La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°125/126
Et si on abandonnait le nucléaire

Une urgence: sortir du nucléaire
Bella et Roger Belbéoch

     Deux de nos rédacteurs et piliers du GSIEN ont écrit un papier sur "SORTIR DU NUCLEMRE". Ils vous invitent à une réflexion sur notre consommation énergétique et sur les moyens de la satisfaire sans nucléaire. Ils n'ont pas la prétention de vous fournir des solutions toutes faites mais ils souhaitent que chacun se sente concerné par le nucléaire et son cycle. La Gazette Nucléaire vous propose pour étoffer le débat un dossier suisse pour une politique alternative gérée au niveau communal. Cela ne peut s'appliquer directement mais offre des pistes à explorer.
     En 1975 nous avions appelé à un arrêt immédiat du nucléaire. Nous avons perdu, cependant les raisons de cet appel sont toujours existantes et n'ont toujours pas trouvé de solutions. Pire le tas de déchets n'a fait que croître et embellir. La France s'est engluée dans des contrats de vente d'électricité, de retraitement. Elle s'est lancée à marche forcée dans l'utilisation du plutonium sous forme de combustible dans les REP et elle risque de vendre ce combustible à l'étranger. Elle participe à la mise en place d'une prolifération rampante en faisant commerce de plutonium par le biais des contrats de retraitement.
     Tout ceci est navrant. Notre pays est en crise: chômage,fermetures d'entreprises. Quelle est la responsabilité du secteur nucléaire dans ce bilan? De la bombe aux différentes usines, le nucléaire conduit à l'impasse. Il est trop cher, il ne génère aucun emploi à long terme sauf ceux de gardiens, mais le gardien qui ne fait que surveiller (amusant d'ailleurs que les Suisses aient pris comme exemple le concierge qui est le gardien(ne) des économies et qui cette fois a un rôle actif et primordial à jouer)
     Il faut donc reprendre les discussions. C'est dommage que nos députés n'aient pas fait campagne du tout sur le sujetpolitique énergétique. Mais soyons honnête, nous n'avons pas forcément été assez insistants. Sans être d'accord avec les méthodes du monde agricole et du monde pêcheur il faut pourtant forcer au débat. Après tout les associations aux USA organisent des boycotts et ça marche!! Alors qu'est-ce qu'on attend et surtout qu'est-ce qu'on a à perdre? RIEN, au contraire on a tout à gagner.

Le Comité Stop Nogent désire organiser à Paris une rencontre en mai sur le thème d'une sortie rapide du nucléaire.
Si cela vous intéresse, écrivez à:
Comité Stop-Nogent - c/o Nature et Progrès 14, rue des Goncourt -75011 Paris


I - Le dossier nucléaire
     En 1974 lorsque le gouvernement français a décidé l'électronucléarisation massive de la France, le dossier de l'énergie nucléaire se fondait sur quelques principes simples:
     - les accidents graves n'étaient pas possibles,
     - la technologie nucléaire était totalement maîtrisée,
     - les effets biologiques du rayonnement étaient négligeables,
     - l'industrie nucléaire ne pouvait affecter la santé des travailleurs ni celle de la population,
     - les déchets radioactifs ne posaient pas de problème spécifique.
     C'est sur ces bases que, sans véritable débat, s'est constitué le «consensus» de la population française, malgré quelques violentes oppositions locales.
     Qu'en est-il de ces problèmes en 1993?
     - les accidents graves d'ampleur catastrophique sont du domaine du possible[1]. Des plans particuliers d'intervention (P.P.I.) sont élaborés pour gérer les situations accidentelles. Une spécialité en médecine s'est développée pour y faire face (médecine de catastrophe)[2],
    - la technologie nucléaire est loin d'être maîtrisée et il n'est pas évident qu'elle puisse être maîtrisable un jour, tant en ce qui concerne la conception des installations que la réalisation fiable des composants,
     - les effets biologiques du rayonnement (cancers et effets génétiques) sont reconnus par les comités d'experts internationaux comme beaucoup plus importants que ce qui était admis autrefois. En particulier la Commission Internationale de Protection Radiologique reconnaît explicitement dans ses dernières recommandations de novembre 1990 (publication CIPR 60) qu'il n'y a pas de seuil de dose de rayonnement en dessous duquel il n'y a aucun effet cancérigène et génétique.
     Si l'on tient compte des discussions en cours dans les milieux spécialisés il est prévisible que les effets biologiques du rayonnement seront encore réévalués en hausse dans les années à venir, à moins qu'une censure stricte ne soit imposée sur les résultats des études par les responsables nucléaires.
     - aucune solution satisfaisante n'a été trouvée pour gérer les déchets radioactifs déjà produits. Si le parc électronucléaire français continue à fonctionner il produira dans les 15 ans à venir une quantité de déchets double de celle existant aujourd'hui,
     - le plutonium qui n'était pas considéré comme un déchet puisqu'il devait être utilisé dans les surgénérateurs devient un déchet particulièrement encombrant depuis l'échec notoire de Superphénix.
    - le volume des déchets radioactifs de faible activité est trop important pour qu'il soit envisageable de les stocker. Ces déchets ne peuvent que finir dans des décharges ordinaires ou être recyclés pour des usages industriels ou domestiques. Cette pratique faite au détriment de la santé publique est une nécessité économique du programme électronucléaire.
     L'industrie nucléaire devait être une industrie propre et sans danger. Maintenant les responsables demandent à la population d'apprendre à vivre dans la perspective des dangers nucléaires et d'accepter le stockage des déchets radioactifs car il est impossible de les faire disparaître.
     Le dossier nucléaire est actuellement beaucoup plus lourd que celui qui a été présenté en 1974 pour obtenir le consensus de la population et de ses représentants. Il y avait d'ailleurs dès 1974 des indices très forts que les responsables scientifiques et politiques ont négligés, voire bafoués et qui auraient dû susciter des inquiétudes et un débat sérieux.
     Il est urgent que le dossier nucléaire soit réouvert et soumis à une large discussion démocratique à partir des informations qui sont aujourd'hui reconnues comme fiables en exigeant que le secret soit levé sur tous les aspects de l'industrie nucléaire.
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     D'autre part il est clair désormais que la gestion des accidents graves:
     - - ne peut pas être fondée sur la protection efficace des individus sans compromettre l'ordre économique et social dans son ensemble,
     - sera déterminée essentiellement par des considérations économiques[3]. La protection sanitaire des populations et des travailleurs ne sera pas l'élément majeur pour la prise des décisions,
     - ne peut être confiée qu'à des groupes d'experts qui n'ont pas de comptes à rendre à ceux qui devront en subir les conséquences, des experts anonymes et irresponsables. Ce sont des situations analogues à celles des experts militaires en temps de guerre.
     La protection de la santé publique dans un cadre démocratique est fondamentalement incompatible avec l'existence d'une industrie nucléaire envahissante.

III - L'énergie nucléaire n'est pas une nécessité absolue du monde moderne
     L'industrie électronucléaire est très inégalement répartie dans les divers pays industrialisés.
     La France est le pays le plus nucléarisé du monde. Au 31 décembre 1991 pour les pays les plus nucléarisés la situation était la suivante[4]:

 
Situation au 31/12/1991
Projection pour 2005
 
million d'habitants par réacteur
million d'habitants par GWé installé
Superficie (km2) par réacteur
million d'habitants par réacteur
million d'habitants par GWé installé
Superficie (km2) par réacteur
Allemagne
3,8
3,6
17.000
4,0
3,6
17.850
Etats-Unis
2,3
2,5
83.600
2,3
2,4
84.350
France
1,0
1,0
9.820
0,9
0,8
8.730
Japon
3,0
3,7
9.000
2,0
2,2
6.200
Royaume
Uni
1,6
4,3
6.600
3,6
5,3
15.300

     On voit d'après ce tableau que la France est le pays le plus nucléarisé des pays industrialisés lorsqu'on rapporte le parc nucléaire (nombre de réacteurs ou puissance installée) à la population. Ainsi on compte 1 réacteur pour 1 million d'habitants en France contre 3,8 millions en Allemagne. D'après les projections pour 2005 la situation demeurera inchangée. L'écart avec l'Allemaqne, les Etats-Unis et le Royaume Uni augmentera. Le Japon, malgré des projets de croissance considérable de son industrie électronucléaire resterait encore loin derrière la France.
     Si l'on prend comme indice la part de l'électro-nucléaire dans la production totale d'électricité on trouve, au 31 décembre 1991, la France en tête avec 72,7% loin devant l'Allemagne (32%), le Japon (30,5%), les Etats-Unis (21,7%) et le Royaume Uni (20%). On peut noter qu'aux Etats-Unis la dernière commande de réacteur date de 1973! (avant l'accident de Three Mile Island).
     Le développement économique d'un pays n'est pas lié au développement de son industrie électronucléaire. Il est donc faux de dire que l'énergie nucléaire est une nécessité du monde moderne. Un ralentissement de l'industrie électronucléaire, voire son abandon total ne nécessite pas un bouleversement de la société. Il est possible de vivre en France de la même façon sans la prédominance de l'énergie nucléaire.

suite:
III- La situation en France
     1) Les décideurs ne semblent pas envisager un recul même faible de l'énergie nucléaire, bien au contraire. La représentation politique n'a aucune conscience des risques inhérents à une industrie nucléaire envahissante. Les élus ou les candidats aux élections ne semblent pas désireux d'examiner sérieusement le dossier nucléaire et de susciter un véritable débat démocratique où l'avis de ceux qui devront subir les détriments soit prioritaire.
     2) Les autorités de sûreté, dépendant directement du ministre de l'industrie, n'ont guère de pouvoir face à EDF, qui, paradoxalement, est soutenue par l'inaction volontairement développée du ministère de la santé (par son Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants - SCPRI) et la bienveillante indifférence du ministère de l'environnement. L'argent largement distribué par EDF autour des sites nucléaires et les promesses faites aux communes sont un levier important pour que des intérêts électoraux immédiats l'emportent sur les conséquences à long terme.
     3) Vis-à-vis de l'industrie nucléaire la réglementation française est telle (enquêtes publiques, décrets et arrêtés) qu'elle met cette industrie à l'abri de toute intervention même minime des citoyens sur des affaires qui pourtant les concernent au premier çhef, car c'est leur santé et celle de leurs descendants qui est en jeu. La réglementation française garantit une impunité quasi totale aux exploitants qui volontairement ne respectent pas les normes de sûreté. Ceci explique le «succès» économique du nucléaire français par rapport à ses concurrents étrangers.
     4) La place énorme prise par la production électronucléaire paralyse les initiatives des autorités de sûreté pour tenter d'imposer des contraintes à EDF. Quand un défaut générique est détecté c'est l'ensemble des réacteurs de la série qu'il faudrait arrêter pour réparation et modification. Ceci conduirait à un effondrement de la production électrique difficilement acceptable.
     5) EDF étant un service public il n'est pas possible de la pénaliser en cas de faute grave sans pénaliser les citoyens consommateurs pris en otage.
     6) EDF et COGEMA introduidrnt des conditions très contraignates quand elles signent des contrats avec l'étranger. Ces conditions sont acceptées sont acceptées sans difficultés par les autorités politiques de tutelle. L'exportation d'électricité et le retraitement des déchets nucléaires étrangers deviennent ainsi absolument prioritaires. EDF et COGEMA comptent sur ces engagements pour bloquer la situation, au cas où sous la contraine de l'opinion publique les responsables politiques auraient des velléités d'indépendance et un désir de changement.
     Les promoteurs nucléaires de tous les pays considèrent la situation en France comme idéale pour développer leur industrie avec le minimum de contraintes de la part des médias, des instances juridiques, de la représentation politique, des organismes de contrôle.

IV. Sortir du nucléaire: une urgence
    La situation française est particulièrement préoccupante.               .
     1) 57 réacteurs à gérer en respectant un minimum de sûreté est au-delà du possible pour un organisme bureaucratique tel qu'EDF. D'autre part une décentralisation de la gestion serait encore pire.
     2) Selon M. P. Tanguy, Inspecteur Général de la Sûreté à EDF, la «culture de la sûreté» n'existe pas à EDF. Depuis plusieurs années il insiste sur ce point dans ses rapports d'activité mais apparemment sans grand résultat. Il ne se pose pas la question fondamentale: la «culture de la sûreté» est-elle compatible avec le culte du kWh, vocation inévitable des producteurs d'énergie dans une économie de marché?

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     3) Le vieillissement et la corrosion des composants soumis à des températures élevées, à de fortes pressions, à des niveaux de rayonnement considérables, à des cyclages thermiques dus à la nécessité pour les réacteurs nucléaires de suivre les variations quotidiennes de la consommation sont plus importants que prévu[6]. Les études de tenue des matériaux aux conditions de fonctionnement très dures des réacteurs nucléaires ont été trop superficielles pour pouvoir garantir une fiabilité suffisante. La volonté de lancer rapidement et d'une façon irréversible le programme d'électronucléarisation massive de la France a favorisé les techniciens ultra-optimistes se satisfaisant d'études partielles et rudimentaires[7], les techniciens plus rigoureux étant destinés à la «mise au placard».
     4) Depuis quelques années il apparaît que de nombreuses erreurs de conception ont été commises pour la construction des réacteurs. Ce n'est pas forcément la compétence technique qui dans ce cas est en cause. Il s'agit là, pour certains techniciens, de leur incapacité à envisager que les problèmes pourraient être plus complexes que ce qu'ils croient et que dans certaines situations il n'y a peut-être pas de solution qui satisfasse de façon rigoureuse les critères de sûreté absolue qu'il est nécessaire de remplir compte tenu de l'ampleur des dégâts que peuvent causer les accidents nucléaires graves.
     5) La nécessité de réduire les coûts de production a conduit à adopter des procédures' de fabrication insuffisamment testées. Les remèdes technologiques se sont à plusieurs reprises révélés pires que les défauts que l'on voulait corriger. L'industrie nucléaire a été présentée à l'opinion publique comme parfaite, la technologie nucléaire étant synonyme de référence de perfection. C'était ignorer les contraintes industrielles sur les coûts et les délais qui réagissent directement sur l'orientation des recherches technologiques. C'était ignorer l'ampleur et la complexité des problèmes à résoudre, en particulier dans le domaine de la métallurgie.
     6) Malgré les discours médiatiques qui se veulent toujours rassurants on voit s'accumuler les preuves de déficience dans la sûreté de nos réacteurs.
     L'assurance qualité et le contrôle qualité, bases de la «défense en profondeur» vantée par EDF ne sont assurés ni par EDF ni par ses sociétés sous-traitantes.
     Etudes insuffisantes, mauvais choix de matériaux et des procédés de fabrication illustrent la précipitation dans le démarrage du programme électronucléaire français. Depuis quelques années a été mise en évidence l'absence de maîtrise par EDF des problèmes métallurgiques. Donnons pour exemple les phénomènes de corrosion sous contrainte de l'alliage Inconel 600[8], responsables des fissurations dans certains éléments du circuit primaire essentiels du point de vue de la sûreté. Citons entre autres les fissures sur les piquages de pressuriseurs, sur les tubes de générateurs de vapeur.
     Des fissurations importantes ont égaernement été trouvées sur des tuyauteries des lignes de vapeur principales du circuit secondaire impliquant l'emploi d'acier de qualité médiocre et des modes de fabrication inadaptés sur une portion de tuyauterie vapeur qui devait être considérée comme un «tronçon protégé» par une fabrication de haute qualité car une «rupture guillotine» sur ce tronçon entraînerait des conséquences très graves pour la sûreté avec possibilité de rejets radioactifs dans l'environnement.
     Il y a plus grave: la découvérte récente de fissures sur les adaptateurs de couvercles de cuve. Il s'agit de manchons étanches traversant le couvercle et dans lesquels se positionnent les tiges de commande des grappes de contrôle du coeur. Ces fissures ne posent pas seulement et de nouveau le problème de la corrosion sous contrainte de l'alliage Inconel 600 en milieu primaire, alliage constituant ces manchons[9], mais elles posent un problème de conception. En effet les concepteurs n'avaient pas prévu que la fissuration à la base des adaptateurs pouvait conduire en cas de rupture à leur déboitement et leur éjection du couvercle, avec pour conséquence l'entraînement des grappes de controle (effet missile).
suite:
Ce serait l'amorce d'un accident aux conséquences difficiles à évaluer[l0], déformations éventuelles du couvercle, modification de la configuration neutronique du coeur avec possibilité de création d'une instabilité pouvant générer une "excursion nucléaire", expression anodine pour traduire explosion nucléaire...
     Il existe d'ailleurs dans la cuve des pénétrations en Inconel 600 autres que dans le couvercle. Pour l'instant on ignore si elles sont fissurées ou non.
     Les autorités de sûreté ont d'abord décidé de faire installer des dispositifs anti-éjection sur les 6 réacteurs du palier 900 MWé et de remplacer leurs couvercles en attendant de vérifier tous les autres réacteurs. De nouveaux contrôles montrent que la plupart des couvercles doivent être changés ou réparés. Mais comment remplacer rapidement tous les couvercles? Impossible, la production métallurgique ne peut suivre ce rythme. Le remplacement des couvercles se fera progressivement et les réacteurs fonctionneront pendant ce temps dans des conditions précaires de sûreté. Il est impossible de faire autrement à moins d'en maintenir un certain nombre à l'arrêt et de réduire considérablement la production d'électricité.
     Depuis quelque temps à chaque fois qu'un défaut est découvert on s'aperçoit qu'il affecte tout le parc.
     Qui nous garantit que d'autres phénomènes n'ont pas été oubliés par les concepteurs? Qui peut nous garantir qu'il est totalement impossible d'oublier un phénomène important pour la sûreté dans une technologie aussi complexe que la technologie nucléaire?
     7) En ce qui conceme le contrôle-qualité signalons un scandale récent: un soustraitant important d'EDF, la société Spie-Batignolles[11], a truqué les examens radiographiques des soudures qu'il devait contrôler. La supercherie a été découverte. A qui devait profiter cette fraude? Le sous-traitant avait-il quelque chose à y gagner? Est-on sûr que la responsabilité d'EDF n'est pas engagée dans cette affaire? Y a-t-il une volonté réelle de poursuivre juridiciairement l'entreprise coupable? Les médias, pourtant généralement friands quand il s'agit de scandales, sont totalement muets. Va-t-on procéder à la vérification de toutes les soudures «contrôlées» par ce sous-traitant? Peut-on garantir que cette entreprise est la seule à foumir des rapports falsifiés sur le contrôle de la qualité des éléments des réacteurs nucléaires?
     Penser qu'il puisse être possible d'éviter de telles dérives dans notre société industrielle est un pur fantasme. Ces dérives sont les conséquences inévitables des contraintes économiques auxquelles sont soumises les entreprises industrielles. Et ces contraintes il faut en tenir compte dans les analyses de sûreté. Comment le faire sans paralyser le développement de l'industrie nucléaire?
     8) Comment intégrer dans la perfection qu'on nous avait décrite, les états d'âme du technicien de Paluel qui a arrêté la centrale en appuyant sur les arrêts d'urgence, les erreurs humaines des opérateurs et des responsables? Comment tenir compte des actes éventuels de malveillance, voire de terrorisme?
     9) La multiplication des fissures que l'on découvre, sans compter celles que l'on découvrira au fur et à mesure du vieillissement des réacteurs ou bien celles qui n'ont pas été rendues publiques, permet d'imaginer de plus en plus facilement des scénarios de catastrophes. L'exiguïté du territoire français compte tenu de la densité de son parc nucléaire (pour la même superficie il y a 10 fois plus de réacteurs nucléaires en France qu'aux Etats-Unis) accroît considérablement les difficultés de gestion des accidents graves à moins d'obtenir une apathie totale de la part de la population par un strict contrôle de l'information avec des médias consentants. La maîtrise des turbulences sociales avec l'aide de la complicité des médias est finalement le seul espoir de pouvoir «gérer» socialement les accidents catastrophiques.
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     10) Les multiples problèmes que pose la gestion des déchets nucléaires mobilisent depuis quelque temps (depuis que les populations ont réagi) les créateurs de mythes, avec l'aide complaisante des médias et la complicité intéressée de nombreux scientifiques encouragés par le ministre de la Recherche. Il s'agit d'anesthésier les populations en leur laissant l'espoir qu'on saura un jour anéantir ces déchets. Aucun danger leur dit-on, et puis, nous, les scientifiques, nous allons bientôt trouver des solutions pour vous en débarrasser! En attendant acceptez de transformer votre territoire en poubelles.
     Il est urgent de sortir de l'impasse nucléaire.

V - Quelques arguments fallacieux
     Il est nécessaire de réfuter quelques arguments fallacieux qui justifient soit la continuation du nucléaire, soit le report de la sortie du nucléaire à des temps lointains ce qui en fait permettrait le renouvellement du parc et un enlisement dans le nucléaire.
1) La sortie du nucléaire en France augmenterait l'effet de serre et serait particulièrement néfaste pour l'environnement
     Il est bien évident que malgré l'importance relative de la production d'électricité nucléaire en France, et quelles que soient les hypothèses que l'on prend pour évaluer l'effet de serre, le remplacement des centrales nucléaires françaises par des procédés qui pourraient contribuer à l'effet de serre, n'aurait au niveau de l'ensemble du globe qu'une contribution infime.
     De plus s'il n'est pas possible de substituer la production de l'énergie nucléaire à toutes les productions d'énergie qui peuvent contribuer à l'effet de serre, le problème se pose à plus ou moins long terme et est indépendant du niveau atteint par l'énergie nucléaire dans la mesure où celle-ci ne peut être la source essentielle de l'énergie consommée sur l'ensemble de la terre (elle représente actuellement environ 5% de l'énergie consommée mondiale).
2) La sortie du nucléaire serait une source de perte d'emplois
     L'industrie électronucléaire est certainement le seul exemple d'industrie dont l'arrêt ne provoque pas un accroissement du chômage. Bien au contraire: arrêter des centrales et commencer à envisager leur démantèlement nécessite un personnel au moins aussi important que durant leur fonctionnement. De plus il serait nécessaire de les remplacer par d'autres installations, d'où création inévitable d'emplois[12].
3) L'abandon rapide de l'électronucléaire serait très coûteux
     Des sommes considérables ont été investies pour développer l'industrie électronucléaire. Il est envisagé sérieuseinent de renouveler le parc nucléaire français dans quelques années avant que les dettes des investissements initiaux aient été complètement remboursées.
     Arrêter des réacteurs nucléaires avant que leur vieillissement ait rendu cet arrêt inéluctable peut paraître très coûteux. Mais a-t-on évalué le coût réel d'un accident catastrophique en France? Bien sûr la loi du 16 juin 1990 (modifiant celle du 30 octobre 1968) sur la responsabilité civile en cas d'accident nucléaire limite les frais de l'exploitant à 600 millions de francs, ceux de l'Etat ne devant pas dépasser 2.500 millions de francs. Etrange séparation des responsabilités civiles entre l'exploitant EDF et l'Etat alors qu'EDF fait partie de l'Etat... Sommes dérisoires si on les compare aux conséquences de la gestion sociale de l'accident.

suite:
     Cette somme de 600 millions est-elle représentative des véritables dégâts d'une catastrophe nucléaire ou n'est-elle qu'un leurre destiné à protéger une industrie manifestement incapable d'assumer les responsabilités civiles des risques qu'elle fait courir à la société? Les 600 millions de francs peuvent-ils compenser les dégâts sur la santé des populations vivant au voisinage des installations en détresse, la perte définitive de leur capital (qui irait acheter une maison, une terre sur un territoire contaminé?), les cancers à long terme sur l'ensemble de la France et même au-delà des frontières, les malformations génétiques pour nos descendants? Comment comptabiliser ces détriments? Quel prix attribuer à la vie d'un individu, ou plutôt à sa mort? Arithmétique diabolique à laquelle se consacrent des experts pervers. Il n'est pas question pour eux de consulter les citoyens pour connaître quel prix ces citoyens attachent à leur vie. Notre vie a-t-elle un prix, une valeur marchande?
     Dans notre société mercantile restons dans la logique de l'économie de marché. Dans ce cadre a-t-on calculé les coûts économiques d'un accident nucléaire en France pour les produits agricoles? Qui achètera en Europe ou ailleurs les raisins de Moissac ou les pruneaux d'Agen si un accident grave survenait à Golfech? Que dire des vins de Bordeaux si la centrale du Blayais avait des problèmes? Les magnifiques crus de Pauillac et de Saint Estèphe ne sont qu'à quelques kilomètres de cette centrale. L'ensemble des vins du bordelais ne survivrait pas à un accident au Blayais. Qui voudra consommer les poissons de la mer du Nord si une catastrophe survenait à Gravelines? Que dire du beurre d'Isigny et des fromages normands si Flamanville ou La Hague relâchaient de la radioactivité? Et les vins d' Alsace avec Fessenheim? Que dire des productions agricoles de la vallée du Rhône avec les possibilités catastrophiques des réacteurs nucléaires amplifiées par la présence particulièrement dense d'une industrie chimique dangereuse dans une zone active sismiquement? Le couplage chimie et nucléaire pourrait donner lieu dans cette région à des résultats spectaculaires. A-t-on analysé sérieusement toutes ces situations et leurs conséquences économiques?
     Il est bien évident qu'une catastrophe nucléaire en France signifierait la fin de toute l'agriculture française (y compris bien sûr les tentatives d'agriculture biologique). Faut-il compter sur la solidarité internationale pour que le choc ne soit pas trop rude? En situation normale les conflits entre Etats sont déjà particulièrement aigus, on peut imaginer qu'en situation de crise nucléaire le carnage sera sans merci.
     Nous n'espérons pas que les techno-bureaucrates décideurs seront sensibles aux détriments sanitaires, aux cancers, aux maladies génétiques que la population devrait subir et que rien dans la législation les obligerait à indemniser (est-ce indemnisable?). Ces techno-bureaucrates pourraient peut-être se montrer sensibles aux arguments économiques. Peuvent-ils garantir que les intrigues des technocrates français seraient suffisantes pour supprimer tous les conflits économiques post-accidentels?
     Quel que soit le coût de l'abandon rapide de l'énergie nucléaire, il serait bien inférieur à celui qu'il faudrait assumer en cas de catastrophe nucléaire. Aujourd'hui les autorités officiellement reconnues comme compétentes considèrent qu'un accident majeur en France est fortement probable.
     Mais il ne faut pas oublier que ces arguments économiques n'ont finalement que peu de valeur devant les détresses que devrait subir la population: cancéreux, enfants handicapés moteurs, enfants retardés mentaux, sans compter qu'il faudrait vivre dans une sociéte autoritaire rendue nécessaire pour assurer l'ordre social dans des situations révoltantes.
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VI - Sortir rapidement de l'impasse nucléaire: une nécessité
     1) Il est certain qu'il est impossible de décréter immédiatement l'arrêt de tous les réacteurs nucléaires en France sans bouleverser d'une façon insupportable la vie de l'ensemble de la population. Et ceci quel que soit le danger apporté par les réacteurs.
     En cas d'accident nucléaire extrêmement grave signalons qu'il ne serait pas possible de mettre à l'arrêt les réacteurs dangereux du même type. La gestion des accidents nécessite en effet de l'électricité et lorsque le nucléaire produit près de 75% de l'électricité totale il est impossible de s'en passer même si la situation est dramatique.
     2) En escamotant les dangers considérables que l'énergie nucléaire fait courir à la société, EDF espère obtenir, sans débat, l'autorisation de renouveler le parc de ses réacteurs qui dans quelques années seront au terme de leur vieillesse. Si aucune opposition radicale ne se manifeste rapidement nous sommes assurés de vivre sous la contrainte nucléaire pendant plusieurs décennies par tacite reconduction.
     C'est maintenant que la sortie du nucléaire doit se décider et nous devons manifester notre volonté de ne pas sacrifier nos vies et celles de nos enfants aux intérêts conjugués des industriels et de la technocratie.
     3) Si on se laisse aller à accepter des scénarios où la sortie du nucléaire est prévue dans les 25 ans, Si tout va bien, c'est finalement accepter l'option nucléaire et bien sûr ses conséquences catastrophiques. Il n'est pas possible de justifier de tels scénarios retardant la sortie, à partir des conditions objectives de danger que présentent actuellement les réacteurs. Il est vrarsemblable que d'autres raisons, surtout en période électorale où les alliances politiciennes sont capitales, justifient ces scénarios d'une sortie différée du nucléaire. Il est évident que les auteurs ou les initiateurs de ces scénarios ne prennent pas en compte la nécessité de sortir le plus rapidement possible de l'impasse tragique nucléaire.
     4) Sortir rapidement du nucléaire implique de n'imposer aucune condition probable à cette sortie, soit sur le mode de vie (économies d'énergie), soit sur le développement d'énergies nouvelles dites renouvelables (vent, marée, solaire, géothermie etc...). Ces énergies ne peuvent pas, actuellement, remplacer l'énergie nucléaire. Il n'est pas évident qu'elles pourront jouer un rôle important même dans un avenir lointain sans modification profonde de la production et de la sociéte. Toute référence exclusive à ce type d'énergie pour sortir de l'impasse nucléaire a pour conséquence la justification et le maintien de l'énergie nucléaire pendant longtemps. Ceci est totalement inacceptable.
     5) Une stratégie de sortie rapide du nucléaire, pour être crédible, ne doit compter que sur les technologies directement utilisables actuellement, c'est-à-dire le fuel, le gaz, le charbon. Et cela n'est pas délirant puisque la plus grande partie de l'énergie utilisée dans les pays industrialisés provient de ces technologies.
     6) Avec ou sans énergie nucléaire, la consommation d'énergie non renouvelable ne pourra pas durer éternellement sur la planète. Il faudra bien que notre société affronte ce problème y compris celui de la répartition des richesses nord-sud. Mais le développement ou l'arrêt du nucléaire en France affecte relativement peu les données de ce problème fondamental. Ce sur quoi nous insistons est qu'il n'est pas raisonnable de brandir cette question pour retarder de plusieurs décennies la sortie du nucléaire.
     7) Les économies d'énergie électrique ne peuvent que faciliter la sortie du nucléaire. Economies et maîtrise de l'énergie, énergies renouvelables oui, partout où c'est immédiatement possible. Mais pour l'instant ces énergies ne peuvent être que
des appoints marginaux par rapport aux sources conventionnelles d'énergie.
suite:
VII- Quel programme?
     Il est certain que quelques individus isolés ne peuvent pas élaborer un programme détaillé de la sortie de la France de l'impasse nucléaire. Il est cependant possible de déterminer quelques-uns des critères essentiels qui doivent être pris en compte pour établir un tel programme. Ce sont ces critères que nous essaierons de développer ici:
     1) Les dangers de l'énergie nucléaire vis-à-vis de la santé des populations et de la vie sociale doivent être l'élément essentiel de décision. Nous devons prendre en compte la survie et la vie de la société.
     2) Ceci conduit nécessairement à exiger une sortie la plus rapide possible de l'impasse nucléaire.
     3) Des mesures immédiates sans répercussion notable sur notre mode de vie sont possibles. En particulier:
     - l'arrêt de l'exportation d'électricité. Ceci représente la capacité de 10 à 15 réacteurs sur les 57 réacteurs français. Comment répartir cette économie est un problème à examiner de près:
      · mise à l'arrêt des réacteurs les plus vulnérables,
      · réduction de la puissance pour les réacteurs dont le fonctionnement à la puissance nominale est trop dangereux,
      · mise à l'arrêt de réacteurs pour lesquels un accident majeur serait impossible à gérer même en admettant des critères laxistes pour la protection de la population,
     - l'abandon définitif des projets futurs de centrales nucléaires,
     - l'arrêt des constructions en cours,
     - la mise à l'arrêt définitif de Superphénix dont le redémarrage ne peut contribuer en rien au problème de l'énergie en France. Son redémarrage ne peut qu'avoir une valeur symbolique. Faire courir des risques énormes à des populations au nom d'une symbolique est tout à fait inacceptable dans sa perversité.
     4) Lancer immédiatement un programme de construction de générateurs d'électricité à partir d'énergies directement utilisables actuellement (fuel, gaz, charbon) en utilisant les techniques les moins polluantes développées à ce jour.
     Signalons que la stratégie adoptée en ce moment par EDF pour ne pas se trouver en situation de pénurie en période de pointe, bien qu'ayant une énorme surcapacité de production moyenne, ce n'est pas de réclamer quelques réacteurs nucléaires supplémentaires mais d'investir dans des turbines mixtes (fuel, gaz) peu coûteuses en investissement et souples d'utilisation.
     En somme c'est EDF qui donne des indications pour la sortie possible et rapide du nucléaire!
     5) L'ensemble du programme adopté doit être soumis à la population dans un esprit de démocratie rénovée. Ceci implique de rendre public l'ensemble des données du problème: la situation réelle de nos centrales, la situation concernant leur gestion, les conséquences objectives d'un accident majeur pour les populations (évacuation, vie sur des territoires contaminés etc..), les contrats qu'EDF et Cogéma ont signés et qui engagent la France.
     6) La mise à l'arrêt définitif suivie du démantèlement d'un nombre important de réacteurs nucléaires pose de grands problèmes. Ceci doit susciter un programme d'études pour lequel les techniciens ne devraient tenir compte que de l'intérêt de la protection des travailleurs et de la population. Ceci devrait être une motivation bien plus gratifiante que de ne tenir compte que des intérêts économiques d'un groupe d'individus.
p.7

     7) La gestion des déchets nucléaires existants, même après l'arrêt définitif de l'électronucléaire, pose des problèmes très complexes et qui impliquent les générations futures. Les autorités gestionnaires actuelles, qu'elles soient technocratiques ou politiques ont simplifié ces problèmes pour leurrer les populations afin de les amener à accepter sans protester l'enfouissement des déchets chez elles. Le dossier doit être largement ouvert et débattu avant qu'une décision définitive ne soit prise.
     La sortie du nucléaire aurait pour conséquence immédiate de cesser la production de nouveaux déchets.
     8) Le problème du retraitement des déchets nucléaires doit être réexaminé. L'arrêt du retraitement des déchets étrangers devrait être immédiat.
     9) La fabrication des combustibles à base de plutonium (MOX) doit être arrêtée. Ce n'est pas une solution satisfaisante à la gestion du plutonium.
     10) L'enrichissement de l'uranium à des fins civiles ou militaires doit être arrêté.
     11) L'exportation de toute technologie nucléaire doit être interdite.
     Ce programme de sortie du nucléaire ne peut être envisagé que si les principes de la démocratie fonctionnent complètement. Ceci nécessite bien sûr que les citoyens s'investissent pleinement dans ce choix.
     Les sociétés humaines ne peuvent vivre sans droit à l'erreur. La société nucléaire n'autorise aucune erreur compte tenu de la gravité des conséquences. Pour cette société, l'erreur ne peut être tolérée que si des contraintes autoritaires sont mises en place.
     «Un certain rituel démocratique est encore possible dans la gestion d'une société fortement nucléarisée. La prise de conscience des nécessités pour gérer socialement les crises nucléaires pourrait faire que ce rituel lui-même soit une gêne et doive être abandonné sans que l'on ait demandé démocratiquement à la population de renoncer à la démocratie»[13].
     L'urgence de la sortie du nucléaire est une nécessité pour notre santé et celle de nos descendants. Elle est aussi une nécessité pour la survie démocratique de notre société.
février 1993

Commentaires:
1. «Nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir l'accident grave, nous espérons ne pas en avoir, mais nous ne pouvons pas garantir qu'il ne se produira pas. On ne peut exclure que dans les dix ou vingt ans à venir un accident civil grave se produise dans l'une de nos installations» - Pierre Tauguy, Inspecteur Général pour la Sûreté et la Sécurité Nucléaire, Direction Générale (EDF). «La maîtrise des risques nucléaires» Actes du Colloque Nucléaire, santé, sécurité, organisé par le Conseil Général de Tarn et Garonne, Montauban 21-22-23 janvier 1988, p. 430.
2. «S'il est actuellement admis par beaucoup - par les spécialistes en tout cas - que le risque nucléaire est peu probable, il est admis aussi unanimement, et par les médecins cette fois, que sa gravité est infinie. Gravité plus ou moins grande suivant les cas de figures, mais qui peut aller jusqu'à l'infini» - Pierre Huguenard (Président de la Société française et Vice-Président de la Société Internationale de Médecine de catastrophe), «Médecine de catastrophe et risque nucléaire», Actes du Colloque Nucléaire, santé, sécurité, Montauban, 21-22-23 janvier1988, p. 467.
3. «Ainsi, la définition et le choix des limites de dose implique des jugements sociaux. (...) Pour des agents tels que le rayonnement ionisant pour lesquels on ne peut supposer l'existence d'un seuil dans la courbe de réponse aux doses pour certaines conséquences de l'exposition, cette difficulté est incontournable et le choix de limites ne peut être basé sur des considéran'ans de santé» (Article 123) - Annales de la CIPR, «Les recommandations de 1990 de la Commission Internationale de Protection Radiologique », publication CIPR 60.
suite:
4. L'état du parc électronucléaire mondial et les projections pour 2005 sont extraits de la publication du Commissariat à l'Energie Atomique: «Les centrales nucléaires dans le monde, 1992». En 1992 un réacteur nucléaire supplémentaire a été couplé au réseau français. Aux USA trois réacteurs ont été mis prématurément à l'arrêt définitif pour des raisons de sécurité. Neuf autres centrales américaines pourraient étre fermées prématurément pour des raisons de Sécurité. Ces modifications ne font qu'accroître l'écan entre la France et les autres pays industriels tel qu'il apparaît dans le tableau.
5. «il ne faut pas sous-estimer la difficulté que représente l'exploitation d'un parc nucléaire de plus de 50 unités, dans des conditions satisfaisantes de sâreté et de disponibilité, compte tenu des contraintes administratives et budgétaires» - P. Tanguy, Rapport de synthèse de l'inspection générale pour la sûreté nucléaire (EDF), 1989, p. 7. Lorsqu'on lit ces lignes on ne doit pas oublier que M. Tanguy, personnage important de l'establismnent nucléaire, est tenu dans ses propos à une certaine modération!
6. «...Mais c'est au vieillissement des matériaux qu'il faut déja être attentif. Il est nécessaire de toujours replacer les dégradations correspondantes, aussi bien celles qui ont été observées que celles qui restent à venir, dans une optique de sûreté, c'est-à-dire en fonction de leurs conséquences sur une initiation possible d'accident». - P. Tanguy, Rapport de l'Inspection générale pour la sûreté nucléaire (EDF), 1991, p. 9.
7. «...Certains problèmes que nous avons rencontrés ces demières années peuvent se relier à un manque de curiosité des équipes qui doivent apporter un soutien technique à l'exploitation, un excès de confiance chez nos experts, et une détermination insuffisante dans les études et réalisations» - P. Tanguy, Rapport de l'Inspection générale pour la sûreté nucléalre (EDF), 1991 (p. 9). En somme la culture de la sûreté ne semble pas être la qualité majeure des cadres sélectionnés depuis des années par la direction d'EDF.
8. «Le deuxième exemple est celui de l'inconel 600, dont on peut se demander si la confiance imperturbable (souligné par nous) qu'ont continué à lui attribuer les experts, tant à EDF qu'à Framatome d'ailleurs, malgré tous les déboires qu'il a entraînés, reflète bien cette attitude interrogative que l'on attend des individus, et si ce n'est pas plutôt un refus de se remettre en cause et d'admettre qu'on a pu se tromper (...) ou n'y a-t-il pas là une lacune dans la culture de sûreté de nos experts.» - P. Tanguy, idem Rapport (EDF), 1991, p. 71.
9. A propos de la fissuration des pénétrations des couvercles de cuve P. Tanguy indique dans son rapport de 1991 «on avait sous-estimé les contraintes» (p. 10) et plus loin (p. 29) il précise «L'anticipation de difficultés liées au comportement du matériel a été prise en défaut. Le niveau de contrainte a été fortement sous-estimé en s'appuyant uniquement sur les plans de fabrication. C'est un rappel sérieux pour les bureaux d'études sur la nécessité de bien connaître les niveaux de contrainte des pièces mécaniques en n'oubliant pas de prendre en compte les procédés de mise en oeuvre de matériaux et les conditions d'exploitation».
10. Gazette Nucléaire n°113/114, mars 1992, p. 14-15.
11. Nucleonics Week,Vol. 33 n°27,july 2,1992, p. 1-2. (Nucleonics Week est le journal des professionnels de l'industrie nucléaire).
12. Il est vrai que les accidents nucléaires graves sont aussi des producteurs d'emploi! Plus de 600.000 personnes sont déjà passées sur le site de Tchernobyl pour y travailler à la décontamination! La construction d'un nouveau sarcophage attire sur les lieux les grands bétonniers mondiaux autour de ce «pot de miel» (expression utilisée par les professionnels).
13. Roger Belbéoch, «Du risque majeur à la société autoritaire» Le Monde diplomatique. Manière devoir 15, L'homme en danger de science?, Mai 1992, p. 67-70.
p.8
"DÉSASTRE NUCLÉAIRE EN OURAL" (Jaurès Medvedev)
Disponible au prix de 95 FF aux Editions Isoete - 123 rue Emile Zola 50100 Cherbourg
     L'accident de Tomsk (Sibérie) est-t-il une réédition de celui de Kychtym (Oural) de 1957? Pour répondre à cette question il faudrait savoir ce qui s'est réellement passé en 1957 et maintenant à Tomsk en 1993. En ce qui concerne l'accident de Kychtym rebaptisé depuis peu "accident de Tchéliabinsk" le livre de Jaurès Medvedev "Désastre Nucléaire en Oural" nous raconte ce qui s'est passé. Par contre pour Tomsk le secret est encore de rigueur!!
     "...Le désastre nucléaire de l'Oural qui s'est produit en 1957 avait contaminé plus d'un milliers de kilomètres carrés dans l'Oural du Sud avec des déchets radioactifs provenant de réacteurs nucléaires et avait causé la mort de plusieurs centaines de personnes. Des milliers de gens avaient été évacués et hospitalisés et une région industriellement développée était devenue en grande partie une zone dangereuse et resterait telle pour les décennies à venir."
     Voilà ce que soutenait J. Medvedev en 1976 envers et contre tous les Etats nucléarisés de la planète. Mais il ne s'agissait pas seulement d'affirmer le fait, il fallait démontrer scientifiquement que le premier désastre nucléaire de la planète avait eu lieu dans l'Oural en 1957 ou 1958, 28 ans avant Tchernobyl. Les sources nombreuses, citées et utilisées dans le présent ouvrage, ne sont pas secrètes. Elles furent publiées dans des périodiques scientifiques de vulgarisation. L'histoire véritable du désastre nucléaire de l'Oural y est consignée, à travers les omissions, les distorsions, les falsifications et anomalies qui apparaissent dans ces mêmes sources. Le résultat de cette investigation est sans appel.
ANNEXES
 
I. Etat comparatif du parc nucléaire au 31.12.1991
pour différents pays industrialisés
       
Nombre de réacteurs en:
 
Nbre de réacteurs
actifs
Puissance installée (MWe)
Part de l'électro-
nucléaire
constr.
commande
projet
Allemagne
21
22.495
32%
0
0
2
Belgique
7
5.500
59,3%
0
0
0
Etats-Unis
112
101.661
21,7%
8
0
0
France
56
56.808
72,7%
5
0
5
Japon
42
33.404
30,5%
11
2
32
Grande-
Bretagne
37
13.524
20%
1
0
1
     Aux USA, 4 des 8 réacteurs en construction ont été différés sine die (les travaux avaient commencé entre 1974 et 1977). Pour les 4 réacteurs encore en construction en 1991, les travaux ont commencé entre 1973 et 1976.
(D'après la compilation du CEA, Les centrales nucléaires dans le monde, 1992)
 
   
Projection en l'an
 
   
2000
2005
 
 
Dernière commande
GWe
Nbre
GWe
Nbre
croissance
jusqu'en
2005
Allemagne
1980
22,6
21
22,2
20
- 1,3%
Belgique
1974
5,5
7
3,8
4
- 31 %
Etats-Unis
1973
104,5
112
104,5
111
+ 3%*
France
1991
67,5
61
69,8
63
+ 23%
Japon
1987
45,5
53
57,8
61
+ 73%
Grande-
Bretagne
1980
10,9
17
10,9
16
- 19%
* Cette valeur passe à -13% si l'on tient compte des réacteurs récemment arrêtés ou dont l'arrêt est prévu et qui n'ont pas été pris en compte dans l'estimation CEA de 1992.

II. Densité des parcs électronucléaires en 1992 et 2005
(valeurs en italique: projection prévue par le CEA)

 
 millions habitants par réacteur
 millions d'habitants par GWé installé
superficie par réacteur (km2
 Allemagne
 3, 8         4,0
 3,6         3,6
17.000     17.850
 Belgique
 1,5         2,5
 1,8         2,6
 4.400     7.600
 Etats-Unis
 2,3        *2,3
 2,5        *2,4
 83.600    *84.350
 France
 1,0         0,9
 1,0         0,8
 9.820     8.730
 Japon
 3,0         2,0
 3,7         2,2
 9.000     6.200
Grande-
Bretagne
1,6          3,6
4,3          5,3
 6.600     15.300
* Valeurs du CEA. Si l'on tient compte des réacteurs arrêtés récemment et prématurément (sans tenir compte de ceux, non programmés qui peuvent survenir) et de ceux qui doivent être arrêtés dans un avenir proche, les estimations deviennent, pour 2005:
     2,6 millions d'habitants par réacteur
     2,7 millions d'habitants par GWe installé
     93.630 km2 par réacteur.
suite:
Programme nucléaire français REP et RNR
Nom de la tranche
Puissance électrique nette
Date de couplage au réseau
I - présérie industrielle
   
Fessenheim 1
880
1977
Fessenheim 2
880
1977
Bugey 2
920
1978
Bugey 3
920
1978
Bugey 4
900
1979
Bugey 5
900
1979
II - série industrielle
900MW
   
CP 1 Tricastin 1
915
1980
Tricastin 2
915
1980
Tricastin 3
915
1981
Tricastin 4
915
1981
Gravelines B1
910
1980
Gravelines B2
910
1980
Gravelines B3
910
1980
Gravelines B4
910
1981
Gravelines C5
910
1984
Gravelines C6
910
1985
Dampierre 1
890
1980
Dampierre 2
890
1980
Dampierre 3
890
1981
Dampierre 4
890
1981
Blayais 1
910
1981
Blayais 2
910
1982
Blayais 3
910
1983
Blayais 4
910
1983
CP 2 St-Laurent B1
880
1981
St-Laurent B2
880
1981
Chinon B1
870
1982
Chinon B2
870
1983
Chinon B3
870
1986
Chinon B4
870
1987
Cruas 1
880
1983
Cruas 2
880
1984
Cruas 3
880
1984
Cruas 4
880
1984
III - série industrielle
1.300MW
   
P 4 Paluel 1
1290
1984
Paluel 2
1290
1984
Paluel 3
1290
1985
Paluel 4
1290
1986
St-Alban 1
1300
1985
St-Alban 2
1300
1986
Flammanville 1
1290
1985
Flammanville 2
1290
1986
Cattenom 1
1265
1986
Cattenom 2
1265
1987
Cattenom 3
1265
1989
Cattenom 4
1265
1991
Belleville 1
1275
1987
Belleville 2
1275
1988
Nogent 1
1275
1987
Nogent 2
1275
1988
Golfech 1
1275
1990
Golfech 2
1275
1993
Penly 1
1290
1989
Penly 2
1290
1991
IV - série industrielle
1.400MW
   
N 4 Chooz B1
1390
1991
Chooz B2
1390
1993
V - filière à neutrons rapides (RNR)
   
Creys-Malville
1200
1986
p.9

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