Cet article a pour but
de montrer comment l'industrie électronucléaire organise
ses propres débouchés. Il s'articule autour de deux pôles
principaux:
1. L'analyse du secteur «bâtiment et travaux publics» (BTP), partie prenante dans la construction des centrales et vecteur privilégié de la pénétration de l'électricité chez les usagers. 2. La promotion de techniques comme la pompe à chaleur et le contrôle des filières «énergie renouvelable» par des industriels autres que ceux du BTP, mais tout aussi intéressés au programme d'EDF. I - Le secteur BTP Les entreprises de ce secteur sont fréquemment
négligées par les analystes, bien que leur travail représente
environ le quart du coût d'investissement d'une centrale (26% en
1978 d'après CFDT-Dossier électronucléaire). Sans
doute leur intervention semble-t-elle peu spectaculaire et non spécifique
de l'industrie nucléaire. Elles peuvent se retourner assez facilement
sur d'autres créneaux. Cependant, les commandes d'EDF constituent
fréquemment une bonne part, parfois l'essentiel, de l'activité
T.P. métropolitaine des entreprises concernées. Et elles
comptent toujours parmi les activités les plus lucratives obtenues
dans un contexte plutôt maussade. En outre, on doit y rattacher la
construction d'ouvrages imposants comme les barrages de régulation,
les installations pour le pompage nocturne de l'eau ou les conduites de
rejet en mer.
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Cette concentration revêt au reste un
sens particulier dans le domaine énergétique où l'intervention
politique exerce un poids si considérable. Car les lois du marché
y sont particulièrement faussées par la nature même,
non renouvelable (c'est-à-dire non reproductible ou exploitable
à volonté par le travail humain) d'une bonne partie des sources
d'énergie, par le système de rente qui s'y rattache et par
le caractère stratégique de l'approvisionnement qui justifie
partiellement toute une panoplie de subventions et de taxations.
Il est certain que les liens multiples que nous allons exposer maintenant peuvent donner l'impression d'une planification occulte et quasiment diabolique. En réalité, nous pensons qu'il ne faut pas accorder à cette structure plus de cohérence que les hommes peuvent lui en donner. Disons qu'elle joue plutôt comme un contexte propice à la création d'un état d'esprit favorable à la pénétration du tout-électrique et un terrain particulièrement perméable aux petites et aux grandes interventions, sans que, pour autant, on parvienne à une maîtrise absolue des tendances centrifuges. Voici maintenant les principaux constructeurs. On trouvera successivement: - leurs interventions dans le nucléaire (liste non exhaustive); - autant qu'on a pu, I'importance de leur activité bâtiment en France (hors nucléaire). A cet égard, on doit savoir, pour la compréhension des chiffres, que les mises en chantier de logements, qui avaient dépassé les 500.000 au début des années 70, n'atteignent pas actuellement la barre des 350.000/an; - l'étude de leur structure financière et de leur personnel dirigeant. 1. DUMEZ
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2. S.A.E. (Auxiliaires d'entreprises)
· 4 x 1.300 MW de Cattenom avec Dumez et Spie-Batignolles. CA 1982 TTC: 11,3 MdF. 20.300 salariés. 60% du chiffre sont réalisés en France, dont 78% dans le bâtiment: le groupe édifie des écoles, des hôpitaux et occupe la première place en France pour la constructions de logements. Principales filiales: SAEP, SORMAE, SOCAE, SUPAE, Borie SAE, etc. Maisons individuelles: - Dona construction: 2.000 pavillons depuis 1968 - 150 personnes. - Copreco: 3.000 maisons depuis 1961. - un tiers (minorité de blocage) de Lemoux-Bernard: 32.000 pavillons édifiés depuis la naissance à Rennes en 1969 jusqu'à fin 1982. 4.500 prévus pour 1983. 5.000 salariés. - Maisons et chalets Giraud, Socamip, ... L'Auxiliaire d'entreprises est intégrée au groupe De Wendel: (au 31.12.1982) Cette intégration s'explique, en grande
partie, par l'intérêt que représentent les BTP comme
débouches pour les productions d'un groupe sidérurgiste.
3. S.C.R.E.G. (Société chimique de la route et d'entreprise
générale)
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- Smac acieroid (Société des mines et asphaltes du Centre): étanchéité et construction métallique; une filiale à hauteur d'un tiers: la SMUC (Mines d'Uranium du Centre); - Promogim: de 1972 à 1982, 12.000 maisons construites (villages et maisons individuelles groupées): cherche à s'assurer la maîtrise du sol. Depuis 1983, la SCREG a absorbé la Routière Colas et la Sacer, dans lesquelles la Shell a conservé 35%. Colas a travaillé en particulier sur Bugey 2 et 3 avec sa filiale Devaux. 3. BOUYGUES
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5. Les Chargeurs Réunis
A l'origine, deux compagnies maritimes fusionnées: la Cie Fabre, créée à Marseille, et les Chargeurs réunis, fondés en 1872 au Havre par le banquier protestant Mirabaud. Aujourd'hui un holding hétéroclite, constitué au gré des alliances de la bourgeoisie protestante, dans lequel on retrouve notamment: ‹ les activités de transport maritime d'origine, renforcées par l'absorption de l'armement rochelais et protestant Delmas-Vieljeux, augmentées de la compagnie aérienne UTA, mais aussi: ‹ un secteur textile (Pricel), détaché en 1980 de Rhône-Poulenc par la famille Gillet en prévision de la nationalisation, ‹ un secteur BTP important avec Grands Travaux de Marseille et sa filiale Jean Lefebvre. On se souviendra en particulier du rôle joué par UTA dans le transport de l'uranium extrait de Rossing, en Namibie (cf. Gazette Nucléaire N°38) et du transport par une autre filiale, Ata-Wallon, des centrales nucléaires pour Koeberg, en Afrique du Sud. Le conseil traduit un système assez complexe d'alliances entre les Fabre, de Marseille, et la haute bourgeoisie protestante par l'intermédiaire de la bourgeoisie Iyonnaise associée à la banque Lazard (historiquement puissante à Lyon), le tout en collaboration avec Paribas. La persistance de l'influence marseillaise est attestée par la présence des Fabre, de leurs parents, les Demandolx-Dedons, et de Philippe Giscard d'Estaing, marié à une Demandolx. L'influence d'origine de la banque Mirabaud apparaît aujourd'hui plus diluée. Le relais semble avoir été pris par Paribas, représenté par Eskenazi (le Crédit du Nord, filaile de Paribas, ayant absorbé la banque Mirabaud, fondue dans la Banque de l¹Uniuon parisienne) ; par les Seydoux, vieille famille textile apparentée aux Mirabaud, aux Schlumberger et aux Peugeot ; et par la banque Lazard, institution sur laquelle la famille Gillet exerce une puissante influence et qui a participé aux opérations entre Peugeot, Fiat, Michelin et Chrysler. Au reste, I'interpénétration est très forte puisque Francis Fabre est aussi administrateur de Paribas, d'Eurafrance (Lazard) et de Fiat à qui fut vendu Safic-Alcan, une filiale des Chargeurs spécialisée dans le négoce de caoutchouc. Quant à Philippe Giscard (d'Estaing), sa mère est née Carnot, vieille famille Iyonnaise entretenant des liens étroits avec Pricel et Rhône-Poulenc (il est également administrateur de Thomson-CSF). Renaud Gillet, héritier d'une vieille famille textile Iyonnaise, siège chez Paribas et Eurafrance ainsi que dans une autre entreprise d'ancienne extraction régionale, BSN-GD, dirigée par Antoine Riboud, frère du PDG de Schlumberger. Le PDG des Chargeurs, enfin, Jérôme Seydoux, frère de Nicolas, PDG de Gaumont, propriétaire de l'hebdomadaire Le Point, est fils d'une Schlumberger, ce qui lui a permis de faire ses preuves chez Neuflize- Schlumberger-Mallet, puis chez Schlumberger et à la Compagnie des Compteurs, avant de devenir (1976) président de Pricel et d'atterrir finalement aux Chargeurs. Donc, pour nous résumer, cinq influences principales : les Fabre-Demandolx, les Gillet, les Seydoux-Schlumberger-Riboud, Lazard et Paribas. 5.1. G.T.M. (Grands Travaux de Marseille)
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· Barrage de Grand'Maison, galeries à Saint-Guillerme. · Pose de lignes de haute-tension. · Grands postes d'interconnexion et de transformation pour EDF. · Études pour l'extension de La Hague. · Systèmes d'instrumentation et de contrôle pour la Cogéma à Marcoule. CA 1981 TTC: 7,6 MDF. 2.350 maisons individuelles construites en 1981, notamment sous les marques «Cosmos» (750) et «Florilège». Participation au concours des 5.000 maisons solaires. Promotion immobilière: station de Super-Dévoluy, etc. Au conseil, deux représentants de Lazard: Antoine Bernheim et Jean Guyot, qui siège aussi chez Peugeot; Jérôme Seydoux, le PDG des Chargeurs; mais aussi Alain Bizot, du Crédit Lyonnais, banque déjà vue chez Bouygues, et Robert Gachet, représentant la compagnie Abeille-Paix (Suez), présent à ce titre chez Lafarge. 5.2. GTM-Entreprose
5.3. GTM-Jean Lefebvre
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6. LA COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
Fondée en 1853. Assure cent trente ans plus tard la distribution d'eau à 20 millions de personnes et l'assainissement de 7,3 millions. Mais la Générale s'intéresse aussi à l'énergie thermique avec la Générale de Chauffe et la CGST-SAVE; à l'évacuation et à l'élimination des déchets; aux BTP (30% du chiffre d'affaires en 1981, proportion en progrès); et aux activités financières et immobilières. CA consolidé en 1981: environ 20 MdF. La dilution du capital a entraîné ces dernières années diverses manoeuvres boursières destinées à s'emparer de son contrôle. Face à une mystérieuse offensive, le PDG, Guy Dejouany, faisait appel, début 1981, à un syndicat composé du CCF, de Rivaud et de la Cie Générale d'Électricité qui rachetait 15% des actions. On remarque alors au conseil la présence de J.M. Lévêque (CCF), Jacques Pillet-Will (Rivaud) et Ambroise Roux (CGE), aux côtés de J.-H. Gougenheim, de l'UAP (9%) siégeant chez Bouygues. La Caisse des dépôts détient 15%, le solde est réparti dans le public. Autres administrateurs: - Philippe Boulin, PDG de l'ensemble Creusot-Loire/Framatome (supplanté depuis par Pineau-Valencienne): sa présence se justifie par l'important engagement des filiales BTP de la Générale des Eaux dans le programme électro-nucléaire; - Jacques Calvet, de la BNP, recruté depuis lors par Peugeot; - le baron Mallet, de Neuflize-Schlumberger; - Georges Saint-Olive, de Lazard, etc. L'été 1983 voit le développement d'une offensive de Saint-Gobain. Bien qu'on ne sache pas qui vend (des nationalisés comme la CGE ou le CCF?), la droite s'emporte déjà contre les nationalisations rampantes. Au reste, les liens sont fort anciens puisque le président d'honneur de la Générale des Eaux, R. Gérard, est aussi le descendant de deux présidents de la Cie des Glaces de Saint-Gobain. Cependant, Saint-Gobain étant parvenu à s'assurer une minorité de blocage, est amené sous la pression gouvernementale à rétrocéder 10% à Schlumberger, société qui possède déjà plusieurs filiales communes avec la Générale, débouché de choix pour ses compteurs. 6.1. Campenon-Bernard
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Principales filiales: Viafrance, Freyssinet, Heulin. La participation de la Générale des Eaux n'a cessé de progresser pour atteindre aujourd'hui 57%. On remarque aussi la présence de Dautresme, du Crédit Lyonnais (banque déjà vue chez Bouygues et GTM); de Paribas avec Dupont-Fauville et un représentant (J.-P. Fontaine) de leur satellite Poliet-Ciments français, etc. 6.2. Fougerolle
6.3. Autres interventions de la Générale des Eaux
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7. La S.G.E. (Société Générale
d'Entreprises)
· Paluel, Flamanville, Gravelines. · Extension de La Hague. · Villerest et Grand'Maison en participation. · (Jadis usine marémotrice de la Rance). CA 1981 HT: 13 MdF (environ 40% à l'étranger). Effectif: 40.500 personnes. L'activité «bâtiment» représente autour du quart du chiffre, principalement avec SGE-Construction et Thinet-Devars-Naudo, répartie à égalité entre la France et l'étranger. Le secteur pavillonnaire, en expansion, est exercé par «Maison Mondial Pratic», dont le poids est encore modeste (786 mises en chantier pour 1982). Le contrôle était exercé jusqu'en août 1983 par la Compagnie Générale d'Electricité, laquelle cède alors 26% à Saint-Gobain, tout en conservant 28%. Saint-Gobain assure progressivement la responsabilité industrielle de l'entreprise. Le conseil reflète encore en 1982 la prédominance de la CGE associée aux familles qui ont assuré le développement des diverses composantes: Jean-Louis Giros, Matheron (son gendre), Bernard Huvelin, fils de l'ancien président du CNPF et de Madeline Giros. Paul Naudo et Devars du Mayne, fondateurs de Devars-Naudo qui ont absorbé Sainrapt et Brice avant de passer sous contrôle SGE. Gérard Billaud, représentant de Suez, également administrateur de Dragages et Travaux Publics (SCREG). 8. SPIE-Batignolles
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A l'issue de cette revue, on peut formuler un certain nombre de commentaires: 1. Le secteur est caractérisé par une intégration verticale avancée avec les groupes cimentiers: - l'Auxiliaire d'entreprises avec Cedest, Lafarge et, par l'intermédiaire de la Compagnie du Midi, Ciments français; - la liaison entre Lafarge et G.T.M., établie par l'intermédiaire d'Abeille-Paix, administrateur commun. - la relation Lafarge-Générale des Eaux assurée par le C.C.F.: échange d'administrateurs entre Lafarge et le CCF, présence du CCF à la Générale des Eaux. - enfin, I'interconnexion entre trois groupes sous influence Paribas :Poliet-Ciments français, Campenon et Fougerolle. 2. Intégration des sociétés sidérurgiques et des entreprises du BTP: - Wendel-S.A.E. - Vallourec avec Entrepose-GTM. - E-S avec Spie-Batignolles. Semblablement chez Saint-Gobain, la SOBEA pose les tuyaux Pont-à-Mousson, tandis que la Générale des Eaux fabrique les tuyaux Bonna installés par la Sade-CGTH. 3. On ne manquera pas de s'émerveiller des miracles de la libre concurrence qui a su si bien accorder une part du gâteau à chacun des grands pétroliers opérant en France: Fina-SCREG, CFF-Total-Fougerolle, Mobil Oil-Jean Lefèbvre, Shell-Colas et Sacer, B.P.-Chimique de Gerland. La participation de ELF dans la modeste société Cochery, absorbée par la S.G.E. en 1981, est compensée par une participation de 34% dans Bouygues-Offshore. Jusqu'en 1981, Esso détenait une participation dans Viafrance, principale filiale routière de Campenon-Bernard, résultant de la fusion en 1970 de Viasphalte avec la Cie Française du Vialit. Ces participations, justifiées à l'origine par l'utilisation du bitume dérivé du pétrole par les entreprises routières, ont évidemment permis aux Cies pétrolières d'accéder à toute la gamme d'activités du secteur. 4. On se souvient de plusieurs rapports officiels accusant l'absence de concurrence d'être responsable pour partie de la dérive des coûts du KW nucléaire, en particulier le rapport de M. de la Genière qui, en 1980, préconisait un audit de Framatome et d'Alsthom, et le rapport Éveno, demandé par Hervé, dont la presse a rendu compte en février-mars 1983. Or, si la diversité des entreprises du bâtiment est plus grande que celle des firmes spécialisées dans les parties proprement nucléaires ou électromécaniques, le clan reste tout de même extrêmement fermé des entreprises de BTP capables de traiter le marché d'une centrale, leurs liens tant financiers que personnels étroits et leur entente pour la conquête de marchés extérieurs fréquente, tous facteurs qui laissent planer un doute sérieux sur le degré de leur concurrence réelle en métropole. p.7
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Sans doute serait-il grandement
exagéré de parler d'une structure purement oligopolistique
ou d'un bloc sans faille. On connaît, par exemple, la rivalité
entre Bouygues et la Générale des Eaux sur le quartier de
la Défense, marquée par des épisodes tels que la prise
de contrôle éphémère de Bouygues sur l'ensemble
«Assurances Drouot-Seeri-Sari», suivi de la conquête
de «Seeri-Sari» par la Générale.
On se rappellera aussi de l'échec de Bouygues sur la C.G. Doris, spécialisée dans l'offshore, que D.T.P. (Screg) céda finalement à la S.G.E. De même, on ne compte plus les tentatives contrecarrées de Saint-Gobain pour élargir son modeste secteur BTP, regroupé sur SOBEA (fusion SOCEA et Balency-Biard), échec notamment du rapprochement avec Quillery, jusqu'à son essai réussi sur la S.G.E. et son intrusion dans la Générale des Eaux. La rivalité entre nationalisés et privés constitue une fracture visible (mais relative) : ainsi le projet de fusion Fougerolle-Spie fut rompu suite à l'étatisation de la première banque d'affaires française. Cependant, ces entreprises constituent des consortiums dont le plus important est la Compagnie de Constructions Internationales qui réunit Campenon-Bernard (20%), G.T.M. (20%), S.G.E. (20%), Spie-Batignolles (20%), et D.T.P. (SCREG) (20%). Marchés traités en 1980-82 dans le cadre de la C.C.I.: · Métro du Caire: les 5, plus Entrepose, Dumez, CGEE-Alsthom, CSEE et SAE. · Port de Damiette (Égypte): les 5, sauf Spie-Batignolles. · Canal Jonglei (Soudan): idem; · Aéroport de Juba (Soudan): idem. · Transgabonais: les 5, plus Fougerolle. · Barrage de Colbun-Machicura (Chili): les 5. · Équipement hydroélectrique du Guavio (Colombie): les 5. · Barrage de Tarbela (Pakistan): Campenon, GTM, DTP. · Barrage de Keban (Turquie): DTP. · Barrage de Karun (Iran): DTP. · Autoroute en Irak: Campenon, GTM, DTP. · Port de Jorf Larsfar (Maroc): Spie-Batignolles, DTP et Campenon. · Aéroport de Bagdad: DTP, Spie-Batignolles, GTM avec Forclum (SLEE), CSEE et Fougerolle. · Mozambique: transport d'électricité vers l'Afrique du Sud: DTP, GTM avec CGEE-Alsthom. Hélas, les mouvements anti-apartheid persistent à saboter régulièrement l'ouvrage. D'autres relations, non institutionnelles, existent entre ces mêmes partenaires, notamment pour 15.000 logements à Singapour (GTM-SGE), l'aéroport de Dharhan en Arabie Saoudite (D.T.P. et Campenon), l'équipement hydroélectrique de Machu Pichu au Pérou (S.G.E. et G.T.M.), le barrage de Diama au Sénégal (S.G.E. et G.T.M. Jean Lefèbvre), etc. Les trois entreprises les plus indépendantes sont donc l'Auxiliaire, Dumez et surtout Bouygues. Notons toutefois l'association de la S.A.E. avec D.T.P. et E.T.P.M. (G.T.M.-Entrepose) sur le métro de Hong Kong ou avec Colas et la SGE sur l'aéroport de Djakarta. La présence de Dumez auprès d'autres entreprises françaises ne se relève guère qu'au Nigéria sur l'aciérie d'Ajaokouta avec Fougerolle, l'Auxiliaire et GTM-Entrepose. On a vu que cette indépendance ne trouvait d'ailleurs pas nécessairement sa correspondance en France puisqu'un consortium Spie-Dumez s'est partagé le Blayais et une entente Dumez-Spie-Auxiliaire les 4 x 1.300 de Cattenom. (suite)
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Bouygues a confié la préfabrication du fameux pont de Bubiyan au Koweit à la S.G.E. et travaille sur un complexe d'irrigation en Irak où opèrent également l'Auxiliaire et la Sogreah (CGE). 5. Les assises de la puissance
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6. L'exemple d'un grand opérateur immobilier:
Paribas
Derrière la diversité apparente des marques, on observe quelques grands pavillonnaires qui agissent souvent comme des vecteurs privilégiés de la pénétration de l'électricité. S'ils ne sont pas directement associés à la réalisation du programme électronucléaire, sauf périphériquement par la réalisation de logements destinés au personnel, ils n'en sont pas moins dépendants d'institutions bancaires qui, elles, y sont intéressées, dépendance tant en matière de finances propres que de crédits-clients. Citons le groupe Bruno-Petit (marques Bruno-Petit, Pavillon moderne, Maison Chalet Idéal et André Beau), avec un chiffre d'affaires 1981 TTC de 1,1 MdF, 3.635 maisons livrées et 5.287 maisons vendues cette année-là, et un effectif de 3.000 personnes (en général ces sociétés font un large appel à la sous-traitance, en particulier pour se prémunir des variations de conjonctures). Le «Groupe Maison Familiale» a construit plus de 100.000 maisons de 1949 à 1980 et en a livré 14.200 en 1980 et 12.100 en 1981. Parmi les grands opérateurs immobiliers (banques, compagnies d'assurance, mutuelles), nous avons choisi Paribas qui présente la triple caractéristique de compter parmi les plus grands intervenants (si ce n'est le plus grand), d'être présent à tous les échelons du secteur ‹ de la banque de terrains au financement, en passant par les bureaux d'études et les entreprises de BTP ‹ et, enfin, d'être notoirement engagé dans la réalisation du programme électronucléaire. Les activités nucléaires de Paribas sont regroupées dans le BTP autour de Fougerolle et de Campenon-Bernard, ainsi que de la SPIE depuis la prise de participation dans Empain-Schneider en février 1981. N'oublions pas cependant G.T.M. puisque trois administrateurs des Chargeurs réunis siégeaient à la Cie Financière de Paribas (Fabre, Gillet et Antoine Riboud). En matière industrielle stricto sensu, Paribas est surtout présent par sa participation dans Schneider et dans Fives-Lille dont la filiale Norton possède un important secteur «tuyauterie nucléaire». En outre, Paribas entretient de nombreux liens personnels avec des sociétés dans lesquels sa participation est minime: ainsi de la CFP-Total, associée depuis sa création en 1924 à Paribas: Granier de Lilliac à la Cie Financière, et Haberer (1982) à la CFP. Ainsi de la CGE: Ambroise Roux, naguère à la Cie Financière, et François Morin, chez Alsthom-Atlantique. Idem pour Schlumberger, Thomson... Or, cet ensemble, qu'on peut qualifier sans exagérer de nucléocrate, possède le contrôle complet du cycle du bâtiment. On ne compte plus les sociétés foncières: Foncière de la Cie Bancaire, Kléber foncier, Foncière Stein et Roubaix... Le contrôle des bureaux d'études, dont le plus important est O.T.H., détenu à 100%, constitue une position particulièrement stratégique. Paribas contrôle étroitement la Générale de Fonderie, spécialisée dans le sanitaire et le chauffage. La promotion immobilière est structurée autour de la Sinvim qui, de sa fondation en 1961 à fin 1981, a contribué à la réalisation de 64.000 logements et 800.000 m2 de bureaux, entrepôts ou surfaces commerciales. Pour la seule année 1981, la Sinvim a vendu 701 logements et 3.060 m2 de bureaux et de commerces pour une valeur de 409 MF; les ouvertures de chantiers concernent, cette année-là, 892 logements, généralement d'un standing élevé. La SEGECE, pour sa part, intervient dans la réalisation de centres commerciaux : 535.000 m2 de 1976 à fin 1981. (Rappelons que la surface d'un hypermarché déjà important est de 5.000 m2). A cela, il faudrait ajouter: - la SACI détenue à hauteur d'un tiers par la banque Paribas: plus de 100.000 logements et plus de 1.200.000 m2 de bureaux et locaux commerciaux entre 1950 et fin 1981; - la COGEDIM, dont l'activité est également considérable et que l'OPFI-Paribas détient à hauteur de 12%. Paribas s'avère encore extrêmement actif en matière de financement. Ainsi, fin 1981, l'UCB et la CFEC géraient ensemble 746.000 opérations, ce qui les rendaient créanciers de la somme tout à fait considérable de 45,5 MdF. Les opérations de crédit-bail immobilier représentaient quant à elles 1,1 Mm2 et 251.000 m2 en location simple (chiffres de la Sicomi Locabail-Immobilier). (suite)
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de l'auto-organisation de ses débouchés par l'industrie nucléaire Nous en prendrons trois: la cuisine électrique, les pompes à chaleur et la maîtrise des technologies renouvelables. 1. La cuisine électrique
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b) Les panneaux solaires
La Cie des Lampes, filiale de Thomson cédée en 1982 à Philips, a cessé la même année son activité dans ce domaine. Aircalo (5.000 pompes à chaleur en 1982) fabrique aussi des chauffe-eau solaires : il en est d'ailleurs le premier fabricant français en association avec sa nouvelle maison-mère depuis janvier 1982, la CEPEM (voir plus haut). Autre fabricant, implanté à Vallauris, la société Giordano, qui appartient à un groupe ayant le sens de la diversification puisqu'il s'intéresse également beaucoup à l'uranium, la CFP-Total. c) Divers
Dans ces conditions, on appréciera à
sa juste valeur le battage médiatique organisé peu avant
les dernières présidentielles autour de l'apparition d'un
soi-disant lobby solaire qui dura le temps d'un salon parisien.
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2. Ce rétrécissement du marché des énergies renouvelables entrave en toute logique la possibilité d'obtenir des économies d'échelle. A cet obstacle à l'effet de série s'en ajoute un autre: la présence dans des secteurs d'avenir de filiales de groupes pronucléaires disposant d'importantes surcapacités, d'une bonne assise financière et se livrant à l'occasion une guerre des prix, ce qui interdit de fait la constitution de sociétés indépendantes désireuses de promouvoir ce créneau. 3. Sur le plan politique, on peut considérer que la création de l'AFME correspond davantage à une fuite en avant qu'à une approche franche du problème. On a placé une institution à côté d'autres institutions indifférentes et souvent ennemies, la condamnant par là à une action ambiguë et au coup par coup. A aucun moment on a procédé à une identification des blocages (exception faite d'EDF, l'arbre qui cache la forêt). Les nationalisations auraient pu permettre la constitution d'un pôle solaire par regroupement d'entreprises préalablement détachées de socités-mères poursuivant des objectifs opposés à ceux de leurs filiales. A n'en pas douter, l'impréparation du pouvoir actuel a joué un grand rôle. On a craint les difficultés d'une reconversion, peut-être l'effet néfaste pour l'exportation d'un revirement de la politique énergétique nationale. Il nous semble qu'on pourrait accorder la même sollicitude à certains effets douloureux de la montée en puissance du nucléaire ou de la politique justifiée d'économies d'énergie: fermetures de raffineries, surcapacité d'infrastrucures onéreuses comme le terminal d'Antifer, surcapacité de la battellerie consécutive à la diminution progressive du fret charbonnier accompagnant le déclassement des centrales électriques classiques, etc. En outre, face à la modestie des succès à l'exportation de centrales nucléaires - espoir international dont on se souvient qu'il avait rien moins que motivé l'abandon de la technique UNGG au profit de la filière américaine -, il serait peut-être temps d'envisager enfin sérieusement les techniques adaptées aux exigences d'un monde pauvre et en crise. p.10
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