Nous allons tenter d'évaluer
la quanité de plutonium contenue dans les rejets contrôlés
ou accidentels et dans les déchets conditionnés ou non, résultant
des activités industrielles, afin de la comparer à celle
dispersée à l'occasion des essais nucléaires aériens.
Cette dernière fraction a fait l'objet de nombreuses évaluations fondées principalement sur des mesures de contamination radioactive de l'environnement. Ces résultats et synthèses ont été publiés dans la littérature scientifique internationale. Il n'en va pas de même pour le plutonium résultant de la première fraction. Cette lacune s'explique principalement par le secret qui entoure des activités industrielles qui consistent principalement à extraire, purifier et ouvrager du plutonium destiné à un usage «militaire». Le développement industriel du retraitement des combustibles irradiés de la filière à eau ordinaire et des réacteurs à neutrons rapides (fabrication et retraitement du combustible) ne modifiera pas nécessairement cette tendance. 1. Le plutonium des explosions nucléaires aériennes Les évaluations, portant sur la quantité
de plutonium dispersé lors des explosions aériennes, reposent
sur la mesure d'échantillons prélevés dans l'environnement.
Il est donc utile de connaître les modalités de cette contamination
radioactive afin de mieux appréhender les quantités de plutonium
mises en jeu.
a) La retombée «locale »
b) La retombée « troposphérique »
(suite)
|
suite:
c) La retombée « stratosphérique » Cette composante constitue l'essentiel de la contamination radioactive mondiale. La pénétration du nuage radioactif dépend de la puissance de l'explosion et de sa latitude. La stratosphère constitue alors un « réservoir » de particules radioactives qui circuleront plusieurs mois, voire plusieurs années, avant de repasser dans la troposphère et de se déposer au sol. Ce séjour est d'autant plus court que l'on se rapproche des régions polaires. L'essentiel de la contamination radioactive (phase solide) concerne l'hémisphère d'éjection. 1.1. Masse et activité du plutonium dispersé Le plutonium, que l'on retrouvera dans l'environnement
à la suite des retombées radioactives, peut avoir deux origines
distinctes:
Caractéristiques des retombées plutonifères ** Valeurs recommandées par le LMRI. *.* * Quotient: masse d'isotope produit / masse 239Pu produit. * ** * Émetteur bêta qui donne par décroissance l'américium-24 (T = 432,6 années). La masse totale des isotopes de plutonium est
égale à 4,17 tonnes (calculée avec une activité
spécifique égale à
p.15
|
Ce rapport précise par
ailleurs que:
1. 4.l015 Bq de plutonium se sont déposés aux emplacements des explosions nucléaires et dans leur voisinage (soit environ 1,4 tonne) 2. L'activité de l'américium-241, émetteur alpha produit par décroissance du plutonium-241, augmente d'un quart environ l'activité alpha totale du plutonium disperse. L'importance de l'activité de l'américium-241 est liée àla décroissance notable du plutonium-241 (T = 14,4 a) dans la mesure où 90 % du plutonium dispersés dans le monde résultent des explosions nucléaires aériennes qui ont précédé les accords USA-URSS du 5 août 1963. La désintégration totale du plutonium-241 donnera 44,6 kg d'241Am, soit l,53.l05 Ci (5,7.1015Bq), ce qui correspond à une augmentation d'environ 44% de l'activité alpha totale actuelle. 1.2. Comportement du plutonium déposé Il existe une littérature très
abondante sur le comportement du plutonium dans l'environnement*. Elle
concerne principalement le dépôt mondial. On trouve aussi
quelques données relatives à la retombée locale (site
d'essai du Névada - NTS -) observée lors d'un essai nucléaire
ou après des « tirs de sécurité » au cours
desquels la charge nucléaire est détruite par un explosif
classique /ROM71/, HAK8l/. Les mesures portent sur les aérosols
de plutonium, constitués probablement de particules solides insolubles,
qui se déposent sur la terre et les océans /HAR7l/.
* Voir notamment les actes du symposium de San Francisco (17-21 novembre 1975) publiés par l'AIEA en 1976: «Transuranium nuclides in the environment». (suite)
|
suite:
Des mesures effectuées en 1974 à Savannah River à l'occasion de préparation agricole par un tracteur, d'un sol contaminé au plutonium (2,07.10-3 Ci/m2 pour les 5 premiers cm) ont donné des valeurs de RF comprises entre (0,5 et 10)10-7m-1, suivant la localisation de la prise d'échantillon /M1L76/. 1.3. Équivalents de dose engagée Les expérimentations animales, portant
notamment sur l'absorption gastro-intestinale du plutonium, ont montré
que le tube digestif ne constitue pas une voie de pénétration
importante chez l'adulte /STAT78/, /MET82/.
Figure 1: Absorption annuelle de 239,240Pu par inhalation et charges radioactives correspondantes calculées pour l'homme Les plutoniums et l'américium n'apportent
qu'une faible contribution (1,3 %) à l'équivalent de dose
engagée effective totale délivrée à la population
mondiale à la suite des essais nucléaires /UN582/ - 280 mrem
sur la vie entière, soit environ 4 mrem/a en moyenne - pour la totalité
des produits radioactifs.
Tableau 2
II. Le plutonium dispersé lors d'accidents Les contaminations au plutonium résultant de situations accidentelles connues et relatées se traduisent généralement par des activités mises en jeu extrêmement faibles /AEN8l/ comparées aux quantités injectées lors d'explosions nucléaires aériennes. Les surfaces contaminées et les populations impliquées sont également limitées. Ceci ne signifie cependant pas que les doses engagées soient nécessairement faibles devant celles évaluées pour la population mondiale. p.16
|
Une exception à la situation
d'impact local a cependant été connue avec la rentrée
accidentelle dans l'atmosphère d'un satellite américain «
SNAP 9A » qui a brûlé au-dessus de l'océan Indien
en avril 1964.
L'activité du plutonium-238 - 17.000 Ci - soit environ 1 kg - ainsi libérée est supérieure à celle résultant des essais nucléaires aériens (6,3. l014Bq au lieu de 3,3.l014Bq). Parmi les autres accidents, on notera brièvement /CFD8O/, /AEN81/: Le plutonium dispersé lors d'accidents ou d'incidents III. Le plutonium dans les activités industrielles Le plutonium comme l'ensemble des transuraniens
est
(suite) |
suite:
3.1, Évaluation du plutonium produit Au 1er janvier 1983, 86% de la puissance électronucléaire
installée dans le monde entier concerne la filière à
eau légère. Compte tenu des taux de combustion atteints,
c'est dans cette filière que se produira la majeure partie du plutonium
mondial. Les experts de l'AEN ont estimé /AEN81/ qu'au 1er janvier
1979 les centraies électronucléaires de l'ensemble du monde
avaient produit 77 tonnes de plutonium. Les armes nucléaires avaient
pour leur part nécessité la production d'environ 300 tonnes
de plutonium dans des réacteurs plutonigènes.
Tableau 4
1982 fin 1982 TWh 641,2 715,1 842,2 920,6 3.119,1 6.117,6 En faisant l'hypothèse que cette énergie électrique a été produite par des réacteurs du type « eau ordinaire », on peut calculer le plutonium produit en fixant les paramètres suivants: - taux de combustion massique = 33.000 MWthj t-1 (soit 0,264 TWeh t-1). p.17
|
- plutonium formé par tonne
de combustible irradié 8,859 kg /CAS82/ Annexe 11.
La quantité de plutonium est égale à: 3.119,1 (Tweh) .8,859/0,264 [(TWeh)-1kg]
= 104.667 (kg)
3.2. Immersion des déchets solides Entre 1946 et 1970, les Etats-Unis ont procédé
à des immersions dans l'océan Atlantique (79.507 Ci) et dans
l'océan Pacifique (14.766 Ci). La quasi-totalité de cette
activité (99,0%) a été déversée entre
1946 et 1960 /H0L82/.
** L'Agence de l'OCDE pour l'Energie Nucléaire - AEN - a été créée le 20 avril 1972 en remplacement de l'Agence Européenne pour l'Energie Nucléaire de l'OCDE, lors de l'adhésion du Japon. L'AEN regroupe actuellement, outre les pays membres européens de l'OCDE, l'Australie, le Canada, les Etats-Unis et le Japon. (suite)
|
suite:
La première opération débuta le 17 mai 1967. Le tableau suivant donne l'activité alpha des déchets immergés pour l'ensemble des participants, ainsi que celle relative aux déchets du Royaume-Uni. Les valeurs montrent la part prépondérante prise par ces derniers /AEN8O/, /H0L82/, /ZER82/, voir tableau 5: Les immersions de déchets solides dans l'AEN 2. De 1949 à 1966, le Royaume-Uni a procédé presque tous les ans à des opérations d'immersion. Durant la période 1949-77, 64.000 tonnes de déchets solides ont été rejetées, renfermant 10.500 curies-alpha /CFD8O/, page 204. 3. En 1976, les déchets solides plutonifères stockés en attente d'immersion contiennent un tiers de tonne de plutonium dans 3000 m3 /FL076/, page 137. Pour traduire l'activité alpha du plutonium rejeté, il est nécessaire de connaître la composition isotopique du produit. Cette donnée n'est pas accessible. Toutefois, il est possible d'évaluer les taux de combustion moyen des combustibles à uranium naturel retraités à l'usine de Windscale. Nous allons utiliser les résultats de codes de calcul qui nous donnent les compositions massiques du plutonium en fonction du taux de combustion, voir tableau 6: Évolution des caractéristiques nucléaires du plutonium Nota: Valeurs entre parenthèses: activité spécifique de l'isotope en Ci.g-1. Nous pouvons valablement supposer que le plutonium rejeté avant 1967 provenait du retraitement de combustible ayant un taux de combustion moyen compris entre 1.000 et 2.000 MWjt-1 (poids du curie alpha:12,13 à 13,44 g). p.18
|
Pour la période 1967-82,
le calcul se fera avec un taux de combustion compris entre 2.000 et 3.500
MWj t-1 (poids du curie alpha:10,87 à 12,13 g).
Le poids du plutonium contenu dans les déchets solides immergés par le Royaume-Uni est donné dans le tableau suivant: Plutonium immergé par le Royaume-Uni 1949-77 ~ 10.500 127 à 141 1978-82 ~ 7.900 86 à 96 1949-82 ~ 18.400 213 à 237 Si l'on applique les mêmes hypothèses à l'ensemble des déchets solides immergés entre 1967 et 1982 sous l'égide de l'AEN, on obtient masse de plutonium rejetée: 149 à 167 kg. 3.3. Les rejets d'effluents liquides et gazeux Les effluents gazeux des usines de retraitement du combustible sont, exception faite des situations accidentelles, très faiblement chargés en plutonium comme le montrent les rejets annuels des usines de Windscale, La Hague et Marcoule /UNS82/, page 317: Rejets radioactifs gazeux des usines de retraitement Les rejets annuels d'eftluents liquides radioactifs
de ce type d'installations nucléaires sont plus importantes, notamment
dans le cas de Windscale où, contrairement aux usines de Marcoule
et La Hague, aucun traitement chimique préalable (coprécipitation)
n'est appliqué.
Figure 2 (suite)
|
suite:
En appliquant les hypothèses retenues pour les déchets solides immergés, nous pouvons calculer les masses de plutonium rejetées en mer avec les effluents liquides: - Windscale, 1968-79: masse de plutonium: 163 à 182 kg, masse d'américium-241: 3,64 kg - La Hague, 1967-80: masse de plutonium: 0,65 à 0,73 kg. La comparaison des rejets liquides contaminés alpha montre que les quantités de plutonium rejetées par l'usine de Windscale sont 250 fois plus importantes que celle de l'usine de La Hague. Les rejets alpha totaux pour la période 1967-79 sont, pour leur part, dans un rapport 260. 3.4. Les déchets en attente de conditionnement Les déchets plutonifères des
usines de retraitement sont classés habituellement en deux familles
les déchets de «procédé» et les
déchets technologiques. La teneur en plutonium des premiers va varier
en fonction des techniques utilisées pour séparer le combustible
de la gaine qui l'entoure. Les déchets technologiques sont liés
aux modes de gestion des installations de l'usine et de la fiabilité
des dispositifs qui les composent. L'augmentation
des interventions en zone active entraîne de façon générale
une augmentation du volume des déchets technologiques.
a) Usine de Windscale
p.19
|
Rejets annuels d'effluents liquides radioactifs Activités en curies NOTA: On trouvera les données relatives aux activités bêta et gamma des effluents liquides de Windscale et de La Hague dans /ANC79/, /GER79/, /CFD8O/, /TAY82/, /W0082/ et /CAS82/, Annexe 7. Les différentes publications ne donnent pas toujours des valeurs de rejets concordantes en tous points. Le tableau suivant donne les activités «alpha» des déchets non conditionnés de l'Usine de Windscale /FL076/, page 139: Déchets non conditionnés stockés à Windscale L'activité alpha totale des déchets
non conditionnés représentait donc en 1974 environ 580 kCi,
soit 2,15.1016Bq.
(suite)
|
suite:
La conversion de l'activité alpha en masse de plutonium n'est pas immédiate en l'absence de données sur 1'américium-241. Cependant, le rapport Flowers précise (page 140) que les déchets solides - Tableau 10 - renferment un peu moins de 0,5 tonnes de plutonium dans 12.000 m3. Ces déchets contiennent donc environ 11,4 kg d'américium-241 dans l'hypothèse où le plutonium aurait été produit avec un taux de combustion voisin de 2.000 MWj.t-1. Le rapport « Flowers » ne donne aucune indication sur la quantité de plutonium contenue dans les effluents liquides de Haute Activité qui recèlent pourtant une activité six fois plus importante que celle des déchets solides non conditionnés. Si l'on suppose que la composition de ces déchets liquides est: 1) identique à celle des déchets solides non conditionnés, l'on obtient ï masse de plutonium: environ 3 tonnes ï masse d'américium-241: environ 71 kg, 2) identique à celle des rejets liquides en mer, l'on obtient: ï rapport d'activité Pu/(Am # Pu): 0,546 ï masse de plutonium: environ 3,3 tonnes ï masse d'américium-241: environ 66 kg. b) Usine de La Hague
p.20
|
Nous rappelons ici les valeurs
relatives aux bilans couvrant les périodes les plus étalées
dans le temps.
Répartition des masses de plutonium dans le retraitement des combustibles irradiés (exprimée en %) Usine de La Hague En l'absence de données précises
sur les pertes pondérales, le document /GU182/ procède à
une évaluation fondée d'une part sur les pertes exprimées
en pourcentage, d'autre part sur un calcul théorique des quantités
de plutonium présentes dans le combustible retraité.
Plutonium dans les déebets non conditionnés À La Hague (kg) (suite)
|
suite:
IV. Conclusions La comparaison de l'activité «
alpha » dispersée lors des explosions nucléaires aériennes
avec celle des déchets liquides ou solides évacués
ou stockés par les usines de retraitement a montré que pour
la seule usine de Windscale l'égalité était atteinte.
p.21
|