Quelle sera la facture finale?
Vingt
et un ans après l'accident de Tchernobyl et dix-neuf
ans après la chute du mur de Berlin, il est toujours trop tôt
pour répondre. Dès l'implosion de l'Union soviétique
et la prise d'indépendance des républiques de l'Est, la communauté
internationale s'est préoccupée de la sûreté
nucléaire au-delà de l'ancien «rideau de fer».
En 1992, au sommet de Munich, le G7 mandatait l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour ausculter en profondeur les 66 réacteurs de l'Europe de l'Est alors en service. Avec deux verdicts possibles : maintien moyennant travaux ou fermeture. «Le groupe d'experts internationaux a conclu que les réacteurs du type VVER de première génération à Bohunice, en Slovaquie, et à Kozloduy, en Bulgarie, ainsi que les réacteurs RBMK d'Ignalina, en Lituanie, présentaient des défauts de conception et des faiblesses auxquels il était impossible de remédier à un coût raisonnable, rappelle Thomas Kirchner, fonctionnaire à la direction de l'Energie à la Commission européenne. Comme il était impensable d'exiger un arrêt immédiat, un calendrier a été établi et intégré au traité d'adhésion de ces pays à l'Union européenne. En échange, celle-ci promettait de dégager les moyens nécessaires pour assurer un fonctionnement sûr jusqu'à l'échéance, pour compenser les pertes de production et aider au démantèlement.» Kozloduy a arrêté 4 réacteurs entre 2002 et 2006, Bohunice en a fermé un en 2006 et doit en fermer un deuxième avant la fin de l'année, un an avant Ignalina. |
Six fonds dédiés
Dès le début des années 1990, la communauté internationale a mis sur pied un programme d'assistance ambitieux confié pour l'essentiel à la BERD, gestionnaire de 6 fonds internationaux dédiés à la sûreté nucléaire à l'Est. Le premier, le «nuclear safety account», a plus ou moins achevé sa mission, à savoir la remise à niveau de la sûreté des réacteurs soviétiques. Le second finance la construction du sarcophage de Tchernobyl. Trois autres sont consacrés au démantèlement à venir de Kozloduy, Ignalina et Bohunice, tandis que le dernier finance un programme de surveillance des anciens sous-marins à propulsion nucléaire basés en mer de Barents. Ces fonds totalisent 2,5 milliards €. A la BERD, on estime à la louche que le démantèlement des trois centrales Bohunice, Kozloduy et Ignalina se chiffrera entre 2 et 3 milliards €, tandis que les sommes recueillies pour le sarcophage de Tchernobyl s'élèvent à 800 millions €, le coût du projet complet étant évalué à 1,4 milliard €. «L'addition globale ne peut qu'être estimée par les autorités nucléaires des pays concernés», souligne la banque, en rappelant qu'elle «cofinance» mais ne prend pas en charge la totalité des coûts. Donateur quasi exclusif des fonds consacrés au démantèlement des centrales bulgare, slovaque et lituanienne, l'Union européenne a prévu d'apporter 1,47 milliard € sur la période 2007-2013, en sus du milliard déjà dégagé (voir graphique). Aides d'organisations internationales, subventions européennes via les programmes Tacis et la BERD, apports du Japon, des Etats-Unis, du Canada, de la Suède, etc.: il est très difficile de reconstituer le montant exact des dons internationaux consacrés à la sûreté des centrales de l'Est depuis vingt ans. Seule certitude, la facture est très élevée pour le contribuable européen et ne fait pourtant l'objet d'aucun débat public. |