A. PRESENTATION DES SITES (suite)* 3 réacteurs à Chinon A1, A2, A3, les premiers de la filière UNGG; * 2 réacteurs à St Laurent A1 et A2, en plus 2 silos de «chemises» graphite; * 1 réacteur à Bugey qui est tête de série du démantèlement par le CIDEN (Centre d’Ingénierie de Déconstruction environnement). Les trois sites ont simultanément des réacteurs REP en fonctionnement. Au total il faut extraire des réacteurs et des silos quelque 18.000 tonnes de graphite irradié auquel s’ajoutent des équipements métalliques et du béton activés. B. LA FIN DE VIE OUBLIÉE La première chose à dire, c’est qu’à la création de ces installations, il n’y a eu aucune préoccupation de leur fin de vie. Le célèbre roi de France, François 1er, constructeur de ce qui devait être un pavillon de chasse à Chambord, avait coutume de dire «Si l’on se préoccupait de l’achèvement des choses, on n’entreprendrait jamais rien.» Les ingénieurs du CEA et les politiques des années 1960 ont été de fidèles disciples de François 1er. Cette impréparation a de lourdes conséquences à l’heure du démantèlement. 1) Pas de destination pérenne des déchets; plus de 20 ans après l’arrêt des réacteurs, le noyau dur de l’intérieur - des caissons contenant le cœur des réacteurs - n’est pas encore attaqué. C’est une situation paradoxale au regard du changement de doctrine en matière du démantèlement; initialement, on envisageait une période d’attente de l’ordre de 50 ans pour bénéficier de la décroissance radioactive; c’est maintenant le choix du démantèlement «sans attendre» pour ne pas perdre la mémoire de l’installation et faire la preuve de la maîtrise du nucléaire civile jusqu’à la phase finale; mais la succession des remises en cause des calendriers du fait de l’absence de filières d’accueil des déchets tend à remplacer le délai de décroissance radioactive par celui de l’attente de la destination des déchets. L’ASN demande une solution d’entreposage pour s’affranchir de l’attente d’une solution que tarde à fournir l’ANDRA. 2) Autre lourde conséquence: il faudra réaliser des opérations très complexes comme par exemple avoir à «éplucher» la surface interne des caissons sous eau et sur une bonne dizaine de cm d’épaisseur de béton précontraint radioactif pris dans la masse; si cette même épaisseur de béton avait été délimitée à la construction, son enlèvement eût été beaucoup plus simple. Ce sont des milliers de m2 qu’il faut traiter et de grandes quantités de boues et gravats à conditionner et évacuer. 3) Le cas des silos de Saint-Laurent: À St Laurent et à Bugey, le combustible usé, transféré en piscine, était séparé sur place de la chemise graphite, cylindre creux entourant l’uranium dans sa gaine métallique. À Chinon, chemises et combustibles usés étaient envoyés à Marcoule. Ces chemises sont des déchets entreposés sur sites, dans des containers à Bugey, dans des silos à St Laurent qui en contiennent 2.000 tonnes et connaissent plusieurs péripéties: |
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- Il y a de l’eau dans les silos; c’est un manque d’étanchéité du toit qui doit être renforcé. p.26- À l’arrêt des réacteurs, EDF propose de concasser les chemises pour en réduire le volume et en extraire les fils métalliques. Le SCPRI ne l’autorise pas et demande d’attendre le retour d’expérience de cette opération réalisée à Vendellos (Espagne). Aucune suite n’est donnée. - En 2000, la réévaluation de sûreté des sites nucléaires concernant le risque d’inondation constate que les silos peuvent être atteints par une remontée de la nappe alluviale en cas de très grande crue de la Loire. La CLI fait appel au comité scientifique de l’ANCCLI qui fait une étude approfondie des documents recueillis et conclut à la nécessité d’un réexamen de sûreté. 4) Trois solutions sont envisagées: - vider les silos avec transfert du graphite au centre de Soulaines, - construire un autre entreposage d’attente, - renforcer les silos de St Laurent. C’est la troisième solution qui est retenue avec réalisation d’une enceinte géotechnique en 2010. La première a dû être éliminée car l’accueil par ce centre des chemises de Bugey a saturé sa capacité de réception de déchets de longue durée et émetteurs de tritium. 5) L’évaluation complémentaire de sûreté en 2013 suite à l’accident de Fukushima fait ressortir un doute sur la tenue en cas de séisme et la CLI insiste aussi sur un risque d’érosion en cas de très grande crue de la Loire. L’ASN demande que le désilage intervienne rapidement et la CLI en est bien sûr d’accord. C. POUR UN MEILLEUR DIALOGUE ENTRE SERVICE EN CHARGE DU DÉMANTELEMENT: LA CLI DEMANDE À AVOIR UN INTERLOCUTEUR LOCAL DU CIDEN (BASÉ À LYON) En finir avec le saucissonnage des dossiers; après MAD, puis DEM, puis encore des arrêtés de rejets, Chinon a une fixation de limite de rejets gazeux, Saint-Laurent a le même dossier en cours d’instruction, manifestement quand il faudra traiter sous eau l’intérieur des caissons, ce sont des arrêtés de rejets liquides qui seront nécessaires, peut-être d’autres encore? D. NOS CONSTATS ET INTERROGATIONS: Plus de 20 ans d’arrêt et le noyau dur (cœur des réacteurs) n’est pas encore attaqué. L’installation émet encore des effluents radioactifs gazeux (tritium, carbone 14), qu’en sera-t-il en phase d’ouverture des caissons et d’extraction du graphite? Pourtant il ne faut pas trop tarder à démanteler car il y a des incertitudes sur la tenue aux séismes, aux inondations, la résistance des charpentes à la corrosion. Les équipes dédiées au démantèlement sont-elles suffisamment armées pour faire face aux nombreux aléas? Lors de son inspection de revue l’ASN a souligné, en particulier, le point suivant: incertitude des coûts, (à la hausse bien sûr! dixit le rédacteur) |