La G@zette Nucléaire sur le Net!  
G@zette N°264, mai 2012

Les dés sont lancés: que va-t-il se passer?
Un plan énergétique cohérent, ou... rien?!
Rapport Commission Nationale d’Evaluation 2 (Novembre 2011)

DES RECHERCHES ET ETUDES RELATIVES A LA GESTION DES MATIERES ET DES DECHETS RADIOACTIFS
instituée par la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006


RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

     Selon les dispositions de la loi, la gestion à long terme des déchets de haute activité et à vie longue comporte deux aspects qui ne s’excluent pas: la séparation-transmutation des actinides présents dans le combustible usé des réacteurs nucléaires et le stockage géologique des déchets de haute et moyenne activité à vie longue.

Séparation et transmutation

     Les études sur la séparation-transmutation sont aujourd’hui conduites en relation avec celles menées pour la conception du prototype Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) de réacteur nucléaire à neutrons rapides (RNR) de quatrième génération. La faisabilité scientifique et technique de la séparation des divers actinides est maintenant démontrée.
     Un RNR (Réacteur à neutrons rapides), à condition d’être associé à un pilote de retraitement, permettrait de tester la faisabilité industrielle du multirecyclage du plutonium et de démontrer la possibilité de transmutation industrielle des actinides mineurs. La faisabilité industrielle du multirecyclage du plutonium conditionne le développement d’un parc de RNR. Il deviendrait alors possible de gérer le plutonium comme une ressource de matière fissile et non comme un déchet qui serait à mettre en stockage géologique. La faisabilité industrielle de la transmutation des actinides mineurs permettrait d’envisager de nouvelles options pour la gestion des déchets.
     La transmutation des actinides est envisageable avec un parc de réacteurs à neutrons rapides, couplé au réseau, ou avec des réacteurs à neutrons rapides sous-critiques pilotés par accélérateur (ADS) encore  à l'étude (voir annexe 5).
     Un parc de réacteurs à neutrons rapides de 430 TWh/an, isogénérateurs et transmutant l'américium, nécessiterait – en fonctionnement permanent – la manipulation d'environ 900 tonnes de plutonium et 100 tonnes d’américium réparties dans les réacteurs et les usines du cycle. Ces masses représentent les quantités qui seraient à gérer à l’arrêt du cycle. À titre de comparaison, le fonctionnement d'un parc de REP (Réacteur à eau pressurisée donc à neutrons thermiques) moxés fournissant la même quantité d'électricité produirait des masses croissantes de plutonium (1.300 tonnes en 2150), non recyclables en REP et qui seraient à mettre en stockage géologique.
     Actuellement la recherche française est bridée par l'absence d'un réacteur à neutrons rapides accessible à la communauté scientifique en charge de l'étude de la transmutation, ce qui interdit d’exploiter pleinement l’avance scientifique, technique et technologique française en ce domaine.
     Or, des efforts de recherche importants sont à mener pour démontrer qu’Astrid peut fonctionner en recyclant son propre plutonium, et apprécier les avantages et les inconvénients des différentes stratégies envisageables pour transmuter les actinides mineurs.
     La Commission souligne que la logique scientifique ne se confond pas avec la rationalité industrielle. Le projet scientifique associé au réacteur Astrid doit d’abord servir un programme complet d'E&R passant en revue différentes stratégies de transmutation et permettre de pousser la recherche jusqu'à une évaluation complète des possibilités d'industrialisation.

Entreposage et stockage des déchets radioactifs

     L'année 2010-2011 a constitué une étape très importante pour le stockage géologique profond des déchets radioactifs qui, après une phase préparatoire d'E&R, entre dans la phase de réalisation industrielle. En septembre 2010, l'Andra a présenté une organisation et une stratégie industrielles pour le projet de stockage, appelé Cigéo (centre industriel de stockage géologique).
     Or, de leur côté, les producteurs de déchets, EDF, Areva et le CEA, ont proposé pour cet ouvrage des options de conception alternatives, rassemblées dans un dossier appelé STI, transmis à l'Andra en novembre 2010. Comme l'a souligné l'Opecst, cette démarche des producteurs "engagée en dehors des cadres de concertation prévus par la loi" (Cf. rapport Opecst 19 janvier 2011 "Déchets nucléaires: se méfier du paradoxe de la tranquillité" - pdf) semble avoir été avant tout motivée par l'annonce faite par l'Andra d'un accroissement conséquent de son estimation du coût du projet de stockage géologique profond. La Commission rappelle que la loi du 28 juin 2006 confie à l'Andra la mission de "concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion [...] des centres de stockage de déchets radioactifs..."
suite:
     La Commission estime que le travail effectué par les producteurs contient des éléments techniques qui méritent l’examen. La proposition d’architecture d’ensemble qui les organise participe d’une logique de réduction des coûts; or, ce projet satisfait moins bien que le projet 2009 de l’Andra, l’objectif prioritaire d’impact radiologique le plus réduit possible, compatible avec les conditions techniques et économiques.
     La DGEC (Direction générale de l'énergie et du climat, au sein du ministère chargé de l'écologie - pdf)  a demandé à l'Andra d'évaluer les propositions des producteurs; elle a mis en place en avril 2011 une revue du projet Cigéo. Cette revue visait à formuler, avant le lancement de tout appel d'offres de maîtrise d'œuvre, un avis sur la robustesse du programme industriel, et à préciser quels pourraient être le cahier des charges du stockage et les pistes d'optimisation technico-économique à explorer.
     Le 11 octobre 2011, l'Andra a présenté à la Commission le document "Exigences applicables au projet Cigéo" qui constitue le cahier des charges pour la conception d'esquisses de stockage et leurs spécifications techniques. L'Andra a précisé avoir "choisi de retenir une maîtrise d’œuvre pour les études de conception de la période 2011-2017" et souligné que la maîtrise d'œuvre devra apporter "une réponse architecturale, technique et économique" (cf. Cigéo.SP. ADPG.11.0020.B).
     L'Andra, maître d'ouvrage, a donc décidé, après la revue de projet Cigéo, de procéder à un appel d'offre en vue de confier la "maîtrise d’œuvre système" à une entreprise extérieure. La Commission n’a pas eu le temps nécessaire pour analyser en détail  le contenu de l’appel d’offres et la forme de gouvernance du projet que crée cette maîtrise d’œuvre. Toutefois, elle s’inquiète de ce que, sans avoir fait figurer un schéma conceptuel explicite dans son appel d’offres,  l’Andra ait délégué la "maîtrise d’œuvre système" à une entreprise extérieure qui aura la charge de finaliser l’esquisse détaillée de la première tranche du stockage, les méthodes et le chiffrage des coûts de réalisation, tout cela en moins d’un an. La Commission demande que l’Andra assume pleinement toutes les responsabilités qui lui ont été confiées par la loi.
     L’Andra a mené à bien l'élaboration des dossiers 2005 et 2009 et la proposition de Zira (Zone d'intérêt pour une reconnaissance approfondie). Le passage d'une réflexion à base d'E&R à une élaboration industrielle engendre des difficultés nouvelles. La Commission souligne aussi que les producteurs (EDF, CEA et Areva) ont développé depuis de nombreuses années une très grande expertise en termes d'installations nucléaires, d'ouvrages souterrains, et de maîtrise des risques associés. La Commission recommande que, tout au long de la réalisation du projet industriel, les producteurs y soient effectivement associés et leur contribution mise à profit, à travers un processus qui reste à mettre en place mais où l’Andra conserverait toutes ses prérogatives de maître d'ouvrage.
     La Commission rappelle que dans moins de douze mois, le dossier préparatoire au Débat public devra porter à la connaissance du public les éléments essentiels du projet, notamment le schéma du stockage, les modalités de la réversibilité, le schéma des installations de surface, puits et descenderies, l'inventaire des déchets qui iront au stockage et une estimation du coût de l'installation suite à la remise du rapport de la Cour des Comptes sur le coût du nucléaire (analyse GSIEN, voir aussi le Rapport PNGMDR 2010-2012, pdf) et le "Rapport Charpin, Dessus, Pellat "de 2000, avec analyse GSIEN!

Dimension internationale

     La Commission juge favorablement l'ancrage international d'une bonne partie des recherches effectuées par l’Andra, le CEA et le CNRS. Elle a apprécié particulièrement l’importance accordée à cette dimension lors des auditions.
     Quatre pays (Chine, Inde, Japon, Russie) développent des projets de RNR.
     La directive européenne Euratom du 19 juillet 2011 (pdf) a conclu que "Le stockage géologique constitue actuellement la solution la plus pérenne et la plus durable". 
     Trois pays ont un calendrier qui prévoit l’ouverture en 2025 d’un stockage profond de déchets radioactifs de haute activité à vie longue: la Finlande, la France  et la Suède. En Suède, en mars 2011, SKB a déposé son dossier de demande d’autorisation de construction. La Suède est donc le premier pays à avoir franchi cette étape.
p.23

Annexe 1 (page 84)
SUR LES ACTIVITÉS DU CNRS

     Les représentants du CNRS ont rendu compte des travaux sur les systèmes d’énergie nucléaire du futur et le stockage géologique des déchets radioactifs, menés dans le cadre du programme de recherche sur l’aval du cycle (Pacen).
     Le CNRS est un partenaire majeur des E&R sur les ADS conduites dans le cadre de collaborations internationales, et notamment dans le cadre du projet Guinevere qui est une étape importante du projet Myrrha, et pour les développements à venir dans le cadre du 7ème PCRD.
     Les avancées techniques, réelles, apportent des données significatives sur une alternative possible aux RNR pour la transmutation des actinides mineurs. Bien que cette approche n’ait pas atteint une maturité suffisante pour que la faisabilité technique puisse être comparée à celle d’une filière fondée sur des réacteurs à neutrons rapides, il est important de la développer jusqu’à un stade permettant d’établir une éventuelle faisabilité technique.
     Cette même approche maintient de nombreuses expertises et compétences dans les domaines de la neutronique, des matériaux, des procédés, complémentaires de celles sollicitées pour le développement des RNR, et contribue à maintenir vivante une communauté scientifique liée au nucléaire du futur.
     Le CNRS possède une grande expérience dans l’étude des transferts, géologiques ou environnementaux, des éléments et notamment des radionucléides. Des études concernant la migration du sélénium dans les champs proche ou lointain, et celle de radioéléments dans le site de Tchernobyl ou dans le site expérimental de Tournemire, en collaboration avec l’IRSN, produisent des résultats de qualité. Les transferts gazeux dans les failles font également l’objet de recherches qui impliquent de nombreuses équipes universitaires et du CNRS.
     Les données fondamentales produites par les équipes du CNRS pour irriguer les projets liés à la gestion des matières et des déchets radioactifs constituent un apport significatif. La Commission encourage vivement ces équipes à mener une réflexion stratégique afin que le projet de stockage géologique mené par l’Andra et les E&R sur la séparation-transmutation pilotées par le CEA, puissent bénéficier pleinement de leurs compétences.
     Une stratégie de gestion des déchets dans laquelle les déchets MAVL seraient stockés en profondeur dès 2025, alors que les déchets HAVL resteraient entreposés en surface jusqu’à 2125 ou au-delà a été présentée. La Commission souligne que cette approche remet inutilement en cause les objectifs de sûreté du stockage géologique. 
 S’agissant de la réversibilité, la Commission demande que les équipes SHS du CNRS impliquées dans le projet Pacen lui présentent leurs résultats.

Annexe 3  (page 90)
RESSOURCES EN URANIUM

     Les besoins mondiaux en uranium sont actuellement de l’ordre de 60.000 tonnes par an (pour environ 2.700 TWh produits chaque année par le nucléaire). La production des mines ne couvre actuellement que 60 à 70% de ces besoins, soit environ 40.000 tonnes;  le reste correspond à de l’uranium déjà extrait, retraité ou déstocké à partir d’usages civils ou militaires. Il existe en pratique deux marchés de l’uranium: le marché dit "spot" qui joue un rôle marginal assurant 10 à 15% des besoins; le marché de contrats bilatéraux à long terme qui couvre 50 à 55% des besoins environ, le solde correspondant à de l’uranium retraité. A terme, le déstockage d’uranium militaire devrait disparaître et la production minière sera donc appelée à augmenter.
     Le prix spot de la livre américaine de yellow cake (U3O8) était moyennement élevé entre 1950 et 1973; le prix s’est envolé au moment du premier choc pétrolier pour s’effondrer à moins de 30$ au milieu des années 1980, suite à l'arrêt de nombreux projets de centrales après l’accident de Three Mile Island. À noter que le prix spot est plus volatil que le prix des contrats à long terme.
     Les prix sont repartis à la hausse entre 2003 et 2007, atteignant près de 140$ la livre, pour s’effondrer ensuite avant de se redresser en 2010 avec la reprise des projets nucléaires un peu partout dans le monde. L’accident de Fukushima, qui va sans doute se traduire par un ralentissement des programmes, devrait stabiliser le prix de l’uranium à un niveau modeste, le niveau actuel étant de l’ordre de 60$. À noter que le prix de l’uranium naturel ne représente que 5% du coût du kWh nucléaire en sortie de centrale. Mais ce prix est très sensible aux projets de construction de réacteurs.

suite:
     Les réserves prouvées d’uranium récupérables à un coût inférieur à 70$ par livre sont estimées entre 3,3 et 5,4 millions de tonnes, selon les sources et les hypothèses de coût, ce qui correspond à 80 années de fonctionnement des réacteurs actuellement en service. Ces réserves sont assez bien réparties dans le monde et la plupart des pays détenteurs de réserves sont aujourd’hui considérés comme fiable; ainsi l’Australie détient 22% des réserves prouvées, le Kazakhstan 15%, le Canada 11%, les États-Unis 10%, l’Afrique du Sud 8%. Les pays de l’OCDE détiennent 40% des ressources identifiées d’uranium. Le Canada et l’Australie contribuent d’ailleurs à eux seuls à 44% de la production mondiale d’uranium. De nouvelles découvertes sont au demeurant probables, de sorte que dans le contexte actuel il ne faut pas craindre la pénurie, ni la dépendance à l’égard de fournisseurs peu fiables. La dépendance du nucléaire vis-à-vis de la disponibilité en uranium peut donc être considéré comme faible, et si l’on comptabilise les réserves probables avec les réserves possibles, on dispose de plus de 100 ans de combustible sur la base des réacteurs actuellement en service.
     Mais il ne faut pas exclure une forte reprise de la construction de réacteurs dans le futur. Si cela paraît peu probable aujourd’hui du fait de l’arrêt de certains programmes - mais aussi en raison d’un prix très bas du gaz sur le marché américain, ce qui pénalise le nucléaire par rapport aux cycles combinés avec gaz- une forte reprise des investissements nucléaires après 2030 est une hypothèse à envisager. Certains scénarios de l’AIEA ou de l’IIASA montrent que, dans  ce cas, des tensions sur le prix de l’uranium pourraient à nouveau apparaître. Les réserves en uranium pourraient devenir, à nouveau, une contrainte forte et le recours à des réacteurs à neutrons rapides éloignant pour quelques siècles tout risque de pénurie pourrait se justifier.
Annexe 5 (page 94)
ADS – SYSTÈMES PILOTÉS
PAR ACCÉLÉRATEUR
autre document:
in2p3.fr (pdf)

     Les ADS (Accelerator Driven Systems - Systèmes pilotés par accélérateur) sont proposés comme alternatives aux réacteurs critiques rapides pour l’élimination des actinides mineurs présents dans les déchets issus du retraitement des combustibles usés. 
     5.1. PRINCIPE DES ADS – DIFFÉRENCES PAR RAPPORT AUX RNR-SODIUM 
     Contrairement aux réacteurs à neutrons rapides, électrogènes, le cœur d’un réacteur ADS est sous-critique. Afin d’entretenir la réaction en chaîne, un apport externe en neutrons y est requis.
     À cette fin, le faisceau d’un accélérateur de particules (protons) de haute puissance (de l’ordre de quelques dizaines de MW) est dirigé vers une "source de spallation" (une cible de métal liquide ou solide comme le plomb ou le tungstène). L’interaction entre le faisceau de protons et les noyaux de métal crée une source très intense de neutrons rapides, provoquant la réaction en chaîne dans le cœur.
     Contrairement aux réacteurs critiques où il faut contrôler en permanence la réaction en chaîne grâce à des éléments absorbeurs de neutrons, les ADS sous-critiques ne peuvent fonctionner que tant qu’il y a apport externe de neutrons. Ils ont donc une sûreté passive inhérente puisqu'ils s'arrêtent de fonctionner dès que l’accélérateur est coupé. Si l’on veut charger de façon importante (40 à 50%) le cœur d’un transmutateur ADS, la sous-criticité est nécessaire. En effet, le contrôle d'un réacteur critique par des absorbants est rendu possible grâce à la présence d’une petite fraction de neutrons retardés. Or cette fraction devient de plus en plus ténue à mesure que le noyau à fissionner devient plus lourd (en unités "pcm": 700 pour l’U, 400 pour le Pu, 100 pour l’Am et 30 pour le Cm). Dès lors, la fraction d’actinides mineurs, comme l’américium ou le curium que l’on pourrait charger dans un cœur critique, est limitée à quelques %.
     La plupart des projets d’ADS prévoient un caloporteur de métal liquide, typiquement l’eutectique Pb-Bi ou le Pb pur. Un projet alternatif propose un refroidissement au gaz. Le choix du Pb-Bi est principalement dicté par l’absence de réaction chimique exothermique au contact de l’air ou de l’eau (cf. sodium) et par la température de fusion relativement basse de l’eutectique (123°C).
     Par rapport à un réacteur critique électrogène de 4è génération, le flux en neutrons rapides peut être nettement plus élevé dans le cœur d’un ADS en fonction de l’intensité du courant de protons.
     Toutefois, le niveau de flux neutronique et la puissance totale du cœur sont dictés par la capacité de refroidissement du système. Pour des puissances totales comparables, il est possible d’avoir des niveaux de flux neutronique plus élevés pour l’ADS que pour un réacteur critique.

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5.2. ASPECTS SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES ÉTUDIÉS OU À DÉMONTRER
     Il n’y a pas, actuellement, d’ADS opérationnel, bien que différents sous-éléments d’un ADS aient été ou sont construits et étudiés.
     Le couplage accélérateur-source de spallation Pb-Bi a été étudié dans le cadre international de l’expérience Mégapie (Megawatt Pilot Target Experiment) à l’Institut Paul Scherrer (PSI - Suisse).
     L’expérience Mégapie, qui s’est déroulée en 2006 et dont les résultats sont actuellement en cours d’études, est le fruit d’une collaboration entre 17 partenaires dont le CEA et le CNRS. Le but est de démontrer la faisabilité d’une cible de Pb-Bi comme source de spallation de grande intensité.
     Le couplage accélérateur-réacteur sous-critique a été étudié dans le cadre de l’expérience Muse-4 à Cadarache, auprès du réacteur expérimental Masurca sur la période 2000-2004. À cette fin, le CNRS a développé un accélérateur-source de neutrons pulsé, Genepi.
     Guinevere, installé dans le réacteur Vénus au SCK•CEN (Centre d'études nucléaires de Mol en Belgique) est un modèle à puissance réduite d’un premier ADS avec un cœur entier au plomb. Le projet est une collaboration entre le SCK•CEN qui a modifié le réacteur Vénus d’un réacteur à eau pour le transformer en réacteur au Pb (solide vu la faible puissance), le CEA qui a mis le combustible à disposition, et le CNRS qui a livré Genepi-3C, l’accélérateur à faisceau continu ou pulsé. Les expériences menées sur Guinevere, démarrées en 2010, permettront de comprendre le comportement spécifique d'un ADS. Elles visent notamment à qualifier une méthodologie permettant de suivre, en cours de fonctionnement, la mesure en continu du niveau de sous-criticité, paramètre caractérisant la sûreté du système couplé accélérateur réacteur. Depuis mars 2011, le projet FREYA (Fast reactor experiments for hybrid applications) est la poursuite des études entamées dans Guinevere. Le CEA et le CNRS sont partenaires de ce projet 7ème PCRD.
     Le Pb-Bi est employé comme caloporteur dans les réacteurs russes. La visualisation sous métal liquide et les interactions entre l’eutectique et les matériaux en contact avec le Pb-Bi, sont actuellement étudiées au SCK•CEN dans le cadre du projet Myrrah et par d’autres partenaires en Europe (KIT, CIEMAT, ENEA, KTH), en Russie (IPPE) et aux USA (LANL, MIT).
     Les études initiées dans le projet Eurotrans, ont donné lieu au projet CDT (Central Design Team) dans le cadre duquel la conception du système "Murrah-Fastef" est développée. Myrrah/Fastef permettra d’étudier la transmutation d’actinides dans des flux très intenses de neutrons rapides.
     Le CNRS et Areva sont partenaires du projet CDT.
     Dans le cadre de Gedepeon, divers scénarios pour la transmutation en RNR ou/et ADS ont été étudiés en collaboration entre le CEA, CNRS, EDF et Areva. Les scénarios, spécifiques du contexte français, ont comparé les approches à simple ou double strate, en réacteur électrogène ou dédié. Comme les scénarios sont étudiés sur la base de données non-encore vérifiées expérimentalement, ainsi que sur des technologies encore virtuelles, les résultats doivent être considérés avec prudence.
     Actuellement dans le cadre du 7è PCRD, le projet Arcas permet d'étudier les scénarios de transmutation en mode hétérogène (c.-à-d. avec des combustibles de transmutation dédiés). Le projet est coordonné par le SCK•CEN avec la participation de 11 partenaires dont CNRS.
     Les principaux verrous qui restent à lever avant la construction d’un prototype industriel ADS pour la transmutation sont:
     - la fiabilité de l’accélérateur à haute puissance (recherches très prometteuses au CNRS, au CEA et à l’étranger);
     - la pérennisation de la démonstration de la source de spallation (Mégapie) pour des durées de fonctionnement d’un an au moins;
     - la confirmation des choix des matériaux en générant une base de données expérimentales;
     - la fabrication de combustible à haute teneur en actinides mineurs (recherche préliminaire au CEA et à l’ITU en Europe ainsi qu’au Japon et aux USA);
     - la robotique pour les technologies d'inspection et de maintenance sous métal liquide, dans un environnement fortement irradiant;
     - l’étude de scénarios optimisés dans un contexte national spécifique, ainsi que la consolidation de la dimension économique.
     Il est à noter, qu’à côté de l’emploi des ADS pour la transmutation, les ADS offrent des perspectives très prometteuses comme sources à haut flux de neutrons rapides pour l’étude et la qualification de matériaux et combustibles pour les RNR, ou autres nouveaux concepts de réacteurs. 
suite:
     Dans cette optique, le projet Myrrha est retenu dans le cadre de ESNII (European Sustainable Nuclear Industrial Initiative) comme installation de support pour le développement des réacteurs rapides au sodium (Astrid), gaz (Allegro) et plomb (Alfred). Myrrah fait également partie de la feuille de route d’ESFRI (European Strategy Forum on Research Infrastructures) pour les grandes infrastructures de recherche pour l’énergie.
     Concernant la recherche sur les ADS, la Commission peut noter l’important effort de recherche du CNRS-Pacen au niveau de l’accélérateur et du faisceau, ainsi que les travaux du CEA axés sur le combustible à haute teneur d’actinides et sur les matériaux. Les autres recherches technologiques se font principalement à l’étranger, dans le cadre de projets européens ou nationaux.

Annexe 7 (page 100)
ÉLÉMENTS GÉOLOGIQUES ET HYDROGÉOLOGIQUES  CONCERNANT LA ZIRA

     Depuis 1995, de très nombreux forages ont été réalisés dans la région de Meuse-Haute Marne et de nombreux profils de sismique réflexion 2D et 3D ont été retraités (cas de l'ancienne sismique pétrolière) ou acquis par l'ANDRA (15 km de 2D en 1995, 4 km2 de 3D en 1999) afin de reconnaître l'architecture du sous-sol et caractériser le degré d'hétérogénéité au sein des argilites callovo-oxfordiennes et de ses encaissants. Ces données ont tout d’abord permis de définir une zone de transposition d’environ 250 km2 où pourraient être identifiées une ou plusieurs zones d’intérêt pour une reconnaissance approfondie (Zira) d’une trentaine de km2 destinées à l’implantation d’un stockage.
     Ces données de sub-surface, complétées par des levés géologiques détaillés et les travaux menés dans le laboratoire souterrain, ont permis à l’Andra de sélectionner une Zira de 28,5km2, où pourrait être installé le futur stockage souterrain; celle-ci a été approuvée par le gouvernement fin 2009. Cette zone fait à présent l’objet de reconnaissances approfondies selon un programme scientifique établi par l’Andra et dont la composante essentielle en 2010 a été la réalisation et l’interprétation d’une campagne géophysique en trois dimensions.

7.1. APPORTS DE LA NOUVELLE CAMPAGNE GÉOPHYSIQUE 3D
     La campagne de géophysique 3D réalisée en 2010 sur 37,1 km2, a permis de couvrir la totalité de la Zira (28,5 km2). Cette campagne a été réalisée avec succès grâce à une très bonne couverture de la zone de mesures et une excellente qualité des données recueillies. La rapidité du traitement a permis à l'Andra d'en réaliser les premières interprétations.
     Une quantité considérable de données a été acquise, comprenant:
     - 15.271 points vibrés,
     - 23.545 points d'enregistrement, complétés par 11 km de lignes 2D débordant de la Zira pour assurer un calage sur les forages profonds existants voisins, en l'absence de forage profond dans la Zira proprement dite;
     - 19 carottages sismiques pour calibrer les vitesses de propagation des ondes sismiques;
     - et 30 km de profils WZ (weathered zone) afin de disposer des informations nécessaires pour corriger celles concernant la profondeur des effets des formations géologiques altérées en surface.
     L'interprétation structurale est terminée, et a été réalisée sur les données sismiques migrées en temps. L'interprétation par inversion stratigraphique a commencé.
     Les cartes, réalisées sur les données en temps double, n'ont pas encore été converties en profondeur. Elles mettent néanmoins en évidence des linéaments de direction N120 au sein du Dogger, sous-jacent au Callovo-oxfordien, déjà identifiés au cours de la campagne 3D précédente, réalisée en vue de l’implantation du laboratoire souterrain. Ces linéaments n'ont pas d'enracinements profonds, sont absents du Callovo-Oxfordien (Cox), et ne se retrouvent pas non plus exprimés dans les niveaux marno-calcaires sus-jacents. Par analogie avec les affleurements du Dogger situés au sud-est de la Zira, ces objets géologiques sont interprétés comme des constructions récifales dont les alignements seraient de fait contrôlés par la paléo-bathymétrie et le paléo-environnement, plutôt que par des accidents structuraux, postérieurs à la constitution des récifs.
     Des linéaments N-S plus profonds, également observés dans les campagnes antérieures, sont interprétés comme des amincissements synsédimentaires de la série salifère, compensés par les dépôts sus-jacents. Il n’est pas exclu que des déformations par fluage de la série salifère aient pu aussi par la suite contribuer à ce phénomène.

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     L'ensemble des données géophysiques désormais disponibles sur la Zira démontrent qu'il n'y a pas d'objets structuraux identifiables par sismique, donc de rejet supérieur à 5 m selon l’Andra, au mur et au toit du Cox, qui seraient apparus après son dépôt et seraient donc susceptibles de traverser cette formation. En l'absence de marqueurs sismiques au sein du Cox, on ne peut toutefois exclure l'existence de fractures de rejets moindres, qui seraient dues à des tassements différentiels au cours de la sédimentation ; mais de telles fractures devraient rester confinées dans les formations imperméables, sans risque de se prolonger dans les encaissants sus-jacents et a fortiori sous-jacents.
     La nouvelle campagne sismique confirme l’excellente homogénéité de la Zira. Le modèle géologique 3D apparaît, à l’issue des premières interprétations des données sismiques, suffisamment robuste pour que l’on puisse exclure la présence de discontinuités structurales traversant la couche du Callovo-oxfordien et capables d’assurer une liaison hydraulique avec les aquifères encaissants. La présence de discontinuités de faible extension au sein même de la couche ne peut à ce stade être totalement écartée. De tels objets ne seraient visibles qu’au moyen de forages inclinés pénétrant la couche argileuse ou dans les galeries et forages au cours de la progression du creusement du stockage. Il faut noter qu’aucun objet de ce type n’a été jusqu’à ce jour rencontré, ni dans les différents forages verticaux ou inclinés réalisés, ni dans le laboratoire souterrain. La décision d’entreprendre de nouveaux forages inclinés au sein de la Zira avant le creusement du stockage devra être soigneusement pesée car ceux-ci pourraient constituer des voies de transfert potentielles reliant le Callovo-oxfordien à sa couverture.

7.2. CONNAISSANCE DES VARIATIONS LITHO-STRATIGRAPHIQUES DU CALLOVO-OXFORDIEN
     L'Andra a fait un très gros effort de compilation et de synthèse des données pour relier les propriétés pétro-physiques (minéralogie, conductivité thermique, perméabilité, porosité) des argiles du Callovo-Oxfordien (Cox) aux caractères génétiques à l'échelle régionale résultant du modèle sédimentologique de dépôt du Cox et de ses encaissants. Ces données ont été acquises d’une part dans les galeries du laboratoire souterrain où le massif rocheux est directement accessible et d’autre part, dans les forages où les données sont obtenues par analyse macroscopique et microscopique des carottes et des cuttings mais aussi par des diagraphies.
     L'épaisseur totale du Cox varie de 130 à 160 m, avec un pendage régional très faible, compris entre 1,5 et 2,4 vers le NO. Des corrélations régionales entre puits, utilisant les carottes, logs, sismique et données du laboratoire souterrain, ont permis d'établir un modèle litho-stratigraphique et pétro-physique fin en 3D (modèle construit avec l'outil Gocad), qui pourra être constamment réactualisé en fonction des nouvelles données disponibles dans le futur. Deux niveaux repères un peu plus riches en carbonates (identifiés comme RSO et RIO, pour repère "oolithique" supérieur et repère "oolithique" inférieur) permettent ainsi de différencier 3 ensembles, avec, de bas en haut:
     - une première unité argileuse à la base du Cox (UA1);
     - le niveau repère inférieur (RIO);
     - un ensemble de 4 unités différentiables par leur contenu minéralogique, comprenant de bas en haut les unités argileuses UA2 et UA3, une unité de transition UT, et la première unité silto-carbonatée USC1;
     - le niveau repère supérieur (RSO);
     - une seconde unité silto-carbonaté USC2.
     Du point de vue minéralogique, l'argilosité maximale (IMA, intervalle maximum d'argilosité, avec 60% d'argiles) est observée au niveau UA2. Dans les autres niveaux, la teneur en argiles varie de 40 à 50%, celle en quartz restant comprise entre 20 et 30% (allant jusqu'à 50% dans les niveaux silteux supérieurs), tandis que la teneur en carbonates y est comprise entre 20 et 30% (et exceptionnellement entre 60 et 80% dans les niveaux carbonatés supérieurs).
     La très faible variabilité des propriétés pétrophysiques est désormais bien comprise sur une colonne verticale de Callovo-oxfordien; ces propriétés sont extrapolables en différents points de la couche à partir des données des puits réels. La variabilité horizontale de ces propriétés peut être anticipée en fonction des modèles paléo-géographiques régionaux et d'environnements de dépôt. La porosité moyenne est comprise entre 0,10 et 0,14 dans l'unité de transition UT, entre 0,10 et 0,15 dans le niveau repère RIO, et varie entre 0,15 et 0,20 dans l'IMA. Les perméabilités restent très faibles sur l'ensemble du Cox, avec des valeurs comprises entre 10-12 et 10-14 m/s; elles montrent de faibles rapports d’anisotropie, de l’ordre de 2 à 5, entre perméabilités horizontales et verticales.

suite:
     L’Andra dispose à présent d’un modèle géologique conceptuel justifiant la transposition à la Zira des données élaborées à partir des informations acquises dans le laboratoire souterrain.

7.3. CONNAISSANCES SUR L'HYDROGÉOLOGIE RÉGIONALE ET LOCALE
     A l'échelle régionale, les argiles du Cox sont encadrées par les formations carbonatées du Bathonien et celles de l'Oxfordien-Kimméridgien-Tithonien, qui constituent des niveaux à plus fortes porosités et perméabilités, et sont donc susceptibles de constituer des drains horizontaux pour les fluides.
     En bordure de la zone de transposition, à l'extérieur de la Zira, un ensemble d'accidents structuraux (failles sub-verticales traversant l'ensemble de la série mésozoïque) a été reconnu et carté grâce aux diverses campagnes géophysiques successives. Il s'agit des failles de la Marne et de Joinville à l'ouest, d'une zone de fracturation diffuse, de la faille de Poissons et du fossé de Brouthière au sud, et du fossé de Gondrecourt à l’est. Vers le nord, la zone de transposition est bordée par le synclinal est-ouest de Savonnières, qui s'accompagne également d'une variation latérale de faciès du Cox qui devient moins argileux.
     Les rejets verticaux de ces différents accidents bordant la zone de transposition, et qui sont d’ailleurs intervenus dans la définition de cette zone, sont inférieurs à 100 m (avec par exemple 10 à 60 m de rejet vertical sur la faille de Gondrecourt), et semblent, de ce fait, insuffisants pour perturber la continuité hydrogéologique des aquifères encadrant le Cox. Ces accidents peuvent toutefois constituer des passages privilégiés pour les circulations de fluides verticales entre les aquifères influençant ainsi directement les conditions aux limites hydrogéologiques de la zone de transposition. Ceci justifie l'effort important réalisé par l'Andra depuis de nombreuses années pour acquérir, à l’échelle du secteur sur la zone de transposition, les données suivantes:
     - caractérisation des aquitards et des aquifères. Les cartes de porosité du Dogger et de l'Oxfordien montrent de fortes variabilités latérales dans les lithologies et les propriétés;
     - pétro-physiques de la plateforme carbonatée, en liaison avec la paléogéographie et les milieux de dépôts;
     - caractérisation des structures (géométrie des failles, mesure des contraintes actuelles);
     - échantillonnages et analyses des fluides, notamment leur salinité, compositions isotopiques et teneurs en divers traceurs naturels comme les gaz rares.
     A l'échelle du secteur, les écoulements d'eaux souterraines d’origine météorique sont contraints par les niveaux carbonatés du Jurassique supérieur situés au-dessus du Cox, avec une zone de recharge au sud. Vers le nord-ouest, une mince couverture argileuse crétacée a été préservée de l'érosion, sa distribution étant directement contrôlée par le réseau hydrographique. Un karst dont l'impact hydrologique est surtout sensible dans les calcaires du Barrois, s'est aussi localement développé dans les carbonates de l'Oxfordien, tandis qu'une fracturation diffuse affecte les calcaires sub-lithographiques proches de la surface, sans doute en liaison avec les épisodes glaciaires.
     A l’échelle locale, sur l’emprise de la Zira ou dans son voisinage immédiat, les 19 forages destinés aux corrections statiques de la campagne de sismique 3D de 2010 ont été mis à profit pour acquérir une information complémentaire sur la structure et l'hydrogéologie des calcaires du Barrois qui constituent la formation aquifère affleurante. Trois forages de 50 à 60 m ont permis de carotter la série complète de ces calcaires présents sur la Zira, tandis que les 16 autres forages réalisés en destructif ont fait l'objet de mesures sur des logs et cuttings.
     Un programme de suivi piézométrique et du débit des sources a été mis en place. Ce point est important pour caractériser l'état initial et apprécier, éventuellement minimiser, l'impact futur des travaux souterrains, en particulier la descenderie qui traversera les calcaires du Barrois. En effet, bien que ces calcaires ne constituent pas une ressource en eau locale sollicitée de manière importante, l’assèchement de puits fermiers ou de sources constituent toujours un impact dont la portée psychologique ne peut être négligée.
     L’Andra dispose à présent de données hydrogéologiques essentiellement d’origine bibliographique à l’échelle régionale de l’ensemble du bassin parisien et de données issues de ses propres travaux de reconnaissance à l’échelle du secteur incluant la zone de transposition, aptes à contraindre un modèle hydrogéologique numérique de simulation des écoulements souterrains dans l’environnement proche et lointain du stockage.

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7.4. SITUATION DE LA MODÉLISATION HYDROGÉOLOGIQUE
     Différents outils de modélisation numérique ont déjà été mis en œuvre à l'échelle régionale pour simuler l'écoulement des fluides dans les couches géologiques du Bassin de Paris, à partir d'un bloc géologique 3D bien documenté permettant de décrire l’architecture des failles et des strates calée sur les données sismiques et de forages. Cette architecture est décrite au moyen de codes de calcul mis au point à l’Institut Français du Pétrole, Dionisos pour le modèle litho-stratigraphique et Fraca pour les réseaux de failles.
     La modélisation hydrogéologique a été reprise en 2008 par l’Université de Neuchâtel qui a entrepris, avec ses propres outils de simulation, la construction d’un modèle unique rassemblant la problématique régionale et la problématique de secteur. Les travaux sont toujours en cours de développement et aucune avancée significative n’a été présentée à la Commission en 2010.
     La Commission considère qu’un effort doit être fourni pour faire aboutir au mieux et rapidement la modélisation hydrogéologique régionale et de secteur. Un tel outil de modélisation est en effet nécessaire pour préciser définitivement le rôle hydraulique des failles bordières de la zone de transposition qui pourraient jouer un rôle sur la définition et le comportement des exutoires de radionucléides susceptibles de diffuser, à très long terme, depuis le stockage vers les aquifères encaissants. L’outil de modélisation sera également incontournable pour prédire puis contrôler l’impact hydrodynamique du creusement des puits d’accès au stockage et de la descenderie. La Commission souhaite que lui soit présentées, le moment venu, dans le détail, les hypothèses et les conclusions de la modélisation hydrogéologique.

Annexe 8 (page 106)
THERMIQUE DU STOCKAGE

     La Commission avait demandé à l’Andra de réaliser un bilan des effets à grande échelle de la charge thermique du stockage profond.

8.1. CRITÈRES THERMIQUES
     Les déchets stockés dégagent de la chaleur. La puissance thermique est élevée pour les déchets HAVL de type C1/C5/C6, plus faible pour les C0, réduite en général pour les déchets MAVL. La puissance dégagée décroît au cours du temps. Pour les déchets de type C1, cette décroissance (division par 2 en 30 ans) est d’abord due à la désintégration radioactive du césium et du strontium. Après un siècle, la décroissance est plus lente et pilotée par l’américium (241Am).
     La température naturelle à la profondeur du stockage est de l’ordre de 25°C.  Le dégagement de chaleur fait croître la température des colis, des conteneurs, des revêtements des galeries, de l’air de ventilation et du massif rocheux. 
Les critères retenus par l’Andra concernent d’abord les températures maximales atteintes en chaque point dans les différentes parties du stockage pendant son exploitation. Ils concernent le matériel et le personnel (air de ventilation: température caractéristique inférieure à 26°C, parois chaudes accessibles: 60°C, matériel électronique: 50°C) et les matériaux du stockage (béton: 70°C, enrobés bitumineux: 30°C, hors scénario d’incendie; cœur des verres: 450°C).
     Du point de vue de la sûreté post-fermeture, le critère le plus contraignant concerne les déchets vitrifiés. La dissolution du verre est nettement plus rapide au-dessus de 50°C. Il faut donc que la température à la paroi des alvéoles HAVL soit certainement inférieure à 50°C  au moment où l’eau peut entrer en contact avec le verre. Le surconteneur en acier (5,5 cm d’épaisseur) est dimensionné pour que la corrosion ne puisse en principe le traverser et mettre le colis en contact avec l’eau avant au moins 1.000 ans.  On peut par le calcul remonter à la température maximale qu’il faut respecter à plus court terme pour que la température soit inférieure à 50°C après 1.000 ans: elle est de 90°C à la paroi des alvéoles HAVL. Les résultats du calcul dépendent de paramètres qu’on ne peut modifier (conductivité et diffusivité thermiques des matériaux, dont celles de l’argilite qui sont nettement anisotropes), et d’autres sur lesquels on peut jouer (densité du stockage et durée de refroidissement en entreposage à la surface avant stockage au fond).
     La valeur de 90°C n’est pas déraisonnable au vu des choix faits par d’autres pays. Il faudra vérifier toutefois si la présence dans les jeux des alvéoles d’un volume de liquide et de gaz à cette température et à une pression de 5 MPa ou plus, n’entraîne pas de risques de circulation vers les galeries; elle appellera des précautions particulières en cas de retrait.

suite:
8.1.1. Caractéristiques thermiques naturelles de la couche
     L’Andra a reconnu les caractéristiques thermiques de la couche de Cox et des niveaux qui l’encadrent, notamment à l’occasion du forage profond au Trias. Le flux géothermique (60mW/m2) est normal et détermine un gradient géothermique qui varie avec la conductivité thermique des formations, Dogger, Callovo-Oxfordien, Oxfordien carbonaté et Kimméridgien. La température varie de 22°C à 27°C du haut en bas de la couche du Cox.
     En s’appuyant sur les profils de température mesurés en sondage, les essais en laboratoire de surface et les essais "thermiques" dits TER et TED menés dans le laboratoire souterrain, l’Andra découpe la couche du Cox en une sous-unité "1" inférieure, plus argileuse, qui contiendrait le niveau d’un futur stockage, et  dont la conductivité est nettement anisotrope mais constante à l’échelle de la Zira; et une sous-unité "2" supérieure, dont la conductivité est plus variable avec la minéralogie, proche de celle de la sous-unité 1 au niveau du laboratoire, plus élevée et moins anisotrope quand on s’en éloigne dans la direction du nord-ouest.
     Globalement, la conductivité thermique de la couche du Cox peut être considérée comme relativement homogène à l’échelle de la Zira, nettement anisotrope et plus faible que celle de beaucoup d’autres roches, ce qui retarde relativement la dissipation de la chaleur.

8.1.2. Effets thermiques
     A grande échelle, l’évolution des températures dans la couche au cours du temps est relativement simple, les contrastes de température entre les diverses zones du stockage provenant surtout de la nature des déchets stockés ; une modélisation par des sources rectangulaires planes fournit les ordres de grandeur principaux: les temps caractéristiques varient comme le carré des longueurs, l2  ~ kt, où la diffusivité thermique k est de l’ordre de 30 m2/an (en 30 ans les effets de l’échauffement sont sensibles à 30 m). Les effets de bord aux limites du stockage sont limités; quand on s’écarte des sources, c'est-à-dire des colis, ou qu’on considère des temps un peu longs par rapport à un siècle, l’historique du dépôt des colis n’a plus guère d’influence. Du point de vue des critères de températures maximales importants pour la sûreté, l’incertitude sur les températures réellement atteintes devraient, au moins à grande échelle, être faible. Pour l’instant, l’Andra présente des estimations de la conductivité thermique avec des écarts de +/- 10% environ, suivant la nature des essais qui ont permis de les établir. Ce n’est pas beaucoup, mais cette incertitude se reporte sur les valeurs des accroissements de température calculés que l’on doit comparer aux critères de température maximale. Il est raisonnable d’espérer que cette incertitude se réduira quand on disposera de mesures plus longues, intéressant donc aussi de plus grands volumes.
     L’Andra a effectué de nombreuses simulations thermiques tri-dimensionnelles. Les simulations à l’échelle locale, par exemple celle de l’alvéole HAVL, qui impliquent des formes d’échange de chaleur plus complexes, n’ont pas été abordées en audition cette année. Les simulations plus globales, dans l’hypothèse justifiée de la conduction pure, montrent l’indépendance des zones MAVL (2% de la chaleur dégagée), de la zone HA-C0 (1%) et de la zone HA C1/C5/C6 (61% pour les C1/C5 stockés à 60ans, 36% pour les C6 stockés à 70ans). On retrouve l’empreinte de ces zones sur les cartes de températures horizontales jusqu’au toit du Cox. Le retour à l’équilibre est assez lent. On a moins de 5°C d’écart à la température naturelle après 10.000 ans au centre de la zone HA C1/C5/C6 ; le flux géothermique y est multiplié par un facteur 5 à 6 après 300 ans à la limite du Cox où la température augmente de 20°C après 1.000 ans. L’accroissement est moindre et plus tardif à la limite Oxfordien-Kimméridgien. 
     L’Andra n’a pas spécifiquement étudié les modifications de température engendrées à la surface du sol  par l’existence du stockage; c’est une question parfois posée par le public, difficile en raison de la variété des formes d’échange de chaleur (convection, rayonnement, évapo-transpiration...) dont cette surface est le siège. Dans les calculs de l’Andra, le gradient géothermique pourrait doubler  après 1.000 ans à la surface au droit du stockage; suivant toute vraisemblance, l’accroissement de la température devrait toutefois rester très modéré en comparaison des effets des autres facteurs naturels qui  pourraient l’affecter.

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8.1.3. Effets thermo-hydrauliques
     Les gradients thermiques et la perméabilité sont trop petits pour qu’une circulation thermo-convective (l’eau des pores au voisinage du stockage, chauffée donc plus légère, remonte vers le toit de la couche) puisse se mettre en place dans la formation, comme l’établissait déjà le Dossier 2005.
8.1.4. Effets poro-mécaniques
     Le fait le plus remarquable est sans doute l’apparition de surpressions dans l’eau interstitielle des argilites. Elles affectent l’ensemble de la couche du Callovo-Oxfordien. Elles sont engendrées par la dilatation thermique de l’eau contenue dans les pores. Elles peuvent atteindre quelques MPa et se dissipent lentement en raison de la faible perméabilité du milieu (les diffusivités thermique et hydraulique sont dans un rapport de 100 environ, la chaleur se propage plus vite que la surpression ne se dissipe). Les essais dans le laboratoire souterrain ont confirmé, à plus petite échelle, l’existence de ce phénomène.
8.1.5. Effets thermo-mécaniques
     L’Andra a estimé les contraintes mécaniques qui apparaissent dans la couche du Cox au moyen d’un calcul numérique effectué dans l’hypothèse d’un comportement élastique du milieu. L’ordre de grandeur des accroissements de contrainte moyenne et de contrainte déviatorique (celle-ci mesure l’intensité des cisaillements) est de quelques MPa. La comparaison des résultats du calcul avec un critère de rupture à court terme laisse une marge appréciable vis-à-vis du risque de rupture. Toutefois ce calcul est préliminaire à plusieurs égards (on ne distingue pas bien si on raisonne en contraintes effectives ou en contraintes totales, ni si le comportement viscoplastique, éventuellement influencé par la température, peut jouer un rôle.  Par ailleurs, après un siècle, une part significative de la chaleur des déchets est déjà produite; des contraintes additionnelles de quelques MPa sont engendrées, équivalant très grossièrement à un approfondissement de l’ouvrage de une ou deux centaines de mètres; il faudrait s’assurer des conséquences possibles des sur-contraintes engendrées pour les parties encore en exploitation). En revanche l’endommagement d’origine thermique (lié à la dilatation thermique différentielle des grains qui composent l’argilite) paraît modéré et limité au plus à une zone peu épaisse au voisinage immédiat des ouvrages.
     On observe que la couche du Callovo-Oxfordien est ainsi le siège de plusieurs perturbations - température, pression de l’eau interstitielle, contraintes mécaniques, diffusion-advection de l’hydrogène. Ces perturbations ne sont pas très intenses mais leur association est assez inhabituelle dans les ouvrages souterrains pour lesquels on dispose d’un retour d’expérience.
     La Commission estime que des recherches plus approfondies devraient être conduites sur ce sujet et souhaite que les résultats lui en soient présentés.

8.2. EXPÉRIMENTATIONS THERMIQUES
     L’Andra a conduit ou envisage de conduire plusieurs essais thermiques dans le laboratoire souterrain afin de confirmer les valeurs de paramètres thermiques mesurées au laboratoire, de mettre en évidence et d'analyser les phénomènes hydrauliques et thermiques qui sont associés aux accroissements de température dans le massif, et de préparer un essai de démonstration de concept pour les alvéoles HAVL les plus exothermiques.
     Ces expérimentations complètent celles conduites dans des laboratoires de surface par le Groupement de laboratoires géomécaniques et les modélisations correspondantes. De ce point de vue il est suggéré de vérifier si les méthodes mises au point pour décrire le comportement micro-mécanique ne peuvent être adaptées pour rendre compte des propriétés thermiques, de leur anisotropie et des liaisons entre leur hétérogénéité et la minéralogie des argilites.

8.2.1. Essai TER
     Cet essai, achevé en 2009, avait commencé en 2005; il visait à la détermination en place des propriétés thermiques de l’argilite. Une sonde chauffante était placée entre 6 et 9 mètres de profondeur depuis la paroi d’une galerie et des forages périphériques permettaient de mesurer la température, la pression interstitielle et les déplacements radiaux à différentes distances de l’axe de la sonde. La valeur trouvée de la conductivité thermique est conforme à ce qui était attendu, l’anisotropie est plus difficile à quantifier en raison d’incertitudes sur la position exacte des capteurs, difficulté classique en mesure des propriétés thermiques. L’accord avec les prévisions est bon pour les températures, convenable pour les pressions interstitielles, passable pour les déplacements, là aussi comme il est fréquemment observé dans ce type d’essais.

suite:
8.2.2. Essai TED
     Les leçons tirées de l’essai TER, notamment pour le placement des capteurs, ont été mises à profit pour concevoir et dimensionner l’essai TED, mis en place en 2009. Il est plus complexe car il comporte trois sondes chauffantes parallèles distantes de 2,6 m placées entre 12 et 16 m de la paroi de la galerie d’accès, pour s’affranchir des effets des fluctuations de température dans cette dernière. Il comporte un assez grand nombre de forages périphériques (22 au total) pour la mesure des températures, pressions interstitielles et déplacements. La chauffe a commencé en janvier 2010. L’objectif est, d’une part, de vérifier l’impact de la superposition de champs thermiques – qui ne devrait en principe pas révéler de surprise, les équations qui décrivent le comportement thermique étant linéaires – et, d’autre part, d’analyser l’endommagement induit par la chauffe. Les interprétations seront vraisemblablement délicates. La température présente un effet de chargement, par l’intermédiaire de la dilatation de l’eau, de celle de la roche et de leur contraste qui induit un accroissement de pression interstitielle ; elle donne lieu aussi à un effet de modification des paramètres du comportement thermique et mécanique, conductivité, propriétés élastiques, critère plastique, vitesse de déformation viscoplastique, endommagement. Ces effets sont certainement plus ou moins couplés. 
     Les premiers résultats de l’essai TED confirment l’apparition de pressions interstitielles significatives et permettent de mieux préciser les valeurs des paramètres thermiques.
     La Commission souhaiterait être assurée que les essais en place, aux cours desquels tous ces effets s’exercent simultanément, sont étroitement associés aux efforts d’expérimentation en laboratoire de surface, qui peuvent être conduits dans des conditions plus simples, et de modélisation, qui permettent de tirer tout le profit souhaitable des expérimentations en place.

8.2.3. Essais en forage
     Des expérimentations complémentaires sont conduites, à partir du début de 2011, d’une part en forage tubé pour mesurer les déformations du tube métallique et obtenir ainsi une première image, à échelle réduite, des phénomènes susceptibles d’affecter l’interface chemisage-roche dans un alvéole HAVL; d’autre part dans le cas d’un forage non tubé, pour analyser notamment l’impact d’une chauffe rapide sur la paroi. Ces essais doivent préparer un essai en vraie grandeur réalisé à partir de 2012.

8.3. THERMIQUE ET TRANSMUTATION
     Un souci de la Commission était d’apprécier les avantages qu’apporterait la transmutation des actinides mineurs du point de vue de la charge thermique, en prenant comme exemple un stockage dans la couche du  Callovo-Oxfordien. Il faut rappeler que la transmutation ne pourrait s’appliquer qu’aux déchets produits, au-delà de 2040, par une éventuelle nouvelle génération de réacteurs.
     La transmutation des actinides mineurs, notamment celle de l’américium, réduirait significativement la charge thermique qui est plus élevée dans les colis de déchets des réacteurs de 4ème génération que dans les colis de déchets actuels. Le CEA estime que, la décroissance de la production de chaleur par l’américium étant lente (en comparaison des cas du strontium et du césium, qui contribuent fortement à l’échauffement initial), cette diminution de la charge thermique serait difficilement réalisable par d’autres moyens que la transmutation – par exemple, l’allongement de la durée d’entreposage en surface avant le dépôt des déchets dans le stockage serait peu efficace.
     C’est diminution de la charge thermique est un atout appréciable. De l’analyse de l’Andra on retient que la température atteinte après 1.000 ans est le paramètre le plus important du point de vue de la sûreté et que cette température est directement proportionnelle à l’énergie thermique déjà produite divisée par la surface de la zone de stockage considérée.
     Au plan de la charge thermique, l’avantage de la mise en œuvre de la transmutation de l’américium est donc essentiellement, dans l’analyse de l’Andra, de réduire l’emprise du stockage, avec plusieurs avantages: la probabilité d’intrusion involontaire serait diminuée, et la distance à des accidents géologiques tels que des failles serait augmentée. On évoque aussi, dans un autre registre, la notion de "préservation d’une ressource rare": la transmutation permettrait de stocker sensiblement plus de déchets et donc de mieux tirer profit d’une zone favorable reconnue. Il est difficile toutefois, s’agissant de décisions qui ne seront prises que dans quelques dizaines d’années dans un environnement technique, économique et sociétal sans doute bien distinct de celui d’aujourd’hui,  d’attribuer une valeur précise à cette notion.
     La réduction de la charge thermique, sans pour autant pouvoir justifier à elle seule la mise en œuvre de la transmutation, apparaît comme un avantage réel de cette dernière.

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8.4. CONCLUSION
     La Commission souhaitait mieux apprécier l’état des recherches en matière de charge thermique, notamment parce que celle-ci entretient des relations étroites  avec d’autres questions : étendue horizontale du stockage, avantages de la transmutation, choix de la durée de refroidissement avant stockage. Même s’il subsiste quelques incertitudes,  l’acquisition des paramètres nécessaires aux calculs thermiques est en bonne voie. L’analyse des effets thermomécaniques devrait faire l’objet de nouveaux efforts, suggérés plus haut. Le critère de 90°C au maximum à la paroi des alvéoles joue un rôle important dans le dimensionnement du stockage par  l’Andra; il apparaît raisonnable au vu des choix faits dans d’autres pays. C’est la réduction de l’emprise du stockage qui apparaît comme l’avantage le plus substantiel qu’apporterait une réduction de la charge thermique.
     Les progrès des connaissances passeront par des essais en vraie grandeur réalisés dans le laboratoire.

Annexe 10 (page 123)
RÉVERSIBILITÉ

     Le mot de "réversibilité" est, aux yeux de la CNE, si ambigu, qu'il compromet la transparence souhaitable du projet. La Commission estime indispensable à l'information judicieuse de tous les acteurs concernés par le stockage et, en particulier, du citoyen, de dissiper cette ambiguïté par l'adoption d'un lexique plus précis. Elle propose de retenir trois mots distincts pour trois réalités différentes:
     - la réversibilité, en un sens précis et univoque, désigne la possibilité, en n'importe quel point d'effectuation du projet, de revenir à un point antérieur, compte tenu du fait que plus la réalisation avance moins il devient possible de regagner des points plus reculés; en d'autres termes, la réversibilité fait d'autant plus place à l'irréversibilité que la distance entre les stades de réalisation est plus grande;
     - la récupérabilité est la capacité d'atteindre les colis stockés et de les extraire de leur position dans le stockage, de manière à pouvoir leur appliquer les traitements requis par leurs états éventuels à différentes échelles de temps, qu'il s'agisse d'accidents ou de conversion des déchets en ressources exploitables;
     - la flexibilité vise un mode de gestion du projet de stockage, à tous les stades d'élaboration et de réalisation, conçu de telle manière qu'elle puisse être constamment et perpétuellement modifiée, pour être à même de repérer, de traiter et d'intégrer toutes informations nouvelles portant sur l'efficience de l'entreprise.
     La flexibilité est une qualité d’un stockage profond requise par le Guide de sûreté édité par l’Autorité de sûreté nucléaire. La réversibilité, et son corollaire la récupérabilité, résultent d’une demande sociale introduite dans la loi par la représentation nationale. Elles impliquent que l’option d’un retrait partiel ou complet reste crédible pendant une durée d’un siècle au moins.
     Pendant cette durée, le retrait est de moins en moins facile. Une échelle qui comporte cinq niveaux successifs de réversibilité a été adoptée par l’AEN (Agence pour l’Energie Nucléaire); l’Andra a contribué à sa mise au point.
     Pour que la récupération des déchets demeure facile, compte tenu du niveau de réversibilité atteint, plusieurs conditions doivent être satisfaites pendant toute la période de réversibilité. Il faut qu’il n’existe aucune incertitude sur la nature et la localisation de chacun des colis de déchets.
     Les puits et galeries d’accès aux alvéoles qui contiennent les colis doivent rester dans un état qui permette la circulation des engins de transport et de manutention. On doit avoir ménagé, entre les colis et le revêtement ou le chemisage des alvéoles, un jeu suffisant. Ce jeu doit être calculé avec une marge qui tienne compte des effets des pressions de terrain qui s’exerceront progressivement sur le revêtement ou le chemisage des alvéoles et pourront en réduire la section ou en perturber l’alignement. Pendant la période considérée, les conteneurs en acier ou en béton qui enveloppent les déchets ne doivent connaître que des évolutions limitées. De même, il faut limiter les évolutions physico-chimiques qui affecteraient l’air, l’eau et plus généralement les matériaux du voisinage des colis et qui seraient susceptibles d’engendrer des difficultés ou des risques pendant la récupération. Les dispositifs de saisie, d’extraction, de manutention et de transport des colis doivent avoir été maintenus opérationnels.

suite:
     Des moyens d’observation et de surveillance doivent fournir les informations utiles sur l’évolution des colis et de leur environnement. Les colis retirés, quelle que soit leur quantité,  doivent pouvoir être entreposés à la surface, sur place ou à distance, dans des conditions sûres. Enfin un retrait éventuel doit avoir été organisé : il faut prévoir les circonstances qui pourraient le rendre nécessaire, disposer des éléments permettant de décider le retrait, dont l’estimation de son coût et des risques pour les opérateurs, préparer des plans de retrait intégrant les difficultés qui peuvent survenir, pouvoir adapter le rythme de déstockage à la nature de l’événement qui l’a rendu nécessaire et vérifier que les plans de retrait sont cohérents et applicables.

10.1. EXERCICES DE REVERSIBILITÉ
     La maintenance, la surveillance et la mesure permettront de vérifier que des conditions mentionnées restent effectivement satisfaites. L’Andra s’attache à réaliser des essais en prototype de surface et à tirer des essais réalisés en laboratoire souterrain les enseignements utiles du point de vue du retrait. Mais le retrait est une opération globale complexe pour laquelle la vérification de chaque maillon de la chaîne n’est sans doute pas suffisante.
     La crédibilité de la réversibilité appelle que sa faisabilité soit vérifiée de manière plus complète.
     Un exercice avait été conduit préalablement à la mise en exploitation au Nouveau Mexique (USA) d’un stockage de déchets radioactifs (WIPP, Waste Isolation Pilot Plant) creusé dans une formation salifère. Des blocs de sel avaient été entassés sur un colis dans une galerie, pour simuler une chute de toit, et on a pu montrer que le conteneur pouvait être, à distance, dégagé puis repris.
     La Commission invite l’Andra à proposer, dans la perspective du dépôt du dossier de la DAC, les éléments de définition d’une revue périodique de réversibilité qui pourrait comporter la conduite d’exercices de réversibilité.

10.1.1. Circonstances pouvant conduire à un retrait
     La Commission avait demandé à l’Andra d’envisager les scénarios pouvant conduire à un retrait des colis. La réversibilité est une demande sociétale fortement exprimée mais encore  incomplètement formulée, et l’Andra s’est notamment appuyée sur une enquête conduite auprès des acteurs locaux pour confirmer et compléter la liste des scénarios les plus souvent envisagés.

10.1.2. Choix d’une nouvelle filière de gestion, valorisation des déchets stockés
     Parmi ces scénarios figure le choix d’une filière de gestion autre que le stockage profond ou le souhait d’utiliser des substances contenues dans des déchets déjà stockés. Ces deux scénarios paraissent  peu réalistes dans les conditions d’aujourd’hui. Tous les pays concernés ont choisi la filière du stockage profond et la seule variante crédible, même si elle n’apparaît pas souhaitable, serait de laisser l’ouvrage ouvert plus longtemps qu’il n’est envisagé aujourd’hui. L’hypothèse de l’utilisation de substances déjà stockées n’est guère plus vraisemblable compte tenu du mode de conditionnement des déchets retenu, peu réversible, surtout dans le cas des verres, et d’autant moins, dans le cas français, que l’uranium et le plutonium sont déjà extraits des déchets avant mise au stockage. Le contrat de réversibilité défini par la loi impose toutefois que la possibilité de mise en œuvre de ces deux scénarios reste ouverte.

10.1.3. Défaut d’un colis ou de la barrière ouvragée
     Moins hypothétiques paraissent les scénarios associés à un défaut de colis ou à un défaut de la barrière géologique. Au WIPP, cité plus haut, où est déjà stocké plus de la moitié de l’inventaire prévu, un colis jugé non conforme a été retiré du stockage. Le cas de la mine d’Asse en Allemagne est plus significatif. Des déchets radioactifs de faible et moyenne activité ont été stockés il y a une trentaine d’années dans cette ancienne mine de sel. Il semble que la barrière géologique était fragile, compte tenu, d’une part, du grand volume de vides miniers préexistants et, d’autre part, de la présence de saumure au contact direct des limites du dôme de sel dans lequel la mine avait été creusée. De fait, des arrivées de saumure dans les chambres de stockage ont été constatées et leur analyse a montré qu’elles étaient chargées en radionucléides, indice clair d’un début de dissolution des colis.

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     Le retrait total des colis est réclamé par une partie de l’opinion publique. Il apparaît toutefois très coûteux (plusieurs milliards d’euros) d’autant que le stockage n’a pas été conçu à l’origine pour être réversible.
     Au contraire, le stockage de déchets toxiques de Stocamine, réalisé dans des galeries creusées à cette fin dans les anciennes mines de potasse d’Alsace, à Witelsheim, avait en principe été conçu pour être réversible. Un incendie a affecté un des blocs de stockage à la suite de la descente de colis qui avaient pourtant été clairement identifiés comme non conformes dès leur arrivée au stockage. Une étude préalable de risques à long terme avait été réalisée; même si elle souffrait d’un examen critique contradictoire insuffisant, elle avait le mérite d’exister, ce qui ne semble pas être le cas pour beaucoup d’ouvrages de même nature. Même si l’incendie ne remettait pas directement en cause les principes de confinement à long terme définis dans cette étude, il a engendré un vif sentiment de rejet dans l’opinion locale qui réclame la mise en œuvre de la réversibilité. Il apparaît toutefois que, si le retrait n’est sans doute pas impossible –173 colis ont été retirés en 2001-2002, assez difficilement mais sans incident majeur - il présente des risques pour les travailleurs qui en seraient chargés, notamment parce que le jeu initial réduit laissé entre les colis et les parois rend malaisée la préhension des colis par des engins de manutention et augmente le risque de chute de colis suivi d’un épandage des produits toxiques.
     Par ailleurs ce jeu a diminué plus vite que prévu, sous l’effet de la convergence des parois des galeries creusées dans le massif de sel, de sorte que l’objectif initial d’une réversibilité pendant une période de 30 ans n’est sans doute plus vérifié.
     Cet exemple illustre l’importance d’une prévision correcte des mouvements de terrains qui s’accumuleront pendant la période de réversibilité. Le Centre de Stockage de la Manche (CSM) créé par le CEA, avant la mise en place des règles actuellement applicables aux stockages de surface, a été géré à partir de 1979 par l’Andra.  En 1996 on constatait la présence dans le stockage de zones chaudes en radionucléides alpha et la présence importante de plomb, interdisant que le stockage puisse être banalisé, comme c’est le cas pour les stockages analogues conçus ultérieurement, après une durée de 300 ans. Les colis problématiques, peu nombreux, sont placés à une dizaine de mètres sous la surface. Leur retrait a été envisagé, mais on a préféré la mise en place d’une couverture pérenne, en raison des doses élevées auquel le retrait aurait risqué de soumettre les travailleurs concernés et l’environnement.
     De ces quelques exemples, on tire qu’on a pu facilement retirer un petit nombre de colis d’un stockage où la réversibilité a été prévue et convenablement préparée (WIPP); qu’elle est devenue plus difficile dans un stockage où elle avait été prévue mais insuffisamment préparée (Stocamine); et qu’elle est plus problématique dans des ouvrages où la préoccupation de réversibilité n’avait pas été intégrée dès l’origine (Centre Manche, Asse). Dans tous les cas la sécurité des travailleurs est un élément important à peser pour décider du retrait.
     Dans le cas du stockage profond envisagé en Meuse/Haute-Marne, la procédure de caractérisation, certification et vérification à la réception bénéficie, en comparaison du cas des déchets toxiques, de l’expérience acquise par l’Andra dans les stockages qu’elle exploite déjà, du petit nombre et de la compétence des producteurs de déchets. C’est l’occasion de rappeler l’importance, dans le cas français, d’une séparation nette des rôles des producteurs et du stockeur. Les conditions paraissent donc propices à une stricte limitation du nombre d’erreurs, mais c’est un sujet qui n’a jamais été abordé jusqu’ici devant la Commission. De même, la probabilité d’existence d’un défaut de la barrière géologique (faille, lentille de sable) s’amenuise au fur et à mesure que les reconnaissances confirment la continuité et les qualités intrinsèques de la couche d’argilite. Il faut néanmoins que ces reconnaissances se poursuivent dans l’emprise de la Zira.
suite:
10.1.4. Contrôle du processus de stockage; risque "d’abandon" du stockage
     Dans l’enquête que l’Andra a conduite auprès des acteurs locaux, deux autres raisons de rendre le stockage réversible sont avancées.
     La première est de permettre un contrôle du déroulement du processus de stockage. En l’absence d’une possibilité effective de retrait pendant toute la période de réversibilité, un processus d’autorisation par étapes serait un exercice en grande partie vidé de son sens. En ménageant toutes les options, la réversibilité donne tout son sens à un réexamen périodique du stockage. Le rythme, la procédure et les formes de participation des citoyens à un tel examen restent à préciser et à débattre dans la perspective de la loi sur la réversibilité qui sera examinée en 2015.
     La seconde raison, qui cherche encore une formulation précise, est la préoccupation "que le site ne soit pas abandonné". Le point de vue de la Commission est qu’il faut prendre dès aujourd’hui les dispositions de conception nécessaires pour que le stockage puisse être fermé lorsque tout l’inventaire envisagé aura été stocké. Il existe pour cela au moins deux raisons. D’une part, les qualités du stockage laissé ouvert se dégraderaient au cours du temps; d’autre part, il est souhaitable de ne laisser que la charge de gestion la plus faible possible aux futures générations, qui n’auront pas bénéficié des avantages dont les déchets sont la contrepartie. Cette position de principe, qui implique des dispositions pratiques à prendre dès maintenant, n’empêche en rien que ces futures générations choisissent le jour venu, en connaissance de cause, une autre voie que celle envisagée aujourd’hui; elle laisse entière leur liberté de choix.
     Par ailleurs la Commission observe une évolution progressive de la conception de la fermeture: celle-ci n’est plus nécessairement synonyme d’abandon et d’oubli, comme elle pouvait tendre à l’être il y a une quinzaine d’années. Les possibilités de surveillance après fermeture et les moyens d’assurer une mémoire à long terme de l’existence d’un stockage fermé font l’objet d’une réflexion approfondie. L’absence de contrôle institutionnel après une certaine période de temps, qui est à l’origine de l’exigence de sûreté passive à long terme, apparaît ainsi comme une hypothèse prudente et nécessaire; l’absence de tout contrôle n’est pas pour autant souhaitable, et il est également prudent de réfléchir aux dispositions qui en réduisent la probabilité.

10.1.5. Incident de manutention
     A la limite entre la réversibilité proprement dite et la sûreté du stockage en fonctionnement, l’Andra étudie la récupérabilité d’un colis MAVL en cas de chute d’un colis dans la cellule blindée d’accès à l’alvéole ou en section courante d’alvéole. Elle envisage la réalisation d’un robot 
susceptible d’analyser l’état du colis et de l’alvéole, et la procédure de gestion d’un colis contaminé. De même un essai de collision entre colis MAVL est envisagé pour vérifier les modélisations numériques déjà réalisées.

10.1.6. Hypothèse d’un déstockage rapide
     L’Andra n’a pas envisagé de scénario dans lequel le retrait rapide d’un grand nombre de colis serait nécessaire. De fait, le retrait s’effectuerait avec les mêmes moyens (sauf traction des colis HAVL hors de leur alvéole, qui requiert un effort plus important que la mise en place)  et au même rythme que le stockage lui-même, soit 2.500 colis par an environ (voir paragraphe suivant). Dans l’hypothèse (peu probable) d’un retrait total, il faudrait donc pour retirer les colis une durée comparable à l’âge du stockage au moment où le retrait serait décidé. Il faut reconnaître que l’hypothèse d’un accident conduisant à l’abandon du stockage présente une probabilité de plus en plus ténue au fur et à mesure que s’accumulent les informations sur la formation géologique retenue. Par exemple l’hypothèse d’un ennoyage rapide par une discontinuité hydraulique non reconnue, que l’on ne peut jamais exclure sans examen attentif dans le cas d’une mine de sel, en raison du pouvoir de dissolution de l’eau, est très peu vraisemblable en l’état actuel des connaissances sur la couche du Callovo-Oxfordien.
     La Commission recommande néanmoins que l’Andra précise le rythme de déstockage le plus rapide que permettent les moyens envisagés actuellement.

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10.2. ÉVOLUTIONS DES ALVÉOLES ET DES COLIS PENDANT LA PÉRIODE DE RÉVERSIBILITÉ

10.2.1. Mise en place des colis dans les alvéoles
     Dans le scénario de dimensionnement, il y a 61.460 colis HA, 5.460 colis CU, 238.640 colis MAVL (colis primaires) à stocker. Les options de mise en place des colis dans le stockage ne sont pas arrêtées. A titre indicatif, les colis primaires sont d’abord placés en surface dans des colis de stockage (colis primaire placé dans un surconteneur en acier, portant le poids total d’un colis à 2 tonnes pour les HAVL; conteneur en béton portant plusieurs colis primaires, de poids total 7 à 25 tonnes pour les MAVL). Les colis de stockage sont à leur tour placés dans une hotte de transfert comportant une enceinte blindée de radioprotection. La descente vers la zone centrale de soutien pourrait se faire par funiculaire dans une descenderie déroulée. Chacune des trois zones distinctes de stockage (MAVL, HAVL, C0-CU3) est desservie à partir de la zone centrale par deux ou trois galeries de liaison parallèles, dont l’une est réservée au transport des colis par véhicule de transfert sur pneu ou rail. A l’intersection entre ces galeries et les galeries d’accès aux alvéoles s’effectue un transbordement vers une navette d’accostage qui transporte les colis vers la tête d’alvéole. Des systèmes de préhension et transport, dépendant de la nature des colis, permettent alors leur mise en place dans l’alvéole. Toutes ces opérations sontautomatiques, le personnel, travaillant dans la salle de commande, restant à grande distance des colis.
     Les moyens de manutention permettant le retrait seront les mêmes que ceux utilisés pour le stockage, ce qui garantit que leur maintenance sera assurée. Cela imposera toutefois certaines contraintes en cas d’évolution technologique de ces moyens, qui n’est pas improbable sur une durée d’un siècle.
     Le rythme du retrait envisagé est ainsi nécessairement de l’ordre de grandeur de celui de la mise en place, soit une dizaine de colis par jour ou 2.500 dans l’année.

10.2.2. Retrait des colis HAVL
     Pour les colis HAVL, on rappelle que, dans une section verticale, on trouve au centre de l’alvéole 
le colis de déchet vitrifié, placé dans un surconteneur qui empêche le contact du verre avec l’eau 
au moins pendant toute la phase "thermique", de l’ordre d’un millier d’années, pendant laquelle la dissolution des verres risquerait d’être plus rapide; puis, entourant le surconteneur, le chemisage métallique, de diamètre suffisant pour laisser un jeu libre qui permette un déplacement horizontal de l’ensemble verre-surconteneur, ou colis de stockage, muni de patins qui facilitent le glissement; enfin le jeu entre chemisage et terrains, qui se remplit rapidement d’eau provenant du massif puis se comble sous l’effet du mouvement de fermeture du vide créé.
     Longitudinalement les colis de stockage, éventuellement séparés par des intercalaires qui réduisent la puissance thermique dissipée par unité de longueur, occupent la partie utile de l’alvéole, c’est-à-dire les derniers trois-quarts de sa longueur totale. Le chemisage est fermé par un bouchon d’extrémité et, de l’autre côté, il vient se loger dans l’insert en tête d’alvéole. Cette liaison est souple et de manière plus générale, la dilatation axiale du chemisage est libre, pour éviter un flambage associé à la déformation d’origine thermique de l’acier.
     L’obturation des alvéoles HAVL est réalisée rapidement après leur remplissage. Les échanges de matière et de chaleur avec l’extérieur se font alors par l’interface entre le chemisage et les terrains, rapidement remplie d’eau et, à un moindre degré, entre l’alvéole et la galerie encore ouverte, à travers la tête d’alvéole et la zone endommagée dans les terrains qui l’entoure, qui permet le passage d’un peu d’air et donc d’oxygène. La composition de la phase gazeuse dans le jeu entre colis et chemisage peut être analysée au moyen de lignes de prélèvement placées dans l’insert. Leur conception n’est pas achevée.
     L’Andra a envisagé de donner au chemisage métallique une fonction d’étanchéité. Le jeu entre chemisage et surconteneur reste alors durablement sec et il n’y a pas de corrosion, ce qui facilite le retrait, à la fois du point de vue des conditions de surface du surconteneur et du point de vue des conditions physico-chimiques qui règnent dans le jeu laissé entre chemisage et surconteneur.
     Il semble que l’Andra croit moins à la possibilité de réaliser une telle étanchéité; l’eau circule alors dans le jeu avec possibilité de condensation sur les parties plus froides (intercalaires) et donc de corrosion du surconteneur et de l’intrados du cuvelage. Le renouvellement de l’oxygène par apport depuis la galerie créerait, en présence d’eau, les conditions d’une corrosion plus rapide; il est en principe limité par la conception de la tête d’alvéole. L’Andra estime au total que les vitesses de corrosion restent suffisamment faibles pour ne pas modifier significativement les conditions d’un retrait.

suite:
     Un phénomène analogue affecterait l’extrados du chemisage qui, pour sa part, est certainement au contact d’oxygène et d’eau du massif, après un temps court. L’Andra estime que la vitesse de corrosion, initialement rapide, chuterait rapidement.
     Hormis leurs effets directs sur l’état du chemisage et du surconteneur, que l’Andra apprécie comme modestes, ces conditions, en cas de réouverture de l’alvéole, mettront l’atmosphère de la galerie en contact avec une phase fluide contenant de l’eau liquide, de la vapeur et de l’hydrogène, produit de la corrosion anoxique, à pression et température élevées, plusieurs MPa et un peu en-dessous de 100°C. La réouverture de l’alvéole doit tenir compte de cette situation.
     L’autre problème posé est celui de l’ovalisation et de la perte d’alignement.
     Le chemisage, surtout s’il reste étanche, sera soumis à son extrados à la pression hydrostatique à la profondeur du stockage, soit 5 à 6 MPa, peut-être un peu plus à cause des effets de dilatation thermique. A plus long terme, le jeu laissé entre massif et chemisage se résorbera et le poids des terrains, de l’ordre de 11 MPa, s’appliquera, d’abord localement, puis, à terme, sur l’ensemble du chemisage. Les calculs que propose l’Andra pour rendre compte de ces phénomènes gagneraient en crédibilité si l’on disposait de modèles consolidés et validés du comportement différé engendré par les effets conjoints du fluage, de l’évolution des pressions de pore, de la dilatation thermique, éventuellement des transformations physico-chimiques affectant le massif. Ces évolutions mécaniques pourraient conduire à l’ovalisation du chemisage et donc au blocage des colis en cas de retrait. On peut l’éviter en dimensionnant largement l’épaisseur du chemisage, avec l’inconvénient d’accroître son poids et de compliquer sa mise en place dans l’alvéole (les essais actuels de réalisation d’alvéoles chemisés ont été effectués avec un chemisage moins épais que le chemisage nominal). L’Andra a étudié dans le centre de Saudron les effets de défauts sur le retrait d’un colis de stockage: écartement de tronçons, défaut d’alignement transversal ou axial. Les défauts simulés étaient en principe très "enveloppe", ce qui a pu être vérifié pour les défauts initiaux de construction sur l’exemple des alvéoles creusés dans le laboratoire, mais reste à établir pour les risques d’évolution au cours du temps, ovalisation et perte d’alignement axial.
     La Commission souhaite que lui soient présentés les calculs de dimensionnement vis-à-vis du risque d’ovalisation et estime qu’il faudra dès que possible mettre en œuvre des essais en place complètement représentatifs des conditions réelles, seuls susceptibles d’entraîner complètement la conviction quant au risque d’ovalisation.
     Dans la direction axiale, l’hétérogénéité inévitable des propriétés mécaniques du massif et le développement inégal des augmentations de température, par exemple lié à la présence d’intercalaires qui ne produisent pas de chaleur, engendreront des déplacements du massif variables le long de l’axe de l’alvéole et des pertes possibles d’alignement, susceptibles elles aussi de créer des blocages de colis lors d’un retrait. L’Andra a vérifié par des essais de traction des colis à la surface du sol qu’on disposait de marges vis-à-vis d’une perte d’alignement. C’est une indication précieuse mais qui, là aussi, devra être confirmée par des essais en conditions réelles.
     L’Andra envisage de réaliser des alvéoles d’une quarantaine de mètres de long, et, après quelques tâtonnements inévitables, a réussi un premier essai de creusement d’un alvéole chemisé de cette longueur. Ces tentatives sont évoquées dans une autre partie du rapport.
     L’Andra ne s’interdit pas d’explorer la possibilité de réalisation d’alvéoles plus longs, avec des avantages en termes de coût. Il est clair néanmoins qu’hormis sa faisabilité, qui ne paraît pas immédiatement acquise, un allongement  de l’alvéole risque de compliquer le retrait, la perte d’alignement, et notamment de l’alignement initial, étant plus probable avec un alvéole plus long.

10.2.3. Retrait des colis MAVL
     Les déchets MAVL seront rangés dans des conteneurs en béton de forme parallélépipédique placés au moyen de robots dans des galeries de 250 m de long fortement soutenues par un revêtement en béton. Deux rangées horizontales de conteneurs sont empilées, ce qui crée un risque de chute, que l’Andra juge toutefois peu probable. La stabilité des parties en béton doit être assurée pendant au moins un siècle; l’Andra tirera partie de la réalisation prochaine dans le laboratoire souterrain de la galerie à comportement rigide (essai GCR), qui constitue une sorte d’analogue d’une alvéole MAVL, pour évaluer les déformations de diverses natures qui peuvent affecter un revêtement raide en béton. L’empilement des colis superposés doit être stable et un jeu suffisant doit subsister pour permettre la préhension, en cas de retrait, pendant la période de réversibilité. Les évolutions, surtout avant obturation, semblent devoir être modérées: le revêtement garantit en principe que les jeux laissés à l’intérieur de l’alvéole n’évolueront guère, seul le problème de conservation de son alignement, nécessaire pour le bon fonctionnement des robots, subsistant éventuellement. 

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     Le retrait des colis MAVL est, plus fidèlement que dans le cas des colis HAVL, l’inverse de la mise en place car les colis ne sont pas extraits par traction mais repris par le même robot qui les a mis en place. L’obturation définitive des alvéoles de déchets MAVL n’est pas immédiate; au contraire une ventilation est organisée pour évacuer les gaz produits et, à un moindre degré, pour refroidir les colis. La ventilation facilite la surveillance de l’atmosphère de l’alvéole ; en maintenant une atmosphère sèche dans l’alvéole, elle réduit considérablement les vitesses de corrosion.
     En revanche, après obturation, de l’eau pourra être présente au moins localement avec, pour certains colis, formation d’hydrogène ou augmentation de la température jusqu’à des valeurs de l’ordre de 40 à 70°C.

10.2.4. Conclusion sur l’évolution des alvéoles
     L’Andra a réalisé, en s’appuyant sur l’approfondissement des APSS (Analyses Préliminaires des Situations de Stockage), un examen de l’évolution des alvéoles et des conditions qui y règnent. Cet examen contribue à l’analyse des conditions concrètes d’un retrait de colis.
     La Commission insiste sur l’importance d’une vérification de cet examen, à échéance rapprochée, au moyen d’essais complètement représentatifs des conditions réelles d’un stockage.

10.3 ANALYSE DES PERTURBATIONS
     L’Andra a réalisé une analyse fonctionnelle du retrait, qui fait partie de l’analyse fonctionnelle générale du stockage, régulièrement mise à jour. Elle identifie les fonctionnalités d’intégrité des colis, d’intégrité des alvéoles, de préservation des jeux et de maintien des moyens de support au retrait. Cette analyse a conduit à la recherche systématique des facteurs susceptibles de perturber chacune des fonctionnalités et à les classer suivant les critères de probabilité, de détectabilité et de gravité (qui intègre l’existence d’un moyen de remédiation). Les classements présentent une dose d’arbitraire, mais la méthode a le mérite d’aider à une exploration systématique des possibilités de défaillance.

10.4. RÉVERSIBILITÉ ET ENTREPOSAGE
     Le PNGMDR (Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs) prévoit qu’il faut "prendre en compte la réversibilité du stockage, notamment en identifiant systématiquement des solutions d’entreposage pour accueillir des colis qui seraient retirés du stockage".
     Le retrait de colis est une éventualité qui ne pourrait guère intervenir avant 2040, pour les déchets MAVL, et avant 2050, pour les déchets HAVL. Par ailleurs, compte tenu du rythme de retrait envisagé, il suffit de disposer d’une capacité locale d’entreposage suffisante pour laisser le temps de la construction, sur place ou à distance, de capacités supplémentaires, si elles apparaissaient nécessaires.

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     Enfin cette question n’est pas séparable de celle de capacités d’entreposage nationales dont l’entretien ou la création, d’ici 2040, dépend de choix plus généraux dont le spectre est a priori très large, de l’arrêt progressif de la production d’énergie nucléaire à la mise en œuvre à grande échelle de réacteurs de 4ème génération. Notamment les questions de la réalisation d’un entreposage de grande capacité pour les déchets ultimes auprès du site de stockage, ou au contraire d’un retour après retrait du stockage de colis de déchets vers les entreposages des producteurs, sont encore loin d’être posées de manière complète, même sur le seul plan technique.
     A l’intérieur de ce cadre, l’Andra s’efforce de concevoir des solutions innovantes d’entreposage caractérisées par une certaine polyvalence (l’entreposage pourrait recevoir une grande variété de colis, simultanément si nécessaire) et une durabilité séculaire.
     Dans le cas des déchets MAVL, sont envisagés des rayonnages exploités par transstockeur et le placement des colis sur un palier avec longrines. La durabilité est assurée par la ventilation par air sec, qui limite la corrosion et la carbonatation atmosphérique.
     Les colis HAVL, dont certains des plus récents sont fortement exothermiques, nécessitent, hors hypothèse d’un retrait, une capacité d’entreposage accrue, que l’on peut dimensionner pour qu’elle puisse de plus recevoir d’éventuels colis récupérés. Mais le besoin d’un module dédié au retrait de quelques centaines de m3 pourrait apparaître vers 2050.
     Les principales solutions envisagées sont : l’empilement de paniers de 6 colis primaires (ou 6 colis de stockage) refroidis par convection naturelle (c'est-à-dire le brassage de l’air engendré par l’existence d’écarts de température), dérivé de l’entreposage E-EV-SE de La Hague, mais avec un plus grand diamètre; le positionnement vertical sur dalle des colis refroidis par convection forcée, dérivé de l’entreposage actuel des CSD-C, que l’on adapterait au cas de colis HAVL; et la mise en casemate de béton, dérivée du Nuhoms® des combustibles usés. Les deux dernières solutions, moins bien adaptées à des déchets dégageant de fortes puissances thermiques, conviendraient à des déchets retirés du stockage.
     La Commission constate que l’entreposage des déchets éventuellement retirés d’un stockage est une question qui n’appelle pas une réponse à courte échéance et que sa solution dépend en partie de l’évolution, dont il est difficile de préjuger, du paysage énergétique français dans les trente années à venir. Elle observe que l’Andra y consacre, et doit continuer d’y consacrer, des moyens de recherche suffisants pour apporter en temps voulu les réponses souhaitables.
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