1. La CIPR, créée
en 1928, a publié en 1959 (CIP 59), dans la publication CIPR
1 - approuvée en septembre 1958 - ses premières "Normes Fondamentales"
de radioprotection. Ces normes visaient principalement à protéger
les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants contre les risques
à court terme et à long terme compte tenu des connaissances
de l'époque en matière d'effets sur les organismes humains
et du développement probable de l'industrie nucléaire suite
à la Conférence de 1955 sur l'utilisation pacifique de l'énergie
nucléaire.
En France, c'est en juin 1966 puis en mars 1967 que ces recommandations ont eu une traduction concrète dans la législation. Des "normes fondamentales" à la publication
des réglementations
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4. Il existe cependant des raisons objectives qui conduiront les Etats membres à "prendre leur temps": (1) certains n'ont pas terminé la mise en application des Directives précédentes; (2) les réductions des limites de doses ont entraîné des réactions assez vives des divers représentants du patronat (industries de l'uranium, intervenants pour la maintenance des installations nucléaires). Faut-il cependant fonder quelques espoirs dans une amélioration de la prévention contre les risques induits par les rayonnements ionisants au moyen d'une Directive Euratom? 5. Les précédentes Directives n'ont pas pris en compte les critiques formulées par la Confédération Européenne des Syndicats. C'est ainsi, par exemple, que: - les dispositions de radioprotection ne sont mises en œuvre que si les doses sont susceptibles de dépasser le l/10e des limites fondamentales (article 20), alors que la CIPR 26 précisait que le dixième des limites constituait la dose moyenne des grands groupes exposés (§ 100). Ne pas prendre en compte les personnes exposées à des doses inférieures à la dose moyenne de 5 millisieverts revient à ignorer, dans le cas d'une distribution gaussienne, la moitié de la population exposés. - le texte des Directives ne précise pas que les limites d'incorporation pour les personnes du public ne concernent que les adultes. Il est nécessaire que les Etats membres prévoient des normes plus restrictives pour les enfants et les nourrissons, mais aucun texte ne les invite à prendre ces dispositions. - des expositions exceptionnelles autorisant le doublement des limites de doses annuelles sont prévues à l'article II de la Directive de juillet 1980. Ces dispositions sont tout à fait atypiques si on les compare aux dispositions prises vis-à-vis d'autres toxiques chimiques ou physiques. La CES avait demandé une protection sociale du travailleur exposé de manière à éviter tout risque pour son emploi en cas de dépassement des limites de dose. Le texte proposé à l'alinéa 4 est inopérant dans la mesure où il précise, de manière presque cynique: "le dépassement des limites de dose du fait d'une exposition exceptionnelle concertée n'est pas en soi une raison pour exclure le travailleur de ses occupations habituelles". Les expositions d'urgence prévues à l'article 18 de la Directive ne s'accompagnent pas non plus de protection sociale particulière. Les nouvelles propositions de la DIPR
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Le coefficient de risque permet
d'associer à une dose reçue (1 sievert ou 100 rems) une probabilité
de décéder par un cancer radioinduit. Ce risque qui était
évalué à 1,25% pour 1 sievert (en 1977) pour une personne
adulte (professionnel exposé entre 18 et 65 ans) est actuellement
estimé à 4,0% par sievert.
Les dernières données disponibles concernant la mortalité par cancers radioinduits chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki, entre 1950 et 1985, montrent donc que le risque est multiplié par 3,2 (4,0%/1,25%). Logiquement, les doses maximales admissibles auraient dû être divisées dans le même rapport: 50 mSv/3.2 = 15,6 mSv par an. La valeur retenue par la CIPR est de 20 et non de 15 mSv. En outre, ce n'est qu'une valeur moyenne à respecter sur 5 ans. Pour ne pas inquiéter les différents décideurs, mais également pour ne pas remettre en question ses propres choix, la CIPR n'a pas modifié la valeur de 50 mSv par an (5 rem/an) adoptée en 1958 (CIPR 1). La CIPR 60 précise en outre que si ses propositions sont adoptées, elle n'envisage pas d'application rétroactive (§ 167). 7. Le concept du détriment avait été défini dans le texte de la CIPR 26, mais il n'avait pas été utilisé. L'approche réelle du risque était binaire: seuls le risque de cancer mortel et les effets héréditaires sévères étaient pris en compte. La gravité de l'atteinte associée à l'induction de cancers non-mortels était considérée comme nulle. La CIPR 60 se propose de corriger cette approche. Le taux de détriment est calculé comme étant égal à 5,5.10-2 par sievert, pour une population adulte (18 à 65 ans). Comparé au 1,65,10-2 Sv-1 de la CIPR 26, ce nouveau taux est 3,33 fois plus élevé. Ces données modifient le "statut" des "limites fondamentales" qui n'induisent plus un risque minime comme dans la CIPR 26 (§ 96) qui déclarait que les affections malignes mortelles induites par les limites de dose "ne devraient en aucun cas dépasser le taux de décès d'origine professionnelle observé dans les industries connues comme ayant un haut niveau de sécurité". La "dose limite" est maintenant présentée comme induisant un risque additionnel qui peut être considéré comme inacceptable en situation normale (§ 123) ou constituant la frontière entre l'inacceptable et le tolérable (§ 151). Il est nécessaire que ces considérations figurent dans la Directive afin que cessent les errements, d'ailleurs dénoncés dans le texte de la CIPR 60 (§ 124), selon lesquels les limites de dose sont analysées comme une ligne de démarcation entre une zone dangereuse et une zone de sécurité. On notera cependant qu'en refusant de prendre la décision qui consistait à réviser à la baisse les limites de dose, la CIPR cultive l'ambiguïté qui consiste à maintenir une "limite fondamentale" de 50 mSv/an à la frontière de l'inacceptable. 9. De manière pratique, on peut répartir en deux groupes les personnes exposées aux rayonnements: - les salariés affectés en permanence dans une installation ou à des postes de travail qui présentent des risques d'exposition aux rayonnements ionisants, - les travailleurs itinérants d'entreprises extérieures qui effectuent ces travaux pour le compte d'une ou plusieurs entreprises utilisatrices. Il s'agit notamment des personnels des entreprises extérieures qui réalisent lors des arrêts programmés des réacteurs nucléaires, les opérations de maintenance qui sont très pénalisantes sur le plan dosimétrique. Environ 80% des doses annuelles sont dues à ces opérations qui durent environ 2 mois et qui se déroulent après environ 12 mois de fonctionnement du réacteur. (suite)
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En France, lors des dernières années, les doses reçues par les entreprises intervenantes ont représenté environ 75% de la dose collective totale délivrée durant le fonctionnement de l'ensemble du parc des réacteurs nucléaires: Variation de la distribution de la dose collective totale dans les centrales nucléaires d'EDF (Sources: Rapports d'activité du Service de la Production Thermique d'EDF)
La Directive du 4 décembre 1990, qui traite du suivi dosimétrique des travailleurs itinérants, devrait être intégrée dans les réglementations des Etats membres en tenant compte de la dose moyenne annuelle de 15 millisieverts par an et non 20 mSv comme le propose la CIPR. 10. Une analyse des doses reçues par les personnels des entreprises extérieures portant sur 1/4 de la dose collective recensée, pour le parc électronucléaire français, par l'exploitant EDF en 1988 a montré que (LEF 90): - la dose individuelle moyenne était égale à 9,3 mSv; - 45% de l'effectif exposé avait reçu une dose supérieure à 15 mSv; - 27% une dose supérieure à 20 mSv. Une estimation fondée sur cette distribution conduit à chiffrer à: - 5.500 le nombre de travailleurs exposés à plus de 1 mSv, - 2.500 ceux dépassant 15 mSv, et - 1.500 dépassant 20 mSv. 11. En matière d'acceptabilité du risque dans le travail sous rayonnements, la CIPR avait, dans sa publication CIPR 26 (§ 96) comparé ce risque à celui entraîné par d'autres professions connues comme présentant un haut niveau de sécurité, c'est-à-dire un taux de mortalité annuelle moyenne inférieur à 10-4 pour les accidents du travail. Les taux pris pour référence ont été publiés dans la CIPR 27 (CIP 78). Ils datent de l'année 1974, Si l'on examine, en France, l'évolution de ce taux de mortalité par accident (tableau n° 2), on observe que des efforts de prévention l'ont progressivement réduit d'un facteur 2 entre 1974 et 1988. Evolution, en France, du taux moyen de mortalité par accident du travail de 1972 à 1988
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On aurait pu s'attendre de la
part de la CIPR à la fixation d'un taux de mortalité "actualisé",
afin de continuer à ajuster le risque des travailleurs du nucléaire
au moins à la hauteur du risque moyen de l'ensemble des travailleurs.
Or, évoquant des critiques formulées à l'égard de la comparaison de risques de natures stochastiques (cancers) à un taux de mortalité dû à des accidents, la CIPR a abandonné de manière peu convaincante cet indicateur. 12. Les organes radiosensibles. Les dernières données de la mortalité par cancer (1950-1985) concernant les survivants des explosions d'Hiroshima et Nagasaki ont montré que, depuis la précédente étude (1950-1975), des organes tels que le système digestif, la peau, la vessie ou les ovaires, étaient apparus comme étant radiosensibles. Il serait utile que: - de manière préventive, ces organes ainsi que ceux désignés en 1977 dans la CIPR 26 (notamment poumons, seins et thyroïdes) fassent, chaque fois que possible, l'objet d'un contrôle médical spécifique chez les travailleurs exposés; - en matière de "réparation", les cancers affectant ces organes soient considérés comme des maladies professionnelles; - des "études épidémiologiques" concernant notamment les travailleurs exposés dès le début de l'énergie nucléaire (mines d'uranium, réacteurs nucléaires de recherche ou producteurs d'électricité, retraitement du combustible) soient entreprises afin de comparer les résultats les concernant avec les coefficients de risques déduits à Hiroshima el Nagasaki. 13. Les nouvelles Limites Annuelles d'Incorporation (LAI) qui seront calculées sur la base d'une dose efficace engagée égale à 20 millisieverts par an et utilisant les nouveaux facteurs de risques, ne sont pas disponibles. Sans ces valeurs, il n'est guère envisageable de mettre pratiquement en application les nouvelles Normes de Radioprotection. En outre, la publication CIPR 30 n'a considéré pour le calcul des Limites Dérivées de Concentration dans l'Air - LDCA déduites des LAI, que des scénarios d'incorporations, sauf dans le cas des gaz radioactifs où la LDCA est déduite de l'exposition externe d'une personne "immergée" dans un nuage radioactif semi-infini ou de dimensions limitées. Or, si l'on applique le scénario d'immersion à l'ensemble des radionucléides, on s'aperçoit que pour certains radio isotopes, l'exposition externe due au nuage conduit aux 50 mSv, bien avant les 2.000 heures nécessaires pour atteindre cette valeur par le seul mode de l'exposition interne. Le tableau n° 3 donne quelques exemples déduits des calculs de Kocher (KOC 83). 14. L'organisation du travail. La CIPR souhaite abandonner la classification des travailleurs en catégorie A et B au profit de la classification des zones de travail. (suite)
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Comparaison des valeurs de LDCA calculées pour des expositions externes ou internes
- elle entraîne une modification dans l'organisation du travail sans apporter d'avantages particuliers; - elle peut conduire à ne plus enregistrer administrativement les personnes exposées, ce qui constituerait un obstacle pour les études épidémiologiques; - la classification officielle constitue pour le travailleur une preuve de son affectation à un poste l'exposant aux rayonnements ionisants; la disparition de la classification peut être dommageable au travailleur s'il est atteint d'une affection professionnelle; - la surveillance médicale spéciale, dans les pays où elle existe, sera difficile à mettre en œuvre en l'absence de classement des travailleurs exposés. Bibliographie (CIP 59) - Commission Internationale de Protection Radiologique. "Recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique" - Publication CIPR 1 (adoptées le 9 septembre 1956). Pergamon Press, Londres (1959) Edition en langue anglaise. Gauthier- Villars Editeur, Paris (1963) Edition en langue française. (CIP 77) - Commission Internationale de Protection Radiologique. "Recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique" Publication CIPR 26 (adoptées le 17 janvier 1977). Pergamon Press, Londres (1977) Edition en langue anglaise. Gauthier- Villars Editeur, Paris (1980) Edition en langue française. (CIP 78) - Commission Internationale de Protection Radiologique. - Problems involved in developing an index of harm - CIPR 2 (adoptée en mai 1977). Pergamon Press, Londres (1978). (KOC 83) - KOCHER D.C. "Dose-rate conversion factors for external exposure to photons and electrons" ,Health Physics Vol. 45, n° 3, pp. 665-686, septembre 1983. (LEF 90) - LEFAURE C. et LOCIIARDJ., "La dosimétrie des travailleurs des entreprises extérieures dans les centrales nucléaires" dans "Risque et Prévention", Bulletin du CEPN n° 9 (novembre 1990). p.15
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