La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°62/63

II. ÉVALUATIONS COMPARÉES DU PLUTONIUM
DISPERSÉ LORS DES ESSAIS NUCLÉAIRES AÉRIENS
ET DES DÉCHETS PLUTONIFÈRES ÉVACUÉS,
STOCKÉS OU EN ATTENTE DE CONDITIONNEMENT
DANS LE CYCLE DU COMBUSTIBLE


     Nous allons tenter d'évaluer la quanité de plutonium contenue dans les rejets contrôlés ou accidentels et dans les déchets conditionnés ou non, résultant des activités industrielles, afin de la comparer à celle dispersée à l'occasion des essais nucléaires aériens.
     Cette dernière fraction a fait l'objet de nombreuses évaluations fondées principalement sur des mesures de contamination radioactive de l'environnement. Ces résultats et synthèses ont été publiés dans la littérature scientifique internationale. Il n'en va pas de même pour le plutonium résultant de la première fraction. Cette lacune s'explique principalement par le secret qui entoure des activités industrielles qui consistent principalement à extraire, purifier et ouvrager du plutonium destiné à un usage «militaire».
     Le développement industriel du retraitement des combustibles irradiés de la filière à eau ordinaire et des réacteurs à neutrons rapides (fabrication et retraitement du combustible) ne modifiera pas nécessairement cette tendance.

1. Le plutonium des explosions nucléaires aériennes

     Les évaluations, portant sur la quantité de plutonium dispersé lors des explosions aériennes, reposent sur la mesure d'échantillons prélevés dans l'environnement. Il est donc utile de connaître les modalités de cette contamination radioactive afin de mieux appréhender les quantités de plutonium mises en jeu.
     L'ensemble des retombées radioactives se répartit ,shématiquement en trois zones: (Cf UNS77/ UNS82)

a) La retombée «locale »
     Elle concerne principalement les particules de gros diamètre qui se déposent dans un rayon de 100 km environ. Dans le cas d'un essai en surface, la retombée locale peut concerner 50% des produits radioactifs dispersés. Cette retombée n'est généralement pas prise en considération, notamment pour les évaluations dosimétriques mondiales.

b) La retombée « troposphérique »
     Elle est constituée de poussières plus fines qui n'atteignent pas la strastosphère (environ 9 km d'altitude en région polaire et 17 km en région équatoriale). Ces poussières retombent à des centaines ou à des milliers de kilomètres du point « zéro ».

suite:
c) La retombée « stratosphérique »
     Cette composante constitue l'essentiel de la contamination radioactive mondiale. La pénétration du nuage radioactif dépend de la puissance de l'explosion et de sa latitude. La stratosphère constitue alors un « réservoir » de particules radioactives qui circuleront plusieurs mois, voire plusieurs années, avant de repasser dans la troposphère et de se déposer au sol. Ce séjour est d'autant plus court que l'on se rapproche des régions polaires. L'essentiel de la contamination radioactive (phase solide) concerne l'hémisphère d'éjection.

1.1. Masse et activité du plutonium dispersé

     Le plutonium, que l'on retrouvera dans l'environnement à la suite des retombées radioactives, peut avoir deux origines distinctes:
     - fraction du plutonium de la charge nucléaire qui n'a pas fissionné,
     - activation neutronique de l'uranium-238.
     Le tableau suivant donne une estimation du plutonium produit par les essais nucléaires dans l'atmosphère (Cf UNS82/ page 238)

Tableau 1
Caractéristiques des retombées plutonifères
* La retombée « locale » n'est pas prise en compte dans ce calcul.
** Valeurs recommandées par le LMRI.
*.* * Quotient: masse d'isotope produit / masse 239Pu produit.
* ** * Émetteur bêta qui donne par décroissance l'américium-24 (T = 432,6 années).

     La masse totale des isotopes de plutonium est égale à 4,17 tonnes (calculée avec une activité spécifique égale à
6,21.102 Ci pour le 239Pu).
     Cette valeur est en bon accord avec un rapport /AEN8l/ établi par un groupe d'experts de l'AEN qui donne les précisions suivantes:
     - masse dispersée dans l'ensemble du monde 239Pu + 240Pu = 4,2 tonnes
     - activité 239Pu + 240Pu = 7,2.l015 Bq + 4,8.1015 Bq.= 1,2.l016Bq

p.15

     Ce rapport précise par ailleurs que:
     1. 4.l015 Bq de plutonium se sont déposés aux emplacements des explosions nucléaires et dans leur voisinage (soit environ 1,4 tonne)
     2. L'activité de l'américium-241, émetteur alpha produit par décroissance du plutonium-241, augmente d'un quart environ l'activité alpha totale du plutonium disperse.
     L'importance de l'activité de l'américium-241 est liée àla décroissance notable du plutonium-241 (T = 14,4 a) dans la mesure où 90 % du plutonium dispersés dans le monde résultent des explosions nucléaires aériennes qui ont précédé les accords USA-URSS du 5 août 1963.
     La désintégration totale du plutonium-241 donnera 44,6 kg d'241Am, soit l,53.l05 Ci (5,7.1015Bq), ce qui correspond à une augmentation d'environ 44% de l'activité alpha totale actuelle.

1.2. Comportement du plutonium déposé

     Il existe une littérature très abondante sur le comportement du plutonium dans l'environnement*. Elle concerne principalement le dépôt mondial. On trouve aussi quelques données relatives à la retombée locale (site d'essai du Névada - NTS -) observée lors d'un essai nucléaire ou après des « tirs de sécurité » au cours desquels la charge nucléaire est détruite par un explosif classique /ROM71/, HAK8l/. Les mesures portent sur les aérosols de plutonium, constitués probablement de particules solides insolubles, qui se déposent sur la terre et les océans /HAR7l/.
     Dans les océans: le plutonium atteint des profondeurs supérieures à celles des produits de fission (137Cs et 90Sr) à périodes longues /UNS77/. Il se concentre dans toutes espèces marines. Selon NOSHKJN /N0572/, l'exposition des espèces marines au plutonium est plus importante que celles relatives au césium et au strontium des retombées. On observe cependant que cette concentration diminue lorsque la complexité des organismes augmente.
     Sur le sol: le plutonium déposé migre lentement dans le sol. Dans les sols sableux, 70% de l'activité se trouve dans les quatre premiers centimètres et pratiquement 100% dans 30 cm /UN577/. Cependant des écarts, liés à la structrure du terrain, la teneur en matière organique, le PH, l'érosion par l'eau et le vent, l'action de l'homme (culture, engrais) peuvent être observés.
     Le problème de la remise en suspension dans l'air du plutonium déposé a fait l'objet de plusieurs évaluations. Ceci s'explique par le fait que l'atteinte de l'organisme par voie respiratoire est la plus critique.
     Les données se rapportent aux valeurs du « facteur de resuspension RF», tel que:
     Activité surfacique du sol (Ci.m-2) x Facteur de resuspension (m-1) = Activité volumique de l'air (Ci.m-3)
     Les valeurs de RF publiées pour toutes sortes de surfaces varient entre 10-2 et 10-13m-1, mais si l'on considère des situations plus concrètes, l'intervalle devient 10-4 à 10-10m-1 /AN077/. 


* Voir notamment les actes du symposium de San Francisco (17-21 novembre 1975) publiés par l'AIEA en 1976: «Transuranium nuclides in the environment».
suite:
Des mesures effectuées en 1974 à Savannah River à l'occasion de préparation agricole par un tracteur, d'un sol contaminé au plutonium (2,07.10-3 Ci/m2 pour les 5 premiers cm) ont donné des valeurs de RF comprises entre (0,5 et 10)10-7m-1, suivant la localisation de la prise d'échantillon /M1L76/.

1.3. Équivalents de dose engagée

     Les expérimentations animales, portant notamment sur l'absorption gastro-intestinale du plutonium, ont montré que le tube digestif ne constitue pas une voie de pénétration importante chez l'adulte /STAT78/, /MET82/.
     La CIPR a retenu dans sa publication no 30 une fraction absorbée comprise entre 10-4 (formes solubles) et 10-5 (formes insolubles) pour l'ensemble des isotopes. C'est par la voie respiratoire que s'effectue la contamination interne. Les mesures de concentration du plutonium dans l'air ont montré que les valeurs maximales avaient été atteintes en l963. Dix ans après, cette concentration avait décru, dans la région de New York, de plus d'un facteur 100 /BEN75/, figure 1.


Figure 1: Absorption annuelle de 239,240Pu par inhalation et charges radioactives correspondantes calculées pour l'homme

     Les plutoniums et l'américium n'apportent qu'une faible contribution (1,3 %) à l'équivalent de dose engagée effective totale délivrée à la population mondiale à la suite des essais nucléaires /UN582/ - 280 mrem sur la vie entière, soit environ 4 mrem/a en moyenne - pour la totalité des produits radioactifs.
     Les équivalents de dose engagée les plus importants concernent les populations vivant dans la zone tempérée de l'hémisphère Nord: 350 mrem sur la vie entière, soit environ 7 mrem/a en moyenne.
     Si l'on rapporte l'équivalent de dose engagée durant la vie entière (mrem) par la population mondiale la plus exposée, à l'énergie dissipée par les explosions aériennes (mégatonnes de TNT), on obtient un rapport grossièrement voisin de 1 mrem/Mt.

Tableau 2
Équivalent de dose engagée
et énergie dissipée par les tests aériens

II. Le plutonium dispersé lors d'accidents

     Les contaminations au plutonium résultant de situations accidentelles connues et relatées se traduisent généralement par des activités mises en jeu extrêmement faibles /AEN8l/ comparées aux quantités injectées lors d'explosions nucléaires aériennes. Les surfaces contaminées et les populations impliquées sont également limitées. Ceci ne signifie cependant pas que les doses engagées soient nécessairement faibles devant celles évaluées pour la population mondiale.

p.16

     Une exception à la situation d'impact local a cependant été connue avec la rentrée accidentelle dans l'atmosphère d'un satellite américain « SNAP 9A » qui a brûlé au-dessus de l'océan Indien en avril 1964.
     L'activité du plutonium-238 - 17.000 Ci - soit environ 1 kg - ainsi libérée est supérieure à celle résultant des essais nucléaires aériens (6,3. l014Bq au lieu de 3,3.l014Bq).
     Parmi les autres accidents, on notera brièvement
/CFD8O/, /AEN81/:
Tableau 3
Le plutonium dispersé lors d'accidents ou d'incidents

III. Le plutonium dans les activités industrielles

     Le plutonium comme l'ensemble des transuraniens est
produit en quasi-totalité dans les réacteurs nucléaires des
quatre « filières » qui ont atteint le stade de la réalisation
industrielle:
     - la filière « uranium naturel-graphite gaz » et ses dérivés'
     - la filière « eau ordinaire »,
     - la filière « eau lourde »,
     - la filière à « neutrons rapides ».
     Dans le cycle du combustible des trois premières filières, le plutonium, en l'absence de situation accidentelle, ne quitte le combustible que lors du retraitement. Dans la filière à neutrons rapides, le plutonium est ouvragé dès le début du cycle.  

suite:
3.1, Évaluation du plutonium produit

     Au 1er janvier 1983, 86% de la puissance électronucléaire installée dans le monde entier concerne la filière à eau légère. Compte tenu des taux de combustion atteints, c'est dans cette filière que se produira la majeure partie du plutonium mondial. Les experts de l'AEN ont estimé /AEN81/ qu'au 1er janvier 1979 les centraies électronucléaires de l'ensemble du monde avaient produit 77 tonnes de plutonium. Les armes nucléaires avaient pour leur part nécessité la production d'environ 300 tonnes de plutonium dans des réacteurs plutonigènes.
     Si l'on considère la production d'électricité d'origine nucléaire dans le monde depuis cette date, l'on obtient /CEA83 /  /LER83/:

Tableau 4
Production d'électricité d'origine nucléaire dans le monde entier

Année  1979     1980    1981    1982    1979à     Cumul
                                                             1982      fin 1982
TWh    641,2    715,1   842,2   920,6   3.119,1   6.117,6

     En faisant l'hypothèse que cette énergie électrique a été produite par des réacteurs du type « eau ordinaire », on peut calculer le plutonium produit en fixant les paramètres suivants:

     - taux de combustion massique = 33.000 MWthj t-1 (soit 0,264 TWeh t-1).

p.17

     - plutonium formé par tonne de combustible irradié 8,859 kg /CAS82/ Annexe 11.
     La quantité de plutonium est égale à:

3.119,1 (Tweh) .8,859/0,264 [(TWeh)-1kg] = 104.667 (kg)
      Le stock mondial de plutonium, contenu pour la plus grande partie dans le combustible irradié, représenterait donc environ 175 tonnes.
     En tenant compte des prévisions établies pour 1985 /CEA83/, çalculées en fonction des probabilités de mises en service et des régimes de fonctionnement des réacteurs, la production mondiale cumulée d'électricité d'origine nucléaire sera voisine de 10.000 TWh.
     Cette énergie correspond, dans le cadre des hypothèses décrites précédemment, à un stock mondial, fin 1985, égal à environ 300 t de plutonium « civil ».
     Si l'on compare la quantité de plutonium disséminée
lors des essais nucléaires aériens (4,2 tonnes) au stock de
plutonium mondial « civil » (300 t) et « militaire » (300 t), l'on obtient:
     - fin 1982 :1,2 % du stock mondial
     - fin 1985 : 0,7 % du stock mondial.

3.2. Immersion des déchets solides

     Entre 1946 et 1970, les Etats-Unis ont procédé à des immersions dans l'océan Atlantique (79.507 Ci) et dans l'océan Pacifique (14.766 Ci). La quasi-totalité de cette activité (99,0%) a été déversée entre 1946 et 1960 /H0L82/.
     Nous n'avons trouvé dans aucun document la part relative aux déchets alpha.
     En février 1965, l'AEN** entreprenait une étude sur les possibilités d'évacuation de déchets radioactifs dans l'Atlantique.


** L'Agence de l'OCDE pour l'Energie Nucléaire - AEN - a été créée le 20 avril 1972 en remplacement de l'Agence Européenne pour l'Energie Nucléaire de l'OCDE, lors de l'adhésion du Japon. L'AEN regroupe actuellement, outre les pays membres européens de l'OCDE, l'Australie, le Canada, les Etats-Unis et le Japon.
suite:
     La première opération débuta le 17 mai 1967. Le tableau suivant donne l'activité alpha des déchets immergés pour l'ensemble des participants, ainsi que celle relative aux déchets du Royaume-Uni. Les valeurs montrent la part prépondérante prise par ces derniers /AEN8O/, /H0L82/, /ZER82/, voir tableau 5:
Tableau 5
Les immersions de déchets solides dans l'AEN
NOTA: 1. Aucune immersion n'a été effectuée sous l'égide de l'AEN en 1968 et 1970 bien que des déchets aient été immergés par le Royaume-Uni.
2. De 1949 à 1966, le Royaume-Uni a procédé presque tous les ans à des opérations d'immersion.  Durant la période 1949-77,
64.000 tonnes de déchets solides ont été rejetées, renfermant
10.500 curies-alpha /CFD8O/, page 204.
3. En 1976, les déchets solides plutonifères stockés en attente
d'immersion contiennent un tiers de tonne de plutonium dans
3000 m3 /FL076/, page 137.

     Pour traduire l'activité alpha du plutonium rejeté, il est nécessaire de connaître la composition isotopique du produit. Cette donnée n'est pas accessible. Toutefois, il est possible d'évaluer les taux de combustion moyen des combustibles à uranium naturel retraités à l'usine de Windscale. Nous allons utiliser les résultats de codes de calcul qui nous donnent les compositions massiques du plutonium en fonction du taux de combustion, voir tableau 6:

Tableau 6
Évolution des caractéristiques nucléaires du plutonium

Nota:  Valeurs entre parenthèses: activité spécifique de l'isotope en Ci.g-1.

     Nous pouvons valablement supposer que le plutonium rejeté avant 1967 provenait du retraitement de combustible ayant un taux de combustion moyen compris entre 1.000 et 2.000 MWjt-1 (poids du curie alpha:12,13 à 13,44 g).

p.18

     Pour la période 1967-82, le calcul se fera avec un taux de combustion compris entre 2.000 et 3.500 MWj t-1 (poids du curie alpha:10,87 à 12,13 g).
     Le poids du plutonium contenu dans les déchets solides immergés par le Royaume-Uni est donné dans le tableau suivant:
Tableau 7
Plutonium immergé par le Royaume-Uni
Période     Activité en Ci     Poids en kg
1949-77       ~ 10.500       127 à 141
1978-82        ~ 7.900           86 à 96
1949-82       ~ 18.400        213 à 237

     Si l'on applique les mêmes hypothèses à l'ensemble des déchets solides immergés entre 1967 et 1982 sous l'égide de l'AEN, on obtient masse de plutonium rejetée: 149 à 167 kg.

3.3. Les rejets d'effluents liquides et gazeux

     Les effluents gazeux des usines de retraitement du combustible sont, exception faite des situations accidentelles, très faiblement chargés en plutonium comme le montrent les rejets annuels des usines de Windscale, La Hague et Marcoule /UNS82/, page 317:

Tableau 8
Rejets radioactifs gazeux des usines de retraitement

     Les rejets annuels d'eftluents liquides radioactifs de ce type d'installations nucléaires sont plus importantes, notamment dans le cas de Windscale où, contrairement aux usines de Marcoule et La Hague, aucun traitement chimique préalable (coprécipitation) n'est appliqué.
     Le tableau regroupe les données relatives aux usines de Windscale et de La Hague. La figure 2 illustre l'évolution de l'activité des rejets « alpha » dans les effluents liquides des deux usines:


Figure 2
Rejets annuels d'effluents radioactifs émetteurs alpha
suite:
     En appliquant les hypothèses retenues pour les déchets solides immergés, nous pouvons calculer les masses de plutonium rejetées en mer avec les effluents liquides:
     - Windscale, 1968-79:  masse de plutonium: 163 à 182 kg, masse d'américium-241:  3,64 kg
     - La Hague, 1967-80: masse de plutonium: 0,65 à 0,73 kg.
     La comparaison des rejets liquides contaminés alpha montre que les quantités de plutonium rejetées par l'usine de Windscale sont 250 fois plus importantes que celle de l'usine de La Hague.
     Les rejets alpha totaux pour la période 1967-79 sont, pour leur part, dans un rapport 260.

3.4. Les déchets en attente de conditionnement

     Les déchets plutonifères des usines de retraitement sont classés habituellement en deux familles  les déchets de «procédé» et les déchets technologiques. La teneur en plutonium des premiers va varier en fonction des techniques utilisées pour séparer le combustible de la gaine qui l'entoure. Les déchets technologiques sont liés aux modes de gestion des installations de l'usine et de la fiabilité des dispositifs qui les composent.      L'augmentation des interventions en zone active entraîne de façon générale une augmentation du volume des déchets technologiques.
     Il existe assez peu de données de synthèse sur l'importance des pertes en plutonium dans le retraitement et dans la fabrication des combustibles mixtes « UO2-PuO2».

a) Usine de Windscale
     La majeure partie des données publiées dans la littérature scientifique conventionnelle se présente sous la forme de «fourchettes» théoriques assez larges, exprimées en pour cent de la quantité de plutonium entrant dans l'usine. Le rapport présenté par Sir Flowers en septembre 1976 au Parlement du Royaume-Uni donne sur l'Usine de Windscale /FL076/ les premiers chiffres relatifs à une usine de retraitement de taille importante. Par ailleurs, une synthèse des évaluations et de quelques résultats industriels ont été publiés par la CFDT
/CFD8O/, /CFD8l/.

p.19

Tableau 9
Rejets annuels d'effluents liquides radioactifs
Activités en curies
Références  /ANC79/, /DAV79/, IPEN79/, /CFD80/, GUE81, /LUY82/, /UNS82/, /TAY82/ + données personnelles.

NOTA: On trouvera les données relatives aux activités bêta et gamma des effluents liquides de Windscale et de La Hague dans /ANC79/, /GER79/, /CFD8O/, /TAY82/, /W0082/ et /CAS82/, Annexe 7. Les différentes publications ne donnent pas toujours des valeurs de rejets concordantes en tous points.

     Le tableau suivant donne les activités «alpha» des déchets non conditionnés de l'Usine de Windscale /FL076/, page 139:

Tableau 10
Déchets non conditionnés stockés à Windscale

     L'activité alpha totale des déchets non conditionnés représentait donc en 1974 environ 580 kCi, soit 2,15.1016Bq.
     Si l'on compare cette activité à celle des produits émetteurs alpha dispersés par les explosions nucléaires aériennes: 1,6.1016Bq relatifs à l'ensemble des plutonium émetteurs alpha + 0,57.1016Bq d'américium-241 dû à la croissance totale du 241Pu, on trouve 2,17.l016Bq d'émetteurs alpha.
     On peut dire que l'activité des déchets alpha non conditionnés de l'usine de Windscale est égale à l'activité alpha des retombées nucléaires.
     Si les prévisions pour 1985 du rapport /FL076/ venaient à se réaliser, l'activité alpha stockée en attente de conditionnement sera à cette date égale à 2.210 kCi (8,2. 1016Bq), soit 3,8 fois plus importante que celle évaluée en 1974.

suite:
     La conversion de l'activité alpha en masse de plutonium n'est pas immédiate en l'absence de données sur 1'américium-241.      Cependant, le rapport Flowers précise (page 140) que les déchets solides - Tableau 10 - renferment un peu moins de 0,5 tonnes de plutonium dans 12.000 m3. Ces déchets contiennent donc environ 11,4 kg d'américium-241 dans l'hypothèse où le plutonium aurait été produit avec un taux de combustion voisin de
2.000 MWj.t-1.
     Le rapport « Flowers » ne donne aucune indication sur la quantité de plutonium contenue dans les effluents liquides de Haute Activité qui recèlent pourtant une activité six fois plus importante que celle des déchets solides non conditionnés.
     Si l'on suppose que la composition de ces déchets liquides est:
     1) identique à celle des déchets solides non conditionnés, l'on obtient
     ï masse de plutonium: environ 3 tonnes
     ï masse d'américium-241: environ 71 kg,
     2) identique à celle des rejets liquides en mer, l'on obtient:
     ï rapport d'activité Pu/(Am # Pu): 0,546
     ï masse de plutonium: environ 3,3 tonnes
     ï masse d'américium-241: environ 66 kg.

b) Usine de La Hague
     La Commission Castaing a eu des difficultés pour obtenir le détail des taux de pertes en plutonium dans les déchets, conditionnés ou non, de l'usine de La Hague. Aussi a-t-elle recommandé /CAS82/, page 4: «De rendre publique les données détaillées des performance en matière de taux de perte en plutonium dans les déchets des usines de retraitement de La Hague ou de Marcoule. Pour ce qui concerne cette dernière usine, classée secrète pour les besoins de la défense, le groupe souhaite que soit étudiée la possibilité de déclassifier les unités non directement concernées par la fabrication des matières fissiles à usage militaire, telles que celles qui traitent et conditionnent les déchets.»
     Les données fournies par la COGEMA à la Commission ont été reproduites dans les pièces jointes /GU182/ du rapport Castaing.

p.20

     Nous rappelons ici les valeurs relatives aux bilans couvrant les périodes les plus étalées dans le temps.
Tableau 11
Répartition des masses de plutonium dans le retraitement
des combustibles irradiés (exprimée en %)
Usine de La Hague
* Plutonium dans le combustible dissous (100 %) + pertes en amont.

     En l'absence de données précises sur les pertes pondérales, le document /GU182/ procède à une évaluation fondée d'une part sur les pertes exprimées en pourcentage, d'autre part sur un calcul théorique des quantités de plutonium présentes dans le combustible retraité.
     L'ensemble des données produites dans le rapport /CAS82/ et ses annexes permet d'évaluer ces masses:
     - 2 700 kg environ dans le combustible « eau ordinaire » (1976-81),
     - 3 400 kg environ dans le combustible « UNGO »
(1966-75),
     - 7 000 kg environ dans le combustible « UNGO »
(1966-81).
     On peut ainsi calculer les pertes suivantes:

Tableau 12
Plutonium dans les déebets non conditionnés À La Hague (kg)
     Les pertes totales représenteraient donc 2,27% dont 1,42% dans les boues résultant du traitement chimique des effluents liquides radioactifs. Comme l'indique M. Guillaumont, il est probable que les pourcentages de pertes fournies par la COGEMA conduisent à une sous-estimation des pertes en plutonium, notamment dans les boues de coprécipitation - 1,8% au lieu de 1,4% -/GU182/.
suite:
IV. Conclusions

     La comparaison de l'activité « alpha » dispersée lors des explosions nucléaires aériennes avec celle des déchets liquides ou solides évacués ou stockés par les usines de retraitement a montré que pour la seule usine de Windscale l'égalité était atteinte.
     Les usines de retraitement du combustible irradié constituent le maillon du cycle du combustible des réacteurs à «eau ordinaire» qui produit des déchets renfermant des transuraniens émetteurs « alpha », dont les isotopes du plutonium en particulier. Les activités specifiques des déchets produits jusqu'alors, comme leurs compositions isotopiques, sont très variables, ce qui rend difficile toute évaluation qualitative et quantitative.
     Si le retraitement de combustible plus standardisé, associé à des améliorations portant sur les dispositifs techniques comme sur les modalités de gestion des installations, devrait permettre une meilleure connaissance des déchets, il ne dispense pas d'une meilleure gestion de l'héritage du passé.
     La quantité de plutonium dispersée en mer lors des rejets d'effluents radioactifs liquides effectués par l'usine de La Hague est 250 fois plus faible que celle rejetée par Windscale.      Cependant, les boues radioactives, résultant du traitement chimique qui a permis cette importante réduction des rejets en mer, sont stockées provisoirement et nécessiteront une reprise, un traitement et un conditionnement qui ne sont pas encore arrêtés. A la mi-80, le volume de boues radioactives stockées en vrac à La Hague était environ égal à 3.500 m3. Il atteindra 6.000m3 en 1987 /CAS82/, page 27.
     Les immersions de déchets solides plutonifères consistent en une modalité de stockage définitif irréversible qui, dans l'état actuel de nos connaissances, devrait être exclue de la gamme des solutions retenues pour l'évacuation des déchets.
     L'augmentation croissante du tonnage des combustibles irradiés dans les centrales électronucléaires du monde entier se traduira, même dans l'hypothèse d'une tres faible augmentation du parc mondial des réacteurs, par une croissance annuelle du plutonium produit égale à environ 35 tonnes par an. Parallèlement on aura fabriqué 1,9 t de neptunium, 1t/a d'américium et 110 kg/a de curium. La radiotoxicité de ces actinides mineurs est également à prendre en compte dans les analyses de risques compte tenu des nouvelles données retenues par la CIPR dans ses publications 26 et 30 (voir /CAS82/, Annexe 6).
     Pour toutes opération s de retraitement du combustible irradié, le traitement des déchets alpha qui en résultent devrait être la règle afin de recycler le plutonium, de séparer les autres transuraniens en vue d'un traitement spécifique et de réduire le volume et l'activité des déchets qui relèvent d'un stockage définitif en profondeur notamment.

p.21
Bibliographie
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