La G@zette Nucléaire sur le Net! 
G@zette N°227/228, mars 2006
Allocution de M. Jacques CHIRAC, 
Président de la République, 
à l'occasion des voeux aux forces vives.
Palais de l'Elysée - Jeudi 5 janvier 2006.

     Monsieur le Premier ministre,
     Mesdames et messieurs les ministres,
     Mesdames et messieurs,
     (...)
     La seconde de nos priorités industrielles, c'est l'énergie. Le climat et l'après pétrole sont les défis du siècle qui s'ouvrent. Nous devrons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050, c'est inéluctable. Nous devrons apprendre à nous passer progressivement de pétrole.
     Dans ce domaine, la France a l'ambition d'être une référence mondiale, car avec ses entreprises, avec ses infrastructures, avec ses recherches, elle dispose d'atouts majeurs.
     Notre pays est le premier producteur d'énergie renouvelable en Europe. Grâce à l'hydro-électricité, grâce au choix du nucléaire (Ndwebmaistre: énergie renouvelable?!...), nous émettons aujourd'hui, par habitant, 40% de gaz à effet de serre de moins que la moyenne des pays développés.
     Et avec la loi d'orientation sur l'énergie de juillet dernier, nos grands choix énergétiques sont clairs. Nous devons maintenant en accélérer la mise en oeuvre, afin de préparer l'avenir.
     Nous devons d'abord intensifier notre effort pour économiser l'énergie dans l'habitat, et en priorité dans les bâtiments existants, avec pour objectif de diviser par quatre la consommation d'énergie d'ici 2050. 
     Un grand programme d'amélioration de l'habitat a été lancé. Il doit permettre aux Français d'économiser l'équivalent de la production annuelle de deux tranches nucléaires. Les matériaux de construction les moins performants ne seront plus proposés à la vente. L'évaluation des performances énergétiques des logements vendus est rendue obligatoire. Des incitations sont mises en  place: un crédit d'impôt augmenté et des financements de la part des grands fournisseurs d'énergie.
     Des programmes de recherche seront engagés pour construire des bâtiments producteurs nets d'énergie et améliorer fortement le rendement des panneaux solaires.
     Nous devons réserver l'utilisation du pétrole aux transports et à la chimie, et développer le plus possible des substituts, comme la chimie verte. La production de biocarburants sera multipliée par cinq d'ici deux ans. D'ici fin 2007, les voitures des administrations, tout un symbole mais un encouragement je l'espère, et des établissements publics devront utiliser un tiers de biocarburants. Nous engagerons des recherches sur des processus avancés de production de biocarburant, sur l'utilisation de l'hydrogène et sur les piles à combustible. Il faut aussi développer, dans les dix ans, la voiture électrique à grande autonomie et le diesel hybride. Il faut également mettre au point les centrales à charbon propre. Je souhaite que l'Agence de l'innovation industrielle contribue, dès cette année, au lancement de ces projets. Et par ailleurs,la RATP et la SNCF ne devront plus consommer une goutte de pétrole d'ici 20 ans.
     Enfin, il faut préserver notre avance dans le nucléaire. Nous avons lancé l'EPR à Flamanville. Et c'est la France qui a été choisie pour implanter ITER: l'enjeu, c'est la domestication de l'énergie du soleil à l'horizon de la fin du siècle. Mais nous devons prendre, en attendant, de nouvelles initiatives: de nombreux pays travaillent sur la nouvelle génération de réacteurs, celle des années 2030-2040, qui produira moins de déchets et exploitera mieux les matières fissiles. J'ai décidé de lancer, dès maintenant, la conception, au sein du Commissariat à l'énergie atomique, d'un prototype de réacteur de 4ème génération, qui devra entrer en service en 2020. Nous y associerons, naturellement, les partenaires industriels ou internationaux qui voudraient s'engager.
     Pour conforter ces choix, il nous faut maintenant opter pour l'une des solutions proposées afin de stocker les déchets radioactifs. A l'issue du débat public en cours, le Parlement sera saisi d'un projet de loi, qui devra être votée avant la fin de l'été. Enfin, pour faire progresser encore la confiance, j'ai demandé au Gouvernement de créer par la loi sur la transparence nucléaire, dès cette année, une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information.
     Les enjeux de notre politique énergétique dépassent évidemment le cadre national. C'est au niveau européen qu'il nous faut bâtir une politique énergétique ambitieuse. Elle ne saurait se résumer à l'ouverture des marchés à la concurrence. Lors du prochain Conseil européen, la France présentera un mémorandum sur la politique énergétique. 
     Et c'est ce voeu, que pour ma part, en ce début d'année, je fais pour la France.

suite:
A la CPDP EPR - allocution de M. Chirac
Philippe BROUSSE - RESEAU SORTIR DU NUCLEAIRE - Directeur

     A-CNDP-EPR 
Mesdames et Messieurs,

     Après plusieurs mois de travail, une réunion de clôture du débat de la CPDPEPR devrait avoir lieu vers le 16 février 2006 en Basse-Normandie.
     Dans son allocution du 5 janvier 2006, Jacques Chirac vient d'annoncer: Il faut préserver notre avance dans le nucléaire. Nous avons lancé l'EPR à Flamanville.
     Vous pourrez lire ci-contre l'intégralité de la partie du discours de M. Chirac qui concerne l'énergie.

     Mesdames et messieurs les membres et participants au débat de la CPDP EPR, vous êtes soucieux, comme nous tous, de la définition du mot DEMOCRATIE.
     Vous agissez en toute indépendance à l'égard des institutions publiques et privées. Vous êtes des hommes et des femmes libres et indépendantes du pouvoir, soucieux du bon déroulement du débat démocratique.
     Ainsi, je vous remercie de bien vouloir m'apporter des réponses aux questions suivantes:
     * Dans la mesure où toutes les décisions ont déjà été prises et clairement annoncées jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, comment pouvez-vous encore légitimer un débat sur l'EPR?
     * Pensez-vous que la démocratie ressortira grandie à l'issue de ce débat?
     * Ne craignez vous pas que le pouvoir politique se serve de votre travail pour légitimer leur décision?
     Même si la CPDP, comme le précise votre Charte, n'a aucune position à émettre au cours ou à l'issue du débat sur le projet soumis au débat, nous ne doutons pas qu'à l'issue du débat, vous saurez expliquer à l'opinion publique, avec la plus grande objectivité possible, à quel point la démocratie peut être, dans certains cas, bafouée et humiliée.
     C'est essentiel pour que la démocratie puisse continuer à vivre et que les citoyens puissent garder confiance en leurs institutions.

Dans l'attente de vous lire,
Sincères salutations et bonne année 2006.
Philippe Brousse
Directeur du Réseau "Sortir du nucléaire"
Fédération de 722 associations
9, rue Dumenge 69317 Lyon Cedex 04 - France
Tel. 04 78 28 29 22 - Fax : 04 72 07 70 04
www.sortirdunucleaire.fr
 
 

p.30

COMMENTAIRE EDF SUR LE RAPPORT GSIEN
suite de la Gazette 225/226
18 janvier 2006
Le Récupérateur de corium

Commentaire  EDF:
     Concernant le chapitre du récupérateur de corium, le sous chapitre comprenant les phrases "Auparavant on cherchait à sauver la cuve concernant la rétention en cuve "...jusqu'à "Dans ces conditions, nous avons du mal à accorder une crédibilité sans faille à ce nouveau faisceau d'affirmations" devrait être revu car il ne semble pas correspondre à ce qui a été dit.
     Nous avons dit qu'il n'y avait pas de rupture pour EPR avec la stratégie des réacteurs existants:
     Pour EPR, on cherche à sauver la cuve, de la même manière qu'on cherche à sauver la cuve, en cas de fusion du cœur, pour les réacteurs en exploitation, de la même manière que la cuve a été sauvée à TMI par une remise en circulation de l'eau de refroidissement en cuve qui a pu se faire à temps.
     Néanmoins, pour l'EPR, compte tenu des températures élevées en cuve, on conçoit une défense en plus qui permet de couvrir les incertitudes en cuve et tous les scénarios d'accident grave, en assurant un confinement à long terme des produits radioactifs et du corium dans l'enceinte en cas de rupture de cuve. 
     - La rétention en cuve est possible, pour les réacteurs en exploitation si on retrouve des moyens d'injection d'eau actifs, dont la défaillance temporelle à très faible probabilité a pu, en cas d'accident, conduire à une fusion du cœur. Pour les nouveaux concepts de réacteurs, comme l'AP 600 ou AP 1000 de Westinghouse, la rétention en cuve est assurée par un refroidissement externe de la cuve, et non pas uniquement sur un refroidissement interne qui n'est pas toujours efficace, par exemple lorsque le corium étant en cuve, le refroidissement interne est mis en route trop tard. (à TMI, ce fut "juste", un retard d'injection n'aurait probablement pas pu empêcher la rupture cuve).
     Les études de R&D montrent que pour des réacteurs à forte puissance, aux alentours de 1000 MW environ (et non 600 MW), des incertitudes existent sur l'efficacité du refroidissement, même extérieur à la cuve, pour certains scénarios et compte tenu de l'état de l'art. C'est pourquoi, pour EPR, on a choisi une solution sûre qui ne repose pas uniquement sur une stratégie de rétention en cuve. Néanmoins, comme pour le parc en exploitation, on aura également recours à l'injection d'eau en cuve capable de sauver la cuve, si on retrouve à temps des moyens d'injection.
     - Des dispositions constructives ont visé à empêcher la présence d'eau significative dans le puits de cuve, pour éviter le risque d'une interaction énergétique corium/eau et donc aussi le risque d'une explosion vapeur. Ces dispositions empêchent la pénétration d'eau même si le système d'aspersion de secours de l'enceinte était mis en route. Par conséquent, le fonctionnement ou non de l'aspersion de l'enceinte n'influence pas l'efficacité du récupérateur de corium.
     Les doutes émis sur les interprétations faites des essais sur le corium expérimental mettent en cause une communauté scientifique reconnue.
     De plus il est important de préciser que le Groupe Permanent des Réacteurs (ensemble d'experts nationaux et internationaux) de la fin de l'année 2005 a validé l'ensemble des options prises par le constructeur sur ce thème sauf pour ce qui concerne l'instrumentation en cuve permettant la détection de l'ouverture de la porte fusible ou de l'échec du refroidissement dans la chambre d'étalement..
     Ce qu'on appelle "délai de grâce", est le délai requis de passivité de l'enceinte vis-à-vis de la pressurisation dans l'enceinte. En effet, la fusion du cœur étant due à une série de défaillances en particuliers de systèmes actifs, il est important pour la sûreté de ne pas dépendre immédiatement de moyens actifs dont certains ont fait défauts, et de reposer sur une certaine" passivité" du réacteur. 
     C'est pourquoi, on vise à vérifier que les fonctions de sûreté de la mitigation des conséquences d'un accident de fusion du cœur, sont assurées passivement pendant un certain délai. C'est le cas du Système d'aspersion : S'il ne fonctionne pas pendant 12 heures, l'étanchéité de l'enceinte est garantie vis-à-vis des phénomènes de pressurisation dans l'enceinte. Cependant, si le système d'aspersion est disponible, on pourrait le mettre en service avant les 12 heures, sans que cela ne modifie en quoi que ce soit l'efficacité du récupérateur de corium.
Commentaire GSIEN:
     Nos remarques n'ont pas pour but de reproduire les propos tenus dans une réunion mais de formuler notre propre analyse sur un sujet de sûreté à partir de documents consultés et d'une discussion.
     Rappelons que notre rapport date d'octobre et que le groupe permanent (dont nous n'avons pas encore lu le rapport) s'est réuni en décembre 2005.
     En tout état de chose, nous restons réservés quant à la fonctionnalité de ce dispositif qui n'a, en majeure partie, été à l'épreuve que de simulations informatiques (et il ne peut en être autrement)

Le risque hydrogène

Commentaire EDF:
     Il doit falloir remonter très loin (au-delà de 30 ans – avant le rapport WASH-1400 ou rapport Rasmussen) pour retrouver des écrits EDF ou IPSN indiquant que la cinétique de production d'hydrogène dans le cœur en cours de dénoyage est lente, et surtout que c'est la production d'hydrogène pendant l'interaction corium-béton qui serait à prendre en compte.
suite:
     L'installation de recombineurs d'hydrogène sur l'EPR et sur le parc en exploitation s'explique, d'une part du fait du durcissement des exigences de sûreté, et d'autre part du fait de l'amélioration notable des connaissances sur la physique des accidents graves qui permettent aujourd'hui d'apprécier plus finement les risques. 
     Il n'y a donc pas eu une évolution de fond de la doctrine.
Commentaire GSIEN:
     Non il ne faut pas remonter aux années 1970 pour trouver cette "doctrine". En effet, au moment de Tchernobyl (rapport OPECST 1987 – intervention du Pr. Gillon), ce processus lent  était toujours mentionné et opposé à l'analyse prenant en compte des processus rapides.
     Ces affirmations nous ont été redites (rapport d'expertise de la visite décennale de Fessenheim1 1999).
     Il est vrai qu'ensuite, avec les résultats des expériences Phébus-PF (1998-2000), le processus rapide a été admis comme d'ailleurs "l'expérience"  de TMI l'avait déjà démontré 20 ans auparavant.

L'exclusion de rupture

Commentaire EDF:
     Concernant le chapitre exclusion de rupture la position du GSIEN repose probablement sur des incompréhensions car elle ne correspond pas à ce qui a été présenté.
     Par exemple, l'utilisation inappropriée du REX du parc en exploitation: il est faux de dire que le REX du Parc en exploitation remet en cause l'hypothèse d'exclusion de rupture faite sur les lignes primaires et vapeur principales de l'EPR: jamais, une rupture complète (ni une fuite) n'a été constatée sur ces lignes des 58 tranches du Parc.
     Le cas du RRA de Civaux 2 ne peut être utilisé à cette fin: sa conception a été de moins bonne qualité que les lignes visées par l'exclusion de rupture. Par ailleurs, il n'y a pas eu de rupture de la ligne mais seulement une fuite compensable.
     Par ailleurs, le fait qu'on prévoit des mesures "pour pallier le cas où un équipement ne respecterait pas ce concept" ne veut pas dire qu'on ne croit pas à la solidité de ce concept mais qu'on réalise, au contraire, une conception responsable qui tient compte de différents niveaux de défense en profondeur.
     Enfin, nous rappelons que le principe d'exclusion de rupture retenu pour l'EPR est une modernisation et une extension à d'autres lignes du principe "tronçons protégés", appliqué historiquement sur les tranches du parc, depuis le palier CPY, sur les lignes VVP extérieur enceinte, entre la traversée et le point fixe en aval de la vanne d'isolement vapeur. Ce principe n'est donc pas nouveau et le retour d'expérience sur l'ensemble des tranches nucléaires au monde ne remet pas en cause le concept de "tronçons protégés".
Commentaire GSIEN
     Nous ne partageons pas le point de vue d'EDF sur l'utilisation inappropriée de l'exemple du RRA de Civaux. En effet les 3 points: qualité de conception, de fabrication et d'exploitation, sous-tendant "l'exclusion de rupture" demandent, exigent une conception et une réalisation sans défaut et notre exemple ne vise que ces points. Notons d'ailleurs que l'on nous concède que "sa conception a été de moins bonne qualité que les lignes visées par l'exclusion de rupture". De toute façon, nous avions bien précisé "bien que cette partie du circuit ne soit pas comprise dans ce qui aujourd'hui relève du concept d'exclusion de rupture".
     Nous persistons donc dans notre analyse: tous ces principes, de la "qualité nucléaire" pour finir à l'exclusion de rupture des zones dites "tronçons protégés" sur les paliers précédents, sont la base des réglementations encadrant l'industrie nucléaire. Or manifestement ces réglementations s'avèrent insuffisantes. Souhaitons-leur d'arriver à triompher mais c'est un pari. S'il est vrai que l'industrie nucléaire a fait de nombreux progrès, il en reste encore beaucoup à faire qui ne seront jamais réalisés tant que les responsables continueront à camper sur leurs certitudes.
     Il ne faut pas oublier que concevoir ou simplement améliorer un procédé peut générer des problèmes imprévus.

Le combustible

Commentaire EDF:
     Ainsi qu'il a été mentionné lors de la réunion d'échange, il y a plus d'un million de gaines M5 qui sont ou ont été irradiées (l'équivalent d'environ 13 cœurs EPR). Des crayons à gainage M5 ont dépassé 70 GWj/t et certains ont été testés avec succès dans les tests simulant des conditions accidentelles. L'incertitude sur la capacité à qualifier 70 GWj/t à moyen terme (décade 2010 - 2020) est donc en fait assez faible et il est justifié de considérer cette valeur pour l'évaluation économique du kWh. Pour mémoire, le taux de combustion max était de 33 GWj/t pour les premiers cœurs du programme électronucléaire français, environ vingt ans après il passait à 52 GWj/t (et au-delà à l'export).
     La phrase "En conséquence il est prématuré de parier sur un coût du KWh plus réduit que celui du parc actuel" laisse penser que le coût du kWh ne s'appuie que sur le combustible. Or, il ne faut pas oublier que le coût du kWh dérive du coût du kW installé qui est inférieur pour EPR à celui du parc.
     Les calculs économiques ont été faits en considérant un taux de combustion de 60 GWj/t sur un cycle de 18 mois.
     La première gestion de l'EPR serait un combustible à environ 55 GWj/t sur 18 mois.
p.31

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