En France, environ
200 sites d'extraction d'uranium ont été exploités
sur 25 départements (cf. carte ci-contre). Plus de 70.000 tonnes
d'uranium ont été extraites entre 1946 et 2001. Les principaux
gisements se situaient dans le Limousin, le Forez, la Vendée, la
Lozère et l'Hérault.
En fonction de la profondeur du gisement,
le minerai d'uranium était extrait par carrières à
ciel ouvert ou par galeries souterraines. Dans tous les cas, l'accès
au filon a nécessité l'extraction préalable de roches
plus ou moins radioactives appelées stériles (typiquement
10 tonnes de stériles pour une tonne de minerai dans le cas des
mines à ciel ouvert et une tonne pour une tonne dans le cas des
travaux souterrains). Ces travaux ont favorisé les émanations
de poussières radioactives, de radon (gaz radioactif) et la contamination
des eaux circulant sur des roches fraçturées, dans les galeries
de mines, etc. Si des précautions drastiques ne sont pas prises,
l'exploitation de l'uranium ne peut que conduire à augmenter le
niveau de radioactivité de la biosphère. Tous les milieux
peuvent être touchés (air, sol, eau, faune, flore).
Sur tous les sites miniers qu'elle a contrôlés,
la CRIIRAD a pu constater que l'exploitation de l'uranium a entraîné
une contamination très significative de l'environnement, une violation
des principes internationaux de radioprotection. Il en découle des
expositions aux rayonnements ionisants qui conduisent presque systématiquement
à des risques de cancer «non négligeables» (au
sens de la directive Euratom de mai 1996, soit une dose efficace ajoutée
supérieure à 10 microSieverts par an) et dans de nombreux
cas à des risques inacceptables (dose efficace ajoutée supérieure
à 1.000 microSieverts par an).
Cet impact, manifeste pendant l'exploitation
des installations (mines et carrières, usines d'extraction de l'uranium)
est également très significatif après cessation de
l'exploitation et «réaménagement» des sites.
Il est dû à la dispersion de
matériaux radioactifs solides, à l'insuffisance du traitement
des eaux contaminées, à la réutilisation de ferrailles
contaminées, au manque de confinement des résidus radioactifs,
aux émanations de gaz radioactif, le radon 222, etc...
Départements concernés par l'exploitation des mines
d'uranium
et la présence de déchets radioactifs uranifères
=>
Chaînes radioactives : famille de l'uranium 238
Radioéléments |
Mode de désintégration |
Période de radioactivité |
Uranium 238 |
alpha |
4,5.109 ans |
Thorium 234 |
beta |
24 jours |
Protactinium 234m |
beta |
1,2 minute |
Uranium 234 |
alpha |
2,5.105 ans |
Thorium 230 |
alpha |
7,5.104 ans |
Radium 226 |
alpha |
1,6.103 an |
Radon 222 |
alpha |
3,8 jours |
Polonium 218 |
alpha |
3 minutes |
Plomb 214 |
beta |
27 minutes |
Bismuth 214 |
beta |
20 minutes |
Polonium 214 |
alpha |
1,6.10-4 secondes |
Plomb 210 |
beta |
22,3 ans |
Bismuth 210 |
beta |
5 jours |
Polonium 210 |
alpha |
138,5 jours |
Plomb 206 |
- |
stable |
|
Repères
L'activité de l'uranium 238 est en moyenne
de 40 Becquerels par kilogramme (Bq/kg) dans l'écorce terrestre,
200 Bq/kg dans un granite classique et de l'ordre de 25.000 Bq/kg dans
un minerai dont la teneur en uranium est de 0,2%.
Dans les roches naturelles, l'uranium 238
est dit en «équilibre séculaire» c'est-à-dire
que ses 13 descendants radioactifs (thorium 234, uranium 234, thorium 230,
radium 226, radon 222, plomb 210, polonium 210, etc...) ont la même
activité que lui (voir chaîne de désintégration
ci-contre). Ainsi un kilogramme de minerai contenant 25.000 Becquerels
d'uranium 238 a une radioactivité totale de 14 fois ce chiffre soit
350.000 Bq/kg (à laquelle il faut ajouter l'activité d'autres
radionucléides naturels: l'uranium 235, le thorium 232 et leurs
descendants ainsi que le potassium 40).
L'extraction du minerai uranifère puis
de l'uranium conduit à manipuler des substances radioactives
qui ont des caractéristiques très pénalisantes en
termes de radioprotection:
· Il s'agit de radionucléides
à très longue période physique. La période
physique de l'uranium 238 étant de 4,5 milliards d'années,
la radioactivité des roches et déchets uranifères
ne décroît quasiment pas à l'échelle humaine.
· Certains des descendants de l'uranium
238 (plomb 210 et polonium 210) figurent parmi les radionucléides
les plus radiotoxiques par ingestion (radiotoxicité[1]
égale
ou supérieure à celle du plutonium 239).
· Certains des descendants de l'uranium
238 (thorium 230) figurent parmi les radionucléides les plus radiotoxiques
par inhalation (radiotoxicité[l] égale ou supérieure
à celle du' plutonium 239).
1. Par exemple, pour un adulte, l'ingestion de
1 Becquerel de polonium 210 entraîne une
exposition interne de 1,2 microSieverts, soit une exposition supérieure
à celle induite par l'ingestion de 1 Becquerel de plutonium 239:
0,25 microSieverts (Arrêté du 1er septembre 2003 définissant
les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes
résultant de l'exposition des personnes aux rayonnements ionisants).
En revanche, l'activité spécifique du plutonium 239 (c'est-à-dire
le nombre de becquerels par unité de masse) est plus de 100.000
fois supérieure à celle de l'uranium 238. |
L'uranium 238 émet
des rayonnements alpha; ses descendants radioactifs émettent selon
leur nature des rayonnements alpha ou bêta accompagnés parfois
de rayonnements gamma. La manipulation du minerai d'uranium et des déchets
associés conduit à subir une irradiation par tous ces rayonnements.
Tant que le minerai est sous plusieurs mètres
de terre, les risques d'irradiation directe à la surface du sol
sont quasiment nuls. La situation est très différente lorsque
le minerai est remonté au jour.
Les rayonnements alpha de l'uranium peuvent
parcourir 2,5 centimètres dans l'air et sont arrêtés
par l'équivalent d'une feuille de papier à cigarette (parcours
de 30 microns dans l'eau).
Les rayonnements bêta les plus énergétiques
peuvent parcourir plusieurs mètres dans l'air, mais sont arrêtés
par une feuille d'aluminium de 2 millimètres d'épaisseur.
Les rayonnements gamma qui sont on réalité des ondes
électromagnétiques très pénétrantes
peuvent parcourir des dizaines de mètres dans l'air (120 mètres
et plus pour certains rayonnements frès énergétiques
associés au plomb et au bismuth 214, descendants de l'uranium).
C'est pourquoi il est possible de détecter des filons d'uranium
affleurants au moyen de sondes embarquées sur hélicoptère.
Par contre, il suffit de quelques centimètres de terre pour diviser
le rayonnement par 2. Un mètre de terre le diviserait par un facteur
supérieur à 100 fois. |
Comment tricher avec les limites fixées pour les rejets de
produits radioactifs?
Dans les bulletins d'information qu'elle diffuse,
la Cogéma compare systématiquement l'activité mesurée
dans les cours d'eau (Couze, Ritord...) à la limite réglementaire
de 0,37 Bq/l. Or cette limite est fixée pour les rejets eux-mêmes
avant leur dilution dans les cours d'eaux.
Cet histogramme a été conçu pour
induire les lecteurs en erreur en laissant penser que les limites réglementaires
sont respectées. Le plus choquant n'est pas que Cogéma utilise
de tels artifices, mais plutôt que l'administration de contrôle
n'y trouve rien à redire.
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