La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°66

Démocratie, décentralisation...
et la loi du plus fort
I. Sites et commissions



     La recherche des sites de stockage de surface pour les déchets nucléaires met en évidence, une fois de plus, les contradictions entre les intentions exprimées par les «politiques» et la réalité quotidienne.
     Les intentions sont un étalage de grandes idées: décentralisation, pouvoir local, transparence de l'Etat, démocratisation...
     La réalité, qui n'a guère changé depuis plusieurs décennies si ce n'est de tout temps, est le pouvoir régalien de l'administration centrale, laquelle est d'abord aux ordres des grands groupes de pression constitués par les corps de l'Etat, avant d'être aux ordres du pouvoir politique.
     Sans vouloir mettre en doute systématiquement la loyauté des hauts fonctionnaires, il faut bien se rendre à l'évidence: les ministres passent, eux, ils restent. Ils sont les yeux et les oreilles du cabinet du ministre, alors que voulez vous, il peut y avoir des cas de surdité!
     Et même un cabinet de ministre n'est pas à l'abri du phagocytage. En 1981, lorsque M. Dreyfus, fraichement nommé ministre de l'Industrie, constitua son cabinet, il faillit commettre un crime de lèse-mineur, ne s'étant pas adjoint d'ingénieur du corps des mines. Heureusement, le Conseil général des Mines veillait, et, grâce à quelques coups de téléphone, cette situation impensable fut évitée.
     Donc, dans une structure aussi bien ordonnée, que voulez-vous que devienne le pouvoir local? Dès que la loi de décentralisation fut votée, transférant, en principe, un énorme pouvoir aux conseils régionaux, on mit en place des voies de contournement. Ce furent par exemple les programmes d'intérêt général (PIG: est-ce de l'humour bilingue?!), de définition suffisamment floue, permettant de faire un peu n'importe quoi, en passant outre au pouvoir local. Ouf! l'Administration centrale était sauvée. Napoléon avait failli se retourner dans sa tombe.
     Mais il ne faut jamais acculer les gens au désespoir. Il faut leur laisser des voies de recours. Si on est doué, on s'arrange pour que ce soit des voies de garage.

     Les recours devant les tribunaux administratifs, devant le Conseil d'Etat sont parmi ces voies, des aboutissements sublimés. Après un délai fort long, le plaignant est généralement débouté pour des raisons d'intérêt national, et lorsque par miracle la plainte aboutit, une dernière pirouette de l'Administration permet de reprendre l'avantage (voir Gravelines Gazette nucléaire N°48/49).
     Une autre façon de faire rêver et se défouler les gens consiste à leur dire: voyez comme nous sommes prêts au dialogue. Nous vous laissons consulter le dossier du projet, vous notez vos remarques sur un registre et à l'issue de cette enquête publique, un avis motivé sera émis par le Commissaire enquêteur.
     Cette procédure avait encore des lacunes. La loi de juillet 1983 sur la démocratisation des enquêtes publiques va corriger certaines aberrations. Par exemple, le commissaire enquêteur ne pourra plus être partie prenante dans le projet. Il fallait oser le dire.
     Mais au fait, à quoi sert cette enquête publique?
     - à assurer une large diffusion de l'information très bien.
     - à permettre aux «citoyens» d'émettre des remarques encore mieux. Mais après?
     Le pétitionnaire répond à vos questions. Il répond ce qu'il veut, car à ce niveau il a le dernier mot.
   Le commissaire enquêteur écrit un joli rapport racontant comment la séance de psychothérapie de groupe s'est passée, il émet un avis qui est personnel, s'en va toucher ses vacations, et c'est fini. Cet avis est en général favorable. Dans quelques cas rarissimes, il émettra un avis défavorable qui ne sera rien d'autre qu'un élément versé au dossier. J'ai déjà vu un rapport où le commissaire enquêteur écrivait: «Compte tenu que la construction de l'installation a été autorisée par l'arrêté du... , il est impensable de ne pas émettre un avis favorable à l'autorisation de rejets dans l'environnement par cette installation». A la limite, cela fera remonter d'un cran le niveau de l'instance qui prendra la décision.
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     De toute façon, cela va se terminer par un arrêté préfectoral ou un décret en Conseil d'Etat et ce sera bouclé. Imaginez un projet déposé par un service public ou par un industriel. Au moment où l'Administration décide de mettre ce projet à l'enquête, vous pouvez dire que c'est cuit. Toutes les instances administratives ont déjà analysé, fait modifier, statué. Il y a déjà un long travail d'effectué, travail d'où sont singulièrement absents tous ceux qui auront à supporter le projet.
     Et lorsqu'on va passer à l'enquête publique, ce n'est pas pour voir ce travail rejeté par des «bouseux», des gens qui prétendent connaître leur cadre de vie, leur patrimoine, des gens insensibles au chant de sirène de l'intérêt supérieur de la nation et qui ne voient que le TGV dans leurs vignes ou un centre de stockage de déchets (radioactifs ou non) sur leurs points de captage d'eau.
     De toute façon, l'enquête publique, vue du «côté du manche», n'est que la phase préalable indispensable, avant la déclaration d'utilité publique qui permettra les expropriations.
     Toute la procédure d'enquête publique n'est qu'un attrape…couillon et après démocratisation, ce n'en sera guère qu'un... démocratisé.
     Nous préférions la franchise cynique de d'Ornano qui avait déclaré «les enquêtes publiques ne sont pas destinées à remettre en question un projet, mais à en faciliter l'insertion sociale»
     Revenons à notre point de départ, la recherche des sites de stockage de déchets radioactifs.
     Au risque de me faire lyncher, je dirai que c'est un problème d'importance secondaire comparé aux pluies acides, à la disparition des ressources en eau potable,et même aux déchets industriels (dioxines, par exemple).
     Mais on comprend mieux l'ampleur «injustifiée» qu'il prend lorsqu'on réalise que le groupe de pression de l'industrie nucléaire, ce lobby militaro-industriel contrôlé par le tout-puissant corps des Mines, se heurte à des oppositions locales au niveau de petites communes rurales de quelques centaines d'habitants, sans pouvoir mettre en avant de façon crédible l'urgence nationale, l'intérêt supérieur du pays.
     Ah, comme le spectre du prochain hiver difficile à passer était une aide efficace pour placer des centrales nucléaires!
     Une première remarque: d'habitude, pour implanter un site nucléaire, le CEA, EDF ou l'entreprise quelle qu'elle soit (SOMANU à Maubeuge, CFC à Tricastin...) recherche discrètement un site, même si les caractéristiques géologiques doivent répondre à de sévères critères, fait passer le projet au crible des services de l'Administration avant de le faire paraître en public, sous forme de consultation des élus locaux, peu avant la mise à l'enquête. Au moment où la rumeur s'en saisit, le projet est déjà ficelé.
     Or, ici on a annoncé la présélection de 6 ou 7 sites pour un choix définitif de un ou deux. Pourtant ce n'est pas le manque de zones géologiques aptes à recevoir un centre de stockage qui posait problème, puisqu'on recense plusieurs centaines de structures ad-hoc.
     Alors pourquoi cet abandon des anciennes mauvaises méthodes qui avaient fait leurs preuves? Serait-ce lié à un paramètre psychologique nouveau le temps. Pour une centrale, le promoteur parle de 20 à 30 ans d'exploitation, de démantèlement puis de banalisation des terrains.
     Même si les deux dernières étapes sont à considérer avec circonspection, nous sommes loin des trois siècles minimum d'attente avant banalisation d'un site de stockage de déchets de faible activité (et courte période). On a l'impression que les promoteurs du nucléaire ont mauvaise conscience. Une série d'erreurs psychologiques en a découlé.
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     Le discours d'Auroux en juin 1984 parlant de concertation, de possibilité d'acte de candidature, a fait croire aux gens qu'ils allaient pouvoir donner leur avis au niveau présélection et qu'on les écouterait. S'ils pouvaient se porter volontaires, ils devaient pouvoir aussi refuser. Logique? Pensez-vous! Et puis il y a dans ce même discours la carotte inattendue les 5 M.F. par an par site. Comment, tant d'argent pour une «décharge publique», pour quelque chose d'improductif, présenté sans nuisance, c'est louche.
     Enfin, il ne faut pas minimiser le comportement stupide de l'ANDRA, musclée et sûre d'elle. L'agence a organisé des réunions d'information d'où étaient exclus les habitants des communes voisines. Mais le pire a été sa perte de crédibilité technique, en particulier à Neuvy-le -Roi. Le terrain, sur le plan de l'hydrogéologie était pourri, non conforme aux critères recherchés. Il était aisé de se faire à peu de frais une réputation de sérieux. il aurait suffi que des techniciens honnêtes et responsables remercient le maire de sa proposition en ne la retenant pas pour des raisons de structure géologique pour qu'ils apparaissent crédibles aux yeux des gens qui ne demandaient qu'à croire des scientifiques. Au lieu de cela, ils s'entêtèrent jusqu'à ce qu'une consultation locale amène le maire, en février, à retirer sa candidature, et ils durent se résoudre à abandonner, mais de mauvaise grâce, en traînant les pieds. Ils apparurent donc comme des rigolos capables de placer leur projet n'importe où et, moyennant du béton, d'espérer que cela tiendra 300 ans!
     Cette consultation de Neuvy-le-Roi n'était pas la première. Nous vous avons déjà donné dans la Gazette nucléaire N°64/65 les résultats des «sondages» effectués dans le canton de Soulaines (Aube) dès décembre 1984.
     A la même époque, dans l'Indre, les maires des communes des cantons de Neuvy-St-Sépulcre et de Bélâbre organisaient aussi des «sondages» puisque le mot «vote» ne semble pas légal.
     Les résultats de ces consultations sont grosso modo à 70% contre avec un fort taux de participation.
     Aussi quelques conseils municipaux comme ceux de Tilly, Lignac par exemple décidèrent de valider ces «sondages» pour respecter la volonté de la population et émettaient des voeux pour que l'administration compétente respecte la décision prise.
Cette fois, c'en est trop, l'administration ne peut supporter pareille audace. Le 30 janvier une délégation d'habitants du canton de Bélâbre, reçue par la directrice de cabinet du préfet de l'Indre, s'entend dire:
A propos des déchets radioactifs
N.R. du 6/02/85

     Comme suite à une demande d'audience auprès de M. le Préfet de l'Indre présentée par M. Rigaud, habitant de Prissac, au lendemain du vote-sondage du 23 décembre 1984 contre les déchets radioactifs, une délégation comprenant Mme Le bourg de Chaillac, MM. Couturaud et Braun de Lignac, M. Chatenet de Bélâbre, M. Denis de St-Hilaire, M. Raffin de Chalais et M. Brissaud de Tilly, a été longuement reçue le 30 janvier 1985 par Mme Lecrigny, directeur de cabinet du préfet de l'Indre.
     Au cours de cette entrevue, certaines précisions ont été apportées et notamment:
     - que malgré le scrutin du 23 décembre 1984 et les décisions de rejet des conseils municipaux, le projet serait maintenu;
     - que les sondages géologiques pourraient avoir lieu autoritairement;

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     - que la commission locale qui serait mise en place aurait pour but de faire passer l'information et pourrait même se transformer en «commission de gestion du centre de stockage»
     - que les retombées économiques, comme les opposants au projet l'avaient pressenti, «seraient modestes pour la commune d'accueil»
     - que, compte tenu du large éventail de possibilités de choix géologiques, le gouvernement devrait pouvoir «tenir grand compte de l'avis de la population»
     Les personnes présentes se sont fait l'écho auprès de Mme Lecrigny des problèmes qui ne manqueront pas de surgir lors de ces sondages géologiques et qu'il serait bien préférable «de classer cette affaire», la population étant largement hostile au projet proposé, les conséquences économiques négatives se faisant déjà sentir au plan local par l'arrêt des ventes de terrains et maisons, de la baisse du «foncier», ainsi que du report des travaux de rénovation.
     En conséquence, la population et les élus doivent se considérer plus que jamais mobilisés devant ce que l'on peut appeler un viol délibéré de la volonté populaire par les autorités administratives.
La Nouvelle République du 6.2.85
     Puis par courrier le sous-préfet du Blanc a annulé la motion du conseil municipal de Lignac, rendant caduc le vote du 23 décembre 1984, à l'occasion duquel les habitants du canton s'étaient prononcé à 70% contre l'implantation du centre.
(Cf. La Nouvelle République 21.3.85)
     Et Huguette Bouchardeau qui disait que le choix des sites était conditionné par l'accord de la population.
(Cf. La Nouvelle République 3.2.85)


     Devant cette situation d'autorité administrative, en contradiction avec l'apparente volonté de concertation des politiques, que faire? Comme l'écrivait Collot d'Herbois dans la Déclaration des droirs de l'homme en 1792:

«Art. IX La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent».
     Et si la loi ne protège plus (pas), il ne reste que la violence ou le désespoir:
  C'est le désespoir qui a gagné et un habitant de Lignac, Monsieur Joseph Braun, s'est lancé dans une grève de la faim qu'il n'a cessé que 21 jours plus tard, après que Renon, administrateur du CEA ait déclaré le 26 mars à propos des sites de stockage que «L'Indre est pour le moment tenu en réserve»
(Dépêche AFP du 26/03).
suite:
     Un adjoint de Malvy (Secrétaire d'Etat à l'Energie) recevant des habitants de Lignac ainsi que le gréviste de la faim avait bien montré à la fois le mépris des libertés locales et l'utilisation bien comprise du piège à gogo de l'enquête publique:
     «Aucune décision encore prise par l'ANDRA qui rendra ses conclusions avant la fin de l'année. C'est après seulement qu'une enquête d'utilité publique sera décidée qui permettra aux municipalités et aux populations intéressées de donner leur avis. Quoi qu'il en soit, l'ANDRA ne peut s 'engager à renoncer à un site d'intérêt national parce qu'une partie de la population y est opposée...».
     Enfin, il ne faut pas être trop injuste. La nouvelle loi sur les enquêtes publiques apporte tout de même quelque chose: ce sont les études d'impact plus complètes et plus détaillées. La preuve d'ailleurs que c'est un progrès, c'est le temps mis pour sortir les décrets d'application et l'hostilité du ministère de l'Industrie à étendre les dispositions aux installations nucléaires et en particulier les Mines.
     Finalement, cette loi nouvelle est destinée à l'administration qui pourra bloquer un projet en phase d'instruction pour insuffisance d'études d'impact. L'administration, avec cette loi se dote des moyens de remplir ce qu'elle considère comme sa mission mais ne laisse pas échapper une miette de son pouvoir discrétionnaire.
     Alors c'est vrai que pour le citoyen, toujours impitoyablement brimé, ce n'est pas très satisfaisant et ça laisse un goût amer. Il pourra s'informer, il pourra écrire sur un registre, il pourra manifester, il pourra... rien: ce qui lui semble mauvais lui sera imposé au nom de l'intérêt supérieur (de qui? de la Nation pardi, elle a bon dos!)
     De toute façon, ne rêvons pas, la loi ne s'applique pas encore, alors l'analyse que l'on peut faire de ce qui se passe en ce moment n'est pas triste:

     - En direct des sites prospectés:
· Cholet
· l'Aube

     - Les mines:
     La Gazette vous offre aussi le dossier d'une instruction en cours (?) pour la mine de Bondons (Lozère).
     Pourquoi un dossier sur les mines, pour vous faire toucher du doigt la petitesse du dossier:
     L'étude d'impact se borne à une description des lieux et à dire ce qui va être fait, et ce, sans jamais avoir consulté personne, même lorsqu'il s'agit de couper un chemin ou d'utiliser un ruisseau.
     En plus il y a des affirmations du type:

«La région est essentiellement composée de garrigues»

«Seule une exploitation à découvert peut être envisagée».

     Enfin, je vous invite à lire le dossier préparé par ceux qui, déjà échaudés par la Société Mokta, n'ont pas du tout envie de continuer à être les dindons de la farce.
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Toujours en direct des sites de stockage
Cholet

     - Présence de 80 personnes le jour où l'ANDRA, le BRGM et la Commission locale d'information étaient sur le terrain du Carnier pour l'inauguration des sondages.
     - Rencontre de la Commission locale d'information et du collectif.
     où l'on s'entend dire que le terrain pourrait être banalisé après seulement 100, 150 ou 200 ans selon les déchets qui auront été entreposés
     où Monsieur Dumas, conseiller municipal, avoue pour la première fois qu'il prévoit des fuites dans un tel centre de stockage et que c'est pour cela qu'il a été proposé un terrain à l'ouest de Cholet car à l'est se trouve le réservoir d'eau potable de la ville qui, en cas de fuites, se trouverait pollué.
     (Commentaire du collectif: manque de pot, de l'autre côté ce sont les communes de Saint Christophe et de la Ségurnière qui récupèreront ces radionucléides, d'où très forte réaction du maire de Saint Christophe).
     - Ralentissement de la circulation avec distribution de tracts au Carnier et devant la mairie.
     - Présence de 40 personnes déguisées avec des petits chars (personnes en tenue shadock ou à l'intérieur d'un fût à l'image d'homme-sandwich) à la Mi-Carême de Cholet, présence non annoncée bien sûr mais très bien accueillie par la population qui a spontanément applaudi.
     - Présence du collectif au dépouillement du scrutin des cantonales aux deux tours, d'où promesse de l'élu, M. Ronsin, conseiller municipal RPR de porter le dossier devant le Conseil général.
     - Débat sur la radio Ligot (Cholet temps libre) avec Monsieur Saint Ouen de l'ANDRA, plusieurs gaffes du représentant de l'ANDRA sur St-Priest la Prugne, sur le Centre Manche ont donné, à notre avis, une bonne répercussion de l'émission sur le public.
     - Tract diffusé à 20.000 exemplaires invitant les Choletais à bouger, a commencé à faire de l'effet: nombreux coups de téléphone, commandes d'autocollants, dons en espèces (commentaire: nous avons utilisé une partie d'un texte d'un autre site paru dans la Gazette).
     - 13 et 14 avril, première exposition du collectif avec le concours de professeurs de biologie, de géologie et de physique de Cholet. Elle comporte une soixantaine de panneaux sur la radioactivité, ses éventuels effets sur l'homme, la géologie du Carnier. L'exposition a duré 10 heures et a accueilli 300 personnes. Un montage diapo a été passé huit fois avec 30 personnes à chaque fois.
     Les personnes ont pu s'informer, commander de la documentation.
     - 27 avril, manifestation à Cholet avec un tract. En plus du collectif se sont joints CFDT, CSCV, JOC, JJCF, Paysans Travailleurs, Culture et Liberté.
 
 

Dernière minute

     Cholet, 21 mai (AFP). La police protègera mercredi les premiers travaux de forage du centre de stockage de déchets radioactifs de Cholet (Maine-et-Loire) qui avaient été interrompus lundi par un collectif opposé au projet d'installation d'un tel site sur cette commune.
     Lundi, les opposants à ce projet, regroupés en collectif avaient empêché le BRGM et l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) de procéder aux premiers travaux. Une occupation symbolique du terrain avait suivi.
     Mardi matin le climat s'est envenimé après que la société nantaise ait déposé plainte à la suite de la disparition de petits matériels et de dommages sur ses deux camions. En fin de journée, des affrontements ont été évités de justesse, les opposants bloquant les accès au terrain ayant refusé de laisser passer une baraque de chantier destinée à abriter des policiers.

suite:
     A l'issue d'une réunion à la sous-préfecture, des renforts des services d'ordre seront détachés sur le site mercredi matin. Selon les techniciens, la reprise des travaux ne peut être en effet différée. Mais les opposants annoncent de leur côté une réplique de nature non violente. (AFP 212250 mai 85).

Contact:
Didier PATARIN
15 rue des Ecoles - 49470 LA ROMAGNE



L'Aube
(Michel Mels, 7, rue Louis Pasteur, 10200 Bar-sur-Aube)

     Résumé des articles de journaux traitant de l'éventuelle implantation d'une poubelle nucléaire à Soulaines.
     Plusieurs points positifs viennent nous encourager dans notre lutte:
     - l'élection d'un conseiller général très «réservé» sur le projet dans le canton. Il bat largement le candidat de droite, qui se présentait comme successeur de l'ancienne conseillère générale qui ne se représentait pas (trop vieille). Cette victoire a eu un impact énorme dans le canton, géré par des bons à rien (moyenne d'âge 70 ans) depuis des années
     - les débats que le comité a réussi à introduire au sein des conseils municipaux jusqu'alors, seuls les maires, favorables à une petite majorité dans le canton, avaient donné leur avis personnel, sans consultation. Ils ont été désavoués par leurs conseils municipaux qui ont décidé de faire des référendums dans les communes concernées. Seuls quatre ou cinq maires sont contre le projet et pour le référendum. Dans les autres communes, l'opposition maire/conseil municipal fait que «ça chauffe!»
     - pour l'instant, sur 21 communes que compte le canton, 9 se sont prononcées, toutes contre le projet, à des pourcentages variant de 57 à 97% sur une population, au niveau de canton de 2085 inscrits, les 9 communes représentent 1.027 électeurs, soit 49,3%. Les résultats des référendums donnent, en votes exprimés: 99 pour le projet, 13%, et 662 contre le projet, 87%. Les autres communes vont se prononcer dans les semaines à venir, le nouveau conseiller général Michel Roche nous a promis son aide pour convaincre les «récalcitrants».
     Du côté de l'ANDRA, aucune réaction officielle pour l'instant. Mais les sondages, faits par le BRGM, continuent. Nous allons proposer aux communes d'interdire leur poursuite. Il faut dire que, actuellement ces sondages se «balladent» à droite et à gauche dans le canton, ce qui augmente encore l'inquiétude des habitants.
     Malgré tout, cela sera difficile. Nous avons gagné une bataille, pas la guerre.



La Vienne
     Ce département était soi-disant en réserve mais on commence tout de même à prospecter dans le coin de Montmorillon ainsi qu'à Persac.
     Comme dit IANDRA, lorsqu'on fait un sondage au niveau national on a 90% d'opposants. Puisqu'après information locale on n'a plus que 70% d'opposants, vous voyez que nous faisons des progrès. Encore dix ans et on sera peut-être à 60% contre.
     Malheureusement jusqu'à 50% c'est contre et non pour!

     Les habitants se sont tout de suite émus en apprenant qu'ils pouvaient être choisis. Ils ont donc créé des comités de défense et ils organisent des réunions d'information.
     Remarquez que pour le moment l'ANDRA a organisé des réunions pour les élus ainsi que pour le club du troisième âge. Ça, c'est pour le moins curieux.
     Remarquons que EDF faisait plus dans le haut niveau groupes de notables, Lions, Rotary, groupes socioprofessionnels huppés, etc.
     De toute façon c'est peut-être une diversion car l'impression qu'on avait, c'est que c'était plustôt Soulaine qui était le premier canton sur la liste. Peut-être que leur lutte a porté ses fruits...

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Les mines d'uranium de Bondons

Voici donc le dossier préparé par les comités locaux:

I. Le projet de mine et d'usine de
traitement d'uranium des Bondons (Lozère)

     Les faits:

     A la suite d'explorations, un permis d'exploitation de 5 ans pour une mine d'uranium a été délivré le 22.3.1976 par la préfecture de la Lozère à la Compagnie Industrielle et Minière, devenue ultérieurement la Compagnie Française de MOKTA. Il porte sur une superficie de 14,5 kilomètres carrés et contient notamment le site au-dessus et à l'ouest du hameau du Cros, commune des Bondons (voir carte générale en annexe). Une galerie d'exploration y a été forée. Le permis a été prolongé jusqu'au 6.4.1986 par arrêté préfectoral du 22.10.1981 (pièces jointes 1 et 12).
     Le 23.10.1984, la MOKTA présente un projet d'exploitation du site en découverte, auquel s'ajoute un atelier de traitement pour lequel un emplacement est envisagé au lieu-dit Bramousset, sur le plateau qui domine à 1.200 m d'altitude le village des Bondons. Le minerai le plus riche serait transporté à l'usine du Cellier près de Langogne,et le plus pauvre serait traité à Bramousset. Le projet nécessite la réalisation d'une piste de 5 à 6 kilomètres en terrain très accidenté pouvant supporter des camions de 30 tonnes environ afin de relier les deux sites et de permettre de se rendre sur le réseau routier normal allant à l'usine du Cellier (pièce n. 3 et cartes annexes).
     Le projet a évolué presque aussitôt devant le danger de pollution représenté par l'atelier de Bramousset: ses effluents se déverseraient dans le Bramont, affluent direct du Lot et indirect du Tarn via des pertes importantes qui alimentent d'ailleurs en eau le village des Bondons et plusieurs de ses hameaux. Le nouveau projet, sur lequel je ne possède pas de document, placerait le système de lixiviation (couvrant 600 x 300 m) sur une éminence à araser partiellement juste au sud de la mine. Les liqueurs uranifères extraites des minerais par injection de solutions à base d'acide sulfurique seraient transportées par conduite jusqu'à la commune de Cocurès, à environ 3,5 km en contrebas, où se trouveraient les bassins de stockage et l'atelier de résines échangeuses d'ions. En tout état de cause, la piste entre la mine et le plateau prévue au projet initial devrait être ouverte pour se rendre au Cellier.
     En outre, d'autres permis de recherches ont été délivrés pour des zones voisines (pièce n. 4). Si des mines devaient y être ouvertes, il serait nécessaire de construire d'autres routes ou pistes pour camions de fort tonnage.
     Ce projet, qui en est au stade de l'étude d'impact juste préalable à l'exploitation, a suscité de nombreuses protestations, notamment du Conseil municipal des Bondons (pièce n. 5), de celui de Florac, de l'Association Lozérienne d'étude et de protection de l'Environnement (pièce n. 6), et de l'Association «SOS les Bondons et la Vallée du Tarn» (pièce n. 7). Un article du Monde daté du 12A. 1985 et deux articles de la Lozère Nouvelle du 5 et du 12.4.1985 sont consacrés au projet (pièces n. 8,9 et 10). Cependant, la Chambre de Commerce de la Lozère a donné son appui au projet (Le Midi Libre, ed. de Mende, 26.4.85).

     Aspects écologiques du projet

     Ces aspects sont très alarmants. Le projet menace de défigurer une région touristique encore admirablement préservée, située dans la zone périphérique du Parc National des Cévennes: voir son emplacement sur la photo de couverture du dépliant édité par l'Office de tourisme de la Lozère (pièce n. 11).

suite:
      Le village des Bondons connaît actuellement un renouveau certain concrétisé par l'installation de plusieurs jeunes agriculteurs, d'artisans, et par la réouverture de l'école publique en septembre 1984. Contrairement à ce qu'affirme la MOKTA (pièce n. 3), la végétation à l'emplacement des sites est très variée, comprenant prairies et chataigneraies et non garrigues; il est hors de question qu'elle puisse être reconstituée en un an après remblaiement éventuel de 3 millions de tonnes de déchets, comme il est affirmé p. 9. Quelles sont d'ailleurs les garanties de remblaiement en cas de liquidation de la MOKTA? La suppression directe d'une partie des terrains exploités serait très dommageable à plusieurs agriculteurs de Bondons et de Cocurès, communes où le terrain exploitable est particulièrement crucial.
     Le risque de pollution des eaux est important. Une pollution a été constatée dans des bassins et rivières en aval des mines d'uranium et usines de traitement du Limousin (La Gazette nudéaire N°41/42, 1981, p. 18, numérisation à venir). Aux Bondons, la situation surélevée des installations (où la possibilité d'infiltrations d'acide sulfurique et produits radioactifs est reconnue par la MOKTA (pièce n. 3, p. 6), et les violentes pluies orageuses de septembre occasionnent des risques supplémentaires évidents, notamment pour le hameau du Cros. En tout état de cause, l'atelier déverserait dans le Tarn, en supposant que l'acide sulfurique ait été bien neutralisé, 600 mètres cubes par heure chargés à 2 g/litre de sulfates. Les effets sur l'alimentation en eau, la baignade et la pêche à la truite, très active dans ces eaux non encore polluées, ne peuvent pas être négligeables.

     Aspects économiques du projet

     L'estimation des réserves en minerai faite par la MOKTA (pièce n. 3, p. 2) est éminemment incertaine, de l'aveu même de cette société, étant donné l'extrême complexité du site. La teneur supposée du minerai est inférieure à celle des minerais exploités dans le limousin par la COGEMA (en moyenne 2.000 ppm). L'eau nécessaire au traitement n'est pas abondante et manque en été. Les commurncations sont souvent très difficiles en hiver en Lozère, à l'altitude des sites.
     Il se trouve qu'à l'heure actuelle, le prix de revient de l'uranium extrait des sites du Limousin, dans des conditions d'accès plus faciles et à partir de minerai plus riche que celui des Bondons, est sensiblement égal à celui payé par la France à ses fournisseurs étrangers (La Gazette nucléaire N°54/55,1983, p. 20). Le minerai des Bondons ne peut donc être traité que de façon économiquement non rentable. L'exploitation étant à court terme (4 ans, pièce n. 3), les arguments d'indépendance énergétique nationale ne peuvent être mis en avant.
     Le principal argument en faveur du projet est que cette nouvelle exploitation préserverait des emplois menacés par l'épuisement des mines de la MOKTA dans le nord de la Lozère. Si l'on s'en tient au document n. 3, p. 8, c'est environ 60 emplois qui seraient préservés pendant 4 ans. Il serait très intéressant de mettre en regard les emplois perdus en ce qui concerne les agriculteurs des Bondons et de Cocurès et les nombreuses personnes qui vivent d'un tourisme très actif, qui ne pourrait que se dégrader en raison de la pollution liée au projet.

     Conclusion

     Il parait éminemment regrettable de défigurer un site touristique exceptionnellement bien préservé et une économie locale en amélioration, mais encore fragile, par la réalisation d'un projet aberrant car étudié à la hate et certainement non rentable.

le 7 mai1985
James Lequeux
p.6

II. Extrait du registre des délibérations
du Conseil municipal de la Commune des Bondons
(Séance du 14 décembre 1984)

     L'an mil neuf cent quatre vingt quatre et le quatorze décembre à vingt heures trente, le Conseil municipal de cette commune régulièrement convoqué, s'est réuni au nombre prescrit par la loi dans le lieu habituel de ses séances sous la présidence de Monsieur Eugène Durand, maire.
     Présents: MM. Durand Eugène, Palmier Michel, Bonhomme David, Dumas François, Meyrueix Eugène, Molhérac Eugène, Pelatan Joseph, Julhan André-Joseph, Pantel Jean-Paul, Suau Jean-Lou.
     Etait absent: M. Pantal Marius.
     M. Julhan André-Joseph est élu secrétaire de séance.

     Objet: Gisement d'uranium du Cros

     Monsieur le Maire rappelle au Conseil municipal la délibération de cette assemblée en date du 16 décembre 1979 relative à cet objet.
     Il donne connaissance au Conseil municipal d'une note de «présentation du gisement des Bondons» établie par la Compagnie Française de Mokta, titulaire du permis d'exploitation du gisement d'uranium dit du Cros.
     Il invite le Conseil municipal à délibérer.
     Le Conseil municipal
     ouï l'exposé de Monsieur le Maire,
     constate:
     1. qu'il est écrit noir sur blanc à la page 10 de la note de la Compagnie Française de Mokta «qu'il n'y aura pas d'embauche locale», qu'il n'y a pas dans la commune d'entreprise ou d'artisan pouvant être intéressé par la sous-traitance ou l'entretien et que de ce fait les retombées sur l'économie locale seraient absolument nulles;
     2. que cette note prévoit, page 4, la coupure de la Voie Communale 1 dite «Route des Bondons» ,sans aucune demande au propriétaire de cette voie, c'est-à-dire la commune des Bondons;
     3. que cette note ne tient aucun compte de l'existence de l'amenée d'eau potable du village du Cros et prévoit le déversement sur la source elle-même et l'amenée d'eau potable du stérile, sans se préoccuper le moins du monde du périmètre de protection et de la pollution de cette source;
     4. que cette note ne tient aucun compte de la ruine du seul élément de vie de ce secteur, l'agriculture. En effet, compte tenu des surfaces prévues pour l'exploitation, l'entrepôt du stérile, le traitement, les chemins ou pistes d'évacuation du minerai, c'est une superficie d'environ cent hectares qui sera soustraite à l'agriculture, condamnant irrémédiablement à l'exode ou au chômage non indemnisé les petits paysans du Cros, de Lozerette, des Bondons, etc. Il convient de préciser ici la légèreté de cette note au point de vue de l'agriculture puisqu'il y est écrit: «La végétation (y) est essentiellement composée de garrigues», alors qu'il s'agit de prés et de pâturages fort appréciés au printemps et à l'automne;
     5. que cette note prévoit l'exploitation en «découverte». Or si le Code minier donne au bénéficiaire d'un permis d'exploitation la possibilité d'exploiter le sous-sol, elle ne lui donne pas la propriété du sol. La société ne peut donc prévoir une exploitation en découverte que si elle est propriétaire du sol. De plus, si exploitation en découverte il y a, les poussières, radioactives ou non, ne manqueront pas de polluer les pâturages et les récoltes;

suite:
     6. que cette note prévoit le traitement du minerai par système de lixiviation et propose à cet effet trois emplacements. Quel que soit l'emplacement choisi, le commun des mortels comprend très bien que l'emploi de l'acide sulfurique, par exemple, ne sera pas sans danger pour l'environnement. Les fortes pluies que connaît à l'automne le versant sud du Mont Lozère ne manqueront pas d'entraîner soit dans les vallées du Bramont, des Combes et de Malaval, soit dans les vallées du Briançon et du Tarn, quantité de boues radioactives ou non imprégnées d'acide sulfurique, dévastatrices de la flore et de la faune aquatiques, entraînant l'impossibilité d'utiliser l'eau tant pour les personnes que pour les animaux, l'impossibilité d'irrigation, l'impossibilité de baignades avec toutes les conséquences qui en découlent pour le tourisme dans la vallée du Tarn.
     Enfin le Conseil municipal estime qu'au fil des ans s'est réalisé un consensus de rejet de cette exploitation de la part de la quasi-totalité de la population de la commune.

     Ce constat établi, le Conseil municipal décide:
     - de s'opposer par tous les moyens à l'exploitation du gisement d'uranium du Cros;
     - de s'opposer formellement à la «coupure» de la Voie communale N. 1 dite Route des Bondons;
     - de faire respecter scrupuleusement les arrêtés municipaux réglementant la circulation sur les voies communales, en particulier en ce qui concerne la limitation du tonnage.

     Demande:
     - que l'étude d'impact soit établie par un organisme indépendant et non par la compagnie titulaire du permis d'exploitation. On ne peut être à la fois juge et partie dans la même affaire;
     - que cette étude d'impact soit soumise à l'enquête publique et que les dossiers d'enquête soient déposés dans toutes les mairies concernées.

     En outre, le Conseil municipal:
     - demande à Monsieur le Directeur départemental de l'Agriculture de veiller à la sauvegarde de l'Amenée d'eau potable du village du Cros;
     - alerte Monsieur le Directeur départemental des Affaires Sanitaires et Sociales et Monsieur le Président du Conseil supérieur de la Pêche en ce qui concerne la pollution de l'eau;
     - alerte également le ministère de l'Environnement pour toutes les nuisances qui sont fort minimisées dans la note de la Compagnie Française de Mokta,
     - alerte enfin Télédiffusion de France en ce qui concerne le brouillage possible du relais de télévision situé à proximité,
     - se félicite du consensus quasi unanime de rejet de cette exploitation manifesté par la population et demande à tous les propriétaires de ne pas se laisser griser par des propositions apparemment fort alléchantes, mais qui ne tiennent aucun compte de la ruine définitive des agriculteurs, propriétaires ou fermiers.
     Ainsi fait et délibéré les jour, mois et an susdits.
     Pour copie certifiée conforme,
     Le Maire et les Conseillers municipaux

p.7

Les commissions de contrôle

     Ainsi que nous vous l'avons déjà expliqué, il existe actuellement plusieurs commissions auprès des sites nucléaires. Ces commissions, dont la composition a été précisée par une circulaire du Premier Ministre, sont généralement des commissions d'information. Ce ne sont pas des commissions de contrôle sauf peut être la Commission de Fessenheim qui dans son texte de création précise le contrôle du fonctionnement sans d'ailleurs entrer dans le détail des moyens d'où une impossibilité à exercer ce contrôle.
     En ce qui concerne les autres commissions: La Hague, Creys-Malville, Civaux, Nogent, Flamanville, elles ont pour mission l'information.
     Nous vous avons entretenu des difficultés rencontrées à Civaux où finalement des membres ont démissionné, estimant ne pas pouvoir remplir leur mandat.
     Il existe un autre type de commission: celle de St-Priest la Prugue, commission qui doit «veiller» à ce que l'abandon du site se fasse dans de bonnes conditions. Là aussi le fonctionnement n'est pas simple car les experts sont extérieurs à la commission et travaillent en envoyant des rapports: le dialogue est assez réduit entre experts et les réunions sont une lutte d'influence entre la COGEMA et les associations de défense. Or, pas d'illusion, l'ancien exploitant de la mine (la COGEMA) n'a qu'une envie: partir en dépensant le moins possible.
     Finalement, l'apparition des commissions est à la fois une bonne et une mauvaise chose.
     Une bonne,
     - parce que effectivement, elles peuvent servir pour l'information des populations,
     - parce qu'elles peuvent transmettre les questions,
     - parce qu'elles peuvent intervenir, demander des explications.
     Une mauvaise,
     - parce qu'elles peuvent servir d'alibi
     - parce que, sans moyen, elles ne peuvent pas remplir leur rôle.
     C'est pourquoi dans le cadre d'une commission qui a un budget, un conseiller scientifique permanent, la «Commission permanente près l'établissement La Hague», nous allons vous transmettre copie des courriers sur le problème des enquêtes publiques. Vous allez pouvoir juger que ce n'est pas très simple et que les commissions ont encore du pain sur la planche pour arriver à faire un travail correct.
     Mois après mois, les lettres se succèdent et le moins qu'on puisse dire, c'est que cela ne résoud pas vraiment les problèmes.
     Finalement, que reste-t-il? Un dossier incorrect a été soumis à la population.
     Que répond-on?
     1. que EDF ou la COGEMA font de bons dossiers... Mais ce n'est pas ce qui est demandé. Ce qui est demandé c'est: qui vérifie le dossier et qui se permet de faire mettre à l'enquête un dossier incorrect;
     2. que le SCPRI vérifie. Toujours idem, si le SCPRI vérifie, alors il est responsable de cette information tronquée, ce qui, organisme officiel ou pas, laisse planer des doutes sur sa volonté de présenter un dossier correct aux populations
     3. le commissaire enquêteur agresse la commission. Il la juge coupable de «négligence» dans l'information pour avoir omis de réclamer des éléments supplémentaires ne figurant pas dans les dossiers soumis à enquête.
     Alors là bravo! Non seulement il faut lire les dossiers présents, mais extrapoler sur ceux absents. Ce n'est plus de l'information mais ça relève de la cartomancie.
     C'est pourquoi la lettre que M. Ancellin a écrite au nom de la commission garde son entière actualité (voir Gazette N°62/63) et la nouvelle lettre toujours soutenue par la commission est également justifiée: qui au niveau administratif accepte les dossiers d'étude d'impact et qui donc laisse passer ces dossiers erronés et tronqués?
suite:
Le Secrétaire d'Etat auprès
du Ministre du Redéploiement Industriel
et du Commerce Extérieur chargé de l'Energie
Monsieur DARINOT
Président de la Commission Spéciale et Permanente d'Information
près l'Etablissement de la Hague 5, rue Vastel 50100 CHERBOURG
     Objet: Remarques de la Commission Spéciale et Permanente d'In¬formation près l'Etablissement de la Hague sur les dossiers d'enquête publique relatifs aux rejets d'effluents radioactifs.

     Réf..: Votre lettre du 16 octobre 1984.

     Monsieur le Président,

     Vous avez attiré mon attention sur les remarques formuées par certains membres de votre commission sur les dossiers qui avaient été soumis à l'enquête publique en 1983 pour autoriser les rejets des effluents radioactifs des extensions de l'Etablissement de la Hague et vous m'avez fait part de votre souhait que ces remarques soient prises en compte lors d'enquêtes publiques futures, notamment celles relatives aux rejets de la centrale nucléaire de Flamanville.
     Je pense que, compte tenu de leur examen par les services compétents, les dossiers d'enquête qui ont été établis pour cette centrale devraient donner satisfaction au public auquel ils sont destinés.
     En particulier, les questions relatives à la dispersion et aux effets des rejets radioactifs, auxquelles la plupart des remarques de vos collaborateurs s'appliquent, ont été étudiées par Electricité de France selon les instructions et sous le contrôle du service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), organisme dépendant du secrétariat d'Etat chargé de la santé.
     Je vous invite donc, pour les problèmes qui concerneraient plus particulièrement l'appréciation des risques encourus, à vous rapprocher de ce secrétariat d'État, auquel je transmets votre lettre.
     Par ailleurs, Electricité de France s'est efforcée de présenter l'étude d'impact sous une forme aussi compréhensible que possible par le public, en donnant des conclusions qualitatives qui dégagent les points essentiels, sans reprendre dans ce document toutes les informations chiffrées contenues dans l'étude définitive, qui est réservée à l'instruction administrative.
     Enfin, les services d'Electricité de France pourront apporter tout éclaircissement que vous ou vos collaborateurs jugerez utile, à l'occasion de la réunion d'information que le pétitionnaire doit organiser préalablement à l'ouverture de l'enquête publique en liaison avec les services de la préfecture, conformément aux dispositions d'ordre général de la directive du Premier ministre en date du 14 mai1976.
     Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.

Martin MALVY
p.8

Monsieur le Président
de la Commission Spéciale d'Information
près l'Etablissement de la Hague
5, rue Vastel
50100 CHERBOURG
     Monsieur le Président,

     Le Conseiller scientifique de votre Commission, Madame le Docteur Bardoux, a bien voulu me faire parvenir, pour information, copie de:
     - la lettre qui a été adressée à la Commission le 10 septembre 1984 par MM. J. Cl. Zerbib et J. Ancellin au sujet des rejets radioactifs de l'Etablissement de la Hague.
     - la lettre adressée par vous le 16 octobre 1984 au ministre de la Santé. Je crois comprendre que la même lettre a été envoyée au ministre de l'Industrie et à celui de l'Environnement.
     - la réponse en date du 14 décembre 1984 à votre lettre précitée, du secrétaire d'Etat auprès du ministre du Redéploiement industriel et du Commerce extérieur chargé de l'Energie.
     La lettre de MM. Zerbib et Ancellin me mettant explicitement en cause, j'ai demandé un entretien à M. Ancellin en présence du Docteur Bardoux, entretien que j'ai pu avoir le 7 décembre 1984.
     De cet échange de vues il résulte que M. Ancellin n'avait pas pris connaissance du résumé des deux demandes d'autorisation de rejets radioactifs - résumé que je mentionne à la page 5 du rapport de la Commission d'enquête et sur lequel je m'appuie avec de nombreuses précisions données à la page 8 du même rapport pour répondre à la critique sur le manque de synthèse et de conclusion générale donnant clairement la situation prévisible au point de vue de la «pollution radioactive».
     Cet oubli - pour ne pas dire cette négligence - dans l'information de M. J. Ancellin, transforme en contrevérité de nombreux passages de sa lettre et en particulier la presque totalité de la deuxième page.
     D'autre part, la première page de cette même lettre rappelle l'existence d'erreurs dans le dossier d'enquête du pétitionnaire. Elles n'avaient pas échappé à la Commission qui avait demandé à la COGEMA de refaire les calculs impliqués qui faisaient l'objet des remarques formulées par la Commission spéciale d'information dans le registre mis à la disposition du public. J'ai mentionné dans mon rapport (p. 7) l'existence de ces erreurs et la demande de correction au pétitionnaire de ces négligences. La Commission d'Enquête après avoir pris connaissance des corrections a pu certifier que les conclusions relatives au danger d'irradiation encouru par la population n'étaient pas modifiées, tant pour les effets des effluents gazeux, que pour ceux des effluents liquides (p. 8 du rapport de la Commission d'Enquête).
     Je n'ai pas négligé de tenir au courant le Conseiller scientifique de votre Commission le 13 juillet 1983, avant la signature de mon rapport. Les pages corrigées par le pétitionnaire ont été remises par lui en mains propres le 21 juillet 1983 à ce Conseiller scientifique et envoyées par lui au Service Central de Sûreté des Installations Nucléaires au ministère de l'Industrie.
     Je crois savoir qu'un complément d'information sur les calculs d'impact a été donné le 12 mars 1984 par le pétitionnaire à la Commission d'Information de la Hague et que celle-ci s'est trouvée suffisamment satisfaite pour ajourner une deuxième réunion, ce que ne reflète pas le troisième alinéa de la lettre de Monsieur Ancellin en date du 10 septembre 1984.
     A la lumière de ces mises au point, peut-être longues, que reste-t-il de cette lettre?
     - une mise en cause explicite de la Commission d'Enquête et plus particulièrement de son Président, mise en cause injustifiée pour ne pas dire diffamatoire;
     - une mise en cause de la procédure actuelle d'enquête sur laquelle je n'ai pas qualité pour me prononcer.
     Je citerai cependant un passage du rapport de la Commission d'Enquête (p. 13): «Toute remarque constructive (formulée au cours de l'enquête) est une contribution importante à une meilleure connaissance des incidences du projet et à son amélioration», ce qui a été le cas pour cette enquête.
     Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de la considération distinguée.

JJ. BARON
Président de la Commission d'Enquête publique sur les demandes d'autorisation de rejets d'effluents liquides et gazeux présentées par la COGEMA.
suite:
Cherbourg, le 14 février1985
J. ANCELLIN
Membre de la Commission d'information auprès de l'Etablissement de la Hague
Monsieur le Président
de la Commission Spéciale d'information
près 1'Etablissement de la Hague
5, rue Vastel CHERBOURG
     Monsieur le Président,

     Je ne puis laisser sans réponse la lettre du 11 janvier 1985 de M. Baron, Président de la Commission d'Enquête publique concernant le site de la Hague, qui vous a été adressée et dont la copie m'a été transmise par le Dr. Bardoux.
     Le point est qu'un dossier incomplet et erroné a été soumis au public appelé à se prononcer sur la demande d'autorisation de rejets radioactifs présentée par la COGEMA.
     Si, comme le déclare M. Baron, ces erreurs et omissions n'avaient pas échappé à la Commission d'Enquête, celle-ci, en prenant connaissance du dossier, semblait alors fondée, préalablement à la consultation du public, à demander des éclaircissements de la part du pétitionnaire, ne serait-ce que pour comprendre les calculs aboutissant à la quantification des nuisances - question qui constituait, avec celles relatives à la surveillance et à la protection, l'objet principal du dossier.
     Or ces négligences, qui portaient sur des points essentiels, n'ont dû en fait d'être relevées qu'à la seule Commission d'Information auprès du centre de la Hague.
     C'est sur quoi nous avons voulu attirer l'attention dans notre lettre du 10 septembre 1984 dont copie a été transmise aux services intéressés par les soins de la Commission d'information – qui exprimait le souhait qu'à l'avenir ce genre d'erreurs ne se reproduise pas à l'occasion d'enquêtes analogues auxquelles les autorités seraient amenées à procéder.
     Par ailleurs, pas plus que les autres membres de la Commission d'information, je ne suis responsable de ce que le dossier transmis à cette Commission par la COGEMA était incomplet - les pièces manquantes constituant deux résumés distincts de l'étude d'impact, l'un relatif aux rejets gazeux, l'autre aux rejets liquides.
     Si l'existence de ces pièces éclaire de façon différente un passage du rapport de la Commission d'Enquête, cela ne change rien au fond du problème: les 10 pages de calculs complémentaires et de rectifications fournies à ce sujet par la COGEMA, après l'enquête, attestent suffisamment que ce dossier, comportant par ailleurs bien des développements d'intérêt secondaire, était inintelligible sur des points aussi importants que ceux relatifs aux paramètres retenus pour l'établissement des calculs de nuisances.
     Or ce dossier qui ne satisfaisait nullement à la rigueur scientifique a été accepté comme tel par les services responsables et sans que la Commission d'Enquête n'ait paru autrement s'en inquiéter et n'ait souligné le fait dans son rapport, ce qui semblait pourtant aller de soi - pour la bonne règle et en considération des obligations incombant aux ministères appelés à donner leur caution à ce genre d'étude.
     Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de me considération distinguée.

J. ANCELLIN
p.9

St Priest la Prugne

     Dans la Gazette nous vous avons décrit l'ancienne mine de St-Priest, l'état du site et les problèmes qui en résultent.
     La création d'une Commission interdépartementale chargée de veiller à la bonne exécution du contrat de rivière propre a été un pas en avant. Mais les difficultés de
fonctionnement de la Commission montrent à l'évidence qu'il est difficile de transformer un essai en but.
     L'un des problèmes majeurs est lié au fait que si l'esprit des décrets et des lois suppose que c'est au pollueur de payer, rien ne fixe à quel niveau et surtout rien ne fixe qui examine les travaux à faire.
     Il en résulte un subtil jeu où le pollueur essaie d'imposer ses vues et où les autres partenaires se cassent les dents à essayer d'obtenir que les choses soient correctement faites.
     D'une part, la coutume a toujours voulu que l'exploitant se retire sur la pointe des pieds en rendant tout à la collectivité, voir le Nord et ses superbes terrils.
     D'autre part, en vertu du code minier, les compagnies ont de telles habitudes de plein pouvoir, qu'elles ont du mal à supporter qu'on puisse intervenir dans le cadre de leur mission d'intérêt supérieur de la nation.
     Toute personne, ou tout groupe (il s'agit là très exactement du collectif des Bois Noirs et des experts indépendants avec qui il est en rapport) qui ose demander des explications, qui ose, publications du CEA en main, demander la mise en oeuvre de méthodes de contrôle différentes de celles préconisées par un prospecteur, est immédiatement mis à l'index.
     L'argumentaire est très simple: «les spécialistes sont chez nous. Partout ailleurs, ce sont de vulgaires théoriciens, pas des gens de terrain; nous avons donc raison». La création de cette commission risque donc finalement d'être, à la grande satisfaction d'un des protagonistes, la COGEMA, un fiasco. Un méchant fiasco parce que les politiques et l'administration auront l'impression d'avoir rempli leur contrat: faire une commission ou chacun peut s'exprimer et parce que les associations n'auront jamais entendu leurs légitimes revendications être réellement discutées.

     St-Priest la Prugne est un test important, car il n'y a aucune urgence à mettre les travaux en oeuvre. Au contraire il est urgent de bien étudier le problème avant de faire des bêtises.
     Avant toute opération sur le bassin de la décantation, il faut établir un point zéro de la rivière.
     Si les mesures de surveillances ont été faites aussi sérieusement qu'on le laisse supposer pendant les vingt ans d'existence de la mine, elles doivent suffire. Donc que COGEMA, SCPRI nous les communique. Or, au lieu de cela, COGEMA préfère refaire une campagne de mesure. Amusant, n'est-ce pas?
     Cet état des lieux suppose que l'on fasse des prélèvements à des endroits précis, que l'on prépare des échantillons rigoureusement et qu'on les mesure. Ceci parce que ces prélèvements serviront d'état de référence pour des mesures ultérieures.
     Donc, dans le cadre de ladite Commission, COGEMA a présenté son programme de travail. Des «contre experts» ont officiellement analysé ce programme et y ont relevé un certain nombre d'insuffisances et d'erreurs. Qu'à cela ne tienne, COGEMA a toujours raison et se refuse à toute modification. Alors, que faire?
     C'est d'ailleurs très amusant. Les propositions faites par les «contre-experts» rejoignent la méthodologie mise en oeuvre dans une étude de la pollution de rivière provoquée par la mine de Lodève. C'est d'autant plus amusant que cette publication, trouvée après coup, émane du CEA, en l'occurrence du département de radioécologie de Cadarache*. Si la COGEMA est incompétente, on pourrait demander au CEA...
     L'affaire de la Besbre est donc une affaire à suivre. Cette affaire illustre à l'évidence la difficulté du dialogue, surtout quand les difficultés sont toujours du même côté: la COGEMA a toujours raison.

* Réf.: L'apport des mesures hydrobiologiques dans l'étude radioécologique d'un site français d'extraction de traitement d'uranium. IAEA-SM-262(523)1982.
 

p.10a

Les rejets chimiques de l'usine de retraitement

     Force est de constater qu'une fois de plus un service public, enfin un service alimenté par des fonds publics  la COGEMA se place au-dessus des lois.
     L'établissement «Centre de retraitement» a dû, dans le cadre de l'extension des installations de retraitement, réactualiser les autorisations de rejets UP2-800; UP3A; STE 3...
     A l'occasion de l'enquête publique, un problème épineux fut soulevé: la toxicité chimique de l'effluent radioactif.
     En effet, lorsqu'une porcherie industrielle ou n'importe quelle activité s'installe et va rejeter ses effluents, l'Administration lui tombe dessus pour réglementer ses rejets dans l'environnement et, soulignons-le, c'est UN BIEN. Nous avons tous en mémoire les ravages consécutifs à des déver-sements intempestifs d'huiles, de résidus d'usines et même des déchets de villes. La procédure qui était instruite portait bien sur la radiotoxité des rejets. L'innénarrable Professeur Pellerin fut ferme, l'arrêté ministériel ne portera que sur la radiotoxité. Quant à l'impact chimique, ce sera au préfet de réglementer. Une même sauce soumise à deux règlements, c'est la meilleure façon de procéder pour ne plus savoir qui fait quoi.
     Evidemment, l'arrêté pour les rejets radioactifs a été signé et publié au Journal Officiel.
     Par contre, on attend toujours l'arrêté préfectoral!! D'autant plus qu'à cette occasion on a réalisé que la Hague fonctionnait depuis dix ans sans autorisation... Or cet effluent, radioactif certes, contient en prime des tas de produits chimiques. Ce n'est pas la toxicité chimique des produits radioactifs qui est seulement en cause mais surtout la toxicité du jus qui le contient.

     En particulier il y a ce fameux tributylphosphate (TBP) qui sert à l'extraction du plutonium et de l'uranium. La Commission Castaing avait soulevé ce lièvre et peu de réponses ont été apportées à ce jour à ses questions.
     Les quantités rejetées ne sont pas vraiment connues et seules des estimations sont faites.
     On trouve des phrases de ce genre:
     «Les mesures effectuées sur les effluents A de l'usine actuelle ont montré que leur teneur moyenne en TBP était de 28 mg par litre et ont permis d'évaluer le rejet annuel à 1,44 tonnes...»
     L'extrapolation aux rejets futurs du UP2-800 et UP3-A a conduit à la valeur de 6,7 tonnes.
     «... Le rejet de 6,7 tonnes dans 130.000 m3 de rejets A effectués à un débit de 75 m3/h correspond à une concentration de 52 mg/l et à un rejet horaire de 3,86 kg/h...»
     Or la COGEMA s'appuie sur un facteur de dilution de 5.l05 à proximité immédiate du point de rejet pour dire: «ceci fait tomber la concentration à 0,1 microgramme/l». Donc conclusion, c'est négligeable. L'inconvénient, c'est que ce qui compte, c'est la concentration dans le rejet. Le rôle de la réglementation est justement de fixer le taux de dilution.
p.10b

     Quant aux études qui ont été faites pour déterminer la toxicité du rejet, c'est non pas des prélèvements, des études in situ. C'est en fait l'application d'un modèle qui permet une étude «spatio-temporelle».
     «La dilution à proximité de l'émissaire a été établie par une résolution spatio-temporelle de l'équation de diffusion-advection par une méthode de Monte Carlo»
     On voit mal comment une étude avec modèle sortirait autre chose que ce qu'on a rentré dans le programme.
     Quant à la fin de la note, c'est encore plus génial:
     «Rappelons à ce sujet que des données complémentaires seront fournies par l'étude demandée il y a quelques mois par la COGEMA au laboratoire de radioécologie marine...»
     Il me semblait que le Centre de la Hague fonctionnait depuis 1966.
     Il a fallu vingt ans pour demander une étude, pas mal dans le genre.
     De toute façon, la note justificative de la COGEMA est un modèle du genre. Le calcul donne toujours raison à la COGEMA, le calcul permet de suivre les effluents.
     En ce qui concerne des rejets, ce ne sont pas de calculs dont on a besoin, mais de mesures. Voici d'ailleurs encore d'autres études (!!):
 
- Conclusion d'une étude confiée au Service d’Etudes Appliquées de Protection Sanitaire:
«... il semble que nous possédions l'ensemble des éléments pour conclure sur l'effet du TBP sur l'environnement sauf:
- les quantités exactes de TBP rejetées,
- les modalités du rejet.
     Si ces quantités étaient importantes, des effets sur la faune sédentaire au niveau benthique pourraient peut-être être mis en évidence, mais cela est peu probable»...
     La COGEMA a même réussi à mettre de son côté le conseiller technique de la Commission d'Information de la Rague.
     Pourtant, lors des réunions de la Commission, il a été répété à l'envi que la source COGEMA ne pouvait pas suffire comme source d'information. En ce qui concerne les rejets chimiques, la COGEMA veut échapper à la réglementation et ne se prive pas d'écrire des documents mais ces documents ne prouvent rien du tout.
     Il est clair que le document COGEMA précise:
     «J'ai l'honneur de vous transmettre le dossier justifiant que nos rejets sont de nocivité négligeable et remplissent les conditions d'exemption mentionnées à l'article 5 de l'arrêté du 13mai1975».
     Mais ceci n'est pas une preuve, c'est seulement une phrase pour faire plaisir.
     En fait, la réglementation est précise: le critère adopté pour savoir si un rejet doit être réglementé ou non, c'est la quantité avant rejet, le rôle de la réglementation étant justement de définir le taux de dilution, le flux du rejet ou les mesures de dépollution à prendre avant rejet. Bien entendu tout ceci se fait sur la base des effets sur l'environnement.
suite:
     Nous rappelons qu'il ne peut pas être répondu à ceux qui s'inquiètent auprès de la Commission de la Hague, sur la seule base des documents COGEMA. Le conseiller technique de la Commission devrait pourtant être alerté, car nous avons plusieurs fois constaté les lacunes (pour être poli) des documents COGEMA, et la nécessaire obligation de recouper les sources d'information. En l'occurrence il s'agissait là de s'enquérir de l'arrêté du 23 mai 1975, et de ne pas s'arrêter aux seules affirmations du pétitionnaire.
     Pourquoi me direz-vous s'occuper des rejets chimiques de la Hague? Eh bien parce qu'un rejet est un tout et qu'il convient de s'intéresser à toutes ses nuisances potentielles.
Il n'est pas possible que les lois sur l'environnement soient toujours contournées, bafouées. Et c'est pour cela que nous saluons l'action entreprise par Manche-Eco1ogie qui s'est justement saisi de ce problème de rejets chimiques et a introduit un recours.
La Haye du Puits, le 7 mai 1985

Monsieur le Président
du Tribunal administratif
Cité administrative
14000 CAEN

Objet:
Recours contre l'Administration pour absence d'autorisation et de réglementation concernant les «effluents chimiques» associés aux éléments radioactifs rejetés en mer par les installations de la COGEMA sur le site de la Hague.

     Monsieur le Président,

     Nous avons l'honneur de vous exposer les faits suivants:
     L'Administration, sur la demande de la COGEMA, a autorisé celle-ci par décret interministériel, à rejeter les effluents liquides radioactifs provenant de l'extension des installations de l'usine de retraitement de la Hague.
     En ce qui concerne les «effluents chimiques» associés aux éléments radioactifs, la réglementation en vigueur prévoit, dans le cadre de la Police des Eaux et conformément à l'arrêté du 13 mai 1975 et le décret n. 73-218 du 23 février 1973, que ces effluents chimiques doivent être autorisés et réglementés par arrêté préfectoral. Or à ce jour, aucun arrêté n'autorise ni ne réglemente ces effluents chimiques.
     Il s'agit à notre point de vue d'une grave carence de l'Administration contre laquelle nous formulons au près de vous ce recours en vous demandant de prendre notre demande en considération dans un jugement avec toutes les conséquences de droit qui en découlent.
     Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.

p/Manche-Ecologie:
C. GUILBERT
Président
4, rue du Pressoir,
50250 la Haye du Puits
p.11

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