Pour compléter le dossier que nous avions
passé dans la Gazette N°117/118,
voici le texte du communiqué gouvernemental, le rapport de la DSIN
(sans les annexes techniques que vous pouvez me demandez si vous voulez
les lire), le rapport de l'IPSN et un tract syndical.
Il est clair que Superphénix n'a
pas réussi son examen de passage et que c'est justice. Mais il y
a encore à se mobiliser pour obtenir qu'on arrête de jouer
avec le plutonium et qu'on se penche enfin sur le problème énergétique.
LUNDI 29 JUIN 1992
"Le Premier ministre a procédé avec les ministres concernés
à une étude approfondie du dossier de Superphénix.
Il a également étudié les conditions du développement
du programme nucléaire en France.
À MADAME LA MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ET MONSIEUR LE MINISTRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR Objet: Centrale nucléaire de Creys-Malville: bilan de l'instruction menée par la DSIN. Je vous prie de bien vouloir trouver ci-après la synthèse technique résultant de l'examen des dossiers de sûreté de la centrale nucléaire de Creys-Malville. (suite)
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L'analyse se résume en deux points: - Le redémarrage de Creys-Malville peut, du point de vue de la sûreté, être autorisé, moyennant un ensemble de limitations et de précautions. L'avis du groupe permanent d'experts chargé des réacteurs, qui s'est réuni à ma demande, conforte une telle orientation positive, avec toutefois des restrictions notables dont, en particulier, la limitation de la durée d'un éventuel fonctionnement ultérieur à deux ans compte tenu des problèmes relatifs à la maîtrise de certains feux de sodium (cf. point 2.2.2.). Les précautions supplémentaires prises ou à prendre lors du fonctionnement sont explicitées au point 2 ci-dessous. - Ces précautions et ces limitations sont rendues nécessaires par certaines caractéristiques du réacteur et par les difficultés de certaines des démonstrations de sûreté; les problèmes correspondants sont présentés au point 2 ci-dessous. Comme l'a illustré le fonctionnement passé de ce réacteur, son éventuel fonctionnement futur présente un risque significatif de nouvelles défaillances; il importe donc (souligné par la Gazette.). En particulier comme lors d'un premier démarrage de réacteur, un exert représentant l'autorité de sûreté sera en permanence présent sur le site et des réunions-bilans régulières à l'issue de chacune des phases du redémarrage seront tenues. Le fonctionnement de la centrale de Creys-Malville devra pouvoir être interrompu à tout moment et indépendamment de tout incident, afin de réaliser les vérifications et expertises qui s'avèreraient utiles. I. Les précautions et les limitations supplémentaires
à associer
1.1. Améliorations matérielles
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Enfin, un dispositif supplémentaire
de détection précoce de rupture de tubes de générateur
de vapeur a été installé. De manière préventive,
l'exploitant a de plus, développé des moyens de contrôle
de rétat de ces tubes qui devraient pouvoir faire l'objet d'une
première mise en oeuvre in situ d'ici environ deux ans.
1.2. Réexamen des règles générales d'exploitation
1.3. Capacité d'expertise et retour d'expérience
1.4. La réduction du domaine de fonctionnement
(suite)
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II. Les caractéristiques du réacteur et les difficultés rencontrées dans les démonstrations de sûreté 2.1. Considérations générales L'ensemble des événements survenus sur l'installation et notamment les trois incidents les plus importants (fuite du barillet en 1987, entrée d'air dans le réacteur en 1990 et effondrement du toit de la salle des machines en 1990) ont une signification statistique pour l'avenir. Ces défaillances correspondent soit à des problèmes techniques difficiles insuffisamment maîtrisés, soit à des carences de réalisation. Cette situation, qui est partiellement liée au caractère prototype de l'installation doit être intégrée dans la décision et dans les précautions prises: il faut considérer que la probabilité d'apparition de nouvelles défaillances est significative (souligné par la Gazette.). On constate de plus que les deux premiers incidents précités, affectant le réacteur lui-même, n'ont pas été maîtrisés conformement aux spécifications techniques du réacteur. En effet, l'interprétation correcte des événements a nécessité dans les deux cas plusieurs semaines, différant ainsi la mise à l'arrêt requise par la situation. Ce constat ne met pas en cause les équipes d'exploitation, mais plutôt la difficulté des diagnostics qu'elles ont à faire, compte tenu de la complexité particulière de l'installation. Des efforts ont été faits pour une meilleure maîtrise des situations incidentelles et accidentelles et ont été évoqués aux points 1.2. et 1.4. ci-avant, mais le handicap lié à la conception sophistiquée de ce type de réacteur demeure. D'une façon générale, ce réacteur présente certaines particularités rendant plus difficiles les démonstrations de sûreté. Outre sa complexité générale, il faut citer: - Le fait que le coeur puisse présenter un coefficient de vide positif (d'où une attention particulière aux divers événements pouvant influer sur la réactivité - voir point 2.2.1. ci-après). - Les difficultés liées à l'emploi du sodium et, notamment, le fait d'avoir des circulations importantes de sodium dans des bâtiments en air et confinés. Certaines grosses fuites hypothétiques se révèlent délicates à gérer. Une maîtrise satisfaisante des fuites d'ampleur intermédiaire nécessite également la poursuite d'efforts de la part de l'exploitant (voir point 2.2.2. ci-après). - Les difficultés de contrôle et d'intervention, notamment à l'intérieur de la cuve. Contrairement aux réacteurs à eau pour lesquels il sufit de quelques jours pour examiner in situ tout composant sur lequel on aurait le moindre doute, une intervention souhaitable dans la cuve de Superphénix se chiffrerait en années d'arrêt (entre le déchargement du combustible et la vidange du sodium). De plus, la mise en air des structures pourrait engendrer des dégâts de corrosion irréversibles. Si ce dernier point peut à la rigueur être admis pour un prototype, il compromettrait vraisemblablement le développement industriel de réacteurs ainsi conçus: la sûreté d'un réacteur ne peut être raisonnablement assurée s'il n'est pas possible, en cas de doute, d'en contrôler toutes les structures, dans des conditions aisément envisageables. A ce titre, l'expérience de Superphénix et les difficultés rencontrées par l'autorité de sûreté pour imposer le développement et la mise en oeuvre de contrôles limités sur des structures aussi importantes que la cuve principale et les tubes de générateur de vapeur illustrent ce problème. Ces différentes considérations conduisent à penser que le développement de futurs réacteurs rapides nécessiterait de réexaminer et vraisemblablement de modifier de manière assez importante la conception de ces réacteurs (souligné par la Gazette). p.14
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Comme pour toute décision
importante en matière de sûreté nucléaire, la
demande d'autorisation de redémarrage de Superphénix a été
présentée par l'exploitant aux autorités de sûreté.
La DSIN a saisi le groupe permanent chargé des réacteurs
nucléaires de cette demande et des justifications présentées
par l'exploitant. L'IPSN a rapporté son analyse du dossier en question
devant le groupe permanent; celui-ci, devant lequel l'exploitant s'est
par ailleurs exprimé sur la contre-expertise de l'IPSN, a transmis
son avis aux pouvoirs publics.
Il convient d'emblée de souligner que les pouvoirs publics ne sont liés ni par l'avis du groupe permanent, ni par l'analyse effectuée par l'IPSN. Classiquement, pour asseoir son jugement, l'IPSN s'appuie sur l'ensemble des connaissances disponibles et tout particulièrement sur les enseignemcnts tirés de l'étude du "retour d'expérience". Dans le cas d'installations prototypes comme Superphénix, l'examen fait une place particulièrement importante aux résultats des programmes de recherches en sûreté menés en France ou à l'étranger. |
Un certain nombre de ces programmes sont conduits par l'IPSN, conformément
à la mission impartie à l'Institut par l'arrêté
interministériel qui le régit.
Dans le présent document, on rappellera brièvement les principaux programmes de recherches menés par l'IPSN en matière de sûreté des réacteurs à neutrons rapides et les principaux problèmes techniques sur lesquels s'est concentrée l'analyse de l'IPSN en 1990-1992 dans le cas de Superphénix. I. La recherche en matière de sûreté
des réacteurs à neutrons rapides
p.15b
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Les premiers essais de ce type
ont été réalisés dans le réacteur TREAT
aux Etats-Unis. Puis, en 1973, la France et l'Allemagne ont décidé
d'élaborer en commun un programme de recherches sur ce sujet, en
bénéficiant d'améliorations notarnment pour la détection
des mouvements du combustible au cours des essais; c'est ainsi qu'a été
lancé le programme CABRI auquel se sont joints le Japon(PNC) à
partir de 1975, puis la Grande-Bretagne (UKAEA) en 1976 et les Etats-Unis
(NRC) en 1978.
Une seconde caractéristique du programme CABRI est d'utiliser une démarche visant, non pas la représentativité d'ensemble ou la simulation d'un accident de réacteur, mais l'étude et la compréhension approfondies des phénomènes physiques pouvant intervenir au cours d'un tel accident. Cette démarche conduit à la mise au point de modèles physiques assemblés dans un code de calcul, d'abord pour les essais CABRI (code PHYSURA), puis pour l'étude des situations accidentelles d'un réacteur (code PHYSURAC). Ce dernier code permet notamment des calculs concernant des situations accidentelles comme l'accident de dimensionnement de la centrale de Creys-Malville (arrêt des pompes sans chute des barres) ou le passage d'une bulle de gaz à travers le coeur d'un réacteur à neutrons rapides. Le programme CABRI initial (CABRI I - 1978-1986), effectué avec du combustible vierge ou du combustible faiblement irradié, a permis d'apprécier le comportement d'une aiguille de combustible avant et au début de la rupture de la gaine, ainsi que les mouvements de matériaux et la formation de bouchons limitant ou empêchant le refroidissement du combustible. Le programme CABRI I a été suivi, avec la même collaboration internationale, du programme CABRI II (1987-1991), relatif notamment à l'étude du comportement du combustible en situation accidentelle, lorsque celui-ci est irradié ou soumis à des rampes de puissances moyennes ou faibles (cas de la remontée intempestive d'une barre de commande). Enfin, un nouveau programme, dénommé CABRI-FAST, auquel participent les partenaires européens du projet EFR et les Japonais, a été décidé; le Memorandum of Understanding avec les Japonais a été signé en novembre 1991. Ce nouveau programme comporte notamment des essais sur du combustible très irradié, dans l'optique de l'augmentation envisagée des taux de combustion; de surcroît, il est prévu à terme un code commun de calcul d'accident, utilisant le noyau constitué par le code américain SAS 4A (utilisé par les Allemands) où seront introduites les modélisations mises en oeuvre dans le code PHYSURAC. L'IPSN étudie également les accidents de manque de refroidissement d'un assemb!age combustible, pouvant entraîner la fusion de celui-ci, ainsi que les risques de propagation d'une telle fusion localisée à des assemblages combustibles voisins (programmes réalisés dans le réacteur SCARABÉE) et les feux de sodium (programmes réalisés notamment dans l'installation Esméralda). Sur ce dernier sujet, il convient de mentionner qu'un programme de recherches est mené depuis une vingtaine d'années. Il a notamment permis d'acquérir de bonnes connaissances sur les mécanismes de la combustion du sodium en cas de feu en nappe et de mettre au point des dispositifs d'extinction (bacs étouffoirs, poudre Marcalina). L'installation Esméralda a été en particulier conçue pour permettre des études à l'échelle des quantités présentes dans un réacteur comme Superphénix. Concernant plus spécifiquement les feux "mixtes" (feu en nappe et feu pulvérisé), le programme d'essais a comporté classiquement une approche analytique préalable (jusqu'en 1985), puis des essais à moyenne échelle réalisés à Cadarache et à Karlsruhe (KfK) (de 1985 à 1987) et des essais à plus grande échelle réalisés dans l'installation Esméralda (à partir de 1988). Les résultats obtenus permettent la validation d'un code de calcul (FEUMIX). (Commentaire Gazette: ça ne marche pas mais on a arrêté les recherches!) (suite)
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II. L'expertise de sûreté des réacteurs à neutrons rapides et les difficultés techniques rencontrées à Creys-Malville D'une manière générale, l'appréciation de la sûreté d'une installation évolue dans le temps, de par l'évolution des idées générales en la matière et des possibilites technologiques, de par l'acquisition de résultats de recherches telles que celles qui ont été mentionnées ci-dessus, de par les résultats obtenus au cours de l'exploitation des installations ou lors d'études spécifiques. Ceci s'applique à tous les types d'installations nucléaires et, pour ne prendre qu'un exemple, on peut citer, pour les réacteurs à eau, l'évolution des idées et des réalisations à l'égard de la perte à terme des moyens de refroidissement après un accident de perte de réfrigérant primaire. Dès 1976, alors que les tranches de 900 MWe étaient en cours de réalisation et qu'étaient abordées les options de sûreté des tranches de 1.300 MWe, le retour d'expérience laissait à penser que la protection des installations était insuffisante à cet égard. Les études menées en 1977-1978 et certaines difficultés rencontrées lors de l'accident de Three Mile Island, ont confirmé cette appréciation. Des mesures complémentaires ont été définies tant pour les tranches de 1.300 MWe que pour les tranches de 900 MWe, mais leur mise en place, la vérification de leur bien-fondé auront nécessité plusieurs années et, à ce jour, compte tenu de difficultés spécifiques liées à la conception des tranches de 900 MWe, la situation de ces dernières n'est pas encore aussi satisfaisante que celle des tranches de 1.300 MWe. Cet exemple montre qu'un problème de sûreté nouveau se traite dans la durée et qu'il n'est pas rare que, pour une installation existante, la définition et la mise en oeuvre d'améliorations demandent plusieurs années. Toute situation nouvelle doit être examinée de façon spécifique et faire l'objet d'une réponse adaptée en termes de risque (par exemple, mise en place de mesures compensatoires en l'attente d'améliorations, mais aussi arrêt de l'installation si nécessaire) (souligné par la Gazette). Dans les principes, l'expertise de la sûreté des réacteurs à neutrons rapides ne se distingue, en aucune façon, de l'expertise de la sûreté des autres réacteurs de puissance. Bien entendu, elle tient compte des aspects favorables - tels que la grande inertie thermique du fluide de refroidissement, favorable à la conduite du réacteur et aux possibilités d'interventions en situation accidentelle, le découplage des parties primaire et secondaire par l'interposition des boucles intermédiaires - et des difficultés spécifiques relatives notamment à l'utilisation de sodium et à la maîtrise de la réactivité. En plus des aspects liés aux modalités d'exploitation du réacteur - qui ont fait l'objet de demandes des ministres de l'industrie et de l'environnement auxquelles l'exploitant a clairement répondu - ce sont ces deux derniers sujets techniques qui, pour la centrale de Creys-Malville, ont fait l'objet de réexamens récents en vue du redémarrage éventuel de l'installation. Concernant les feux de sodium, l'évolution des connaissances a montré que le taux de pulvérisation associé à une fuite de sodium pouvait être élevé alors que le dimensionnement des galeries secondaires avec les connaissances de l'époque (fin des années 1970), n'avait tenu compte que de la possibilité d'un feu en nappe. Or, un feu de sodium pulvérisé conduit à une montée en pression extrêmement rapide dans la galerie secondaire concernée, pouvant éventuellement mettre en cause sa tenue, et au rejet d'aérosols de sodium dans le bâtiment du réacteur (ouverture de la porte de communication avec ce bâtiment). p.16
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Selon la démarche
rappelée ci-dessus, l'exploitant a proposé des mesures compensatoires
à court terme et des études d'améliorations plus significatives
à long terme. Les mesures compensatorres à court terme comprennent
le réexamen des clichés radiographiques des tuyauteries principales
de sodium ainsi que des contrôles complémentaires des soudures
des tuyauteries auxiliaires de gros diamètre, la mise en place de
détecteurs supplémentaires de fuites de sodium sur certaines
soudures ainsi que de caméras dans les galeries secondaires; le
renforcement des exutoires des galeries pour couvrir les conséquences
d'un feu résultant de la rupture d'une tuyauterie auxiliaire ou
d'une brèche équivalente affectant toute autre tuyauterie.
Pour le long terme, l'exploitant s'est d'ores et déjà engagé à prendre des dispositions complémentaires, telles que le calorifugeage des galeries secondaires début 1993; et à proposer fin 1992 une solution définitive permettant notamment d'éviter tout rejet d'aérosols dans le bâtiment du réacteur en cas de rupture de tuyauterie auxiliaire dans une galerie secondaire; cette solution définitive serait mise en oeuvre d'ici mi-1994. L'IPSN estime que l'ensemble de cette démarche est techniquement acceptable, l'accent mis sur la prévention des feux de sodium et les améliorations déjà réalisées quant à la limitation des conséquences permettant à court terme de traiter les questions soulevées par les résultats de recherches mentionnés plus haut, dans la mesure où les cas les plus probables de fuites sont déjà couverts par les dispositions en place. Concernant la maîtrise de la réactivité, la difficulté provient du retour d'expérience d'exploitation du réacteur Phénix, où plusieurs arrêts automatiques sont intervenus en 1989 et 1990 par réactivité négative. Si l'introduction de réactivité négative ne pose évidemment pas de problème de sûreté, il convient de s'interroger toutefois sur les possibilités que le phénomène à l'origine des variations de réactivité, à supposer qu'il s'agisse bien de variations réelles de la réactivité, conduise, dans d'autres conditions, à une variation de réactivité positive pouvant mettre en danger l'intégrité du combustible. Suite aux incidents de 1989, une cause plausible avait été identifiée, à savoir le passage d'une bulle de gaz en périphérie du coeur du réacteur et il avait été soigneusement vérifié, tant pour Phénix que pour Superphénix, que les bulles de gaz envisageables passant au centre du réacteur (apportant alors une réactivité positive) ne pouvaient pas mettre en danger l'intégrité du combustible. Dans le cadre de sa contre-expertise, l'IPSN avait réalisé des calculs pour vérifier ce point avec le code de calcul PHYSURAC mentionné plus haut et les expertises devaient être poursuivies en vérifiant sur maquettes la formation éventuelle et le comportement de bulles de gaz, notamment dans la géométrie des structures internes de Superphénix. (suite)
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L'arrêt automatique de Phénix le 9 septembre 1990 a infirmé la cause avancée pour les arrêts précédents (bouchage de purgeurs). Différents travaux menés par l'exploitant avec la participation d'experts étrangers ont conduit à étudier des phénomènes permettant de reproduire les variations observées de réactivité (essentiellement passage de gaz ou mouvement de gerbage du coeur du réacteur), sans toutefois réussir à définir des scénarios réalistes conduisant à ces phénomènes avec l'ampleur nécessaire pour expliquer ces variations. Dans ces conditions, il est apparu que seuls des essais pourraient permettre d'apprécier la réalité physique des phénomènes identifiés et de déterminer la cause des incidents du réacteur Phénix, ces essais devant bien entendu être réalisés avec l'instrumentation adéquate et en prenant toutes précautions sur le plan de la sûreté. Dans ce cadre, le réacteur Phénix a été autorisé à effectuer des essais à puissance très faible; ces essais ont confirmé les caractéristiques neutroniques du réacteur, mais n'ont pas apporté d'éléments permettant de déterminer la cause des incidents. L'exploitant envisage, après réparation de défauts constatés sur les boucles secondaires à l'occasion des contrôles effectués pendant l'arrêt du réacteur, d'effectuer des essais en puissance après examen du dossier de sttreté qu'il doit soumettre à la DSIN à cette fin. Pour ce qui concerne la centrale de Creys-Malville, une revue approfondie des causes possibles d'introduction de réactivité positive a été effectuée, à la lumière de l'ensemble des investigations et études effectuées pour le réacteur Phénix. Cette revue a amené l'exploitant à améliorer encore la protection du réacteur à l'égard des risques de passage de gaz par dégonflage d'une cloche d'échangeur intermédiaire (un essai avait été réalisé en septembre 1989) ainsi que les performances des réactimètres L'IPSN n'a pas, à l'issue de l'examen du dossier correspondant, mis en évidence de possibilité d'introduction de réactivité pouvant mettre en cause l'intégrité du combustible; le programme d'essais proposé par l'exploitant comporte par ailleurs les vérifications nécessaires. L'IPSN a donc la conviction que, sur le plan technique, la maîtrise de la réactivité du réacteur Superphénix est assurée de façon satisfaisante. Il va toutefois de soi que tout élément nouveau apparaissant au cours des essais du réacteur Phénix fera l'objet d'une transposition immédiate au cas du réacteur Superphénix. En conclusion, au terme de l'examen technique auquel il a procédé jusqu'à la réunion du 12 mars 1992 du groupe permanent, l'IPSN n'a pas exprimé d'objection au redémarrage et au fonctionnement en puissance de la centrale de Creys-Malville sous réserve de la réalisation du programme d'essais prévu ainsi que de la poursuite et du bon aboutissement des études complémentaires engagées, concernant en particulier la protection des galeries secondaires à l'égard des feux de sodium. p.17
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Surgénérateur ou
incinérateur de "déchets" (actinides), la polyvalence de
la filière rapide a été étudiée dès
le début de l'analyse du concept. L'option de la surgénération
a été prise dans les années 70 dans le but de rationaliser
l'utilisation du combustible nucléaire: elle permet de tirer 60
fois plus d'énergie de l'uranium que les réacteurs à
eau sous pression (REP) qui fournissent aujourd'hui 75 % de l'électricité
française. Même si le recyclage du plutonium est en développement
actuellement dans les réacteurs REP d'EDF, il ne pourra être
que très partiel.
Superphénix est un outil pour le développement des réacteurs à neutrons rapides, auquel le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) a apporté tout son poids: le réacteur Rapsodie (400 MW) a démarré en 1967, Phénix (250 MWe) a été couplé au réseau en 1973, et ses 90.000 heures de fonctionnement ont permis l'accumulation de nombreuses données et d'un savoir-faire important (il a fabriqué 3 fois en 15 ans son propre combustible). Superphénix à Creys-Malville (1.200 MWe), d'un investissement de 26 milliards de francs, est le fruit de la collaboration entre 6 pays européens (France, Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni). C'est un prototype et à ce titre on ne peut pas lui demander la rentabilité d'un réacteur de série: si aujourd'hui EDF produit l'électricité la moin chère d'Europe, c'est parce que des prototypes ont permis la mise au point de la filière REP et qu'à partir de là l'effet de série a conduit à abaisser les coûts de construction et d'exploitation, tout en améliorant la sûreté. Superphénix est un prototype et, à ce titre, on ne peut pas l'accuser d'avoir des incidents: ceux-ci ont toujours été traités convenablement et on en a tiré une grande expérience, sans que jamais aucun d'eux n'ait remis en cause la sécurité de l'installation et des popoulations. Que lui reproche-t-on alors? En premier lieu, ses 5.000 tonnes de sodium. Notons au passage que la cuve qui contient ce sodium n'est soumise à aucune pression, ce qui est un facteur favorisant au plan de la sécurité. Notons aussi que les réacteurs rapides induisent moins de rayonnements sur les personnels d'entretien que les REP. Mais revenons au problème du sodium. S'il est vrai que c'est un corps très réactif, cet aspect n'a jamais été négligé: des études sur les feux de sodium sont développées depuis longtemps au CEA. Elles conduisent à une meilleure maîtrise en cas d'incident. Par ailleurs, le groupe permanent, qui a analysé tous les aspects de la sécurité de Superphénix, a remis des conclusions préconisant de renforcer la "défense en profondeur" au niveau des fuites éventuelles de sodium. Cela étant, cet aspect n'a pas été présenté comme empêchant le redémarrage du réacteur: des améliorations ont été demandées à terme, avec une surveillance renforcée dans la période transitoire. On reproche aussi à Superphénix son "coefficient de vide sodium positif": en cas d'arrêt des pompes primaires et en supposant tous les systèmes d'arrêt du réacteur défectueux, phénomène dont la probabilité d'occurrence est inférieure à 1 sur 10 millions par an, on observerait une ébullition du sodium, donc une diminution de sa densité, qui augmenterait la réactivité du coeur et entraînerait une "excursion de puissance" (dans les REP, l'effet de la perte de réfrigérant a un effet contraire: la réactivité diminue et tend à arrêter le réacteur). (suite)
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Ce scénario constitue "l'accident de dimensionnement de confinement", c'est-à-dire que c'est l'énergie dissipée par un tel phénomène, volontairement pessimiste, qui a été prise en compte pour déterminer les caractéristiques des enceintes de confinement: cuve principale, cuve de sécurité, enceinte extérieure en béton. Un tel accident rendrait inutilisable le réacteur mais n'aurait aucune conséquence préjudiciable sur l'environnement. De très nombreux moyens de contrôle sont mis en oeuvre pour surveiller de très près les paramètres de fonctionnement du réacteur et pour qu'aucun accident, même local dans le coeur, ne puisse avoir de conséquences importantes. L'IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire - CEA) a " la conviction que, sur le plan technique, la maîtrise de la réactivité du réactur Superphénix est assurée de manière satisfaisante". Pour l'avenir, des études menées au CEA sur l'optimisation de la filière visent à réduire le coefficient de vide sodium. En juin 1992, le Directeur de la Sûreté des Installations Nucléaires (Ministère de l'Industrie), M. Lavérie, a remis ses conclusions au Premier ministre, donnant l'accord de l'autorité de Sûreté pour un redémarrage. "En conclusion, pour la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires, le redémarrage du réacteur peut être autorisé sous réserve de la mise en oeuvre de l'ensemble des précautions et limitations supplémentaires décrites ci-dessus. Cette autorisation ne peut couvrir que le fonctionnement à court terme du réacteur, dans l'attente de progrès significatifs sur les questions soulevées à plus long terme. Aussi, l'avancement des études et le déroulement de l'exploitation devraient faire l'objet d'une évaluation permanente permettant d'ajuster en tant que de besoin les dispositions prises. Une nouvelle autorisation devrait en tout état de cause être prévue pour mai1994. Elle pourrait coïncider avec l'autorisation de "mise en service" prévue par l'article 4-111 du décret du 11 décembre 1963 modifié". L'autorité de sûreté, connaissant bien le réacteur, et dont le rôle est de se soucier de la sécurité des installations et des populations, considère que Superphénix peut fonctionner actuellement . Mais, dans le même temps, elle demande que le niveau de sûreté bénéficie des nouvelles connaissances en la matière: c'est la démarche dialectique qui a permis, jusqu'à présent, les progrès technologiques. Alors pourquoi cette position d'attente prise par le Premier ministre qui, si elle n'était pas revue, risquerait fort de sonner le glas de la filière rapide en France? Dans la filière rapide, comme dans le reste de l'industrie nucléaire, l'objectif majeur de la sûreté peut être atteint à condition d'en faire une volonté politique et d'y consacrer les moyens humains et financiers adéquats. Ce n'est sûrement pas en étranglant le CEA, organisme de recherche, ni en privatisant l'entretien des centrales du parc EDF que l'on peut y arriver. Autre aspect intéressant: les réacteurs à neutrons rapides sont parfaitement adaptés pour brûler le plutonium des arrnes nucléaires que l'on voudra démanteler: doit-on se priver de ce moyen? Aujourd'hui, alors que les problèmes de l'avenir écologique de la terre se posent de façon plus aiguë, le nucléaire apparaît comme une source d'énergie propre: le Club de Rome lui-même affirme "qu'il y a des raisons fondées de maintenir l'option nucléaire et de développer les réacteurs à neutrons rapides". p.18
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Même en économisant les sources d'énergie,
le recours aux réacteurs à neutrons rapides sera nécessaire
au début du 2lème siècle, si on veut préserver
les réserves: l'heure n'est plus au gaspillage.
La décision prise handicape l'indépendance énergétique de la France: les Etats-Unis, mais surtout le Japon, continuent à développer actuellement cette filière (les Japonais s'apprêtent à mettre en service un réacteur prototype du type de Phénix et vont signer un important accord de coopérative avec la CEI). L'arrêt de Superphénix conduirait à l'abandon du projet de réacteur rapide européen (EFR) et à la perte de l'avance française et européenne dans le domaine. Inéluctablement la France serait à la merci de la technologie nipponne: après avoir été à la pointe de cette technologie de cette technologie, la France et l'Europe seraient contraintes d'acheter des réacteurs japonais. Les problèmes énergétiques, que ce soit dans les pays "développés" ou dans l'ensemble du monde, doivent aujourd'hui être traités avec des visions à long terme. Les problèmes consécutifs aux avancées technologiques doivent et peuvent, si la volonté existe, être réglé dans le souci du progrès pour l'homme, et en aucun cas par des reculs de société. Les décisions politiciennes sont lourdes de conséquences peurles générations Commentaire Gazette La liste des arguments du tract syndical
est une caricature:
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Incinérateur? Il vaut mieux arrêter La Hague, ça coûtera moins cher et ce sera plus rationnel. On dirait les shadocks ou le Sapeur Camembert: comment justifier un truc qui va brûler ce qu'on a eu tant de mal à produire ailleurs et en plus en créant des déchets! 2 - ensemble financé par 6 pays Européens. Et alors ? Malheureusement 6 pays peuvent se tromper et il n' est pas nécessaire de persister dans l'erreur. 3 -filière sûre Non. Elle est dangereuse car sa densité de puissance est élevée et que les feux de sodium ne sont pas maîtrisables en jet pulvérisé. 4- menace japonaise ? Les japonais ont autant de mal que les français. Ils ne maîtrisent pas les rapides; d' ailleurs personne ne les maîtrise. 5 - brûleur du plutonium des bombes; Oui et non. On brûle un peu et on produit à la place d'autres déchets. Et surtout le résultat n'est pas à la hauteur des promesses. Il faut des rapides pour résoudre ce problème donc on tourne en rond! 6 - indépendance énergétique Le mythe revient toujours. La seule voie qui nous mènera sur un peu d'indépendance est les économies d'énergie: industries moins dévoreuses, procédés moins dévoreurs, réalisations économes, etc... 7 - percée technologique Il est à noter que les progrès technologiques ne sont pas forcément générateurs de progrès et n'apportent pas forcément un bienfait à l'humanité. Cette vision que les découvertes scientifiques ne peuvent être que bonnes est très sympa mais totalement fausse. Les découvertes doivent être maîtrisées et maîtrisables. Attendons que Superphénix atteigne ce stade pour le défendre. La Gazette souhaite que le point soit fait. Quant à elle, après la lecture des documents et l'analyse du problème des déchets sa conviction est que cette filière doit être abandonnée car sa maîtrise ne peut raisonnablement être assurée. Il est préférable de se consacrer aux REP. Nous en avons une soixantaine et il vaut mieux qu'ils soient fiables en attendant d'avoir développé la stratégie alternative qui seule nous rendra plus indépendant. p.19
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