La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°98/99

LA TECHNIQUE: ÇA PASSE OU ÇA CASSE

DOSSIER TECHNIQUE CSSIN
3-10-89

     Voici donc l'ensemble du dossier technique réacteur, retraitement, stockage des déchets. J'ai ajouté un dossier sur le bilan des rejets (dossier établi par la Cogema). Il manque la partie rejet chimique. On l'aura peut-être un jour (voir 1996...).
     En ce qui concerne les réacteurs, le dossier fait le point sur les différents incidents. Il est clair que rien n'a explosé mais que comme le titre l'Usine Nouvelle 221, «Le Nucléaire malade de son gigantisme». Dans le courant de l'article, il y a d'ailleurs un commentaire dont je vous laisse apprécier l'humour:
     «...Les pépins des centrales EDF ont tout de même un aspect positif sur le niveau d'activité des fournisseurs du nucléaire. Il signifie pour l'industrie nucléaire et ses très nombreux sous-traitants, qui ont beaucoup investi et qui sont menacés par le ralentissement des programmes nucléaires, la possibilité de maintenir, voire d'accroître, la charge de leurs ateliers
     Voici donc un aspect «très» positif de l'ensemble des pannes: Intercontrole a doublé son chiffre d'affaire entre 1984 et 1987. Et c'est quoi Intercontrole? Une société spécialisée dans les contrôles non destructifs, filiale de CEA industrie, Technicatome et Technip.
    Le nucléaire continue à se contrôler en circuit fermé!
    Quant au reste, pour continuer à citer Usine Nouvelle, c'est la corrosion qui donne des cheveux blancs aux ingénieurs d'EDF et par ricochet aux opérateurs ainsi qu'aux financiers.
     Car pour faire fonctionner les réacteurs 40 ans, on est mal parti. Que ne va-t-il pas falloir changer pour qu'ils puissent fonctionner et surtout à quel prix financier et radioactif! Ça aussi il faudra bien en tenir compte dans la prévision.
     C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut des contrôles extérieurs sur les arrêts décennaux des réacteurs aussi bien sur la partie technique que sur la partie rejets.
     Sur la partie du dossier retraitement, vous avez le point sur les installations nouvelles. A part le fait qu'on a construit une canalisation entre UP2 et UP3 pour pouvoir tester UP3 parce qu'on ne pouvait pas terminer UP3 dans les délais prévus, qu'on a découvert qu'on ne savait pas travailler le Zirconium, tout va bien. UP2-400 retraite vraiment ses quatre cents tonnes. Bien sûr, elle aurait dû le faire dès 1977, il a fallu une dizaine d'années d'efforts. On peut espérer que UP3 et UP2-800 prévue pour 89 et 92 se feront un plaisir de démarrer en (peut-être) 91 et 92 (on ne va pas encore changer mais 95 semble une bonne date!).
     Quant au stockage des déchets, Soulaines a encore des problèmes et le labo profond est toujours en gestation. Mais tout cela ne fait rien: le nucléaire est sûr!

suite:
     Le dernier dossier est celui que la Cogéma a remis à la commission de la Hague et qui fait le point des rejets de l'usine UP2-400. Il est à noter que la Cogema s'est engagée à ne pas dépasser les limites annuelles données dans le tableau «Bilan des rejets 1988». Or, on atteint 34% de l'autorisation pour les émetteurs b avec la seule UP2-400. Il va falloir faire un effort avec UP3 (800 tonnes) et UP2-800 sinon on dépasse. Je sais bien qu'on publie des dérogations assez facilement, mais quand même. Quant aux rejets gazeux, il faudra faire attention aux halogènes (c'est-à-dire l'iode et je ne vous rappelle pas Tchernobyl).
     Dernier point, on parle des niveaux d'accident sur l'échelle destinée à l'information: niveau l, 2, etc. On aimerait non seulement avoir connaissance de l'incident technique mais aussi des REJETS (s'il y en a), même si la formule consacrée est «sans nocivité». On aimerait donc connaître le rejet, sa composition et les quantités.

1. Anomalie générique sur les pressuriseurs du palier 1.300 MWe
(Magnuc. niveau 2)

     A la demande du SCSIN, Electricité de France a classé une anomalie rencontrée sur les piquages* des pressuriseurs au niveau 2 de l'échelle de gravité. Cette information concerne de manière générique les réacteurs de 1.300 MWe, car le défaut peut exister sur l'ensemble de ces réacteurs.
     Le pressuriseur est un réservoir cylindrique vertical situé sur l'une des boucles du circuit primaire et destiné à régler la pression du fluide primaire en contact avec le combustible nucléaire.
     Cette anomalie a été décelée pour la première fois en juin sur Cattenom 2 et Nogent 1 lors de contrôles effectués durant des périodes d'arrêt des réacteurs. Les premières observations effectuées ont alors montré l'existence de défauts d'orientation longitudinale sur certains piquages qui ne mettaient pas en cause leur tenue. Le risque de brèche sur le circuit primaire par rupture d'un piquage a été ainsi écarté. Les défauts ont donc été classés au niveau 1 de l'échelle de gravité et avait fait l'objet d'une information.
     A la demande du service central de sûreté des installations nucléaires, l'exploitant a entamé un contrôle par sondage sur les tranches de 1.300 MWe. Lors des contrôles ainsi définis, une fissure d'orientation circonférentielle a été observée sur un piquage de Belleville 1. Celle-ci s'est révélée de taille trop petite pour mettre en doute la tenue du piquage. Néanmoins, elle montre la possibilité d'existence de défauts susceptibles de conduire à la rupture du piquage. Une telle rupture entraînerait l'apparition d'une fuite sur le circuit primaire. Cette situation, prévue dès la conception, devrait être maîtrisée par les procédures accidentelles existantes. Il convient néanmoins de l'éviter. Cette anomalie est donc classée au niveau 2 de l'échelle.
p.11
* Piquages: tuyauterie de 25 mm de diamètre permettant d'effectuer des mesures dans les pressuriseurs.
     A la suite de cet incident, et après discussion avec l'autorité de sûreté, les mesures suivantes ont été prises par l'exploitant sur les tranches 1.300 MWe:
     - Pour les réacteurs ayant un arrêt prévu en 1989:
* extension des contrôles réalisés aux piquages de tous les réacteurs de 1.300 MWe,
* réparation des piquages les plus affectés.
     - Pour les réacteurs en construction:
* remplacement de tous les piquages avant chargement.
     - Pour les autres réacteurs:
* réparation à terme de tous les piquages affectés (dans un délai d'environ deux ans).

2. Tubes des générateurs de vapeur
des réacteurs de 1.300 MWe

     Les contrôles effectués lors des arrêts pour rechargement des réacteurs de Nogent 1 et Saint-Alban 2 ont mis en évidence la présence de défauts sur une centaine de tubes de deux des huit générateurs de vapeur (chacun d'entre eux en contient 5.400).
     Schématiquement, un générateur** de vapeur est un échangeur de chaleur qui utilise les calories de l'eau du circuit primaire du cœur du réacteur pour chauffer et transformer en vapeur l'eau d'un autre circuit indépendant dit secondaire. Cette vapeur fait tourner la turbine.
     Les défauts constatés correspondent à un rétrécissement observé à la base des tubes, au-dessus de la plaque tubulaire et seraient dus à l'oxydation et au gonflement de boues particulièrement dures et corrosives dont la présence a été mise en évidence sur les différentes plaques tubulaires.
     Sur Nogent, l'exploitant a entrepris de réaliser un nettoyage chimique des boues présentes en partie secondaire des générateurs de vapeur.
     Les redémarrages de Nogent 1 et de Saint-Alban 2 ne pourront intervenir avant novembre et devront avoir reçu l'approbation du chef du service central de sûreté des installations nucléaires.
     Au vu des premières analyses effectuées, cet incident est pour l'instant classé au niveau 1 de l'échelle de gravité.
     Une présentation plus précise des résultats obtenus par Electricité de France sera effectuée en octobre au service central de sûreté des installations nucléaires et pourra conduire à une révision de ce classement.

Dampierre 1 - 1.08.89
Indisponibilité d'un circuit de sûreté
(Magnuc - Niveau 2)

     Le 1er août 1989, lors d'une intervention dans le bâtiment du réacteur n°1 de Dampierre qui fonctionnait à sa puissance nominale, l'exploitant a constaté fortuitement la présence anormale de bouchons sur les tuyauteries du circuit de brassage et recombinaison de l'hydrogène dans le bâtiment réacteur.
     Cet incident a été classé au niveau 2 de l'échelle de gravité des incidents et accidents nucléaires. Ces bouchons rendaient en effet indisponible un circuit qui serait utilisé lors d'un accident grave engendrant la présence de produits radioactifs et d'hydrogène dans le bâtiment réacteur. Ce circuit a notamment pour fonction d'assurer un brassage de l'air de l'enceinte de confinement et un piégeage de l'hydrogène produit par l'oxydation des gaines de combustible à haute température, afin d'éviter en particulier les risques d'explosion.
suite:
     Ces bouchons ont vraisemblablement été mis en place au cours du dernier arrêt de tranche en décembre 1988 pour procéder à des contrôles d'étanchéité du circuit. Leur retrait a alors été omis. Les programmes de contrôle et l'organisation de la qualité n'ont pas permis à l'exploitant de s'en apercevoir.
     Un incident semblable s'était déjà produit en avril 1987 à Bugey 2.
     La constatation faite le 1er août 1989 est préoccupante. Si la tranche n'a jamais été en situation critique, elle a néanmoins fonctionné pendant plus de six mois avec une sûreté dégradée. Par ailleurs, cet événement peut engendrer une suspicion générale sur la qualité des opérations de maintenance.
     C'est donc avec la plus grande insistance que le service central de sûreté des installations nucléaires a demandé à Electricité de France de prendre toutes les disponibilités pour qu'un tel incident ne se reproduise plus. Ces dispositions feront l'objet d'une analyse détaillée.

Gravelines 1 - 16.08.89
Indisponibilité des soupapes de protection du circuit primaire
(Magnuc : Niveau 3)

1. Description de l'incident
     Le 16 août 1989, les trois soupages de protection contre les surpressions du circuit primaire principal de la tranche 1 de Gravelines ont été trouvées dans un état anormal lors des essais et contrôles systématiquement réalisés sur ces matériels pendant les arrêts annuels.
     Les premières analyses effectuées ont montré que, lors d'une intervention en juin 1988 sur les coffrets de commande de ces soupapes, une erreur sur la nature des vis employées a été commise par les équipes de maintenance de la centrale. Cette erreur n'ayant pas été détectée immédiatement, la centrale de Gravelines 1 a donc fonctionné pendant près d'un an dans cet état.
     En ce qui concerne la sûreté, il apparaît que dans certaines situations incidentelles ou accidentelles conduisant à une montée en pression du circuit primaire principal, les soupapes n'auraient pas joué de manière normale leur rôle de limitation des surpressions, ce qui aurait pu ainsi créer un risque de dommage pour la chaudière nucléaire.
     Cette anomalie a donc entraîné pendant un an environ une dégradation significative de la sûreté du réacteur et a conduit à classer cet incident au niveau 3 de l'échelle de gravité.
     Cet événement, lié à des défauts d'organisation, survenus durant l'intervention de juin 1988, met en cause de manière générale la fiabilité de certaines opérations de maintenance et l'organisation de la qualité correspondantes. Il est d'une nature similaire à l'incident du 1er août 1989 sur la centrale de Dampierre.
2. Actions effectuées
     1) L'exploitant a procédé du 18 au 23 août 1989 à la vérification de l'état des soupapes de protection de tous les réacteurs du parc nucléaire en fonctionnement ou à l'arrêt, vis-à-vis du problème rencontré sur Gravelines.
     Cette vérification n'a pas mis en évidence d'anomalie sur les matériels incriminés.
 
 p.12
** En 1988; à Paluel 3, un contrôle a révélé que 6 tubes d'un G.V. qui auraient dû être bouchés ne l'étaient pas, mais 6 autres avaient été bouchés par erreur à leur place. Conclusion: défaillance de l'organisation de la qualité et classement au niveau 1.
     2) La commission d'enquête créée par l'exploitant s'est rendue sur le site le lundi 21 août 1989. Ses principales conclusions portent essentiellement sur:
     - l'impossibilité d'attribuer les anomalies constatées à des erreurs humaines des intervenants;
     - l'insuffisance de la procédure d'intervention utilisée, qui se traduit par des imprécisions dans la définition des actions et des matériels, par l'absence de points d'arrêt, de contrôles et d'essais de requalification;
     - l'absence de vérification, a posteriori et dans des délais rapides, du bon déroulement de l'intervention sur la base du compte rendu rédigé par l'intervenant.
     3) L'inspection, menée sur le site par le SCSIN et ses appuis techniques le mardi 22 août 1989, a confirmé globalement les points évoqués ci-dessus. Toutefois, un accent particulier a été mis sur:
     - la qualification insuffisante du personnel (intervenants et encadrements): connaissance technique des appareils concernés et capacité à respecter les règles de l'assurance qualité;
     - l'existence de défaillances à différents niveaux de l'organisation mise en place par l'exploitant pour garantir la qualité des opérations de maintenance: sous-unité technique de la centrale, centrale, services centraux d'EDF.
     4) De plus, la direction régionale de l'industrie et de la recherche de la région Nord-Pas-de-Calais a dressé un procès-verbal à l'exploitant en application de l'article 43 de l'arrêté du 26 février 1974 relatif à la règlementation des appareils à pression aux chaudières nucléaires à eau. Cet article demande en effet que l'utilisateur s'assure par une surveillance constante du bon fonctionnement de ces soupapes. Or celles-ci se trouvaient dans un état dégradé depuis août 1988.
3. Conclusion
     Des analyses effectuées par l'exploitant, il ressort que l'exploitant met en place des mesures correctives satisfaisantes permettant d'éviter le renouvellement d'un incident identique ou de nature similaire. Ainsi, suite à l'incident du 16 août, la proposition relative à l'exécution systématique d'essais de requalification après intervention apparaît fondamentale.
     Cependant, de manière plus générale, le ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire et le secrétaire d'état auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et de la prévention des risques technologiques et naturels majeurs ont demandé au directeur général d'Electricité de France de:
     - renforcer les moyens de soutien, de suivi et de contrôle hiérarchique. L'échelon d'exécution doit être mieux épaulé et mieux contrôlé par sa hiérarchie locale ou nationale. Les inspections, comme l'analyse des incidents ont en effet montré que les équipes correspondantes étaient très chargées et ne pouvaient donc répondre à toutes les attentes;
     - renforcer les structures de sûreté et d'organisation de la qualité des centrales. Il importe qu'une attention plus grande soit portée à cette organisation par des agents chargés de la perfectionner, d'en suivre le bon déroulement et d'en protéger le fonctionnement notamment contre les pressions de natures économiques liées aux soucis de respect de planning lors des arrêts de tranche. Donner plus de crédit aux «missions sûreté-qualité» des centrales, par leurs capacités d'intervention et par leur poids dans les décisions, constitue un enjeu très important.
p.13a

CENTRALE NUCLÉAIRE DE CREYS-MALVILLE
L'AUTORISATION DE FONCTIONNEMENT JUSQU'A LA MISE EN SERVICE
DU POSTE DE TRANSFERT DU COMBUSTIBLE
 
     Par lettre CAB n°60891 du 12 janvier 1989, le ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire et le secrétaire d'Etat, auprès du Premier ministre, chargé de l'environnement et des risques technologiques et naturels majeurs ont autorisé le redémarrage de la centrale nucléaire de Creys-Malville et la réalisation d'essais jusqu'au 1er septembre 1989, conformément au décret du 10 janvier 1989 modifiant le décret d'autorisation de création de cette centrale.
     Depuis cette date, les principales étapes du fonctionnement du réacteur ont été:
     - le démarrage de l'installation le 14 janvier 1989;
     - le franchissement de 3% de la puissance nominale le 22 mars 1989;
     - le couplage au réseau le 29 mai 1989;
     - le fonctionnement à 100% de la puissance nominale le 16 juin 1989.
     Par lettre du 5 juillet 1989, la société Nersa demande l'autorisation de poursuivre le fonctionnement du réacteur au-delà du premier septembre, jusqu'à la mise en service du nouveau poste de transfert du combustible.
     Cette autorisation est donc limitée à l'utilisation du combustible actuellement présent dans le cœur (soit 245 jours d'équivalent pleine puissance ou 325 jours à compter du redémarrage au 12 janvier 1989), qui devrait se poursuivre jusqu'en 1991.
     L'instruction technique de cette autorisation menée par le service central de sûreté des installations nucléaires a porté principalement sur les incidents survenus sur le réacteur depuis six mois, sur les moyens nécessaires au déchargement des assemblages et sur ses conditions futures d'exploitation.

A) Le fonctionnement du réacteur depuis son redémarrage
     De l'instruction réalisée, il ressort qu'aucun événement sérieux n'est survenu sur le réacteur depuis le redémarrage. En particulier, aucun événement n'a dû être classé dans l'échelle de gravité.
     Vous trouverez en annexe 1 le bilan des principaux événements intéressant
la sûreté intervenus depuis le démarrage.

p.13b

     L'événement le plus significatif en ce qui concerne l'exploitation de la centrale est l'arrêt du réacteur le 10 mai 1989 pour vérification du système de détection de fuite de sodium. En effet, l'apparition d'alarmes avait conduit l'exploitant, sous l'impulsion du service central de sûreté des installations nucléaires, à arrêter le réacteur afin de procéder à un contrôle du cordon de détection de fuite qui équipe l'un des générateurs de vapeur. Cette vérification a permis de confirmer l'absence de fuite de sodium.
     Néanmoins, des fuites de sodium sont susceptibles d'apparaître sur cette installation. Or, le système de détection engendre beaucoup d'alarmes intempestives. Il importe que l'exploitant maintienne une vigilance sans faille, malgré les perturbations de production qui peuvent résulter de cette situation.
     Il a d'ailleurs été récemment prescrit à l'exploitant un certain nombre de mesures complémentaires visant à ce que soient tirés les enseignements des difficultés rencontrées lors du fonctionnement de l'installation depuis le mois de janvier 1989.

B. Les moyens nécessaires au déchargement des assemblages
     Dans le cas très improbable d'une fuite survenant sur la cuve principale du réacteur, une procédure d'urgence (dite U4) est à appliquer. Elle prévoit notamment:
     - l'arrêt immédiat du réacteur et le refroidissement du sodium jusqu'à 150°C,
     - le pompage du sodium présent dans l'espace entre-cuves afin de prévenir les risques d'apparition d'une fuite de la cuve de sécurité,
     - l'apport de sodium dans la cuve principale, en cas de fuite de la cuve de sécurité, afin d'éviter le dénoyage du cœur.
     Certaines actions prévues dans cette procédure, comme l'arrêt du réacteur seraient immédiates. D'autres, comme le pompage du sodium écoulé entre les cuves, s'échelonneraient sur plusieurs mois (la pompe nécessaire est disponible sur le site depuis octobre 1988). A terme, les assemblages du cœur pourraient être déchargés après refroidissement, soit au moyen d'une hotte (disponible en octobre 1989), soit via le poste de transfert du combustible (disponible en 1991); les assemblages déchargés seraient placés dans l'atelier pour l'évacuation du combustible (APEC) en fin de construction sur le site (disponible en octobre 1989).
     Ainsi, conformément aux engagements pris par l'exploitant avant le redémarrage du réacteur en janvier 89, les moyens nécessaires au déchargement du combustible seront disponibles en octobre de cette année.

C) Les conditions futures d'exploitation
     Suite à l'incident survenu sur le barillet, et compte tenu des difficultés liées à son remplacement à l'identique (le barillet rempli de sodium assurait à la fois la fonction de stockage pour refroidissement et la fonction de transfert du combustible), l'exploitant a décidé d'adopter une nouvelle solution: cette solution dénommée "Poste de Transfert du Combustible (PTC)" permet uniquement le transfert des assemblages en atmosphère d'argon, le stockage pour refroidissement étant effectué dans le cœur du réacteur.

suite:
     En avril 89, l'exploitant a par ailleurs décidé de reconstruire entièrement le PTC en acier inoxydable plutôt que de réutiliser l'ancienne cuve de rétention. Cette réutilisation avait d'ailleurs conduit à des réserves de la part de mon service. Le PTC devrait être disponible sur le site en 1991.
     Dans l'attente, le réacteur fonctionnera avec les assemblages combustible actuellement présents dans la cuve. Durant cette période, les travaux de construction du PTC s'effectueront parallèlement au fonctionnement du réacteur dans le respect des conditions de compatibilité qui ont été présentées par l'exploitant et jugées acceptables par mon service. A trois reprises cependant, le réacteur devra être arrêté afin que soient effectués des travaux particuliers incompatibles avec le fonctionnement (voir annexe 2).

D) Conclusion
     A la lumière de ces éléments, la poursuite de l'exploitation du réacteur a paru acceptable au service central de sûreté des installations nucléaires, et a soumis à la signature des deux ministres l'autorisation de la poursuite du fonctionnement de la centrale de Creys-Malville jusqu'à la mise en service du poste de transfert du combustible, et dans la limite de 325 jours d'équivalent pleine puissance à compter du 12 janvier 1989. Celle-ci a été délivrée le 30 août 1989.

ANNEXE 1
Principaux événements survenus depuis le redémarrage

     Depuis le redémarrage du réacteur, le 14 janvier dernier, la centrale a rencontré un certain nombre de difficultés lors des essais mais n'a pas connu d'incidents sérieux. En particulier, aucun événement n'a été classé dans l'échelle de gravité. 
Les principaux événements à noter sons les suivants:
     - Durant les essais à faible puissance (inférieure à 3% de la puissance nominale) des chutes intempestives de barres ont eu lieu, en raison d'un mauvais embrochage de connexions électriques. Après remise en état des matériels, ces incidents, sans conséquence sur la sûreté, ne se sont plus reproduits.
     - Des essais d'isolement-décompression rapide des générateurs de vapeur ont été effectués pour s'assurer qu'en cas de fuite sur un générateur de vapeur (et donc risque de réaction sodium-eau) les dispositifs de sûreté fonctionnent correctement. Ces essais ont montré deux types de problèmes. D'une part, lors d'un essai, l'une des vannes ne s'est pas refermée, en raison d'anomalies sur le système de commande. Sur chacun des quatre générateurs de vapeur, ces vannes doivent laisser passer l'eau puis, après vidange, se refermer pour isoler le générateur de vapeur qui est alors rempli d'azote. D'autre part, le 28 mars 1989, il a été constaté une fuite d'eau à travers une de ces vannes, qui a été démontée et remplacée.
     - Le 19 avril, un arrêt d'urgence a eu lieu en raison d'une manœuvre d'exploitation effectuée sur un tableau électrique. Cet incident est dû à une mauvaise connexion électrique.

p.14

     - Sur la partie non nucléaire de l'installation, deux événements sont à noter. Le 8 et 9 avril, des vibrations importantes ont été constatées sur les alternateurs au cours des essais de lancement. Après équilibrage, les deux arbres ont pu être remis en service et le couplage de la tranche au réseau a eu lieu le 21 avril. Par ailleurs, lors de la mise en service de chaudières auxiliaires, un déplacement de tuyauterie a été observé sur un collecteur de vapeur. Ce déplacement est dû à la présence d'eau et a amené la centrale à analyser le système de purge actuellement en place. 
- A partir du mois d'avril lorsque les circuits sodium furent à leur température nominale, il est apparu un certain nombre d'alarmes intempestives correspondant aux systèmes de détection de fuite sodium. Dans la plupart des cas, ces alarmes furent fugitives. Cependant le 10 mai 1989, l'apparition d'une alarme permanente de fuite sodium sur l'enveloppe d'un générateur de vapeur, a entraîné l'arrêt de la centrale. Après décalorifugeage de la tuyauterie correspondante, il a été constaté que le cordon de détection avait été mis à la masse par son support métallique.

ANNEXE 2
Arrêts programmés après le 1er septembre 1989.
Réarrangemenl du coeur et travaux sur le PTC durant ces arrêts

Date de l'arrêt
Durée de l'arrêt
Opération sur le coeur
Principaux travaus sur le PTC
160 JEPP*
Permutation d'éléments
4 mois
Réarrangement du coeur: diluants et éléments combustibles
 
Entre 160 et 240 JEPP
1 mois
Sans objet
Montage du bec de cafetière**
240 JEPP
3 semaines
Remplacement des 21 barres de commande du sytème d'arrêt principal du réacteur
 
320 JEPP
2 semaines
Remplacement des 3 barres de commande du sytème complémentaire du réacteur
Manutention du bouchon fixe***
405 JEPP****
5 mois

2 mois

mise en service du PTC
Renouvellement partiel du coeur
 
* .JEPP: jour d'équivalcnt pleine puissance depuis le début du  cycle
** la rampe par laquelle les assemblages combustibles sont extraits du PTC
*** cette pièce sert à assurer l'étanchéité en partie supérieure de l'enceinte du gaz du PTC
**** soient 325 JEPP à compter du 12 janvier 1989
 
 
Commentaire Gazette
Dernière nouvelle: chute d'un engin de levage le 1-10-89. Comme le nucléaire français a une chance incroyable, on a juste «éraflé le dôme de protection du réacteur qui était à l'arrêt».
suite:
Centre de production nucléaire de Chinon centrale à tranche 3
Arrêt définitif de l'installation

     La troisième tranche de la centrale A du centre de production nucléaire de Chinon est un réacteur de la filière «Uranium Naturel-Graphite-Gaz». Elle a démarré en 1966, sa puissance actuelle est de 380 MWe. Electricité de France, compte tenu de ses prévisions pour cette filière, a programmé l'arrêt définitif de Chinon A3 pour 1994.
     D'importants travaux de réparation des structures internes ont été réalisées de mai 1984 à octobre 1987 et se sont poursuivis en 1988.
     Dès 1987, le service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN) a initié les actions nécessaires pour entreprendre une réévaluation des conditions d'exploitation de la centrale afin de maîtriser la sûreté du réacteur jusqu'à son arrêt définitif. L'objectif était notamment de faire face aux problèmes de vieillissement des matériels et de maintien des compétences des équipes d'exploitation.
     Parmi les problèmes abordés, l'état du circuit primaire dans lequel circule le gaz de refroidissement du cœur du réacteur constitue une préoccupation majeure. A la suite de l'avis favorable émis par le groupe permanent chargé des réacteurs nucléaires qui s'est réuni le 8 octobre 1987, le SCS1N a autorisé la poursuite du fonctionnement du réacteur en demandant à l'exploitant d'accroître le volume des contrôles des soudures du circuit primaire.
     Sur la base des dossiers transmis par l'exploitant, le SCSIN a sollicité à nouveau l'avis du groupe d'experts précité qui s'est réuni les 22 et 29 juin 1989; celui-ci a examiné avec attention le bilan des contrôles effectués sur le circuit primaire, notamment ceux réalisés en 1988 et 1989, ainsi que la méthode de suivi et de traitement des défauts.
     A ce jour 25% du circuit a été contrôlé et un nombre relativement important de défauts mis en évidence; de façon générale, les contrôles et les expertises effectués permettent d'estimer que ces défauts sont des défauts d'origine n'ayant pas évolué et que leurs dimensions présentent des marges de sécurité par rapport à celles des défauts critiques.
     Le groupe d'experts a considéré qu'il convenait de confirmer les caractères d'origine et non évolutif des défauts constatés. Il a également indiqué qu'il était souhaitable d'augmenter significativement le volume des contrôles dès le prochain arrêt afin d'être en mesure de porter un jugement sur l'état de l'ensemble du circuit.
     Afin de disposer d'une cartographie et d'une caractérisation complète des défauts qui affectent l'ensemble du circuit primaire, le SCSIN a demandé à l'exploitant d'établir, sous trois mois, le programme de surveillance correspondant. Ces opérations de contrôle, pouvant éventuellement conduire à effectuer des réparations dans un environnement radioactif et dans des zones d'accessibilité réduite, constituent une charge de travail importante et de longue durée. Au coût des travaux il convient d'ajouter la perte de production qu'entraînerait la mise en œuvre du programme.
     Le Conseil d'Administration d'EDF a jugé que l'importance du financement d'une telle opération n'était pas justifiée au vu des perspectives d'un fonctionnement de la centrale j usqu'en 1994. Il a décidé d'arrêter définitivement la centrale de Chinon A3 au printemps 1990, ce qui correspond à l'épuisement du combustible en place dans le cœur.
     Si le contrôle complet du circuit primaire avait été décidé par Electricité de France, il n'aurait pas pu débuter avant le printemps 90 pour des raisons d'organisation de chantier et de mobilisation des spécialistes du contrôle non destructif.
     Le fonctionnement jusqu'en mars 90 du réacteur n'introduit donc pas de risques supplémentaires ou nouveaux par rapport à la situation où Electricité de France avait décidé de procéder au contrôle complet demandé.

p.15

CENTRE DE PRODUCTION NUCLÉAIRE DE SAINT-LAURENT-DES-EAUX
INCIDENTS DE MANUTENTION D'ÉLÉMENTS COMBUSTIBLES
     Sur les réacteurs de la filière uranium naturel-graphite-gaz, le renouvellement du combustible s'effectue en continu pendant le fonctionnement du réacteur. Le dispositif de manutention, après avoir été chargé en éléments combustibles neufs et mis en CO2 à la pression du réacteur, vient s'accoster sur le canal à renouveler. La permutation entre éléments combustibles neufs et irradiés s'effectue, en pression, par l'intermédiaire d'un barillet interne au dispositif de manutention.
     Un canal est constitué de 15 éléments combustibles (repérés à partir de l'élément inférieur). Chaque élément combustible est constitué d'une chemise en graphite dans laquelle est sertie une cartouche contenant l'uranium naturel.
     Le vendredi 1er septembre 1989, alors que le réacteur de la tranche 1 de la centrale A du centre de production nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux était en service, un incident de manutention s'est produit au cours d'une opération de renouvellement programmé du combustible d'un canal identifié sous le numéro F11 M11 C16.
     L'élément combustible n°8 de ce canal s'est désolidarisé du système de manutention. Il est retombé, d'une hauteur d'environ sept mètres, dans son emplacement initial.
     Les premiers contrôles effectués à la suite de cet incident ont montré que l'étanchéité des gaines des éléments combustibles concernés ne semblait pas avoir été affectée.
     Le réacteur a été arrêté afin de procéder à l'expertise du canal contenant cet élément, et de rechercher les causes de l'incident.
     Cette expertise a montré que, sous l'effet du choc dû à la chute de l'élément combustible n°8, les cartouches des éléments n°4 à 7 avaient glissé vers le bas de quelques centimètres dans leur chemise.
     Les autorités de sûreté ont demandé à l'exploitant:
     - de définir, après expertise, les mesures correctives à apporter pour éviter le renouvellement de ces divers incidents,
     - d'améliorer l'organisation de la qualité des équipes d'intervention qui doit notamment imposer, après chaque incident, de tirer les enseignements correspondants préalablement à la poursuite des opérations.
     L'exploitant ayant proposé un ensemble de mesures allant dans ce sens, le redémarrage du réacteur a été autorisé par le chef du service central de sûreté des installations nucléaires et a eu lieu le 24 septembre 1989.
     Le système de préhension habituel par la chemise étant dès lors inadapté, le retrait des éléments endommagés a nécessité l'utilisation d'un outillage particulier de dépannage permettant la préhension directe de la cartouche par une pince placée sous surveillance vidéo et introduite dans le réacteur au travers du dispositif de manutention à l'aide d'un treuil. Des difficultés de préhension ont entraîné deux nouvelles chutes d'éléments combustibles, l'une de cinq mètres (élément combustible n°8) et l'autre d'un mètre (élément combustible n°7), sans conséquence apparente.
     Le canal concerné a été vidé de ses autres éléments combustibles usés. Il est rechargé en éléments combustibles neufs depuis le 16 septembre.
     Pendant ces manutentions, un autre incident s'est produit. En effet, la ventilation normale de la machine de déchargement du combustible a été interrompue à la suite d'un choc sur l'armoire électrique par un objet transporté par un pont roulant. Elle a été rétablie après 40 minutes au cours desquelles une ventilation de secours a permis d'éviter l'échauffement des éléments combustibles présents dans la machine.
p.16

Retour vers la G@zette N°98/99