EDITORIAL / SOMMAIRE
Une des bizarreries des élections
de mars 78, c'est le peu de place occupé par les problèmes
énergétiques dans la campagne des partis qui briguaient le
pouvoir. Les questions que nous posions dans notre quatorzième numéro
n'ont pas été entendues par les candidats. Il faudra pourtant
que les élus finissent par les écouter. Le problème
nucléaire a en effet traversé toute cette période
en sous-marin et reste entier; il nous faut donc continuer notre travail
de clarification et d'information. C'est pourquoi nous consacrons
ce numéro à l'étude particulière d'un site,
le Pellerin, à la fois parce qu il permet de dénoncer les
manoeuvres développées par les autorités, et également
parce que ce site provoque un conflit grave au sein de la technocratie
en place.
Mars 1978, c'est aussi le mois de l'échouage sur les côtes de Bretagne d'un pétrolier de 220.000 tonnes (Amoco Cadiz) et la libération de toute sa cargaison dans la mer. Cette catastrophe dont la gravité n'est pas connue, interroge chacun de nous sur le développement des technologies bien au-delà du transport des hydrocarbures. On ne peut se contenter des explications factuelles sur les fautes de pilotage, sur l'invraisemblable marchandage à propos du remorquage, sur la nécessité de la double coque ou de la double barre... Il faut aller plus avant dans la réflexion et en particulier sur ce qu'il est convenu d'appeler l'effet de taille. La gravité du naufrage est fonction directement d'un certain nombre de caractéristiques qui ne sont pas spécifiques du transport du pétrole pas plus que de l'Amoco-Cadiz: - taille des unités: 220.000 tonnes dans le cas présent, mais d'ores et déjà circulent des pétroliers de tonnage plus de deux fois plus importants. - défaillance technique: aussi sophistiqués que soient les systèmes de sécurité, leur défaillance est toujours possible. A ce propos quel taux de probabilité accordait-on à l'accident qui s'est produit? - faute humaine: qui s'accroît de façon sensible lorsque la technique, d'abord considérée comme de «pointe», se banalise parce qu'elle se répand et que le souci de rentabilité prime. - économie avant tout: on limite les systèmes de sécurité qui coûtent cher et qui compromettent la rentabilité, on choisit le risque dans l'espoir du gain. - contrôle par la collectivité: difficile et qu'on limite le plus possible. - impuissance en cas d'accident: non seulement faiblesse dérisoire des moyens de luttes mais également inexistence de solutions techniques. |
Il apparaît ainsi que les caractéristiques
relevées s'appliquent également à la machinerie nucléaire
actuellement en construction en France. Ce qui montre d'ailleurs que le
débat n'est pas entre pétrole et nucléaire, mais quelle
énergie, pour quoi faire?
On ne peut être qu'effaré lorsqu'on lit dans un journal du soir, dont la grandeur s'exprime surtout dans les titres de sa «une»: «Les Super-Tankers devraient rendre les transports pétroliers moins dangereux»... C'est le même raisonnement qui «justifie» le passage à 1.300 MWe en PWR et à 1.200 puis 1.800 MWe en «rapide». Quelques informatibns pour terminer: - dans la Gazette 8/9, nous écrivions, page 11: «La logique du programme de développement forcené de l'énergie nucléaire conduit les pouvoirs publics à faire des impasses, à griller des étapes. Tout se passe comme si on voulait rendre le choix du «tout nucléaire» irréversible (avant l'arrivée de la gauçhe au pouvoir?). L'opposition à la construction de Superphénix se développe-t-elle? On essaie de la prendre de vitesse. "Nous ressentons de la manière la plus nette que la meilleure façon de contrecarrer la contestation se développant au plan local et national est d'engager au plus vite, de manière irréversible, l'opération et de rendre publique cette décision" (Marcel Boiteux, septembre 1976 - Information «provenant» de la Nersa). Nous devons faire amende honorable: les propos rapportés ont bien été dits... Ce n'était pas par Monsieur Boiteux, mais par un responsable de la Nersa. - Nous espérons que M. Papon, nouveau ministre du budget, se souviendra du rapport de la commission des finances, dont il était rapporteur dans la précé dente législature. Nous rappelons que nous avons publié l'annexe 23 de ce rapport consacré au problème énergétique dans notre Gazette 15/16. - Nous conseillons à nos lecteurs de se procurer, au 123 rue de Lille, 75009 Paris, la plaquette du R.P.R. rédigée par André Turcat (pilote d'essai du Concorde) et Alain Devaquet (nouveau secrétaire général du RPR) et intitulée «Le RPR propose: l'énergie - la sécurité par l'innovation». La lecture en est particulièrement réjouissante... - Une autre brochure amusante est celle publiée par les Relations Extérieures et Informations des Sociétés Shell de France, intitulée: «A propos de l'Amoco Cadiz» (23 rue de Berry, 75380 Paris Cedex 08). p.1
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