La G@zette Nucléaire sur le Net!  
G@zette N°264, mai 2012

Les dés sont lancés: que va-t-il se passer?
Un plan énergétique cohérent, ou... rien?
DOSSIER ANDRA

Les Essentiels
Inventaire national des matières et déchets radioactifs: éléments essentiels
Edition 2012
Enjeux et principes de la gestion des matières et déchets radioactifs
Qu’est-ce qu’un déchet radioactif? Une matière radioactive?

     L’utilisation des propriétés de la radioactivité, dans différents secteurs économiques, comme toute activité humaine, est à l’origine de la production de déchets.
     Les déchets radioactifs sont des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée.
     Les substances radioactives, pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée, le cas échéant aprés traitement, sont qualifiées de matières radioactives.
     La grande majorité des déchets radioactifs ressemble à des déchets classiques: outils, vêtements, plastiques, ferrailles, gravats... Cependant, ils contiennent des radionucléides qui émettent des rayonnements présentant un risque pour la santé. Ils ne peuvent pas être gérés comme des déchets classiques et font l’objet d’une prise en charge particulière.

D’où proviennent les déchets?

     La radioactivité est utilisée dans de nombreux secteurs économiques. Les cinq principaux sont les suivants: 
     - le secteur électronucléaire qui comprend principalement les centrales nucléaires de production d'électricité, ainsi que les usines dédiées à la fabrication et au retraitement du combustible nucléaire (extraction et traitement du minerai d'uranium, conversion chimique des concentrés d'uranium, enrichissement et fabrication du combustible, traitement du combustible usé et recyclage);
     - le secteur défense: il s’agit principalement des activités liées à la force de dissuasion et à la propulsion nucléaire de certains navires ou sous-marins, ainsi que des activités de recherche;
     - le secteur recherche qui comprend la recherche dans le domaine du nucléaire civil, les laboratoires de recherche médicale, de physique des particules, d’agronomie, de chimie;
     - le secteur industrie (hors électronucléaire) qui comprend notamment l’extraction de terres rares, la fabrication de sources scellées mais aussi diverses applications comme le contrôle de soudure, la stérilisation de matériel médical, la stérilisation et conservation de produits alimentaires...
     - le secteur médical: activités thérapeutiques, de diagnostic et de recherche.

Comment gère-t-on les déchets radioactifs?

     Les déchets radioactifs contiennent en général un mélange de radionucléides (c’est-à-dire des éléments radioactifs: uranium, césium, iode, cobalt, radium, tritium...). En fonction de leur composition, ils sont plus ou moins radioactifs, pendant plus ou moins longtemps. Afin de les isoler de l’homme et de l’environnement le temps nécessaire pour que leur radioactivité ait diminué et ne présente plus de risques, la France a fait le choix de gérer les déchets radioactifs dans des stockages dédiés. (Certains déchets, provenant principalement du secteur médical ou de la recherche ont une durée de vie très courte. Ils perdent leur radioactivité en quelques années. Ils sont donc entreposés sur leur site d’utilisation le temps de leur décroissance radioactive, avant élimination dans une filière conventionnelle correspondant à leurs caractéristiques physiques, chimiques et biologiques). 
     Il est prévu de prendre en charge les déchets radioactifs dans trois types de stockages aux caractéristiques adaptées à leur niveau de radioactivité et leur durée de vie:
suite:
     - les stockages de surface (2 centres de stockage situés dans le département de l’Aube exploités par l'Andra qui permettent de stocker les déchets de très faible activité et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte),
     - le stockage à faible profondeur,
     - le stockage profond.
     Ces deux derniers stockages sont actuellement en cours d’étude par l’Andra conformément aux exigences de la loi du 28 juin 2006 (Loi né 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.).
     Certains déchets radioactifs anciens ont bénéficié de modes de gestion "historiques" (stockage sur place, immersion en mer...) pratiqués à l’époque à laquelle ils ont été produits.

Quels sont les différents types de déchets?

     Les déchets radioactifs sont classés en cinq catégories:
     - les déchets de haute activité (HA), principalement issus des combustibles usés après traitement. Le niveau d’activité de ces déchets est de l’ordre de plusieurs milliards de becquerels par gramme;
     - les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL), également en majorité issus du traitement des combustibles usés. L’activité de ces déchets est de l’ordre d’un million à un milliard de becquerels par gramme;
     - les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL), essentiellement des déchets de graphite provenant des réacteurs de première génération et des déchets radifères. Les déchets de graphite ont en ordre de grandeur une activité se situant entre dix mille et quelques centaines de milliers de becquerels par gramme. Les déchets radifères possèdent une activité comprise entre quelques dizaines de becquerels par gramme et quelques milliers de becquerels par gramme;
     - les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), essentiellement issus de l’exploitation et du démantèlement des centrales nucléaires, des installations du cycle du combustible, des centres de recherche et, pour une faible partie, des activités de recherche biomédicale. L’activité de ces déchets se situe entre quelques centaines de becquerels par gramme à un million de becquerels par gramme;
     - les déchets de très faible activité (TFA), majoritairement issus de l’exploitation de maintenance et du démantèlement des centrales nucléaires, des installations du cycle du combustible et des centres de recherche. Le niveau d’activité de ces déchets est en général inférieur à cent becquerels par gramme.
     Certains déchets sont anciens. Leur classification selon ces catégories a été effectuée au moment de leur production et de leur entreposage provisoire. Avant d’être stockés, ces déchets feront l’objet d’une étude détaillée et éventuellement d’un traitement et peuvent donc être amenés à changer de filière de gestion Il est prévu de prendre en charge les déchets radioactifs dans trois types de stockages aux caractéristiques adaptées à leur niveau de radioactivité et leur durée de vie:
     - les stockages de surface (2 centres de stockage situés dans le département de l’Aube exploités par l’Andra qui permettent de stocker les déchets de très faible activité et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte),
     - le stockage à faible profondeur,
     - le stockage profond.
     Ces deux derniers stockages sont actuellement en cours d’étude par l’Andra conformément aux exigences de la loi du 28 juin 2006.
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Recensement des déchets entreposés
ou stockés à fin 2010
     L’Andra recense annuellement les déchets radioactifs présents en France, sur la base des déclarations de chaque détenteur de déchets radioactifs, qui est tenu de déclarer é l’Andra les stocks de déchets qu’il détenait au 31 décembre de l’année précédente. On compte plus d’un millier de détenteurs tous secteurs économiques confondus. 
     Les volumes de déchets ainsi recensés correspondent au volume de déchets conditionnés de maniére à pouvoir être entreposés et transportés vers le centre de stockage, constituant ce qu’on appelle des colis primaires.  Pour le stockage profond, un conditionnement complémentaire est nécessaire  pour leur stockage, afin d’assurer des fonctions de manutention ou de sûreté ou de réversibilité. A ce stade des études, le volume des colis de stockage rapporté au volume des colis primaires représente de l’ordre d’un facteur 2 à 3 pour les déchets HA et de l’ordre d’un facteur 4 pour les déchets MAVL. Seul le volume primaire est indiqué dans le présent document.

Les déchets destinés à être pris en charge par l’Andra

     Les tableau et graphique ci-après donnent les bilans résultant des déclarations faites à fin 2010, pour les déchets déjé stockés dans les centres de l’Andra ou destinés à être pris en charge par l’Andra.


Répartition des volumes par secteur économique

     Les écarts constatés entre les déchets produits à fin 2007 et ceux à fin 2010 sont dus à la production courante de déchets. Il faut toutefois noter, en plus de cette production courante:
     - des compléments de caractérisation des bitumes de Marcoule qui permettent d’en faire passer certains de la filiére MA-VL à la filière FA-VL,
     - une amélioration du conditionnement envisagé pour les boues de La Hague, conduisant à une réduction du volume de déchets MA-VL,
     - la prise en compte en compte des objectifs d’assainissement du génie civil des installations démantelées qui conduit à une augmentation significative des déchets TFA.

Les déchets ayant fait l'objet
de modes de gestion "historiques"
Répartition de la radioactivité


suite:
Répartition des volumes

     Les résidus de traitement de minerais d’uranium sont stockés sur les sites miniers de façon définitive. Ils représentent environ 50 millions de tonnes (soit 33 millions de m3), répartis sur vingt sites; il s’agit de déchets à vie longue, de niveau d’activité comparable à celui des TFA.
     D’autres déchets ont été stockés dans des stockages ne relevant pas de la responsabilité de l’Andra: on en recense de l’ordre de 50 millions de tonnes, répartis sur une cinquantaine de sites: stockages in-situ, centres de stockage conventionnels et certains sites miniers. Parmi ceux-ci, environ 80% sont des déchets à radioactivité naturelle renforcée c’est-à-dire des déchets générés par la transformation de matières premiéres contenant naturellement des radionucléides mais qui ne sont pas utilisées pour leurs propriétés radioactives; ces déchets sont de très faible activité mais comportent des éléments radioactifs à vie longue.
     La France a réalisé par ailleurs deux campagnes d’immersion de déchets radioactifs dans l’Atlantique, en 1967 et en 1969, représentant 14.200 tonnes de déchets. De plus, dans le cadre des expérimentations nucléaires réalisées par la France dans le Pacifique, 3.200 tonnes de déchets ont été immergées entre 1967 et 1982.

Les matières radioactives entreposées à fin 2010

     Les détenteurs de matières radioactives sont aussi tenus de déclarer à l’Andra les matières entreposées sur le territoire français. Le tableau ci-dessous récapitule les stocks de matières radioactives recensées à fin 2010.
Avec les légendes:
UOx: Combustibles composés d’oxyde d’uranium
MOX: Combustibles composés d’un mélange d’oxyde d’uranium et d’oxyde de plutonium
RNR: Combustibles des réacteurs rapides à sodium Phénix et Superphénix: ce peut être des combustibles UOx ou MOX
MES: Matières en suspension, sous-produits du traitement des terres rares contenant du thorium
tML: tonne de métal lourd soit tonne d’uranium ou de plutonium contenu dans le combustible avant irradiation

Quantités prévisionnelles de déchets radioactifs à fin 2020 et 2030

     La loi (né 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs) impose en outre aux détenteurs de faire des prévisions de production de déchets à fin 2020 et 2030, sur la base d’hypothèses spécifiques à chaque secteur économique. Notamment, pour le secteur électronucléaire, les hypothèses structurantes retenues sont une durée de fonctionnement de 50 ans de l’ensemble des réacteurs (cette hypothése a été retenue pour l’inventaire car elle reflète les orientations stratégiques d’EDF vis-à-vis de l’allongement de la durée de fonctionnement du parc. Ceci ne préjuge pas de la décision des autorités) et le traitement de la totalité des combustibles usés (correspondant à la politique de gestion actuelle).


Prévisions faites en 2010

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     Ces prévisions ont évolué par rapport à celles publiées dans l’édition 2009 de l’inventaire national et rappelées ci-dessous. Les principaux facteurs de cette évolution sont:
     - une augmentation du flux annuel de retraitement de combustibles usés à l’usine de La Hague (1.000 tML au lieu de 850) avec tML défini comme suit: tonne de métal lourd soit tonne d’uranium ou de plutonium contenu dans le combustible avant irradiation.
     - la prise en compte d’une durée de fonctionnement supérieure des installations nucléaires (50 ans au lieu de 40 ans en 2007).
     - une meilleure identification des déchets qui seront produits par le démantèlement et les opérations de reprise de déchets anciens et une optimisation du tri, se traduisant notamment par des transferts de déchets  de la catégorie MA-VL vers FA-VL ou FMA-VC et de la catégorie FMA-VC vers TFA, 
     - le décalage de planning du démantèlement des réacteurs de la filière uranium naturel graphite-gaz, qui repousse la production des déchets FA-VL associés (déchets de graphite),
     - une augmentation conséquente du volume des déchets TFA due notamment à la prise en compte en compte des objectifs d’assainissement du génie civil des installations à démanteler, à des compléments de caractérisation de déchets considérés jusqu’alors comme pouvant être éliminés dans les filières conventionnelles et des transferts de déchets de la catégorie FMA-VC.

Comparaison des prévisions faites en 2007 et 2010 é l’horizon 2020

Comparaison des prévisions faites en 2010 à l’horizon 2030

Les inventaires prospectifs

     Ce paragraphe donne une vision prospective des déchets et des matières qui seraient produits par l’ensemble des installations jusqu’à leur fin de vie. Ces quantités sont présentées suivant deux scénarios de politique électronucléaire volontairement contrastés. Ceci ne saurait préjuger de la politique énergétique française qui serait décidée. L’activité des secteurs économiques autres que l’électronucléaire est supposée identique dans les deux scénarios.
     Dans les deux cas, l’inventaire ne porte que sur les déchets produits par les installations qui ont obtenu leur décret d’autorisation de création à fin 2010, ceci bien que le scénario de poursuite sous-entend la mise en service de nouvelles installations.

Scénario 1:
poursuite de la production électronucléaire

     Ce scénario envisage la poursuite de la production d’électricité d’origine nucléaire ainsi que de la stratégie actuelle en matière de traitement de combustible usé. Il considére une durée de fonctionnement de 50 ans pour l’ensemble des réacteurs. La totalité des combustibles consommés par les réacteurs autorisés à fin 2010 est ainsi supposée être traitée pour en séparer les matières (uranium, plutonium) des déchets ultimes. Aucun combustible usé n’est alors stocké directement et la totalité du plutonium extrait des combustibles usés est supposée recyclée, dans le parc actuel ou dans un futur parc, sous forme de combustibles MOX. Compte-tenu du nombre de réacteurs aujourd’hui autorisés à utiliser ce type de combustibles, le parc électronucléaire actuel permettra la valorisation de plutonium séparé jusque vers 2029. Au-delà, le rythme de traitement des combustibles usés, et donc de la production de plutonium dépendra directement du rythme du déploiement des nouveaux réacteurs qui le consommeront. Ces combustibles usés représenteraient environ au total 30.000t à recycler. Dans l’hypothèse d’un échelonnement de ces opérations sur 40 ans ceci représenterait un flux annuel moyen de traitement de 700 à 1.000 tonnes de combustible UOx et MOX, et donc un flux annuel de l’ordre de 10 à 13 tonnes de plutonium.
suite:
Scénario 2: non renouvellement de la production électronucléaire
     Ce scénario suppose le non-renouvellement du parc existant entraînant l’arrêt du traitement du combustible usé avant l’arrêt des réacteurs afin de ne pas avoir de plutonium séparé. La durée de fonctionnement des réacteurs est supposée être de 40 ans. 
     Dans ce scénario, le recyclage du plutonium est en effet limité à la fabrication du combustible MOX nécessaire au fonctionnement des réacteurs aujourd’hui autorisés à utiliser ce type de combustible. Au vu des dates d’arrêt de ces réacteurs, leur fonctionnement ne nécessite plus de séparer le plutonium par traitement des combustibles usés au-delà de 2019. 
     Dans ce scénario, environ 28.000 tML de combustibles usés, UOx, RNR et MOX, deviennent des déchets et doivent être stockés (dans les mêmes conditions que les déchets HA).

Estimation des déchets produits dans les 2 scénarios envisagés

      Les combustibles usés ne sont pas aujourd’hui considérés comme déchets, et ne sont donc pas conditionnés pour une prise en charge en stockage. Le volume moyen d’un assemblage combustible étant de 0,19 m3, ces assemblages représentent un volume de 12.000 m3. L’Andra a vérifié la faisabilité du stockage des combustibles usés en 2005. Les concepts de conteneurs de stockage utilisés pour cette démonstration induisaient un volume de colis de stockage d'environ 89.000 m3 (environ 7,5 fois plus que le volume non conditionné).

Gestion de l’uranium de retraitement

     Dans les deux scénarios, le traitement du combustible usé est aussi à l’origine d’uranium de retraitement, matière valorisable. Avec l’hypothèse d’un maintien du niveau de recyclage actuel (dans les 4 réacteurs de Cruas jusqu’à leur fin de vie), il resterait dans le scénario de poursuite 40.000t d’uranium de retraitement en stock à la fin de vie du parc existant, et 10.000t dans le scénario de non renouvellement. Dans ce dernier cas, s’il ne pouvait être réutilisé dans des réacteurs hors de France, l’uranium de retraitement deviendrait un déchet avec l’arrêt du nucléaire.  Toutefois, la résorption totale de ce stock de matière est techniquement possible dans les deux scénarios: elle suppose la fabrication de combustibles à base de cet uranium de retraitement qui pourraient, sous réserve des autorisations administratives correspondantes, être consommés dans tout ou partie des réacteurs existants ou futurs, de façon comparable au recyclage actuellement pratiqué à Cruas. 

COMMENTAIRE GAZETTE

     Il est intéressant de suivre les méandres de l’inventaire.
     Les tML sont rapportées au tonnage de combustible avant irradiation. C’est une façon de contourner le séjour en réacteur; ce peut être minorant ou majorant selon les cas et les radionucléides.
     En rajoutant une incertitude de 10 à 20% on doit se trouver dans la fourchette.
     Il s’agit également d’un inventaire qui repose sur les déclarations des exploitants: il y a aussi une incertitude bien que ce ne soit pas une bonne idée de «se tromper» dans les déclarations.
     Cependant, dans les estimations de l’ANDRA il est supposé que les 4 réacteurs de Cruas utilisent de l’uranium de retraitement enrichi: ceci sera vraiment possible avec le démarrage de Georgs Besse II qui se fait lentement.
     Quant aux 4e générations, il faudrait tout de même tout d’abord avoir discuté du programme énergétique à venir. Il est évident que si on se lance dans du nucléaire, la France aura loupé une fois de plus le coche. Il faut démarrer un programme alternatif maintenant. Ce programme reposera sur des économies d’énergie: arrêt du chauffage électrique par transformation des sources de chaleur accessibles, renforcement de l’isolation, ampoules basse consommation, réalisation d’appareils économes et réparables.
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