La G@zette Nucléaire sur le Net! 
N°195/196

LE COIN ASSOCIATIF
Puy de Dôme - NATURE ENVIRONNEMENT - 19 rue Chabrol 63200 RIOM
Septembre 2001
GARE AUX MINES
 

     Onze exploitations de minerai d'uranium ont été actives dans le département du Puy-de-Dôme dans les années 1948 à 1979. Elles sont groupées en deux secteur :
     - Les mines de Bancherelle, Gagnol, Étang de Relier, Relier, Roffin, Plan Bigay et Chez Gourniaud se trouvent sur les communes de Ris et de Lachaux avec une unité de traitement du minerai à Roffin (Lachaux) et un barrage réservoir sur Chateldon. 
     - Dans la région d'Ambert, on retrouve le Bois des Gardes à Saint-Marin-des-Olmes. Les Bois des Fayes, le Temple, le Poyet sont situés sur Baffie. 
     Le CEA, (Commissariat à l'Énergie Atomique) et la COGEMA (Compagnie Générale des Matières Nucléaires) en ont extrait plus de 170 tonnes d'uranium. Il ne s'agissait donc pas de grosses exploitations. Mais quand on sait comment sont gérées les installations du lobby nucléaire, on est vraiment tenté d'y regarder de plus près. 
     En fait, une seule de ces implantation fait l'objet d'un suivi. A Roffin (commune de Lachaux) le traitement du minerai a laissé sur place 30 000 tonnes de déchets. Ils sont constitués de minerai dont on a extrait l'uranium. Il y reste donc tous les autres éléments radioactifs. On y trouve par exemple le radium 226. C'est un élément dont la radiotoxicité est forte. Il lui faut environ 20 000 ans pour disparaître…en donnant d'autres éléments eux-mêmes radioactifs jusqu'au plomb 206 stable. 
     Ces déchets ont été drainés et recouverts d'argile. Suivant les prescriptions d'un arrêté préfectoral du 30 octobre 1985, 30 ans après la fermeture de la mine, la COGEMA procède à des mesures périodiques de la radioactivité. Le même arrêté a classé en ICPE (Installation classée pour la protection de l'environnement) le stockage de ces déchets, mais non la totalité des terrains occupés par la mine et ses annexes. Il prescrivait également l'établissement de servitudes sur la zone ainsi classée : interdiction de creuser, de construire, d'exploiter a usage agricole ;…Il aura fallu plusieurs appliquée…en 1999, soit avec 14 ans de retard. 
     Pareille négligence en dit long sur le soin apporté par les exploitants du nucléaire et les autorités administratives à préserver notre santé et celle des générations futures.
suite:
     Puy-de-Dôme Nature Environnement s'est donc lancé dans une vaste opération de mesure de la radioactivité sur ces anciens sites miniers. Un peu partout apparaissent des zones, certes limitées, mais nettement contaminées par des éléments radioactifs. 
     En particulier, à Roffin, en dehors de la zone contrôlée de l'ICPE, au Bois des Gardes, au Bois des Fayes, on relève au sol plusieurs dizaines de micro-sievert par heure (microSv/h). Au Bois des Gardes, on atteint 46 microSv/h. 
     Pour donner une idée de ce que cela représente, on peut retenir que la radiotoxicité habituelle au sol est d'environ 0,1 microSv/h. Certes dans les régions granitiques, comme celles explorées, on trouve parfois des niveaux plus élevés, de l'ordre de quelques microSv/h. Mais les contaminations relevées sont beaucoup plus importantes. Elles correspondent ici à des activités industrielles, en général des zones de stockage du minerai qui ont été mal nettoyées. 
     L'ANDRA (Agence nationale pour la Gestion des Déchets radioactifs) est une structure importante du lobby nucléaire. On ne peut la soupçonner d'une rigueur excessive. Elle nous donne une indication utile. Elle considère qu'un sol est contaminé par des éléments radioactifs “ avec risque sanitaire ” à partir de 10 microSv/h. 
     Il faut ajouter que sur ces zones contaminées, y compris l'ICPE de Roffin, la radioactivité n'est pas totalement confinée et présente des signes de dissémination aux alentours ; 
     Sans compter que la mémoire se perd vite. Si on ne fait rien, dans deux ou trois générations un sol contaminé pourra recevoir une aire de jeux pour enfants ou un terrain de camping ou…On y voit déjà promeneurs ou chasseurs ou autres ramasseurs de champignons. 
     Le travail réalisé par Puy-de-Dôme Nature Environnement n'est évidemment pas exhaustif. Il suffit cependant à révéler :
     - une situation dangereuse sur certains sites qui doit être corrigée; 
     - la nécessité de procéder à des investigations plus importantes avec un organisme indépendant (la CRIIRAD). 
     C'est dans ce sens que nous saisissons le préfet du Puy-de-Dôme. Nous luis demandons en particulier de mettre en oeuvre les instructions données à tous les préfets par une circulaire interministérielle du 16 mai 1997 sur les sites pollués par des substances radioactives et qui correspond très exactement à la situation des anciennes mines du département. 
     Affaire à suivre donc…et que nous suivrons.
début p.31

LE REZO
Recevez, de la part du Réseau "Sortir du nucléaire", tous nos meilleurs voeux pour l'année 2002.
 
     Extrait de la Lettre d'information "Sortir du nucléaire" de décembre 2001 (envoi d'un spécimen gratuit sur simple demande : merci d'indiquer votre adresse postale précise). La reproduction de tout ou partie du témoignage ci-dessous est autorisée et vivement conseillée. N'hésitez pas également à faire circuler ce mail à vos connaissances.

     Témoignage

     DEVOIR DE RÉSERVE OU LOI DU SILENCE ! 
     EDF prétend qu'il existe des dispositifs qui visent, en toutes circonstances, à assurer la protection des populations, dont le plan particulier d'intervention (PPI) et le plan d'urgence d'intervention (PUI) mis en oeuvre par les préfectures. Je suis sapeur-pompier professionnel au service d'intervention et de secours du Rhône et j'ai un certificat d'intervention en milieu radiologique, spécialité existant dans le cadre des cellules mobiles d'intervention radiologique (CMIR). Si les CMIR sont adaptées pour faire une recherche de source scellée, détecter et enlever une pollution ponctuelle, établir un petit périmètre de protection, elles ne peuvent en aucun cas assurer la protection des populations en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation nucléaire. La seule protection efficace étant la distance, l'unique protection contre une irradiation et (ou) une contamination est le sauve-qui-peut et du bon côté (sens du vent). Pour en avoir débattu avec des collègues, je sais qu'en cas d'accident majeur, les sapeurs-pompiers n'iront pas au casse-pipe comme ceux de Tchernobyl. 
     Le texte ci-dessous est extrait d'un cours de formation d'officiers sapeurs-pompiers à la "gestion des risques" en matière radiologique. 
Ainsi apprécierons-nous ce qui est prévu sur le papier par nos autorités, en caractères italiques, et ce qui se passerait en réalité en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation nucléaire. 
     Plan d'intervention
     L'organisation au préalable des secours à mettre en oeuvre en présence d'un accident à caractère radiologique est définie par les plans particuliers d'intervention (PPI) et par les plans d'urgence interne (PUI) dans les installations nucléaires de base (INB). 
     En matière nucléaire, le plan particulier d'intervention (PPI) prévoit trois niveaux d'alerte et d'intervention, correspondant à différentes procédures et moyens à mettre en oeuvre. 
     Le niveau 1 
     Ce niveau correspond à un incident ou accident à caractère non radiologique. Ce niveau comprend deux degrés : 
     Le premier en l'absence de victimes. 
     Le second en présence d'une ou plusieurs victimes. 
     Le niveau 2 
     Ce deuxième niveau est destiné à faire face à un événement à caractère radiologique limité au site. Ce niveau comprend aussi deux degrés : 
     Le premier en l'absence de victimes. 
     Le second en présence d'une ou plusieurs victimes. 
     Le niveau 3 
     Ce dernier niveau est déclenché lorsque l'accident est à caractère radiologique avec des conséquences immédiates ou envisageables à l'extérieur du site.


     Il ne comporte pas de degrés.

fin p.31

     Le PPI est établi par le préfet du département assisté des services compétents, dont le SDIS (service départemental d'incendies de secours), il est déclenché et mis en oeuvre sous la responsabilité du préfet qui occupe la fonction de directeur des opérations de secours (DOS). 
     Son objectif est la protection des populations grâce à une information préventive associée à une organisation de crise adaptée. 
     A cette fin, le PPI est actuellement organisé autour d'un PC fixe activé en préfecture et d'un PC opérationnel mis en place à proximité du lieu du sinistre. 
     Il prévoit succinctement : 
     - l'information des services, des populations et des médias ; - l'activation des équipes de mesures et de prélèvements : équipes de 1er niveau et cellule mobile d'intervention radiologique en ce qui concerne les sapeurs-pompiers, ZIPE 1 (zone d'intervention premier échelon) et ZIDE 2 (zone d'intervention de deuxième échelon ) pour ce qui est du CEA (commissariat à l'énergie atomique) ; - la mise en service des centres de regroupement et de contrôle de la population ainsi que des centres de décontamination et la distribution d'iode ; - le contrôle des accès routiers autour du site concerné. Pour ce faire, deux périmètres sont prédéfinis: l'un de 5 km de rayon dans lequel il peut être envisagé de recourir à l'évacuation de la population située sous le vent, alors que la consigne normale est le confinement ; o le second périmètre, compris entre 5 et 10 km, pour lequel seul le confinement des populations est retenu ; 
     - l'accueil des blessés, irradiés ou contaminés. 
     En ce qui concerne le niveau 3, incident ou accident à caractère radioactif extérieur au site, les équipes de détection sapeurs-pompiers effectuent des mesures sur les circuits préétablis. Des mesures complémentaires sont effectuées par les CMIR. Suivant les résultats et les avis des experts, il y a trois types de situation : 
     - Vie normale : Équipes de détection et CMIR peaufinent les premières mesures. Des échantillons sont prélevés pour mesure à l'aide du véhicule CMIR "anthropogammamétrique". - Confinement : Information de la population par haut-parleur. Balisage des zones de confinement. Activation des centres de regroupement de la population (matériel de détection de la contamination + médecins Sapeurs-pompiers). Contrôle de la population grâce aux véhicules CMIR "anthropogammamétrique" et mesures sur échantillons. - Évacuation : Information de la population. Balisage des secteurs à évacuer et à confiner. Participation à l'évacuation. Contrôle aux centres de regroupement. Évacuation des malades. Tri : personnes contaminées, non contaminées, grâce aux véhicules CMIR "anthropogammamétriques" et mesures sur échantillons (aliments, eaux, terre, végétaux …) 
     Les objectifs du plan d'urgence interne peuvent se résumer de la façon  suivante : 
     Assurer : 
     - le secours aux blessés, qu'ils soient conventionnels, irradiés ou contaminés - la protection du reste du personnel ; 
     - la conduite des unités vers le meilleur état de sûreté possible ; - la stabilisation de la situation en limitant au maximum les conséquences de l'événement. 
     Alerter et informer : 
     - les autorités préfectorales et de sûreté ; - les services d'intervention; 
     - l'organisation nationale de crise de la structure. 
suite:
     Analyser l'accident et ses conséquences : - diagnostic et pronostic de l'évolution potentielle ; - évaluation des rejets et de leurs impacts sur la population. 
     Ces dispositions sont prises sous la responsabilité du chef d'établissement qui est aussi à l'origine du déclenchement de ce plan. 
     Voilà pour la théorie ; pour la pratique, souhaitons que jamais nous ne connaissions un accident de niveau 3. 
     Car un accident nucléaire dépassant  les limites d'un site nucléaire deviendra vite ingérable. 
     Il faut plusieurs heures entre l'ordre d'alerte de la CMIR et la réalisation des premières mesures sur le circuit préétabli. La CMIR, vu la pénibilité de la tâche, devra être relevée : par qui ? Une seule CMIR (4 hommes) est opérationnelle, les autres étant de repos ou affectées à d'autres missions. Il faudra faire intervenir des CMIR d'autres départements ou régions. (3 CMIR en Rhône-Alpes : Lyon, Valence, Grenoble). 
     Comment réaliser, comme le prévoit le PPI, la mise en service des centres de regroupement et de contrôle de la population dans la mesure où il n'y a pas, à ma connaissance, en Rhône-Alpes comme dans tout le Sud-Est de la France (une des régions les plus nucléarisé au monde !) des véhicules CMIR "anthropogammamétriques" ? 
     La distribution d'iode, pour être efficace et seulement contre l'iode radioactif, doit se faire plusieurs heures avant l'exposition à la radioactivité. 
     Si des blessés contaminés doivent être transportés vers un centre hospitalier, aucune structure hospitalière, à part un service de grand brûlés (milieu stérile et confiné), ne pourra les accueillir. Les  lits disponibles dans ces services très pointus ne pourront accueillir qu'un nombre très limité de victimes. Ensuite, il faudra décontaminer les véhicules ayant servi au transport et le service hospitalier. 
     Quant à l'évacuation de la population située sous le vent, chacun connaît la difficulté à évacuer lors des manoeuvres très médiatiques de simulation préparées des mois à l'avance ; en réel, la tâche sera encore plus difficile avec des ordres et contre-ordres, l'affolement et la panique (accidents routiers, embouteillages etc.). 
     Le confinement des populations ne s'improvise pas. Il faut posséder la technique et le matériel (films plastiques, rubans adhésifs). Aucune information ni formation n'est réalisée si ce n'est par quelques dépliants dont la diffusion est restreinte. 
     Si  la contamination  est massive, ce sera le sauve-qui-peut mais du bon côté (direction du vent), car la première protection, c'est la distance, la seconde, le temps (la dose absorbée est directement proportionnelle à la durée d'exposition). 
     Arrêtons là cette simulation désastreuse. EDF et les autorités laissent croire à la population  que des sapeurs-pompiers pourront assurer leur protection en cas d'accident radioactif de niveau 3 : il est pourtant compréhensible que, même s'ils avaient tous les moyens humains et matériels, ils seraient totalement inopérants pour une pollution par des éléments radiotoxiques à des doses du millionième de gramme. 
     Les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux et d'après leur statut, ils doivent observer un devoir de réserve, mais le devoir de réserve n'est pas la loi du silence. Tout fonctionnaire qui a connaissance de dysfonctionnements devrait les dénoncer. 
un sapeur-pompier professionnel du Rhône
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