La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°155/156
VARIÉTÉS - 2

Roger Belbéoch
Comment le "père de l'énergie nucléaire française" envisageait l'avenir.
     Marcel Boiteux, le dirigeant d'EDF dans les années 70 était considéré comme le "père" de notre électronucléarisation.
     On a souvent dit que les décideurs technocrates n'avaient pas du tout introduit le problème des déchets dans leur décision. Faux. Marcel Boiteux en témoigne.
     En 1979 le mensuel Science et Vie publiait la controverse entre le nucléocrate français et le physicien Hennes Alfen (Prix Nobel 1970). La controverse porta en particulier sur le problème des déchets nucléaires. Alfen avançait un argument très fort :
     « Le réacteur à fission produit à la fois de l'énergie et des déchets radioactifs : et nous voudrions nous servir maintenant de l'énergie et laisser nos enfants et petits-enfants se débrouiller avec les déchets. Mais cela va à l'encontre de l'impératif écologique : "Tu ne lègueras pas un monde pollué et empoisonné aux générations futures" ».
     Marcel Boiteux dans sa réponse n'avançait pas que les déchets ne posaient aucun problème. Bien au contraire il avait conscience que ces déchets nucléaires qu'il allait produire, on ne saurait pas les gérer d'une façon satisfaisante. Mais son argumentation est intéressante à noter : « N'est-il pas d'ailleurs une évidente et dangereuse illusion que de vouloir extirper de notre héritage toutes difficultés, toutes responsabilités, que de vouloir transmettre à nos descendants un monde sans problèmes ? ».
     Ainsi pour ce décideur laisser un bon paquet de merde radioactive à nos enfants est une bénédiction pour eux. Un gage pour leur santé mentale.
     Ces déclarations, c'était en 1974. Monsieur Boiteux aurait eu des perspectives encore plus radieuses pour nos descendants s'il avait pensé que notre génération allait, quelques années plus tard, laisser des centaines de milliers de km2 contaminés par Tchernobyl. Quelle joie pour les parents des régions contaminées de léguer à leurs enfants un sacré tas de problèmes. Monsieur Boiteux aurait dû aller en Biélorussie et en Ukraine faire une tournée de conférences pour réconforter ces parents qui n'auraient pas vu tout l'intérêt de la situation.
     Ces soucis de la santé mentale des générations futures qu'il est important d'alimenter par des problèmes que nous ne savons pas résoudre est peut-être la raison qui a déterminé les responsable politiques à propulser cet individu dans de multiples comités. On peut noter que M. Boiteux, président d'honneur d'EDF, a été élu le 27 octobre 1988 président du conseil d'administration de l'Institut Pasteur dont il était membre depuis 1973. En 1966 et 1967 il préside le comité consultatif de la recherche scientifique et technique. Ensuite il préside l'Institut des hautes études scientifiques. De 1982 à 1985 il préside le Centre européen de l'entreprise publique et la Conférence mondiale de l'énergie. Il ne faut pas oublier de mentionner qu'il est aussi administrateur de l'École Normale Supérieure et de Télédiffusion de France (TDF).
     On voit que cet individu a largement pu exercer son activité pour fournir aux générations futures des problèmes difficiles, garantie de leur santé mentale, dans de multiples domaines.
Non, M. Bataille. Les déchets nucléaires faisaient bien partie du dossier
     Au cours de la séance du 25 juin 1991 de l'Assemblée Nationale, Monsieur Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production et des échanges, dans la discussion du projet de loi "relatif aux recherches sur l'élimination des déchets radioactifs", se plaignait qu'il n'y avait pas eu de réflexion sur le stockage des déchets nucléaires :
suite:
     « Cette réflexion a été très tardive et, il faut bien le constater, ceux qui ont développé le programme nucléaire français s'étaient bien gardés, dans les années soixante et même soixante-dix, d'attirer l'attention de la population sur ce problème ».
     On a vu que le père de l'énergie nucléaire française avait bien prévu les problèmes liés aux déchets nucléaires : il n'y avait pas de solution et ce sera aux générations futures de se débrouiller avec. La représentation politique à cette époque n'a pas tenu compte de l'avis de cet expert et n'a pas réagi. Qui ne dit mot consent.

Les visions de Boiteux sur l'avenir nucléaire français.
     Dans le journal Le Quotidien du 26 novembre 1974 il indiquait comme perspective du parc nucléaire français "cinquante centrales de quatre tranches chacune". En clair 200 réacteurs. En 1997, EDF avec ses 54 réacteurs est en surcapacité d'au moins 10 réacteurs pour satisfaire les besoins nationaux.
     C'est ce personnage qui a impulsé le programme français avec son cynisme vis-à-vis des générations futures et son délire de puissance.
     Il faut pourtant lui reconnaître une certaine lucidité. Ainsi, dans l'Événement du Jeudi du 6/12/1984, au journaliste qui lui pose la question : « Mais pourquoi les autres pays ont-ils réduit la fabrication des centrales nucléaires ? Je pense aux États-Unis, au Japon, à la Grande Bretagne. Pourquoi pas chez nous ? » Il répond cyniquement : « Parce que chez nous le nucléaire est bon marché, alors que dans les pays qui n'ont pas pu pour des raisons diverses résister aux attaques de la contestation, le nucléaire est devenu très cher ».
     Si le nucléaire a réussi à se développer d'une façon exceptionnelle en France, ce n'est pas grâce à la qualité de notre technologie, mais parce que l'opinion publique a pu être totalement asphyxiée et a laissé les mains libres à la technocratie étatique...

Tchernobyl, une aubaine pour la santé des irradiés
     Au cours de la conférence internationale organisée du 8 au 12 avril 1996 par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA) un conférencier invité par l'Agence, Peter Fong de l'Université Emory (Atlanta, USA) poussant jusqu'au bout de sa logique la théorie de l' Hormésis chère au Pr Tubiana et à ses supporters de l'Académie des Sciences, réévalue les conséquences sanitaires de Tchernobyl. Ainsi peut-on lire dans son papier (IAEA-CN-63/405) :
     «Des études récentes montrent que de faibles doses de carcinogènes peuvent réduire le risque de cancer (...). Ainsi nous concluons qu'un doublement du rayonnement naturel réduira de 25% le taux de mortalité par cancer (...).
     Le rayonnement relâché dans le pire des accidents dans une centrale nucléaire, se trouve être égal au doublement du rayonnement naturel. Au lieu d'être la cause de 120.000 cancers mortels en 30 ans, ce que l'on croyait jusqu'à présent, il sauverait 3 millions de personnes d'une mort par divers cancers et ainsi l'énergie nucléaire est sûre» [souligné par moi].

p.6
     Pour être cohérent l'auteur aurait dû ajouter que l'énergie nucléaire est d'autant plus sûre et plus bénéfique que ses accidents sont plus graves et plus fréquents !
     L'AIEA a pris le soin de se démarquer de ce fantaisiste en indiquant dans une note que «les vues exprimées demeurent sous la responsabilité des auteurs (...). Ni le secrétariat coordinateur, ni aucune organisation parrainant la conférence peuvent être tenus pour responsables des textes reproduits dans ce document».
     Il n'empêche que les organisateurs de cette conférence sur "l'évaluation des conséquences de l'accident, dix ans après Tchernobyl", ont pensé que ces vues délirantes pouvaient faire partie de l'évaluation des conséquences de Tchernobyl. Tchernobyl pourrait ne pas être "nécessairement" un désastre mais une grandiose réussite !

A qui faudrait-il distribuer des pastilles d'iode?
     «L'accident de Tchernobyl a montré que les populations vivant à plusieurs centaines de kilomètres de la centrale (région de Brest notamment) peuvent être fortement contaminées et développer dans les années qui suivent un cancer de la thyroïde. Ceci montre que les plans d'intervention doivent être établis au niveau d'un pays, voire d'un continent » [souligné par nous].
     Ce texte est la conclusion d'un article «Cancers de la thyroïde après Tchernobyl. Importance de la prophylaxie par le KI» du Pr M. Schlumberger de l'Institut Gustave Roussy et publié dans la revue Radioprotection (1994, vol. 29 n°3) de la Société française de radioprotection.
     Si l'on suit l'avis de cet expert la distribution d'iode au voisinage immédiat des centrales nucléaires serait notoirement insuffisante car c'est au minimum à l'ensemble des Français qu'il faudrait fournir ces pastilles d'iodure de potassium (IK). Cependant dans ses interventions publiques, à la radio en particulier, cet expert n'a critiqué en rien la décision gouvernementale de distribution de ces pastilles. Il s'est bien gardé de commenter publiquement ses conclusions de 1994.

Le grand banditisme et l'énergie nucléaire
     Le journal Le Monde des 29-30 septembre 1996 a titré en gros caractères sur 5 colonnes:
     «Des malfaiteurs liés au grand banditisme impliqués dans une importante affaire de travail clandestin. Des truands marseillais s'intéressaient à l'emploi de salariés "au noir". Le réseau a des ramifications dans toute la France».
     L'auteur de l'article donne des détails sur le fonctionnement de ce réseau: «un groupe issu de la pègre locale est intervenu pour faire régner l'ordre sur les chantiers» . Parmi les chantiers concernés l'auteur cite l'industrie pétrolière et EDF et en particulier les «centrales nucléaires de Golfech (Tarn-et-Garonne) et de Cadarache (Bouches-du-Rhône)».

Du travail en perspective pour la DSIN!
     Une procédure judiciaire est en cours (pour fausses factures) mais la présomption d'innocence a dû jouer à fond car nous n'avons plus trouvé d'informations dans la presse après cet article.

suite:
EXEMPLE DE NOTICE POUR L'UTILISATION DE COMPRIMES D'IODE
PAR LA POPULATION EN CAS D'ACCIDENT NUCLEAIRE
D'après un projet réalisé par un groupe de travail pluridisciplinaire animé par le Docteur Rey (DDASS de l'Isère).

     Des comprimés d'iode vous ont été remis. Ce sont des médicaments.
     Ne les utiliser que sur ordre des autorités et après avoir pris connaissance de cette notice.
PRÉSENTATION :
     Comprimés dosés à 130 mg d'iodure de potassium, soit 100 mg d'iode.
CONSERVATION :
     Comprimés à conserver à l'abri de la lumière et de l'humidité; dans un endroit sec et propre, inaccessible aux enfants.
     Seuls les comprimés dont l'emballage n'a pas été ouvert peuvent être conservés durablement.
VALIDITÉ :
     Leur durée de validité est de 5 ans. La date de péremption est indiquée sur l'emballage.
INDICATION :
     Votre organisme a besoin d'iode; la glande thyroïde le stocke.
     En cas de d'accident grave dans une centrale nucléaire, de l'iode radioactif peut être rejeté dans l'air.
     Pour éviter que la glande accumule cet iode radioactif, il faut lui fournir de l'iode stable, non radioactif, naturel, en quantité suffisante pour qu'elle ne puisse se fixer l'iode radioactif.
DOIVENT EN PRENDRE EN PRIORITÉ :
Les femmes enceintes ou qui allaitent pour protéger leur thyroïde et celle de leur enfant particulièrement exposée.
Les enfants, dès la naissance et les adolescents jusqu'à 18 ans.
Doivent en prendre également :
Les adultes de 18 à 60 ans.
APRÈS 60 ANS :
     Les risques dus à l'iode radioactif deviennent minimes; la prise d'iode n'est plus nécessaire.
CONTRE-INDICATIONS :
     Les risques liés à l'absorption d'un comprimé d'iode sont négligeables. Seuls les sujets ayant une allergie connue à l'iode ne doivent pas le prendre.
     Les personnes traitées pour une maladie thyroïdienne prendront leur comprimé, mais consulteront leur médecin dans les semaines suivantes.
POSOLOGIE, DOSES :
     Faire fondre le comprimé entier dans un verre rempli avec une boisson (lait, jus de fruit, eau sucrée), pour atténuer le goût désagréable de l'iode.
Les enfants jusqu'à 3 ans boivent un quart du contenu du verre.
Les enfants de 3 à 12 ans boivent la moitié du contenu du verre.
Les femmes enceintes, les enfants de plus de 12 ans et les adultes boivent la totalité. La solution ne se conserve pas. Elle doit être bue sans attendre.
     Manger un peu en même temps améliore la tolérance.
     Dans les heures qui suivent, la salive a un goût métallique qui disparaît progressivement.
     Les doses indiquées ci-dessus correspondent à une prise unique : elles ne doivent éventuellement être renouvelées les jours suivants que sur ordre des autorités. En prendre plus ne sert à rien.
QUAND PRENDRE DE L'IODE:
     En cas de rejets d'iode radioactif, la décision de prise d'iode et son moment vous seront précisés par les services concernés de la préfecture conseillés par les experts.
En cas de problème quel qu'il soit, appeler votre médecin

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