Les travailleurs employés
dans les installations nucléaires de base font l'objet d'une réglementation
particulière destinée à assurer leur protection contre
les rayonnements ionisants.
Cette protection, la "radioprotection", comporte la surveillance dosimétrique, c'est-à-dire le contrôle des doses de rayonnements ionisants reçus. Au plan réglementaire, la responsabilité de la surveillance individuelle incombe à l'employeur. L'exploitant a, par contre, la responsabilité des mesures de caractère collectif et opérationnel. En matière de suivi individuel, la responsabilité d'EDF ne peut donc être que morale. Le respect des limites légales d'équivalent de dose est la responsabilité du médecin du travail et de l'employeur. Cette surveillance est réalisée à l'aide de dosimètres photographiques délivrés par le SCPRI, laboratoire unique pour tous les travailleurs intervenant dans les INB, à l'exception des établissements du CEA et de l'EDF qui ont été autorisés, par arrêtés (17-07-1989 et 05-03-1990), à assurer la surveillance de leur propre personnel sous surveillance du SCPRI (intercomparaison des résultats). Il existe un laboratoire privé qui délivre également de tels films et les développe. Les résultats de ce suivi dosimétrique sont consignés dans le dossier médical de l'intéressé et revêt de ce fait un caractère confidcntiel. Le suivi dosimétrique ne pose pas de problème pour les travailleurs fixes (CEA, EDF, COGEMA, grosses entreprises...). Par contre, un certain nombre de travailleurs dits "d'entreprises extérieures" sont mobiles et passent d'une installation nucléaire à une autre, d'une entreprise à une autre, éventuellement d'un pays à un autre et leur suivi dosimétrique est rendu plus difficile. Le suivi dosimétrique des "travailleurs mobiles" n'est pas toujours assuré correctement, en raison de défaillances de l'organisation actuelle, soulignées par les médecins et les employeurs, par exemple: • les dossiers médicaux ne suivent pas toujours les travailleurs, • il est difficile de trouver quel est le véritable médecin du travail cians le cas du suivi de personnel intérimaire, • connaissance des résultats de la dosimétrie réglementaire avec plusieurs mois de retard. Cet état de fait est unanimement reconnu, y compris par le Ministère de la Santé qui vient, par arrêté du 31 juillet 1991, de rendre obligatoire la carte de suivi médical. L'objet de cette carte, délivrée par le SCPRI, signée par l'intéressé, puis validée par le médecin du travail tous les six mois, permettra de confirmer l'aptitude du travailleur et l'existence d'un dossier médical spécial, mais, en aucun cas, ne mentionnera les doses reçues. En pratique, la situation restera vraisemblablement la même en raison des difficultés d'identification des médecins du travail. Il est important de savoir que la connaissance de la dosimétrie est indispensable si l'on souhaite optimiser l'organisation du travail, en vue de réduire aussi bas que raisonnablement possible les doses reçues par les intervenants (principe ALARA). (suite)
|
suite:
Situation à EDF Le système actuel n'est pas adapté aux travailleurs des entreprises extérieures. Cette situation préoccupe particulièrement EDF qui fait appel à de nombreuses entreprises extérieures utilisant elles-mêmes des sous-traitants, essentiellement pendant la période des arrêts de tranches. La situation se caractérise ainsi: • l'effectif des agents d'entreprises intervenant sur les sites EDF est estimé à 20.000 personnes, contre 16.000 personne agents EDF catégorie A • la part des doses reçues par les travailleurs d'entreprises extérieures, environ 80% du total, tend à augmenter en raison du nombre plus important d'arrêts de tranche et de la réalisation des premières visites décennales plus longues en durée et coûteuse en dose • la dose moyenne reçue par arrêt de tranche et le nombre d'agents concernés dépendent de la spécialité exercée par les intervenants • certaines entreprises estiment que 50% de leur personnel dépassent 15 mSv/an; 20% dépassent 30 mSv et que 10 à 15% se situent entre 40 mSv et la limite est de 50 mSv/an. Evolution du contexte
p.16
|
Conclusions
Les industriels et les exploitants du nucléaire vont être de plus en plus impliqués dans le suivi dosimétrique des travailleurs d'entreprises extérieures par les responsabilités nouvelles liées à l'évolution de la réglementation et par les futures restrictions réglementaires issues des recommandations de la CIPR 60. Sans vouloir se substituer aux autorités sanitaires, ils estiment qu'ils ont la possibilité d'apporter leur concours à l'amélioration du système de suivi dosimétrique. Des difficultés particulières sont liées à l'aspect confidentiel du dossier médical qui rend délicate la connaissance de la dosimétrie par les employeurs et les responsables des entreprises utilisatrices. Le secret médical doit certes protéger les travailleurs contre les abus (licenciements ou refus d'embauche) mais ne doit pas aller à l'encontre de la réduction de leurs doses. Aussi EDF a-t-elle développé un fichier national "DOSINAT" qui permettra, dès 1992, à tout exploitant de Centre de Protection d'Electricité Nucléaire de connaître, en temps réel, la dosimétrie "opérationnelle" de tout intervenant sur son site. |
La mise en place de ce fichier informatisé
a fait l'objet de demandes auprès de la CNIL (Commission Nationale
Informatique et Liberté). L'autorisation a été donnée
le 16 juillet 1988 à EDF de recueillir un certain nombre d'informations
nominatives enregistrées, relatives à la formation et à
la vie professionnelle (spécialité, diplôme...) et
en matière de dosimétrie. Les données dosimétriques
ne peuvent être conservées que 14 mois (art. 4 de la décision),
aussi, pour être plus conforme avec la future réglementation
européenne, une nouvelle demande est en cours pour une conservation
des doses sur une durée de 5 ans.
L'action de l'amélioration du suivi dosimétrique des travailleurs extérieurs fait partie de la démarche nationale entreprise par EDF visant à l'amélioration de la sûreté. Il est prévu de créer un document (type "livret") destiné aux agents des entreprises extérieures, contenant des informations relatives à la formation, à la qualification, aux habilitations et permettant l'accès aux données dosimétriques "d'opérations". Le fichier DOSINAT est une première étape qui doit rapidement s'ouvrir vers d'autres exploitants (CEA, COGEMA) et le GIIN (Groupement Intersyndical de l'Industrie Nucléaire) avec lequel EDF a signé un protocole de collaboration. Ce fichier de dosimétrie opérationnelle permettra d'optimiser l'organisation du travail et d'attirer l'attention des employeurs et médecins du travail sur le cas des agents atteignant certains niveaux de dose. p.17a
|
C'est vers le milieu des années
70, au moment où l'énergie nucléaire en France a amorcé
son virage industriel, que nous avons recommandé de manière
claire, le nécessaire suivi dosimétrique des travailleurs
d'entreprises extérieures.
Dans un ouvrage paru en 1975 (CFDT 75), ainsi que dans sa seconde édition de 1980 (CFDT 80), nous avons proposé, pour assurer ce suivi dosimétrique, un "outil" que nous avions appelé "passeport nucléaire". Voici ce que nous écrivions: "Si les travailleurs du CEA ou de l'EDF sont relativement bien suivis, tant qu'ils restent dans leur entreprise, il n'en est pas de même pour l'ensemble des autres travailleurs, en particulier pour les travailleurs intérimaires, ceux à qui on confiera les travaux les plus risqués, par exemple pendant les arrêts annuels de tranches électronucléaires. Suivis pendant un mois ou deux et pouvant, de ce fait, intégrer la dose-trimestrielle, ils redeviendront "vierges" dès qu'ils auront quitté le chantier. Pour peu qu'ils deviennent des spécialistes recherchés de ce genre de travail, ils seront connus de tous pour leurs capacités techniques et peut-être surtout pour leur "incognito" au titre de la radioprotection. Un tel passeport - qui existe déjà en Allemagne - permettrait d'enregistrer toutes les doses reçues, irradiation ou contamination, et de suivre ces travailleurs, quel que soit leur employeur". Ce type de "passeport", appelé "Carnet d'exposition" devait voir le jour en 1976, sous l'impulsion de l'EDF et de quelques industriels du secteur nucléaire. Il est commercialisé par le GIIN et fourni par les employeurs aux travailleurs de la catégorie A (DATR) qui interviennent dans les Installations Nucléaires. 1. Le constat
|
L'importance du suivi des expositions des
personnels des entreprises extérieures, était pour nous illustrée
par la fraction importante de la dose collective reçue par ces travailleurs,
dans deux maillons du cycle du combustible:
- le réacteur nucléaire (valeurs moyennes sur 13 réacteurs européens), - l'usine de retraitement du combustible (Usine de La Hague). Les variations de ces données en fonction du temps, sont représentées sur le tableau n° 1: Fraction de la dose collcctive reçue par le personnel des "entreprises extérieures" (valeurs exprimées en %)
En 1984, nous avons montré qu'il y avait,
dans le monde, compte tenu des filières de réacteurs ou des
pratiques de divers pays possédant des réacteurs LWR, des
répartitions différentes pour ce qui concerne la fraction
de la dose collective reçue par les personnels extérieurs
intervenant sur le site d'une centrale nucléaire (ZER 84):
p.17b
|
2. La situation française aujourd'hui
De l'ensemble du cycle du combustible, nous n'examinerons ici que deux maillons importants: l'usine de retraitement du combustible (La Hague) et les réacteurs EDF. 2.1. L'usine UP2 de La Hague Le tableau n° 2 fournit les données de la dose collective de l'usine de La Hague ainsi que l'évolution de la fraction de cette dose concernant les personnels des entreprises extérieures. Les effectifs de ces dernières sont, pour une très large majorité, constitués de travailleurs affectés en permanence à l'usine UP2. Les valeurs de la dosimétrie des personnels COGEMA et Entreprises Extérieures proviennent de la dosimétrie réglementaire, effectuée au moyen d'un film dosimètre. Compte tenu de l'importance des effectifs moyens (en 1988-89 environ 2600 COGEMA et 2750 Entreprises Extérieures), ces variations, statistiquement fiables, montrent qu'il n'y a pas de différences très significatives du point de vue dosimétrique entre ces deux groupes de travailleurs. Il faudra cependant vérifier si la progression observée depuis 1987 jusqu'en 1990 ne se poursuit pas. Variation de la distribution de la dose collective totale à l'usine de La Hague - COGEMA (Sources: rapports annuels du Comité Central d'lIygiène et Sécurité du Groupe CEA)
2.2. Le parc électronucléaire d'EDF Le tableau n° 3 fournit les données de la dose collective délivrée dans l'ensemble du parc électronucléaire d'EDF ainsi que l'évolution de la fraction de cette dose concernant les travailleurs des entreprises intervenantes. Les doses reçues par les agents affectés à l'ensemble des réacteurs du parc (UNGG, REP, RNR) ainsi que celles relatives aux agents "hors centrales" constituent la dose collective des personnels EDF. Variation de la distribution de la dose collective totale dans les centrales nucléaires d'EDF (Sources: rapports annuels du Service de la Production Thermique d'EDF)
Au cours des dernières années, pratiquement les 3/4 de la dose collective ont été reçus par les personnels d'entreprises extérieures. Toutefois, ces données diffèrent significativement de celles relatives à l'usine de La Hague: - la dosimétrie des agents EDF est relative aux résultats de la dosimétrie réglementaire assurée par les services d'EDF et transmise au SCPRI, - la dosimétrie des intervenants extérieurs est calculée à partir des résultats de la dosimétrie opérationnelle mise en œuvre par l'EDF. Les résultats de la dosimétrie réglementaire ne sont pas accessibles aux services d'EDF. En outre, ils ne pourraient pas être utilement interprétables. (suite)
|
suite:
En effet, lors d'un "arrêt de tranche" survenant environ tous les 12 mois dans une installation où travaillent de l'ordre de 270 personnes (dont 6 équipes d'une douzaine d'agents en service continu) c'est 700 à 800 personnes qui interviennent pendant environ deux mois (FOR 85) pour réaliser des tâches de durées variables effectuées en horaire normal, en horaire décalé ou en service continu. Le tableau n° 4 montre en effet qu'entre 1987 et 1989, la dose collective (EDF + Entreprises Extérieures) attribuable aux seuls arrêts de tranche représente les 3/4, voire même près de 4/5, de la dose collective totale annuelle. Importance de la dose collective délivrée durant les arrêts de tranches électronucléaires de 900 MWe et de 1300 MWe de l'EDF (Sources: Rapports d'Activité du Service de la Protection Thermique d'EDF)
3. La gestion des doses
Evolution de la dosimétrie annuelle des "entreprises extérieures" (1) (doses exprimées en milligrays) (Sources: Rapports d'Activité du Service de la Protection Thermique d'EDF)
(2) Depuis 1982, le SCPRI ne publie plus les doses moyennes dans ses rapports d'activité... (3) Depuis 1986, le SCPRI ne public plus de rapport d'activité... p.18
|
Ces données indiquent,
pour les années 1984-85, qu'environ 420 personnes ont reçu
une dose annuelle supérieure à 15 milligrays (1,5 rad/a).
Or, une estimation récente (LEF 90), effectuée par enquête auprès des entreprises extérieures et portant sur le quart environ de la dose collective recensée par l'EDF en 1988, montre que: - 45% de l'effectif exposé a reçu une dose supérieure à 15 millisieverts, et - 27%, une dose supérieure à 20 millisieverts. Ces pourcentages représenteraient respectivement environ 2.500 et 1.500 travailleurs. L'écart observé entre les données de cette enquête et celles fournies par le SCPRI est considérable, car les populations des travailleurs exposés à plus de 15 mSv diffèrent dans un rapport pratiquement égal à 6. En outre, les valeurs de la dose collective "Entreprises Extérieures" (mesurée par EDF au moyen de la dosimétrie opérationnelle) de 1984-85 et celle de 1988 (voir tableau n° 3), qui sont dans un rapport 1,65, ne peuvent expliquer cette importante différence. 3.2. Comparaison des données dosimétriques du SCPRI et de l'EDF Nous pouvons, pour les années où le SCPRI a fourni des doses moyennes (1976-1981), vérifier la cohérence entre les doses collectives déduites des données SCPRI et celles obtenues par EDF. A cet effet, nous allons comparer la dose collective de travailleurs de l'industrie à celle des salariés d'entreprises qui interviennent dans le parc des réacteurs EDF: Comparaison des données SCPRI et EDF relatives à la dose collective des "entreprises extérieures"
(2) Dose relative à la seule centrale de Chooz. Excepté pour l'année 1977, on
observe une sous-évaluation importante des doses reçues par
les entreprises intervenantes. La valeur moyenne, sur 6 ans, est égale
à 1,72.
4. Evaluation des écarts entre la dosimétrie
réglementaire et la dosimétrie opérationnelle
(suite)
|
suite:
Comme l'agrément, qui est délivré au cas par cas à ceux des employeurs qui ont les moyens d'assurer eux-mêmes la dosimétrie individuelle, peut être retiré par le SCPRI, on peut supposer que jusqu'alors les mesures effectuées par EDF répondent aux critères de qualité imposés. En outre, nous pouvons également analyser les données fournies par l'annexe "sécurité et radioprotection" des rapports annuels d'activité du Service de la Production Thermique d'EDF. Dans ces documents, nous trouvons, pour les années 1987 à 1989, des valeurs de la dose collective évaluée pour toutes les centrales au moyen de la dosimétrie "réglementaire" ou des relevés journaliers des dosimètres d'intervention. L'écart entre ces deux valeurs rapporté à celle de la dosimétrie officielle, nous indique les variations moyennes: Dose collective annelle des agents EDF affectés dans les centrales Ecart entre la dosimétrie "officielle" et la dosimétrie "opératioonelle" (doses exprimées en homme-rem)
Ces résultats montrent que la dosimétrie
"opérationnelle" sous-évalue légèrement la
dose collective obtenue au moyen de films dosimètres (-6,4% en moyenne
sur 3 ans).
Bibliographie (CFD 75) - Syndicat CFDT de l'Energic Atomique. '"L'électronucléaire en France", Editions "Le Seuil", Collection "Points Sciences" (1975). CFD 80) - Syndicat CFDT de l'Energie Atomique. "Le dossier électronucléaire", Editions "Lc Seuil", Collection "Points Scicnces" (1980). (FOR 85) - Forest Henri, "Travailler en Centrale Nucléaire" dans "Les Risques du Travail", Editions "La Découverte", Paris, 1985. (LEF 90) - Lefaure C. et Lochard J., "La dosimétrie des travailleurs des entreprises extérieures dans les centrales nucléaires" dans "Risque et Prévention", Bulletin du CEPN, n° 9 (novembre 1990). (ZER 79) - Zerbib Jean-Claude, "Les recommandations de la CIPR et les travailleurs" in "Application of the dose limitation system for radiation protection", Congrès AIEA - CIPR- BIT - Vienne (mars 1979). (ZER 84) - Zcrbib Jean-Claude, "Performances dosimétriques de différents parcs de réacteurs à eau légère", Symposium sur la "Pratique de la radioprotection sur le lieu de travail" organisé par la CCE Luxembourg - 26 et 27 novembre 1984. p.19
|
L'appareil est un accélérateur
électrostatique d'électrons de type Van de Graaff, de marque
"Samson". Il est fabriqué aux USA (Massachusetts) par la société
"Hight Voltage".
Cet appareil a été installé par la société française Vivirad (Strasbourg) à Forbach pour le compte de la société Ionest. La société Ionest, créée en janvier 1989, avait pour objectif la stérilisation par irradiation au moyen d'un faisceau d'électrons (d'énergie comprise entre 1,6 et 2,5 millions d'électronvolts-MeV) de produits pharmaceutiques et de matériaux chirurgicaux. Cette société, après diverses difficultés*, est reprise par une nouvelle société dénommée "Electron Beam Service" (EBS). La nouvelle société vise un autre marché: le traitement, par ionisation, de copeaux de téflon en provenance de Hollande: le téflon irradié à très fortes doses (dizaines de mégarads) devient cassant, ce qui permet de le broyer très finement. La poudre "micronisée" ainsi obtenue constitue la matière de bombes d'aérosols utilisés comme agent de démoulage. Le traitement des copeaux de téflon
Le déroulement probable des faits
(suite)
|
suite:
L'origine de ce blocage est probablement imputable à l'installation d'un convoyeur "banal", non adapté aux contraintes qui sont celles d'une installation délivrant de très forts débits de dose et qui proscrivent formellement l'emploi de certains matériaux (plastiques notamment, mais aussi huiles, graisses) dont les propriétés se dégradent rapidement sous l'effet des rayonnements. Il est possible qu'en août - aux environs du 12 - un bac se soit à nouveau bloqué. Pour intevenir rapidement, afin d'éviter le risque d'incendie, seule la source d'électrons a été coupée et, munies d'un masque pour protéger les poumons contre les vapeurs de fluor, les trois personnes présentes dans l'installation ont pénétré dans la salle en passant au-dessus du convoyeur. Dans ces conditions (coupure de la source d'électrons mais maintien de la tension accélératrice), le débit de dose peut être très significativement réduit, mais pas totalement annulé. Il subsiste en effet, à température ambiante, une émission d'électrons qui seront accélérés si le dispositif d'accélération est maintenu en fonctionnement. Dans ces conditions, même si la réduction du nombre d'électrons émis par la source mise à l'arrêt atteint un facteur 10.000, le faisceau délivre encore plusieurs centaines de rads par seconde. Les conséquences
p.20
|
Dans le cas de Forbach, il est
possible que les brûlures chimiques dues à l'acide fluorhydrique
se soient combinées à l'irradiation du faisceau direct, du
faisceau diffusé et du rayonnement de freinage.
L'analyse du taux d'aberrations chromosomiques effectuée sur un prélèvement de sang pourra donner une valeur de la dose moyenne reçue par le corps entier, en profondeur. Parmi les points à éclaircir, il faut noter la non cohérence entre les doses lues sur les films dosimètres - dont les valeurs n'excèdent pas 100 rads - et les effets observés sur l'organisme qui n'apparaissent que pour des doses dix à vingt fois supérieures. Seule une reconstitution, menée au moyen de "fantômes" (mannequins articulés constitués de squelette humain entouré de matière plastique équivalente aux tissus humains) permettra de déterminer la variation de la dose en profondeur et, compte tenu du témoignage des accidentés, d'évaluer les fourchettes de dose les plus probables délivrées à divers tissus ou organes (cristallin de l'œil, thyroïde, poumon, moelle rouge, ele.). La dose en profondeur Comme nous l'avons signalé, le parcours des électrons d'environ 2 MeV étant de l'ordre de 1 centimètre dans les tissus, les dommages occasionnés aux parties de l'organisme touchées par le faisceau direct, peuvent concerner des zones se trouvant entre la surface externe du corps et 1 cm de profondeur. Par ailleurs, les électrons, en s'arrêtant dans la matière, produisent - avec un rendement qui se mesure en "pour mille" des photons g dont l'énergie varie entre zéro et l'énergie maximale des électrons. C'est pour allénuer ce type de rayonnement relativement pénétrant que l'accélérateur est placé dans une casemate en béton dont les murs ont 1,8 m d'épaisseur. Après arrêt de la source, la réduction du débit de dose des électrons conduit certes à une diminution proportionnelle du débit de dose dû aux photons, mais il est nécessaire de connaître le débit photonique résiduel en divers points de la casemate. Seule, une reconstitution pourra fournir des données, même imprécises, sur la dose délivrée aux organes des trois intervenants et sa distribution. Aspects réglementaires Les exploitants de ce type d'installation sont principalement concernés par le décret du 2 octobre 1986 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants. Il est certain, compte tenu des informations dont nous disposons (mais dont certaines devront être validées) que plusieurs dispositions importantes prévues par ce texte n'ont pas été respectées par la Société EBS. Il s'agit notamment des dispositions suivantes: - la déclaration à l'Inspecteur du Travail de ce générateur électrique de rayonnements ionisants (art. 15) qui la transmet au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) avec les informations qui l'accompagnent. - la désignation par l'employeur d'une personne compétente, laquelle doit avoir préalablement suivi avec succès une formation à la radioprotection (art. 17). L'avocat de la Société EBS a confirmé qu'il n'avait pas été désigné de "personne compétente". Ceci est un point clé. En effet, c'est à celle personne qu'il revient, entre autres: * de procéder à l'analyse périodique des postes de travail exposés, * de veiller au respect des mesures de protection contre les rayonnements ionisants, (suite)
|
suite:
* de recenser les situations ou les modes de travail susceptibles de conduire à des expositions exceptionnelles ou accidentelles des travailleurs, * de participer à la formation à la sécurité des travailleurs exposés. - l'employeur est tenu d'organiser la formation à la radioprotection des travailleurs exposés et doit remettre une notice écrite à tout travailleur affecté ou appelé à pénétrer occasionnellement dans la zone contrôlée (art. 19). Celle notice doit l'informer: * des dangers présentés par l'exposition aux rayonnements ionisants et ceux présentés par son poste de travail, * des moyens mis en œuvre pour s'en prémunir, * des méthodes de travail offrant les meilleures garanties de sécurité, - le contrôle avant la première mise en service de l'accélérateur (art. 29) - les signalisations appropriées (prévues par l'article 24) destinées à informer les travailleurs des risques d'irradiation lorsque la machine fonctionne, sont rédigées en langue anglaise (d'après les photographies publiées par "Le Républicain Lorrain": "Irradiation Area when Flashing"). - les travailleurs affectés auprès de l'accélérateur ont bien reçu un dosimètre individuel (comme le prévoit l'article 34) mais n'ont, semble-t-il, pas eu la "fiche d'aptitude", délivrée par le Médecin du Travail (art. 36), qui est nécessaire pour être affecté à des travaux les exposant aux rayonnements ionisants. L'examen médical réglementaire, effectué le 20 août 1991, aurait alors été postérieur à l'accident. En outre, compte tenu du fait que les rayonnements ionisants produits par l'accélérateur d'électrons sont susceptibles d'induire des maladies professionnelles (qui figurent au Tableau N° 6), l'employeur devait, conformément aux dispositions du Code de la Sécurité Sociale (art. L. 461-4), en faire la déclaration à la Caisse d'Assurance Maladie - CPAM - et à l'Inspecteur du Travail. Celle déclaration doit être faite avant le commencement des travaux (art. R 461-4). Le fait que de tels manquements graves à la législation existante puissent se produire, montre la nécessité de mettre en place des dispositions complémentaires. Outre la déclaration que le détenteur d'un générateur électrique de rayonnements ionisants doit faire à l'Inspecteur du Travail (art. 15), il serait utile de prévoir, par exemple, que ceux qui vendent ou cèdent (à titre gratuit ou onéreux) un appareil neuf ou usagé fassent également une déclaration séparée à l'Inspecteur du Travail. Il serait également souhaitable de prévoir des dispositions particulières, pour ceux des appareils et leurs installations qui constituent des ensembles à "hauts risques" (même potentiels). Par exemple, on pourrait, dans le décret du 2 octobre 1986, prévoir des dispositions particulières aux générateurs électriques de rayonnements utilisés en tant qu'irradiateurs industriels. Elles viendraient s'ajouter aux dispositions particulières prévues pour d'autres sources de rayonnements (comme les générateurs de rayonnements X, les sources scellées ou les sources non scellées). On pourrait, de surcroît, traiter de manière plus spécifique ces irradiateurs dans l'arrêté du 1 er juin 1990 définissant les méthodes de contrôle. * Ouverture, en avril 1991, d'une procédure de redressement judiciaire par le Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines. p.21
|
En août 1991, 3 intérimaires
ont été gravement irradiés à Forbach. Or, malgré
les réserves du SCPRI, la Chambre civile d'appel de Metz a autorisé
la remise en route de l'accélérateur le 19 décembre.
La raison essentielle est que "le maintien de l'interdiction causerait
la mort certaine de cette entreprise" . Comme le souligne Claude Birraux,
auteur d'un rapport sur le contrôle de la sûreté et
de la sécurité des installations nucléaires au sein
de l'office parlementaire: "l'affaire ERS est significative d'un dysfonctionnement
de notre système de contrôle radioactif ".
Ou bien le SCPRI est habilité à vérifier et à arrêter une installation. Ou bien il n'a pas plus de pouvoirs qu'une société d'experts, L'APAVE en l'occurrence. Et ce sont donc les juges qui, en leur âme et conscience décident si oui ou non une installation est dangereuse. Or si on peut et doit admettre des expertises diverses, si on peut admettre des laboratoires différents, il faut un organisme qui fasse la synthèse, sous surveillance d'une commission. |
Les juges ne peuvent pas donner un avis technique,
ils ne peuvent que vérifier que la loi est suivie. Mais on peut
avoir rempli un dossier et ne pas respecter les principes de sûreté.
Dans ce cas précis les manquements à la loi sont tels qu'il
est inadmissible de donner raison à l'industrie sous prétexte
de chômage! Quand apprendra-t-on que c'est inadmissible de placer
des travailleurs dans la situation où ils n'ont aucun choix juste
celui de vendre leur vie.
La proposition de C. Birraux est d'avoir une Direction de la Radioprotection avec comme support technique le SCPRI, du même type que la Direction de la Sûreté Nucléaire ayant l'IPSN comme support. Compte tenu des manquements de cette société et des manquements de l'administration, il est plus que temps de ne pas se satisfaire de ce redémarrage et d'exiger une refonte de la législation. Quant aux tribunaux force est de constater que le droit administratif a encore frappé: il est toujours du côté du manche. Etre gravement irradié et brûlé relève de la faute des intérimaires et d'eux seulement. Bravo! p.22a
|
en cours...
"Ces dernières années,
surtout aux Etats-Unis, de nombreuses études ont essayer d'estimer
la part des cancers professionnels dans l'incidence des cancers chez l'homme.
Les estimations les plus raisonnables attribuent actuellement 4 à
8% environ des cancers à une exposition professionnelle.
Sur la base de celte proportion, le nombre de cancers professionnels en France pourrait être estimé entre 7.000 et 14.000 nouveaux cas chaque année. Or, seuls une centaine de cancers sont déclarés par an au titre de la déclaration des maladies professionnelles (informaùon insuffisante du corps médical sur le risque de cancer professionnel mais aussi difficulté à établir une relation de cause à effet entre une exposition et une pathologie du fait d'une période de latence souvent très longue)". Extrait de "La lutte contre le cancer en France",
Depuis la publication de ce rapport la situation
n'a guère changé. En 1989, 128 cancers professionnels ont
été recensés par la Sécurité Sociale.
rapport élaboré par la Commission Nationale des Cancers sous la direction du Professeur Yves Caehins, nov. 1985, page 60. Citons quelques extraits du code de la Sécurité Sociale (J.O. du 21 décembre 1985): Dispositions concernant les maladies professionnelles Article L. 461-2 (suite)
|
suite:
Ces manifestations morbides sont présumées d'origine professionnelles. NOTA: pour les autres affections provoquées par les rayonnement ionisants, il s'agit du tableau n° 6. Article L. 461-6 Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. Combien parmi les médecins traitants ou les médecins du travail respectent celte obligation qui leur est faite par le Code de la Sécurité Sociale? Le non-respect de celte obligation contribue certainement pour une part non négligeable dans la carence des reconnaissances des cancers professionnels. p.22b
|