque la décision d'annulation a été rendue, donc en octobre 1982, les travaux de construction de l'usine n'avaient pas encore commencé. C'est qu'entre-temps, la SCUMRA avait révisé ses projets et décidé de reporter la mise en activité de la mine et la construction de l'usine, et cela pour deux raisons: une réévaluation en baisse de l'intérêt économique du gisement et la faiblesse des cours de l'uranium. 
     Le ministère de l'environnement n'a pas fait appel de la décision du tribunal administratif et la SCUMRA n'a pas renouvelé sa demande d'autorisation. Le projet d'usine de traitement semble donc bien enterré mais il pourrait resurgir dans quelques années si les conditions changeaient.

1. Les Amis de la Terre de l'Aveyron, B.P. 122, 12001 Rodez Cedex.

p.6

     Cette loi indique que «la réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux est précédée d'une enquête publique soumise aux prescriptions de la présente loi, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du (suite p. 7) caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter l'environnement.» 
     L'enquête est conduite par un commissaire-enquêteur ou une commission d'enquête désignés par le tribunal administratif. Sa durée ne peut être inférieure à un mois. Le commissaire-enquêteur conduit l'enquête de manière à permettre au public de prendre une connaissance complète du projet et de présenter ses appréciations, suggestions et contre-propositions. Il peut organiser des réunions publiques en présence du maître d'ouvrage. Il peut demander à ce dernier communication de tous les documents qu'il juge utiles à la bonne information du public. 
     Les recherches, et plus encore l'extraction d'uranium, étant bien des travaux «susceptibles d'affecter l'environnement», on peut espérer que les décrets préciseront de nouvelles modalités pour l'octroi des titres miniers, pour l'ouverture des travaux de recherches et des travaux miniers. 
     On peut notamment souhaiter que des enquêtes publiques soumises aux prescriptions de la loi du 12 juillet 1983 soient instituées pour: 
     - les demandes de PER, de PEX et de concession;
     - l'ouverture de travaux de recherches importantes (excavations à partir d'un certain volume, puits, galeries, etc.). Actuellement, seule l'ouverture de travaux de recherches provoquant un terrassement total d'un volume supérieur à 20.000 mètres cubes doit être précédée de la production d'une étude d'impact soumise à enquête publique pendant 15 jours (sans commissaire-enquêteur). L'étude d'impact devrait bien entendu être obligatoire et faire partie du dossier d'enquête;
     - l'ouverture de travaux miniers. Dans ce cas aussi, I'étude d'impact devrait faire partie du dossier. 
     Il faut aussi souhaiter que des améliorations soient apportées dans les domaines suivants: information du public sur l'ouverture des enquêtes publiques (affichage, presse et aussi radios et T.V.); lieux où se dérouleront les enquêtes; jours et horaires d'ouverture des enquêtes et de présence du commissaire-enquêteur... 
suite:
     Il faut surtout espérer que ces enquêtes serviront à quelque chose, c'est-à-dire qu'elles permettront réellement la prise en compte des observations et des propositions du public en vue de l'amélioration (ou de l'abandon) des projets d'une part, et d'autre part, qu'elles susciteront un débat le plus large possible sur les conséquences écologiques, économiques, sociales des projets et sur les différentes possibilités de développement de la région concernée.
     On peut, en conclusion, s'interroger sur l'avenir des recherches et de l'exploitation de l'uranium en France. Il est logique de chercher la réponse dans le document qui a justement pour rôle de définir et de préparer l'avenir à court terme de notre pays, à savoir le «Rapport sur le 9e plan de développement économique, social et cultural (1984-1988)» annexé à la loi du 13 juillet 1983 définissant les choix stratégiques, les objectifs et les grandes actions du développement de la nation pour le 9e plan. 
     Dans ce rapport aux termes très généraux, nous n'avons pas trouvé trace d'uranium, ce qui ne nous avance guère pour répondre à notre interrogation. 
     Pour ce qui concerne la réduction de notre dépendance en matières premières (mais cela concerne-t-il l'uranium?), nous lisons que deux des orientations majeures sont:
     - «accroître la part des importations contrôlées par des opérateurs miniers français pour la porter de 10% en 1982 à 30% en 1990»;
     - «poursuivre l'inventaire des ressources minérales de la France et mettre en production les gisements découverts dont les coûts d'exploitation prévisibles font apparaître qu'ils seraient compétitifs et économiquement rentables». 
     Pour ce qui concerne la production d'énergie, l'objectif est de porter notre taux d'indépendance de 35% en 1982 à 50% au moins d'ici à 1990. «Au cours du 9e plan, les grandes orientations de la politique votée en octobre 1981 seront respectées. Les grands programmes nationaux de production d'électricité (électronucléaire et charbon) seront poursuivis et ajustés aux perspectives de débouchés...» 
     Même si l'on peut s'attendre à une réduction du programme nucléaire, l'effort de prospection pour l'uranium devrait donc se maintenir durant le 9e plan et l'exploitation se poursuivre, sensiblement au même niveau que celui de 1982, avec peut-être la première mise en exploitation du gisement de Coutras.
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