La G@zette Nucléaire sur le Net!
N°125/126, avril 1993

ET SI ON ABANDONNAIT LE TOUT NUCLEAIRE

Editorial / SOMMAIRE

 
     Bonne nouvelle dans la marée des mauvaises. La Centrale du Carnet (près de St Nazaire) ne pourra être envisagée qu'avec une nouvelle enquête publique. C'est un grand ouf pour l'association qui se démène depuis des années (voir Gazette 17, la centrale s'appelait alors le Pellerin!!!). Cela ne signifie pas qu'il n'y en aura jamais mais ce pourrait être un pas, peut-être, vers une autre politique énergétique.
     Malheureusement Superphénix est, lui, en enquête et ce malgré toutes les réserves de la DSIN et des différents rapports (même celui de Curien qui entrevoit une utilisation des ANA pour les déchets n'est pas vraiment enthousiaste pour SPX). Est-ce à cause de ses réserves que M. Lavérie a été mis dans un placard? Car, évidemment il en avait assez de cette fonction..., il voulait partir... mais pourquoi
juste à l'arrivée de Syrota à la direction des Mines. Il n'y a, bien sûr, aucune corrélation!!
     Un petit jeu, essayez de vous brancher sur 3614 MAGNUC. Ce n'est pas le magazine du siècle et il était plutôt modéré; mais depuis quelques jours (est-ce momentané et arrivé avec les cloches de Pâques...) on a le message "L'accès à ce service est momentanément impossible", Le secrétariat qui assure les mises à jour a découvert ce message grâce à notre coup de fil! Il faut dire qu'on réorganise fermement à la DSIN. EDF et la Cogéma peuvent enfin exercer leur droit de cuissage. Cette DSIN rebelle et arrogante qui osait classer les incidents, les rendait publiques et contraignait à faire des réparations. J'ai peur que la sûreté soit bien malmenée mais prenez garde elle risque de se venger bien vite. 
     Dans le n° 123/124 je me demandais si Libération nous informerait encore du dossier de la DSIN sur SPX. 
     Eh bien j'ai un début de réponse et il ne me plaît pas du tout. En fait y aura-t-il un dossier?
     Superphénix doit redémarrer, clament ses tenants parce qu'il a coûté cher. On a déjà beaucoup donné en faveur de cet argument: La distribution du sang contaminé aux hémophiles et aux polytransfusés s'est continuée sur cette base.
     Je ne souhaite pas aux dirigeants du nucléaire français d'avoir à assumer la même responsabilité. Les Russes ont bien du mal à le faire avec Tchernobyl et Tomsk!
SPX est un réacteur dangereux n'en déplaise à la NERSA. D'ailleurs lors d'un séminaire officiel à Kiev en Septembre 1992 un des points évoqués fut les incidents précurseurs:
     ". ..Deux incidents de ce type ont été présentés au cours du séminaire:
     - pour les neutrons rapides, c'est la perturbation négative de réactivité observée à Phénix et évoquée par M. Natta: bien qu'elle ne soit pas encore expliquée, elle a conduit à une reprise de l'analyse de sûreté de Superphénix;
     - pour les REP, c'est une dilution intempestive survenue au Blayais qui a été évoquée par la délégation française; sans réelle conséquence pour la sûreté, elle n'en a pas moins sensibilisé tous les exploitants aux risques de dilution." (P. Tanguy, RGN N°6,1992)
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     Vous avez dit inexpliqué. Le problème de Phénix n'a toujours pas de solutions donc Superphénix doit rester fermé. Il est vrai que, comme toujours, nous n'avons pas la même analyse que Tanguy. Son propos est toujours: incident sans conséquence mais sensibilisant aux problèmes de sûreté, le nôtre est au
contraire que chaque incident a une conséquence pour la sûreté et doit être analysé dans cette optique. Sinon on croit toujours que l'accident est impossible.
          Cependant 1993 est l'année des mauvais présages: 14 ans après TMI et 7 ans après Tchernobyl, la série des T (Three Mile Island, Tchernobyl) va-t-elle se terminer avec Tomsk? Triscatin peut-il s'endormir? Il ne faut jurer de rien!! Et après tout une nouvelle série peut redémarrer tout de suite et sur n'importe quelle lettre?
     Les dernières semaines ont été fertiles en incidents et nominations diverses. EDF en dépit des assurances de son Inspecteur Général joue avec le feu et les hommes. Certes il a été érigé en dogme que l'accident était exclu mais l'aviation qui a les mêmes dogmes vient de payer fort cher (et les passagers avec) cet attachement immodéré à des critères faux. Les attaches des réacteurs de Boeing étaient sûres à 100%: résultat 3 crashes au moins et sur environ 700 inspections, 500 attaches de réacteurs avec des cracks dont 14 à la limite de la rupture!!
     La métallurgie reste un point faible. L'évaluation de l'accident aussi. Il reste que la prévention est finalement le seul moyen de faire progresser la sûreté mais elle coûte cher.
     Entre les kW vendus ou les km parcourus et le temps d'inspection le choix est vite fait.
     Le seul point en faveur de la sûreté est le coût de l'installation. C'est pour cela que les réacteurs sont chouchoutés. Les avions qui s'écrasent sont souvent amortis alors... qu'est-ce que la vie humaine dans ce bilan.
     On craignait les centrales ex-soviétiques, les aires d'essais, les mines et autres petits tas atomiques. On croyait qu'ils désarmaient et vendaient au plus offrant leurs armes (y compris nucléaires). Eh bien la réalité est encore pire: ils vendent certes les armes obsolètes (dangereuses quand même) mais en plus ils continuent à en fabriquer de plus modernes; sinon pourquoi continuer à retraiter pour avoir du plutonium militaire? Ils ont oublié que ce type d'installations ne peut pas
fonctionner sans un minimum de sûreté et nous avons gagné un nouveau territoire contaminé et un nouveau nuage. Ne vous illusionnez pas, il est peu radioactif parce qu'il contient principalement des produits émetteurs alpha, les plus dangereux à long terme...
     Quant à nous outre Superphénix, les fissures et les déchets, on vient de gagner comme superviseur des inspecteurs à la sûreté le PDG de Cogéma. La France n'a toujours pas compris la nécessité de séparer les genres. Il n'est pas possible d'être à la fois l'exploitant ET le surveillant des exploitation.
     C'est déjà insolite que le même organisme public participe à la constitution du dossier définissant les critères de fonctionnement d'une installation et ensuite analyse le même dossier en vue de délivrer l'autorisation de démarrage de la dite installation. Mais là c'est mieux: le PDG d'une entreprise privée (certes filiale à 100% du CEA) va choisir les garants de la sûreté.
(suite
suite:
Cela fait penser aux combats de catch dont le vainqueur est préalablement déclaré en préfecture. De notre côté, bien sûr on va avoir de beaux combats à mener mais il ne faudra plus compter sur l'arbitrage des pouvoirs publics. Le problème est: que vont devenir le stockage des déchets, les rejets des mines, la sécurité des populations et autres dossiers brûlants type retraitement, Mélox ou les seuils d'exemption?
     On cite toujours les commissions d'information sur les sites nucléaires et en particulier celle de la Hague. Les nouvelles qu'on vient de recevoir laissent un goût amer: cette commission devait chaque année pleurer pour ses crédits (en partie accordés par la Cogéma). Il se pourrait qu'elle publie son annonce de mort; du moins est-ce le sens de la lettre que les membres de la commission ont reçu (voir chapitre la Hague).
     Quant au CSSIN Lavérie en partant a fait parvenir un avis de réunion pour le 6 mai, sauf que le lieu et l'ordre du jour étaient absents et le sont toujours. On va bien voir.
     L'IPSN s'est payée une jolie table ronde sur Nucléaire et Environnement aux journées de Strasbourg. On y a beaucoup parlé d'information et laboratoires indépendants (hors leur présence bien sûr). Il y avait tout juste 3 intrus, tous les autres étaient CEA, EDF ou industries nucléaires, même l'auditoire était du sérail. Il faut dire que les prix d'entrée sont dissuassifs. C'est la façon la meilleure de parler d'information, vous n'invitez aucun des intéressés et c'est alors sans surprise. Bien sûr il y a quelques couacs quand on rappelle Saint Aubin et la CRII-rad, la Cogéma, l'Andra et les mesures de l'ACRO dans la Sainte Hélène, les sites de mines. Mais il n'y avait pas trop de témoins, alors ça se digère. 
     Tout va bien comme vous pouvez le constater. On a même eu la confirmation de ce qu'on avait annoncé dans la Gazette N°7, l'Afrique du Sud possède la bombe. Finalement on est forcé de se dire qu'on est toujours en dessous de la vérité et ça fait peur.
     Bonne lecture.
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ERRATUM

     Dans la Gazette N° 123/124 s'est glissée une erreur dans le rapport Curien page 12, §3.3.3. Il faut lire: 1 ANA pour 2 à 4 REP. (sera corrigé sur le web)
     Il y a d'autres erreurs mais le lecteur aura rectifié de lui même par exemple STRAUSS-KAHN s'écrit sans K supplémentaires à la fin. (idem)

p.2
DERNIERE TROUVAILLE D'EDF
LA CAMPAGNE 100.000 SIGNATURES DES AGENTS EDF EN FAVEUR DE SUPERPHENIX

     On est jamais si bien servi que par soi même. EDF craignant les réactions d'une population qui n'a pas envie de servir de cobayes, vient d'envoyer à ses agents une injonction à écrire au commissaire enquêteur. EDF fournit gratuitement l'argumentaire:
- centrale sûre
- économiquement rentable
- retour d'expérience pour d'autres RNR
- multi-possibilité, surgénérateur, sousgénérateur et incinérateur
- maintenir l'avance face au Japon
- pôle économique de la région Rhône-Alpes
     Et comble d'horreur en 1974 il n'y avait eu qu'1 avis favorable face à plus de 600 défavorables.
     L'unique problème de ce plaidoyer pro-domo c'est qu'en général on évite de demander au bâtisseur son avis et de participer à une enquête. On sait bien qu'une enquête sert à choisir la couleur des géraniums mais quand même de là à l'écrire!!
     On va pouvoir attaquer en nullité un tel procédé. Il faudra refaire l'enquête c'est toujours ça de gagné.

Nota Bene (note à benêt):
     On peut suggérer à EDF de centraliser ces pétitions dans ses services. Cela faciliterait l'attribution des primes modulables...

"TCHERNOBYL UNE CATASTROPHE"
Bella et Roger Belbéoch
disponible pour 125 FF, Editions ALLIA, 16 rue de Charlemagne 75004 Paris

     Sept ans après Tchernobyl, un point sur la situation, un point critique aussi bien sur le rôle des experts que sur les conséquences à long terme de cet accident. Vous ne regretterez pas la lecture de ce bilan et de ce réquisitoire: le nucléaire n'est pas gérable.

SOMMAIRE

EDITO
Et si on abandonnait le nucléaire: sortir du nucléaire
L'énergie dans la cité
La technique, le talon d'Achile d'EDF: la cuve du réacteur; les lignes de vapeur principales; Paluel
Commission d'Information de La Hague: menace sur son existence; extrait du dernier compte-rendu à propos de Tchernobyl; courrier des lecteurs

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