La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°54/55
IV - L'approvisionnement en uranium du programme nucléaire français

Article rédigé par le Groupe Energie Développement - 72 rue du Château d'eau - 75010 Paris


     PRÉAMBULE 

     Il faut très peu de combustible pour faire tourner une centrale nucléaire, dit-on couramment. Il convient de rectifier cette idée reçue: en fait, la fabrication du combustible mobilise, pour une production d'énergie utile équivalente, plus de capitaux que l'industrie de raffinage du pétrole. Et, même si son coût n'intervient que pour 10% dans le prix du kWh, l'approvisionnement en uranium est, surtout depuis l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958, au centre de l'action politique internationale française.

     A. LA POLITIQUE D'APPROVISIONNEMENT DES PRÉCÉDENTS GOUVERNEMENTS
     1. «Garantir» notre approvisionnement

     Les besoins en uranium du programme nucléaire français sont actuellement couverts à plus de 40% par la production métropolitaine. De près de 5.000 tonnes en 1980, ils vont passer à plus de 7.000 tonnes et, si le programme du précédent gouvernement n'est pas ralenti, à environ 10.000 tonnes en 1990(1). La part de la production française devrait progressivement baisser à 30-35% en 1985 et 15-25% en 1990. En effet, si les ressources métropolitaines en uranium sont notables (100.000 tonnes, plus éventuellement 20.000 tonnes récemment découvertes en Gironde), elles sont insuffisantes pour couvrir les besoins à long terme (besoins cumulés évalués entre 320.000 et 520.000 tonnes en 2020) et sont d'un coût d'exportation bien supérieur à celui des grands gisements découverts dans certains pays du tiers monde, au Canada, en Australie.

Afin d'éviter de retomber dans la même dépendance que pour notre approvisionnement en pétrole, les sociétés françaises (principalement le CEA, puis la COGEMA au départ, à laquelle s'adjoignent maintenant Total, Elf, PUK, EDF, Imétal, Rhône-Poulenc) ont mené, depuis trente ans, une intense politique de prospection dans les cinq continents. Et pour ne pas trop dépendre du continent africain, menacé de déstabilisation, les précédents gouvernements avaient particulièrement misé sur l'aboutissement des prospections en Amérique latine et en Asie. Mais, pour des raisons politiques et économiques, ces projets n'ont pas pu aboutir. On sait ce qu'il advint de l'Iran. Le Brésil confia l'exploitation des gisements découverts par le CEA à l'Allemagne, etc.

     a) 3 années d'autonomie
     Admettons que le risque d'une rupture des approvisionnements est réel, le précédent gouvernement a tenté d y parer par deux mesures: 
     - installer sur le territoire métropolitain une capacité de production égale à 50% de la consommation nationale(2);
     - constituer un stock d'uranium égal à deux ans de consommation (le stock actuel de 20.000 tonnes représente ce stock stratégique pour moitié et les excédents de production dus à la mévente pour l'autre moitié).
     Ainsi, en cas de rupture des approvisionnements extérieurs, le programme nucléaire aurait été assuré d'une autonomie de plus de trois ans de consommation, ce qui aurait permis de rétablir le circuit des approvisionnements d'origine africaine.

p.17

     b) Des forces d'intervention face aux risques de déstabilisation
     Dans le même temps, le gouvernement a eu une politique militaire réaliste: il concentre ses efforts sur les forces d'intervention extérieures destinées à protéger nos zones d'approvisionnement.
     Le Niger, où se trouve l'essentiel de nos intérêts miniers, est doté de la plus petite armée d'Afrique: 2.100 hommes, dont 2.000 dans l'armée de terre, sans char, et 50 dans l'aviation pour faire fonctionner... 6 avions! Trois voisins puissants rendent la situation du Niger très délicate: la Libye, dont les ambitions territoriales sont connues, dispose d'une armée de 30.000 hommes, avec 1.300 chars, 180 avions et 33 hélicoptères; le Nigéria, qui lorgne aussi vers le Niger, a une armée de 230.000 hommes; l'Algérie, qui trace son axe de développement vers l'Afrique noire par le Niger, entretient une armée de près de 100.000 hommes équipés de 350 chars, de 208 avions et 62 hélicoptères. 
     Il s'agit de protéger non seulement le Niger, mais aussi les pays qui l'entourent de toute menace de déstabilisation qui pourrait avoir des effets communicatifs. D'autre part, l'expansion des programmes nucléaires nécessitera l'exploitation d'un nombre de plus en plus grand de gisements. Il est donc nécessaire de protéger les découvertes minières des diverses sociétés françaises: ainsi en est-il des intérêts des producteurs au Sahara occidental et au Maroc, aux zones de prospection de Total, PUK en Mauritanie, de celles de la COGEMA au Mali et en Guinée, des intérêts définis au Niger, au Tchad, au Sénégal, au Zaïre, en Centrafrique ou même en Angola, le champ à couvrir par le Transal et Jaguar de l'armée française est grand. Et il ne s'agit pas seulement de préserver ces intérêts pour le long terme, mais surtout, peut-être, d'organiser la production.

     c) S'assurer des concessions
     Les découvertes existantes et potentielles étant largement supérieures aux besoins de la consommation, il faut limiter le rythme d'ouverture de nouvelles mines, malgré les pressions des responsables des pays possesseurs de gisements. Les documents internes du «Cartel de l'Uranium» narrent par le menu quels artifices les responsables français ont dû employer pour limiter la production du Niger. Mais aujourd'hui, plutôt que de perdre ces intérêts dans les nouveaux gisements en cours d'ouverture dans ces pays (la concurrence est vive avec les autres sociétés européennes et surtout américaines et japonaises), la COGEMA a dû se résoudre à prendre de nouvelles et fortes participations dans les futures exploitations, obérant par manque de capitaux ces possibilités de diversification en direction d'autres pays. Il fut difficile au gouvernement de faire revenir l'empereur Bokassa sur sa volonté de confier les intérêts miniers français dans l'uranium centrafricain à une société étrangère, tout en repoussant d'année en année la mise en exploitation du principal gisement... On connaît aussi les demandes réitérées du Mali pour la mise en valeur des gisements découverts par la COGEMA sur son propre sol. Mais la palme d'or revient au roi Hassan II qui joue alternativement Américains et Français (et même parfois les Soviétiques) pour l'exploitation de l'uranium contenu dans les phosphates, en échange d'un appui diplomatique et militaire dans la guerre qu'il mène au Sahara occidental. 

suite:
     La conception du précédent gouvernement, d'une indépendance énergétique acquise grâce au programme nucléaire, impliquait donc une certaine conception de l'indépendance, une puissante force militaire d'intervention extérieure et la capacité de contrôler le développement (ou le sous-développement) de nombreux pays d'Afrique, par la mise en place d'une administration et d'un pouvoir politique dévoués aux intérêts français.

     2. Exploitation de l'uranium et sous-développement du Tiers Monde
     Avec 20% de la production mondiale de l'uranium et pas d'utilisation de cette matière, les pays du tiers monde (Gabon, Namibie, Niger) n'ont aucun moyen de contrôle du marché; la Namibie est occupée par l'Afrique du Sud, et on a vu quels étaient les moyens de pression auxquels recourt l'État français pour maintenir sa présence dans les pays d'Afrique francophone.

     a) French Africa
     Au début de 1981, le spécial uranium de la Gazette Nucléaire (N° 41/42) révélait une lettre d'un conseiller de la CEE en Afrique qui montrait l'état d'ignorance quasi complet du président du Niger sur les causes de la crise du marché de l'uranium et donc de la baisse de la rente versée à l'État nigérien. De cette ignorance, les dirigeants nigériens sont en grande partie responsables, pour ne pas s'être donné les moyens de contrôler le marché de cette substance. Mais cette ignorance était voulue par les responsables français. En témoigne le compte rendu de la déclaration de M. Taranger, directeur de production du CEA, à la rencontre internationale des producteurs d'uranium, à Paris, les 20 et 21 avril 1968, rencontre qui devait aboutir à la création du Cartel de l'Uranium.
     Au sujet de l'attribution des quotas pour la France, «M. Taranger, parlant pour URANEX, dit: «(...) Les officiels nigériens ont écrit aux autorités françaises pour obtenir une capacité de production supplémentaire d'uranium nigérien de 1.000 tonnes par an à partir de 1974. Les Français ont accepté avec regret, mais vont essayer de reporter d'un an la mise en production pour des motifs techniques.» Puis, constatant un certain nombre de désaccords entre producteurs d'uranium (résolus par la suite), «M. Taranger hésitait à accepter la poursuite de nouvelles rencontres (... entre producteurs d¹uranium), signalant qu'il y avait un danger de. voir le nombre des parties prenantes proliférer. Jusqu'ici, les Français avaient réussi à exclure les représentants du Niger et du Gabon, mais il n'était pas certain que cette position pourrait être maintenue». Par la suite, le Cartel est ancré, les productions du Niger et du Gabon apparurent sous la dénomination de «French Africa» dans les documents internes de cette organisation.

p.18

     b) Les affaires sont les affaires
     Les accords portant sur l'exploitation de l'uranium dans le tiers monde ont ceci de commun:
     - retour financier minimum dans le pays hôte;
     - faible contrôle du pays hôte sur le développement de l'exploitation (rythme d'exploitation des mines, clients);
     - peu de liens avec le reste de l'économie du pays hôte;
     - peu ou pas de contrôle sur les effets sanitaires et écologiques de l'extraction et du traitement du minerai.
     Au Gabon, un des derniers accords de recherche et d'exploitation qui a été signé (permis de Boué entre l'État gabonais, la COGEMA et Union Carbide Corporation, en 1978) a pour clauses:
     - exonération de taxe pendant 7 ans;
     - droits de douane et redevance limités à 50% de la production;
     - 10% de participation dans le projet pour le gouvernement.
     Cet accord est semblable à celui conclu pour l'exploitation du gisement de Mounana avec la CFMU et la COGEMA. Mais c'est à l'État gabonais d'investir pour la construction du chemin de fer, «le transgabonais», qui permettra d'apporter les matières premières nécessaires à l'exploitation et au traitement du minerai.
     Au Niger, les clauses communes aux différents contrats d'exploitation sont:
     - les compagnies payent toutes les dépenses de recherche, mais le gouvernement doit payer au pourcentage de sa participation (de 30 à 50% suivant les cas) les dépenses de développement et d'exploitation, soit cash, soit en empruntant aux compagnies intéressées. En retour il dispose du même pourcentage de l'uranium produit, dont les acheteurs fixent le prix et ne sont autres, en général, que les compagnies impliquées dans l'exploitation (sauf en période de mévente comme actuellement où seuls les Libyens paraissent intéressés);
     - enfin, il existe une clause qu'en général les pays du tiers monde refusent d'accepter lors de la négociation de leurs contrats, qui garantit aux compagnies minières qu'au cas où d'autres compagnies devraient recevoir des clauses plus favorables dans le futur, celles-ci s'appliqueraient aux contrats précédemment conclus. La COGEMA, première sur le terrain, dispose quant à elle de la «clause de la compagnie la plus favorisée». 

     c) Un processus d'endettement 
     En 1980, l'uranium représentait 70% des recettes d'exportation du Niger et 40% de son budget. Ces pourcentages devraient encore considérablement augmenter avec l'accroissement prévu de la production. Le Niger s'engage donc dans un développement de plus en plus soumis aux fluctuations des cours de l'uranium, avec un endettement croissant pour financer l'exploitation de cette matière :
     - remboursement de ses primes de participation dans l'exploitation;
     - emprunt de 700 millions (35 milliards de francs CFA) pour la construction du chemin de fer qui relie Cotonou à Arlit;
     - achat d'un avion Boeing 737 pour transporter l'uranium vers l'Europe (14 millions de dollars);
     - construction d'une centrale thermique au charbon près d'Arlit, pour approvisionner la cité minière et les unités de production en énergie; 
     - et, en projet, construction d'un aéroport international et d'une base militaire en liaison avec l'ouverture de la SMTT, où la COGEMA détient 50 % des parts; etc.
     L'essentiel des matières premières nécessaires à l'extraction de l'uranium est importé. Par exemple, le soufre pour la fabrication de l'acide sulfurique, solvant de l'uranium, vient du gisement de Lacq en France. Pour produire une tonne d'uranium, 30 tonnes de matériaux divers sont ainsi importées, ce qui nécessite un va-et-vient de camions sur un trajet long de 1.700 km! Dépendance voulue par la COGEMA, qui s'est longtemps opposée au projet nigérien d'exploitation d'un gisement charbonnier et à la construction d'une centrale thermique adjacente pour alimenter la cité minière d'Arlit, préférant les importations de fuel qui pèsent si lourdement sur les économies du tiers monde.

suite:
     Si le prix de l'uranium ne remonte pas, l'économie du Niger rencontrera une grave crise. Le précédent gouvernement s'était engagé à payer l'uranium nigérien au prix de 400 F/kg en 1981, alors que le cours international approchait les 350 F. Les coûts de production sont incompressibles: d'une part, on ne peut décemment baisser les salaires des mineurs, et de l'autre, il faut déjà près de 100 F par kg en transports pour amener les matières premières nécessaires à l'exploitation des gisements. Et ce ne sont pas de bonnes paroles qui permettront une stabilisation du cours de l'uranium en raison des énormes intérêts en jeu et de la concurrence effrénée entre les multinationales pour l'exploitation de cette richesse.
     On est bien loin du développement autocentré nécessaire à l'équilibre social et économique de cette région. On peut aussi se demander ce que rapporte aux Nigériens l'exploitation de l'uranium de leur pays, si ce n'est le «Fonds spécial du président Kountche» alimenté par une taxe spéciale sur l'uranium.

     B. UN AVENIR INCERTAIN
     Les prévisions d'approvisionnement pour la fin de la décennie, telles qu'elles étaient établies par le précédent gouvernement, sont celles-ci:
     - Afrique du Sud: 1.000 tonnes
     - Namibie: 1.500 tonnes
     - Gabon: 1.00 tonnes
     - Niger: 4.500 tonnes
     - Canada et Australie: 2.000 à 3.000 tonnes
     - France: 2.000 à 4.000 tonnes

     Sur un tonnage compris entre 12.000 et 15.000 tonnes, 2.500 proviendraient du pays de l'apartheid (la Namibie est occupée par l'Afrique du Sud), 5.500 de la zone Niger-Gabon, pays constamment menacés de déstabilisation, et 2.000 à 3.000 tonnes du Canada et de l'Australie, pays qui suivent la politique américaine en matière d'exportation et qui pourraient donc à tout moment mettre l'embargo sur l'uranium comme moyen de pression politique (le Canada l'a déjà fait en de nombreuses occasions, au risque de compromettre la survie de son industrie minière; en Australie, les travaillistes se sont engagés à remettre en cause les contrats d'exportation lorsqu'ils reviendront au pouvoir... ).
     Si la répartition entre les différents pays des tonnages d'uranium importé est susceptible de changement, les principales zones d'approvisionnement dans le monde resteront les mêmes jusqu'à la prochaine décennie au moins: 70% de la production sont concentrés dans cinq pays, l'Afrique du Sud, les États-Unis, le Canada, I'Australie et la France, 20% entre la Namibie, le Niger et le Gabon. Et il faut entre dix et quinze ans pour réaliser la mise en production de nouvelles installations d'extraction et de traitement de minerai d'uranium sur des gisements repérés. La seule exception concerne le Maroc, où l'on pourrait extraire dans un délai de quelques années un important tonnage d'uranium à partir de phosphates.
     Ainsi, à la fin de la décennie, 50% de l'uranium destinés à l'exportation proviendra de l'Afrique. Les enlèvements français seront encore supérieurs en pourcentage. Il est maintenant prévisible que la diversification de nos approvisionnements de pétrole interviendra bien avant celle de nos importations d'uranium.
     La poursuite du programme nucléaire lancé par les précédents gouvernements entraînerait de grandes contraintes pour le nouveau pouvoir; celles-ci seraient de nature économique et politique.

p.19

     1. Les contraintes économiques
     La baisse du cours international de l'uranium, passant de près de 600 F/kg en 1978 à moins de 350 F au début de 1981 (notons cependant que la hausse du dollar a fait temporairement remonter le cours à environ 400 F/kg), menace gravement les exploitations minières détenues par la COGEMA qui fournit 80% de l'uranium français. En effet, ses intérêts sont placés soit en France, où les coûts d'extraction et de traitement sont évalués à près de 400 F (400 F en Limousin en 1980, qui est la division minière la plus rentable, beaucoup plus à Lodève dans I'Hérault, où vient de s'ouvrir une nouvelle division), soit, pour l'essentiel, des placements à l'étranger, au Niger et dans une moindre mesure au Gabon. On a vu qu'il n'était pas possible de payer l'uranium à moins de 400 F à ces pays. En revanche, de nombreux gisements canadiens, australiens ou namibiens ont un prix de revient de l'uranium extrait inférieur à 200 F/kg, et I'extraction de l'uranium des phosphates américains, particulièrement riches, revient à moins de 100 F/kg.
     Du fait de ces données et de l'actuelle surproduction mondiale, le cours de l'uranium pourrait encore fortement chuter. La COGEMA n'aurait alors plus d'argent pour investir dans des exploitations plus rentables, ni dans la prospection, ce qui hypothéquerait son développement futur. S'il est concevable de faire payer plus cher le consommateur français d'électricité, en échange d'une «garantie» d'approvisionnement, le contribuable devra-t-il aussi subventionner les ventes d'uranium à I'étranger pour approvisionner les centrales exportées?

     2. Les contraintes politiques
     La gouvernement s'est engagé à stopper les importations d'uranium namibien qui étaient par ailleurs totalement illégales. Mais la société MINATOME (50% PUK, 50% Total) sera-t-elle sommée de cesser toute participation à l'exploitation des gisements namibiens, ou bien réservera-t-elle à l'exportation ses 1.000 à 1.500 tonnes annuelles?
     La COGEMA a un contrat d'approvisionnement de 1.000 tonnes par an à partir de l'Afrique du Sud, en échange duquel elle investit dans le développement des mines d'uranium de ce pays. D'autre part, ce sont 4.000 tonnes par an qui arrivent en France en provenance d'Afrique du Sud pour y être transformées et enrichies avant d'être réexportées vers l'Europe et, dit-on, vers l'U.R.S.S. Faudra-t-il continuer à développer l'activité économique du pays de l'apartheid et son potentiel militaire (par la fourniture d'uranium enrichi pour le démarrage de la centrale construite par Framatome) à seule fin d'assurer le développement du programme nucléaire français?

suite:
     Le gouvernement serait contraint de poursuivre la livraison d'armes au Maroc pour sa guerre au Sahara occidental en échange de l'uranium hautement stratégique contenu dans ses phosphates. Le roi Hassan s'en dit assuré. Le 1er juin, lors d'une conférence de presse, parlant de Mitterrand, il déclarait: «Il n'y a pas à craindre qu'il arrête les ventes d'armes. La France honorera ses engagements. (...) Nous lui fournissons l'uranium extrait des phosphates. La France construit des centrales nucléaires...» 
     Enfin, il faudra maintenir de fortes pressions économiques et militaires sur les pays d'Afrique, continuer à exporter centrales et uranium à des pays comme la Corée du Sud (contrat de 3,7 milliards de F, rien que pour l'uranium!). Serait-ce là les nouvelles relations Nord-Sud?

     3. Conclusion
     Les implications d'une éventuelle poursuite du programme nucléaire français ne peuvent être absentes du débat. Elle signifierait, voilé ou non, le maintien de la politique giscardienne à l'égard des pays d'Afrique. Car ce ne sont pas de belles phrases à court terme qui sont le fondement des relations entre pays, mais bien les modes de développement de chacun des partenaires. 
     Elle impliquerait aussi le risque, en cas de déstabilisation du Niger, de retomber sous la domination d'un Cartel de multinationales pour l'approvisionnement en uranium. Continuer la politique nucléaire du précédent gouvernement ressemblerait au choix du tout pétrole en Algérie... sans examiner les risques liés à l'existence du Cartel des Sept Soeurs... On sait ce qu'il advint. Aujourd'hui, ce sont les sociétés pétrolières qui investissent le plus dans la prospection de l'uranium (Exxon est le premier prospecteur mondial). En cas de crise grave sur le marché de l'uranium, qu'elles pourraient d'ailleurs provoquer, elles seraient les seules à pouvoir tenir le coup, grâce aux dividendes de la rente pétrolière, et imposer alors leurs conditions puisque, faut-il le rappeler, il n'existe aucun substitut à l'uranium pour produire de l'électricité dans les centrales nucléaires.

p.20

Retour vers la G@zette N°54/55