La G@zette Nucléaire sur le Net!  
G@zette N°251
N° dédié à Jean-Louis Valatx, Henri Pézerat et Françoise Praderie


EPR: L'industrie nucléaire ne sait pas quoi faire de ses déchets
USINE NOUVELLE - Interview de John Large à propos des «7 fois plus radioactifs»
02/02/2009


     La France va se doter d'un deuxième EPR à Penly, John Large, expert  britannique de l'industrie nucléaire anglaise, en rappelle les risques. John Large a effectué des recherches sur les réacteurs  et autres systèmes nucléaires pour l'administration britannique de l'énergie atomique, en tant que collaborateur scientifique de la Brunel University. Il a créé au milieu des années 80 la société 
d'ingénieurs consultants « Large et Associates qui est spécialisée dans le domaine du nucléaire. Entre autres, il a été chef de l'équipe d'experts en techniques nucléaires et en technique d'armement qui a estimé les dangers de la première opération de sauvetage réussie du sous marin Kursk en 2001. Il a également travaillé sur l'EPR de  Flamanville. Son travail a consisté à créer un modèle d'intensité des radiations dans le cas d'un éventuel acident nucléaire grave.

     Question: les déchets nucléaire seront-ils sept fois plus radioactifs que ceux générés par les réacteurs classiques, comme le dit Greenpeace.

     John Large: Je ne travaille pas pour Greenpeace. Je suis un ingénieur indépendant,  Greenpeace est venu me voir pour vérifier si certains de leurs arguments étaient  valides scientifiquement. J'ai pu leur confirmer qu'ils l'étaient.

     Le fonctionnement de l'EPR prévoit que le combustible reste beaucoup plus longtemps dans le réacteur : le cycle n'est plus de 18 mois, mais de 24 mois. D'autre part, le combustible est plus concentré en uranium enrichi: l'isotope U235, présent à hauteur de 3,5% dans une centrale de deuxième génération, est désormais présent à hauteur de 5% dans un EPR. Il est plus irradié et on en tire plus d'énergie: 75GWh par jour et par tonne, contre 38 à 40 GWh par jour et par tonne dans une centrale de deuxième génération. Ce qui implique une usure (ou burnup) et donc une radiotoxicité bien plus importante que dans les réacteurs actuels.
     En particulier, le fait que le combustible soit plus radioactif change les propriétés physiques et chimiques des «crayons» d'uranium présents dans l'assemblage contenu dans la cuve: comme sous une force centrifuge, la radioactivité migre à l'extérieur de la gaines métalliques du crayon. Ce qui signifie qu'au moindre problème (contamination de l'eau de la piscine, rejet dans l'environnement,...), la fraction rejetée est supérieure à celle d'un réacteur de deuxième génération. (...)
p.16a

L'EPR, "vitrine du savoir faire nucléaire français" ou le miracle de la communication.
Lettre au Monde suite à un article du 3 février 2009
Monique et Raymond Sené

     Dans l'article publié dans le Monde du 3 février 2009 concernant l'EPR (European Pressurised Reactor) les auteurs ont repris les données techniques fournies par AREVA NP, sans faire le moindre effort de compréhension, sans faire preuve du moindre esprit critique.
     Et pourtant, il y a à faire. 
     Lors de débat Public sur l'EPR (2005-2006) le pétitionnaire (EDF) et le constructeur (AREVA) avaient présenté ces mêmes données, ce à quoi nous avions simplement objecté qu'à défaut de pouvoir en contrôler la véracité, cela s'assimilait à de la publicité mensongère. Afin d'avoir accès à ces données, une convention fut signée entre le GSIEN, EDF et la CPDP (Commission Particulière du Débat Public), convention nous permettant un accès au rapport provisoire de sûreté de l'EPR. L'analyse faite par le GSIEN du dossier EDF de l'EPR figure en annexe du rapport de la CPDP.
     Puis un groupe de travail du CSSIN a également produit un rapport. Ce groupe pluraliste, qui comprenait, outre des membres du CSSIN, des représentants d'EDF, AREVA NP, CEA et des spécialistes extérieurs, était piloté par le professeur J.M. LOISEAU, professeur de physique nucléaire à Grenoble.
     Les conclusions de ce groupe contredisent les assertions publicitaires relatives à l'augmentation du rendement, à la diminution des déchets et à la consommation d'uranium.
     Mais, alors que ce CSSIN fut créé pour être un groupe de sages placé auprès du ministre de l'industrie, il est clair que les décideurs politiques, président de la République en tête, préfèrent écouter les sirènes de la communication d'EDF et d'AREVA, plutôt qu'un avis consensuel basé sur des données scientifiques.

     Quelles sont ces données pour le moins bizarres citées dans l'article du Monde:
     · Le rendement: "augmentation de 35%" écrit le journaliste. Que ne s'est-il point renseigné auprès de physiciens nucléaires, de spécialistes des réacteurs, ou tout autre personne de bonne foi. La physique nous apprend que l'énergie obtenue dans un réacteur provient de la fission des atomes d'uranium 235 (et du Plutonium qui s'y forme). Chaque fission produit, en moyenne 200 MeV, donc pour produire un Joule il faut 31 milliards de fissions. Quel que soit le type de réacteur, du "vieil UNGG" (Uranium Naturel-Graphite-Gaz) à l'EPR (European Pressurised Reactor), dit de 3e génération, il faut le même nombre de fissions pour produire la même quantité de chaleur. La seule différence peut provenir du rendement du groupe turbo-alternateur qui va produire l'électricité. Une amélioration, forcement limitée puisque ces machines produisent de la vapeur à des températures voisines, peut provenir de ce  rendement. Dans le cas de l'EPR il s'agit de quelques %, loin de ce qu'écrit votre journaliste et de ce qu'EDF indique dans ses prospectus.
     · Les déchets radioactifs: "diminution de 30%" ... en activité ou en volume?
Pour le combustible: pour la même quantité d'énergie produite, comme nous venons de le voir, il faut le même nombre de fissions... donc cela donne la même quantité de produits de fission. EDF nous répond que pour des raisons économiques, le combustible est prévu pour être remplacé moins souvent, pour "faire des campagnes plus longues". Nous sommes ramenés au même problème: pour durer plus longtemps il faut "mettre plus de combustible", en l'occurrence, avoir un taux d'enrichissement en uranium 235 plus important.
     Le résultat est que pour une même quantité d'énergie produite, nous avons la même quantité de radioactivité, dans un volume plus petit. Ce qui ne change rien au problème des déchets de haute activité.
     Il y aura également un volume plus faible de structures constituant les combustibles.

suite:
     Oui, mais comme elles restent plus longtemps dans le flux neutronique du coeur, leur activation sera plus importante et la radioactivité contenue sera globalement la même.
     Comme le paramètre qui compte pour ces déchets est l'activité totale et non leur volume, il n'y a aucun gain.
      · "17% de combustible en moins", oui en volume. Mais ce combustible doit être plus enrichi en uranium 235 (le seul isotope de l'uranium naturel qui soit directement fissile). La triste réalité est que pour pouvoir enrichir à un taux plus élevé le combustible, il faut appauvrir une quantité plus importante de minerai. On retombe dans la même situation que précédemment: à quantité d'énergie produite égale, correspond la même quantité d'uranium 235 brûlé, donc la même quantité d'uranium naturel.
     Tous ces chiffres affirmés officiellement ont une réalité scientifique aussi bien établie que les taux de diminution des rides dans les publicités pour cosmétiques.
     Mais alors, pourquoi tous ces choix techniques? Il nous apparaît qu'ils servent à justifier l'annonce d'un coût du kWh produit plus bas, niveau qui ne peut être obtenu que par un gain sur la disponibilité de la machine. Un rechargement en combustible tous les 2 ans, comparé à un tous les ans ou tous les 18 mois, diminue le temps d'arrêt, donc augmente le temps de production. Il est d'ailleurs prévu que certaines interventions de maintenance dans le bâtiment réacteur puissent se faire réacteur en marche. Mais alors, quid de la radioprotection des travailleurs? Ceci est une autre question que les travailleurs des centrales feraient bien d'étudier.
     La déclinaison est immédiate: campagnes plus longues, donc combustible plus enrichi, donc taux de combustion plus élevés, d'où risques supplémentaires. Donc quand on présente le récupérateur de "corium", ce mélange en fusion, de combustible, de matériaux de structure, de béton,... comme une avancée pour la sûreté, ne serait-ce pas plutôt, une tentative pour compenser l'augmentation des risques?
     · D'où la question: a-t-on globalement augmenté la sûreté de l'EPR? (Quant à quantifier cette prétendue amélioration...?)
     Nous ne pouvons qu'être inquiets. L'ancienne doctrine consistait à mettre en oeuvre des moyens destinés à sauver la cuve du réacteur en cas de fusion du coeur. Aujourd'hui, on considère qu'en cas de fusion du coeur, la probabilité de percement de la cuve est tellement importante qu'il est indispensable de prévoir un système destiné à récupérer le corium sous le bâtiment.
     On est passé de l'axiome de la sûreté absolue à la certitude de l'occurrence d'un accident, à tel point qu'on travaille sur le post-accidentel et l'acceptabilité de cet accident par les populations.
     Il y a quelques années, dans les débats entre promoteurs et esprits critiques, le promoteur comparait la dangerosité du nucléaire avec celle des mines. Il est vrai qu'avant Tchernobyl la comparaison pouvait sembler pertinente. Mais à la réflexion, on voyait qu'il manquait un volet à l'analyse: Pourquoi a-t-on investi autant d'efforts dans le nucléaire et si peu dans les mines?
     La réponse est apparue après l'accident de Three Mile Island  en 1979. Un incendie, un coup de grisou dans une galerie va provoquer 100, 400, 1000 morts... et l'exploitation du site va reprendre 15 jours, un mois plus tard. A TMI, un coeur de réacteur, tout neuf, qui fond... pas un mort... mais c'est plusieurs milliards de dollars perdus, puis encore plusieurs milliards de dollars qui devront être dépensés pour le démantèlement...
     La conclusion est cyniquement simple: la sûreté n'est pas là pour protéger les vies humaines, mais l'investissement que représente l'outil de production.
     Aujourd'hui vient s'ajouter un autre paramètre. Si, suite à un incident, même mineur pour l'installation, des rejets imposaient une évacuation des populations proches, on risquerait un rejet du nucléaire dans l'opinion publique, et ce rejet serait une catastrophe pour tout ce pan de l'industrie dont "le président Sarkozy veut faire (des EPR) la vitrine du savoir faire nucléaire français". (titre de l'article du Monde)
p.16-17

LETTRE D'INFORMATION N°5: L'ASN reste vigilante sur le contrôle de la construction du futur réacteur Flammanville 3
(voir document ASN)

     EPR: l'ASN fait le bilan des anomalies
     L'Autorité de Sûreté Nucléaire a poursuivi, au 4ème trimestre 2008, son contrôle du chantier de construction du réacteur EPR de Flamanville 3. Elle rend publique ses principales observations concernant les anomalies détectées et les actions prises par EDF pour y remédier
     Fabrication du liner (peau d'étanchéité métallique de l'enceinte de confinement)
     A l'occasion de plusieurs inspections réalisées au cours de l'année 2008 et consacrés à la réalisation des soudures de la peau d'étanchéité métallique (aussi appelée liner) du bâtiment réacteur de l'EPR de Flamanville 3, l'ASN a mis en évidence:
     1. des écarts aux exigences techniques définies pour la réalisation du liner, notamment sur le mode de soudage, les conditions climatiques de réalisation des soudures et le cahier de soudage à disposition des soudeurs;
     2. des insuffisances dans l'application de l'arrêté du 10 août 1984 relatif à la qualité de la conception, de la construction et de l'exploitation des installations nucléaires de base, notamment la qualification de l'atelier de préfabrication  du liner sur le chantier de Flamanville 3, la surveillance des activités de réalisation ou de contrôle non destructif des soudures ainsi que le système de gestion de la qualité du prestataire en charge des soudures du liner.
     L'ASN a en particulier considéré que les taux importants de réparation sur certaines soudures traduisaient une maîtrise insuffisante des conditions de réalisation actuelles des soudures du liner.
     L'autorité a donc demandé à EDF de justifier la capacité du liner, réalisé dans de telles conditions, à assurer la fonction de sûreté du confinement, et de proposer, si nécessaire, des contrôles supplémentaires.
     Dans l'attente, elle a demandé à EDF, le 12 décembre 2008, de surseoir à toute opération irréversible qui ne serait pas compatible avec la réalisation de contrôles supplémentaires sur les soudures.
     A l'issue d'un examen technique approfondi des justifications présentées par EDF, et après consultation de l'IRSN, l'ASN a demandé à EDF le 4 février 2009:
     Pour les soudures déjà faites:
     * de compléter les éléments déjà transmis, notamment par des essais à réaliser sur des soudures représentatives de celles du chantier;
     * de réaliser des contrôles à 100% pour certaines soudures. Pour les autres soudures, l'ASN considère que les éléments présentés par EDF permettent de garantir l'absence d'impact sur la fonction de confinement que doit assurer le liner.
     Pour les soudures à venir:
     * de lui présenter un plan d'action visant à améliorer significativement la qualité de réalisation de ces soudures et de lui rendre compte mensuellement de la mise en œuvre effective de ce plan puis de réaliser une évaluation de son efficacité après 6 mois d'application sur le chantier;
     * dans l'attente d'une nette amélioration des conditions de réalisation des soudures, de les contrôler à 100%.
suite:
     Opérations de ferraillage
     A la suite des anomalies récurrentes en matière de ferraillage survenues lors du 1er semestre 2008 sur le chantier de Flamanville 3 (voir les lettres d'information n°2, n°3 et n°4), l'ASN a demandé à EDF le 17 juin 2008 de mettre en œuvre un plan d'actions visant à remédier à ces écarts.
     Au cours de l'inspection réalisée par l'ASN le 17 décembre 2008, les inspecteurs ont évalué l'efficacité du plan d'action et ont noté une amélioration de la rigueur dans le domaine de la réalisation et du contrôle technique du ferraillage.
     Galerie de rejets en mer
     Au cours du dernier trimestre 2008, EDF a informé l'ASN de difficultés techniques rencontrées pour la réalisation de l'ouvrage de rejets en mer et du changement des modalités pratiques de creusement de la galerie de rejets.
     Au vu de la modification du tracé initialement envisagé pour la galerie de rejets en mer et de la mise en œuvre d'un tunnelier, l'ASN a demandé à EDF de vérifier l'analyse des risques induits par cette modification pour la sûreté du réacteur n°2 de la centrale nucléaire de Flamanville (impact éventuel des tirs de mines et des vibrations induites par le creusement, contrôle de l'absence de déformation du massif rocheux...).
     Tuyauteries du circuit d'eau brute secourue de la station de pompage
     Le circuit d'eau brute secourue sert, via un circuit de refroidissement intermédiaire, à assurer le refroidissement de matériels importants pour la sûreté du futur réacteur.
     À la suite de l'inspection réalisée par l'ASN le 2 juillet 2008, EDF a mené des investigations complémentaires qui l'ont conduite à mettre au rebut certaines tuyauteries présentant des non-conformités de fabrication.
     Au vu de la fonction de sûreté de ces tuyauteries, l'ASN considère que la décision prise par EDF est adaptée.
     Relations internationales
     Afin de mutualiser le retour d'expérience sur le contrôle de la construction des réacteurs de type EPR sur les sites d'Olkiluoto en Finlande et de Flamanville en France, l'ASN et son appui technique l'IRSN ont mis en place, depuis 2004 une coopération renforcée avec l'Autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) : réunions périodiques, alertes mutuelles, visites communes.
     Dans ce cadre, trois agents de l'ASN accompagnés de trois agents de l'IRSN se sont rendus les 14 et 15 janvier 2009 en Finlande, sur le site de Olkiluoto 3. Cette visite fut l'occasion d'échanger sur la conception détaillée du génie civil des réacteurs et de comparer les pratiques de contrôle, notamment en participant en tant qu'observateur, à une inspection réalisée par le STUK.
p.18

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