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N°129/130
Le projet

"Durée de vie des centrales nucléaires"

     Certains pensent, en France, que la durée de vie des réacteurs est limitée à 25 ans. Pourtant, lors de la conception des REP, cette durée avait été estimée à environ quarante ans. Qu'en-est-il aujourd'hui des perspectives EDF alors que les problèmes métallurgiques s'accumulent (couvercles de cuve, tronçons protégés, générateurs de vapeur, etc...)? Nous vous présentons un extrait de la communication de R. Godin au symposium organisé à Paris en 1991 par Framatome sur les projets "Durée de vie des tranches à eau pressurisée".
     Il y avait précisé:
     "Dès à présent il s'avère - sans pour autant faire preuve d'un optimisme démesuré - que les tranches 900 MWé devraient pouvoir assurer dans de très bonnes conditions de sûreté, de fiabilité et d'économie, une durée de service de 40 ans. Il en sera vraisemblablement de même pour les tranches 1.300 MWé. Les réflexions sont en cours.
     Nous complétons ce dossier par un rapport de l'IPSN sur le vieillissement des centrales REP.


Symposium 3N - 1991 - 7/10 octobre 1991 (Paris, CNIT - La Défense)
Le projet durée de vie des tranches REP d'Electricité de France
Raymond Godin (EDF)
Service de la production thermique
I. Introduction
     Electricité de France a engagé, dès 1985, un important programme de recherche et de développement dans le cadre d'un projet durée de vie de ses tranches nucléaires de la filière à eau pressurisée (R.E.P.).
     La finalité des études entreprises peut être succinctement résumée de la façon suivante:
     - comprendre et maîtriser les phénomènes liés au vieillissement (aspect sûreté)
     - définir, avec une marge d'incertitude aussi faible que possible, les dates de fin de vie des tranches REP dont les premières ont été mises en service il y a plus de 12 ans (fin de vie ''raisonnable'').
     - proposer aux Directions de l'Entreprise EDF des scénaris relatifs aux programmes de renouvellement d'équipements qu'il conviendra de prévoir en temps utile pour assurer la relève aux meilleures conditions de sûreté et de coût d'un parc REP dès lors vieillissant.
     L'objectif est d'autant plus ambitieux que l'âge moyen de ces installations (un peu plus de 7 ans pour l'ensemble du parc) est bien éloigné de la période critique au-delà de laquelle l'acharnement thérapeutique serait inconvenant (40 ans, voire plus).
     En un mot, ces installations sont jeunes et le projet durée de vie a la prétention, selon certains, de définir scientifiquement dès à présent les dates probables du trépas.
     L'enjeu est d'importance, en témoignent les quelques chiffres suivants:
     - 34 tranches de 900 MW ont été mises en service entre 1978 et 1988 (Fessenheim 1 - Chinon B4).
     - soit 30.650MW en 10 ans.
     - 17 tranches de 1.300 MW ont été mises en service entre 1985 et 1990 (Paluel 1 - Cattenom 3).
     - soit 22.430MW en 5 ans.
     - La puissance REP installée (53.080 MW) représente 76% de la puissance installée au Service de la Production Thermique et la production (290 TWh) 90% de la production d'origine thermique.
     Cette production représente, au niveau France, 72,5% du total produit (400 TWh).
     Enfin, selon les hypothèses retenues quant à la durée de vie probable d'une part et à l'évolution des besoins de production d'autre part, le programme de renouvellement du parc (schématiquemçnt représenté sur la figure n°1) peut varier de:
suite:
     - 1.800MW par an entre les années 2010 et 2040 (hypothèse de durée de vie: 30 à 50 ans).
     - à 5.000MW par an entre les années 2010 et 2020 (hypothèse de durée de vie: 30 ans).
     Est-il besoin de rappeler par ailleurs le rôle prépondérant que joue la composante économique dans une telle approche, notamment les facteurs suivants qui la concernent:
     - disponibilité des tranches "vieillissantes"
     - dépenses de maintenance exceptionnelle (y compris le remplacement de certains matériels) liée au phénomène de vieillissement
     - coûts d'une éventuelle remise à niveau de sûreté (suite à évolution des concepts)
     - surcoût de combustibles de substitution liés aux arrêts nécessaires à l'exécution des travaux.
     Le projet durée de vie d'EDF est, je le rappelle, ambitieux. Les quelques données précédentes montrent à l'évidence l'importance de l'approche pour le devenir du parc de production au début du 21e siècle.
     Quelles sont les grandes lignes de cette approche?

II. L'approche du projet
     Toutes les Directions et Services de l'Entreprise concernés par cette approche (Service de la Production Thermique, Direction de l'Equipement - Direction des Etudes et Recherches - Etudes Economiques Générales) ont été associés afin de couvrir de façon exhaustive les aspects technique, sûreté, coûts.
     Les compétences de nos constructeurs ont été bien évidemment sollicitées.
     Les différentes phases de l'approche peuvent être résumées comme suit:
     - sélection des principaux composants concernés (17)
     - établissement, pour chacun d'eux, d'un "bilan de santé" (exploitation du retour d'expérience).
     - définition des études complémentaires nécessaires à la compréhension, au suivi et voire à la maîtrise des phénomènes liés au vieillissement (46 actions ont été engagées).
     - étude de l'influence des conditions d'exploitation sur le vieillissement, plus particulièrement en terme de consommation du potentiel de durée de vie (surveillance en fatigue de la chaudière).

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Parc REP EDF
Influence de la durée de vie

figure n°1
     - étude de l'impact du vieillissement sur la sûreté (évaluation et suivi de la fiabilité des matériels et des systèmes). Cette dernière étude est étendue à tous les matériels importants pour la sûreté.
     Les réévaluations de sûreté des tranches permettant de juger de leur conformité aux dispositions de sûreté en vigueur prennent toute leur importance dans ce contexte. A cet égard la comparaison permanente entre les résultats d'études de vieillissement et les constats effectués sur les matériels est impérative. C'est à partir de cette comparaison que peuvent être initiées des études complémentaires et que doivent être adaptés les programmes de surveillance en service.
     - étude de l'impact des évolutions éventuelles de la doctrine de sûreté sur le projet.
     - élaboration des informations nécessaires aux économistes
     - précisions sur la durée de vie probable des composants
     - inventaire des travaux lourds à prévoir
     - évolution probable des coûts de maintenance dite exceptionnelle.
     A cet effet, outre les réflexions engagées sur les 17 composants précédemment mentionnés, une étude sur l'évolution probable des coûts de maintenance à moyen terme de 22 matériels importants a été réalisée.
     Il s'agit, pour ces matériels, de rénovations ou de remplacements probables suite à des dégradations liées aux conditions de service ou à une évolution des concepts de sûreté.
     - étude "transverse" par type de dommage (érosion - corrosion - corrosion sous tension - fatigue, etc.) qui permet d'appréhender les phénomènes non spécifiques d'un matériel.
     L'organisation du projet est conçue pour permettre d'élaborer, chaque année, un bilan "durée de vie" aussi précis que possible.
III. Avancement du projet - Perspectives
     Toutes les actions complémentaires mentionnées précédemment sont bien engagées.
     La plupart d'entre elles verront leur aboutissement avant la fin de cette année, le.solde devant être traité courant 1992.
     Dès à présent il s'avère - sans pour autant faire preuve d'un optimisme démesuré - que les tranches de 900 MW devraient pouvoir assurer dans de très bonnes conditions de sûreté, de fiabilité et d'économie une durée de service de 40 ans. Il en sera vraisemblablement de même pour les tranches de 1.300MW (les réflexions sont en cours).
     Parmi les travaux de maintenance exceptionnelle dont il a été fait mention précédemment, rappelons pour mémoire le remplacement des générateurs de vapeur de Dampierre 1 qui s'est effectué avec succès.
     Les informations encourageantes recueillies à ce jour nous incitent à engager des réflexions complémentaires sur le thème de la prolongation de la durée de vie au-delà de la durée de conception.
     L'approche est complexe à maints égards et en particulier les évolutions des concepts de sûreté ne seront-elles pas de nature à induire des coûts de "remise a niveau économiquement insupportables?
     L'enjeu est d'importance. Une telle possibilité permettrait, entre autres raisons, de moduler le programme de renouvellement du parc.
     Le projet durée de vie, de par son ampleur, implique de nombreux acteurs. Un comité directeur composé de représentants de différentes directions d'Electricité de France a la charge de mener à terme ce projet. Il lui revient d'assurer la cohérence d'ensemble et d'être l'interlocuteur des organismes extérieurs français ou étrangers concernés par ce domaine.
     Il va de soi que sûreté et durée de vie sont indissociables. Nous nous devons de solliciter périodiquement l'avis de nos Autorités de Sûreté sur les orientations techniques envisagées, ce qui est le cas. Gageons qu'il nous sera possible, sous deux ans, de présenter à notre Direction Générale quelques stratégies qu'il conviendra bien évidemment de réactualiser au vu du retour d'expérience.
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Le vieillissement des centrales nucléaires REP
Actions menées par l'IPSN
I. Rappels
1.1. Généralités sur le vieillissement
     Le dictionnaire Robert définit le vieillissement par "l'ensemble des phénomènes qui caractérisent l'affaiblissement de la vitalité et l'évolution de l'organisme vers la mort".
     Pour les centrales nucléaires, il n'existe pas de définition reconnue. Electric Power Research Institute (EPRI) a récemment tenté dans un glossaire[1] d'une vingtaine de pages de préciser la notion de vieillissement et la terminologie associée qui ne comporte pas moins de 113 termes et commentaires.
     Sans entrer dans les détails, on peut dire que le vieillissement des systèmes, des composants et des structures des centrales nucléaires est caractérisé par une modification de leurs propriétés physiques et/ou mécaniques sous les effets combinés du temps et des actions du milieu environnant. Sans conduire forcément à leur ruine, ces altérations accroissent les risques de défaut de fonctionnement ou de destruction.
     En règle générale, dans un premier temps les actions de maintenance courante suffisent à maintenir la fiabilité des matériels et des systèmes proche de sa valeur initiale puis les dégradations s'accélèrent et on entre dans la période de vieillissement proprement dit.
     Une conception correcte doit tenir compte des effets possibles de vieillissement, soit en choisissant des matériaux et des produits qui, associés aux conditions d'utilisation, ne subiront que des altérations négligeables, soit en retenant pour le dimensionnement des matériels et systèmes les propriétés les plus défavorables, obtenues ou évaluées après vieillissement sur une durée correspondant à la durée de fonctionnement prévue avec des marges de sécurité suffisantes.
     De plus, les moyens nécessaires doivent être mis en oeuvre pour suivre en exploitation les évolutions des propriétés des matériaux et les performances des matériels et systèmes. La réglementation du circuit primaire principal des chaudières nucléaires à eau[2], par exemple, demande à l'exploitant de "mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour connaître l'évolution, en exploitation, des principales propriétés des matériaux constitutifs de l'appareil".

1.2. Etat du parc français des réacteurs à eau sous pression (REP)
     Au 1er janvier 1993 l'âge moyen des tranches REP de 900 MWe est de 11,1 ans, celui des tranches de 1.300 MWe de 5,2 ans. Le parc français est donc relativement jeune compte tenu de la durée de vie de 40 ans retenue pour la conception.
     Il faut noter cependant qu'actuellement, lors de réunions ou congrès nationaux ou internationaux, de nombreux cas de défaillances de matériels ou de systèmes sont imputés au vieillissement, alors qu'il s'agit en réalité d'erreurs de conception ou de fabrication. On parle alors de vieillissement prématuré. C'est ainsi qu'en France la fissuration des adaptateurs de couvercle de cuve est une conséquence claire de la sensibilité de l'inconel 600 à la corrosion sous tension dans l'eau qui est connue depuis 1959[3].

suite:
II. Prise en compte du vieillissement à la conception
     Comme il a éte dit plus haut, des altérations préjudiciables à la sûreté ne sont pas à craindre si les phénomènes liés au vieillissement ont été correctement estimés et pris en compte à la conception et si les conditions d'exploitation et d'environnement sont conformes aux prévisions[4].
     Cet objectif peut être atteint si la conception s'appuie sur des pratiques dont la valeur a été démontrée par des essais ou par l'expérience et qui trouvent leur expression dans des codes, normes ou règles reconnus et approuvés[5].
     On s'attachera, par exemple, à utiliser des matériaux ou des matériels pour lesquels on dispose de références d'emploi dans des conditions analogues et pour des utilisations de sévérité équivalente.
     En dépit de ces précautions, la prévision des effets du vieillissement peut présenter des incertitudes ou des lacunes. Le retour d'expérience n'est jamais complètement représentatif et s'il est fait appel à des essais, leur durée dépasse rarement quelques années. Il faut alors avoir recours à des extrapolations parfois hasardeuses.
     Certes, les essais de vieillissement peuvent être accélérés en augmentant les sollicitations (température, contraintes, débit de dose, nombre de manoeuvres...). Très pratiques lorsque les équivalences entre l'amplitude des sollicitations et le temps sont parfaitement définies, ces essais risquent de modifier le mécanisme responsable du vieillissement et de conduire ainsi à des conclusions erronées.
     Enfin, il existe parfois des phénomènes de synergie entre les différents paramètres du vieillissement qu'il est difficile de reproduire dans des essais accélérés.

III. Quelques exemples de mécanismes de vieillissement
III.1. Les matériaux métalliques
III.1.1. Vieillissement thermique
     Pour les matériaux métalliques, leur microstructure peut être éloignée de celle qu'ils auraient à l'équilibre thermodynamique et cette microstructure est susceptible d'évoluer au cours du temps sous l'effet de la température. On parle alors de "vieillissement thermique", qui s'accompagne généralement d'un durcissement et donc d'une fragilisation, qui augmente les risques de rupture brutale.
     Un cas exemplaire concerne les aciers austénoferritiques moulés utilisés pour la réalisation des tuyauteries du circuit primaire des REP qui sont connus pour avoir à chaud une résilience qui diminue dans le temps. Bien que la fragilisation soit extrêmement lente à la température d'utilisation dans les REP (autour de 300°C), on s'est avisé, il y a une dizaine d'années, que cette fragilisation pouvait avoir au bout de 40 ans, voire même avant, des conséquences fâcheuses.
     En effet l'évolution structurale des aciers austénoferritiques moulés se traduit essentiellement par l'apparition dans la ferrite de précipités, de structures, de compositions, de densités et de tailles diverses, uniquement observables à l'aide de techniques très sophistiquées, pouvant conduire à des résiliences très faibles.
     Ce problème fait l'objet actuellement de nombreuses études, notamment à EDF où le remplacement, à moyen terme, de certains coudes chauds du circuit primaire particulièrement sensibles est sérieusement envisagé. A plus court terme, il est prévu de prélever un coude à l'occasion d'un changement de générateur de vapeur pour apprécier l'importance de la fragilisation.

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III.1.2. Vieillissement sous irradiation neutronique
     L'irradiation neutronique, à partir de valeurs de flux intégrés supérieures à quelques 1018 neutrons/cm2 d'énergie supérieure à 1 Mev, provoque une dégradation de la résilience des aciers utilisés pour la construction des cuves des REP et un déplacement du domaine de transition fragile-ductile.
     Schématiquement, cette fragilisation est essentiellement due aux modifications des structures liées, d'une part à la création de défauts dans le réseau cristallin (lacunes et défauts interstitiels), d'autre part à la précipitation de fines particules, notamment de cuivre, élément qui constitue une impureté de l'acier de cuve.
     En 1973, lors du lancement du programme électronucléaire français, compte tenu des données alors disponibles, la composition chimique de l'acier des cuves a été ajustée pour limiter les effet de l'irradiation neutronique et les teneurs en cuivre et en phosphore ont été limitées pour les viroles de la cuve situées au droit du coeur. En l'absence de résultats du constructeur, I'IPSN (ou plutôt son équivalent de l'époque) avait fait réaliser des irradiations accélérées dans le réacteur Triton du CEA, sur des échantillons prélevés lors de la réalisation des cuves des tranches de Fessenheim et Bugey, pour vérifier le bien fondé des choix effectués et fournir ainsi les premières estimations quantitatives des fragilisations attendues enfin de vie.
     Depuis cette date, de nombreuses études et investigations ont été menées en France et à l'étranger pour préciser l'influence des divers paramètres d'irradiation tels que la température, le flux, la composition chimique, les ségrégations et, par ailleurs, le développement de techniques d'observation performantes a permis de mieux comprendre les mécanismes de fragilisation.

III.2. Les polymères
     Les polymères sont principalement utilisés pour le gainage et l'isolation des câbles électriques. On emploie le plus souvent du polyéthylène ou un copolymère éthylène-propylène pour l'isolation, du polyéthylène, de l'hypalon et du chlorure de polyvinyle pour le gainage.
     Dans les enceintes de confinement des tranches REP, ces polymères sont exposés en fonctionnement normal aux rayonnements g, et en plus faible proportion, aux rayonnements b et aux neutrons. Ces rayonnements provoquent des réactions de réticulation ou de dégradation qui modifient sensiblement les propriétés mécaniques et électriques des polymères.
     Il est bien entendu capital de pouvoir évaluer la durée de vie de ces polymères et une réponse rapide ne peut être obtenue qu'avec des essais accélérés; or, les conditions d'accélération, qui sont fonction de la dose, du débit de dose et de l'ambiance d'irradiation, ne sont pas bien connues.
     Une évaluation précise passe donc, soit par des essais de longue durée, soit par une meilleure connaissance des mécanismes d'altération qui permette d'effectuer des extrapolations sûres à partir des résultats d'essais accélérés.

IV. Actions d'EDF dans le domaine du vieillissement (Projet Durée de Vie)
     L'enrichissement des connaissances en matière de vieillissement des tranches REP nécessite:
     - une exploitation systématique du retour d'expérience national et international,
     - un programme d'investigations sur les tranches en service,
     - des actions de Recherche et Développement nécessaires à la comparaison des phénomènes de vieillissement et à la définition des mesures propres à les maîtriser ou les gérer.
     Bien que le parc soit encore relativement jeune (cf. paragraphe 1.2), l'exploitant EDF a mis en place une structure de projet dénommée Projet Durée de Vie (PDV)[6] dont les objectifs peuvent être résumés comme suit:
     · améliorer la connaissance des mécanismes du vieillissement des matériaux et des matériels, ainsi que de leur cinétique d'évolution; pour cela, suivre les études engagées à EDF et proposer si nécessaire des compléments d'actions,

suite:
     · prendre en compte les résultats de ces études, le retour d'expérience, les données économiques et les contraintes du réseau pour procéder à une évaluation du potentiel de durée de vie compatible avec le maintien du parc au niveau de sûreté requis,
     · faire bénéficier toutes les tranches futures des enseignements dégagés.
     Ces objectifs ont conduit EDF à définir le programme de travail à moyen terme suivant:
     1991 à 1993: Réactualisation des "rapports de constat" (bilan de l'état de santé des matériels et des actions de Recherche et Développement engagées).
     Propositions d'actions complémentaires éventuelles.
     1993 à 1995: Evaluation des potentiels de durée de vie des tranches (méthodologie préalable à définir).
     Le programme EDF s'articule autour de trois thèmes, à savoir:

1) Une approche par composants sensibles
     EDF a considéré comme composants sensibles ceux pour lesquels de gros travaux de remise en état pouvant aller jusqu'au remplacement, ne peuvent pas s'inscrire dans le cadre normal des programmes d'entretien, en raison de leur coût excessif ou de la durée de l'indisponibilité qu'ils pourraient entraîner.
     Par ailleurs, un examen plus large portant sur 40 composants complémentaires a également été retenu. Sur les 40 composants, 14 concernent la sûreté.

2) Une approche transverse
     EDF a sélectionné sept études qui ne sont pas spécifiques d'un matériel, mais qui visent plutôt à prévenir un certain nombre de dommages.

3) Des expertises de matériels déclassés
    Deux sujets sont retenus actuellement:
     - l'expertise d'un des générateurs de vapeur déposés de la tranche de Dampierre 1,
     - l'expertise de matériels de la centrale nucléaire des Ardennes (Chooz A) mise à l'arrêt définitif en 1991.

V. Actions de l'IPSN dans le domaine du vieillissement
     S'il appartient bien entendu à EDF de mener les programmes de grande ampleur nécessaires pour interpréter et maîtriser les problèmes de vieillissement, des travaux de l'IPSN dans ce domaine sont nécessaires pour lui permettre de conforter son expertise, soit en vérifiant par sondage et en approfondissant certains résultats obtenus par EDF, soit en menant des études d'investigations ou de faisabilité de méthodes pour en montrer l'intérêt pour la sûreté.
V. 1. Actions en cours[7]
     Jusqu'à présent, sur le thème du vieillissement, I'IPSN a essentiellement mené des actions dans trois domaines:

a) Les matériaux métalliques du circuit primaire des REP
     Les études portent sur la fragilisation des matériaux de la cuve et des structures internes, le vieillissement thermique des aciers inoxydables austénoferritiques (coudes moulés et corps des pompes du circuit primaire), et le vieillissement des liaisons bimétalliques. Les études sont en cours.

b) Les matériaux à base de polymères utilisés dans les matériels électriques
     Les études concernent l'effet du débit de dose d'irradiation sur l'hypalon et l'éthylène-propylène (EPR), utilisés respectivement comme gaine et isolant dans la fabrication des câbles électriques, et l'effet du débit de dose d'irradiation et de la température sur les câbles électriques (programme VEILLE mené en coopération avec l'US-NRC sur différents types de câbles français et américains).Ce programme se termine en 1994; les premiers résultats montrent une bonne tenue des câbles français au vieillissement.

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c) Les peintures et revêtements mis en place à l'intérieur de l'enceinte de confinement des centrales nucléaires
     Des essais de comportement aux conditions régnant dans l'enceinte de confinement en cas d'accident (après vieillisse-ment) de quatre produits utilisés pour l'amélioration de l'étanchéité des enceintes ou comme revêtement de sols ont été effectués. Le programme est terminé et il a notamment montré que la tenue du revêtement à base de polyuréthane n'était pas satisfaisante.
     Ces actions méritent d'être poursuivies à un niveau au moins égal au niveau actuel ; à ce sujet, dans l'optique des réacteurs du futur, l'IPSN envisage d'étudier prochainement le vieillissement de composants électroniques et optiques durcis sous de faibles débits de doses. Il apparaît également souhaitable que soient développées des méthodes de surveillance in sîtu de la dégradation des caractéristiques fonctionnelles des câbles électriques.

V.2. Actions récentes ou envisagées
a) Les contrôles en service
     Le retour d'expérience récent montre, s'il en était encore besoin, l'importance des contrôles non destructifs pour apprécier l'ampleur des défauts dans les tuyauteries et les équipements et suivre leur évolution dans le temps. L'IPSN; mène de puis plusieurs années des travaux dans ce domaine, qui ont permis des progrès substantiels dans le domaine des c;1pteurs (ultrasons focalisés et sonde à courants de Foucault) ; par ailleurs, l'IPSN participe au programme PISC de l'OÇDE donti'objectif est d'évaluer les performances de différentes méthodes de contrôles non destructifs ultrasonores et par courants de Foucault. Il paraît nécessaire de progresser sur ce sûjet, aussi bien dans le but de qualifier les méthodes actuellement dispombles, que pour mettre au point des méthodes nouvelles, où encore pour adapter des méthodes existantes à de nouvelles applications afin de mieux apprécier la nocivité des défauts détectés.
     Dans ce domaine, un programme dont le Comité Scientifique a été informé, visant à développer deux capteurs l'un utilisant des ultrasons, l'autre les courants de Foucault, a été démarré en 1993 en liaison avec le Département de Technologie des Matériaux du CEA. Bien entendu, il s'agit d'études de démonstration et non de développements industriels : les études visent donc la réalisation d'un prototype pour chacun des deux capteurs (dossier 1).

b) Les expertises de matériels déclassés
     On dispose - ou on va disposer prochainement - en France, de réacteurs mis à l'arrêt définitif qui peuvent être dés sources d'enseignements très précieux concemant le vieillissement des matériels et des n'ateriaux. Jusqu a présent, les réacteurs mis à l'arrêt définitif appartenaient à des filières devenues obsolètes encore que des enseignements aient pu être tirés de l'expertise de câbles électriques et de composants électroniques de la centrale des Monts d'Arrée. Aujourd'hui, il s'agit de la centrale nucléaire des Ardennes, du sous-marin Le Redoutable et du Prototype à Terre; de plus, on dispose d'ores et déjà des générateurs de vapeur déposés de la tranche de Darnpierre 1 (et bientôt de ceux de la tranche de Bugey 5) après environ 10 ans de fonctionnement.
     EDF réfléchit actuellement au programme qu'il mènera et financera pour les expertises de matériels et matériaux de la centrale nucléaire des Ardennes. L'IPSN devrait de son côté participer au financement d'expertises qui l'intéressent plus particulièrement, de façon à définir in fine un programme complet co-financé (dossier 2). Des discussions ont donc été entreprises avec EDF et la même démarche est amorcée avec Technicatome pour Le Redoutable et le Prototype à Terre.

suite:
c) Le béton
     Depuis de nombreuses années, I'IPSN a développé en liaison avec le Département de Mécanique et de Technologie du CEA des outils de calculs indépendants de ceux de l'exploitant et du constructeur pour analyser le comportement mécanique des structures de génie civil en béton armé et en béton précontraint. Ces outils ne sont pas adaptés actuellement pour suivre certaines anomalies constatées sur les enceintes en fonctionnement. C'est ainsi que certaines enceintes (Flamanville, Belleville, Nogent) présentent des cinétiques de fluage nettement plus importantes que prévu et cette situation pourrait conduire à une perte d'étanchéité en cas d'accident. Le programme dont la réalisation est prévue par l'IPSN a partir de 1994 devrait permettre de définir un outil plus fiable de prévision du comportement des enceintes.

d) La participation aux programmes internationaux
     Différents organismes nationaux (NRC, par exemple) ou internationaux (AIEA, OCDE, CCE) ont lancé ou lanceront des actions sur le thème du vieillissement. Très récemment, l'AIEA a démarré un programme de recherches coordonné, comportant des études pilotes sur quatre types de composants: les tubulures de cuve, les robinets motorisés, l'enceinte du bâtiment du réacteur, les câbles électriques. Compte tenu de ses travaux antérieurs, I'IPSN doit participer à ces différentes études et a été, au sein des partenaires français, désigné comme coordonnateur pour les robinets motorisés et les câbles électriques.

VI. Conclusions
     Le vieillissement concerne clairement la sûreté car il est indispensable de s'assurer que la sûreté d'une installation nucléaire de base reste acceptable tout au long de sa vie. Il est à cet égard important que l'IPSN puisse mettre en oeuvre, indépendamment de l'exploitant, certaines actions utiles à sa capacité d'expertise.
     Le développement d'actions sur le thème du vieillissement est toutefois limité par l'écueil du coût des études et expertises dans ce domaine (voir à titre d'exemple les tableaux qui rassemblent quelques ordres de grandeur).


Références
1. Common Aging Terminology, February 1993-EPRI-.
2. Appareils à pression de vapeur. Circuit primaire principal des chaudières nucléaires à eau. Arrêté et circulaire du 26 février 1974.
3. Corrosion fissurante sous contrainte de l'inconel dans l'eau à haute température. MM. Coriou - Grall - Legaîl - Vettier. 3ème colloque de métallurgie sur la corrosion CEN/SACLAY 1959.
4. Des problèmes liés au vieillissement ne devraient se poser que dans l'hypothèse d'une prolongation de la vie des tranches au-delà de la durée de conception (60 ans par exemple).
5. Principes fondamentaux de sûreté pour les centrales nucléaires n° 75-INSAG-3 AIEA Vienne 1990.
6. Le projet durée de vie des centrales nucléaires. MM. J.P. Combes - J.F. Dubois - R. Godin. Revue générale nucléaire n° 3, mai-juin 1993.
7. Activités de recherche et développement de l'IPSN dans le domaine du vieillissement des installations. MM. G. Deletre - J. P. Henry -D. Miannay - J.J. Olivera - H. Horowitz- B. Barrachin. SMIRT 11 -TOKYO 18-23 août 1991.
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