Pour EDF, il s'agit d'un «incident».
Pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), c'est
une «anomalie». Les antinucléaires parlent eux d'un
«accident grave». Au-delà de la querelle des mots, il
y a surtout sept agents d'EDF contaminés suite au «problème»
survenu le 24 janvier sur la tranche 1 de la centrale nucléaire
de Fessenheim (Haut-Rhin). Et un flot de questions quant à la sûreté
du plus vieux centre nucléaire de production d'énergie français,
inauguré en 1977. Au point que beaucoup se demandent si Fessenheim,
dont la durée de vie annoncée est de «quarante ans
ou plus», selon EDF, n'est pas au bout du rouleau.
Rattrapage. Après avoir traîné des pieds pour communiquer sur cet incident, qui n'a été rendu public que le 28 janvier, le directeur de la centrale, Joseph Sanchez, s'est lancé dans une session de rattrapage. Jeudi, il a organisé deux conférences de presse, à l'attention des journalistes français et allemands. Hier, il a répondu aux membres du bureau de la commission locale de surveillance de Fessenheim, dont le président, Pierre Schmitt, vice-président du conseil général, a très mal digéré de n'être averti que trois jours après les faits. «J'ai obtenu des explications mais elles n'excusent pas tout», confiait-il à la sortie de la réunion. «On en sait pas beaucoup plus sur les raisons du problème», estimait pour sa part Jean-Paul Lacôte, représentant de l'association Alsace Nature. La chronologie du dysfonctionnement est en revanche connue. A l'origine, une vanne, située sur le circuit de purification de l'eau du circuit primaire, qui entoure le réacteur. Suite à une erreur, cette vanne a été fermée le samedi 24 janvier. La pression est montée dans le circuit de purification et 900 litres de billes de résine, chargée d'emprisonner la radioactivité, se sont échappés par une soupape de sécurité avant de se répandre dans le circuit primaire. Les billes ont obstrué trois filtres. C'est au cours de leur remplacement que les sept agents quatre le samedi et trois le dimanche ont inhalé des particules radioactives. Conclusion de Joseph Sanchez : «La personne la plus touchée a reçu 0,45 millisievert, l'équivalent d'une radio des poumons. La sûreté n'a à aucun moment été remise en cause et nous avons décidé d'arrêter le réacteur le dimanche soir pour traiter sereinement le problème.» Il ne sera pas remis en marche avant cinq semaines. Le temps de purifier le circuit, où la dosimétrie est pour le moment trois fois supérieure à la normale, et de procéder à un rechargement de combustible prévu de longue date. |
Dans un premier temps, EDF
a classé l'incident au niveau 0 sur l'échelle internationale
des événements nucléaires, qui en compte 7. L'ASN
l'a rehaussé mardi au niveau 1. Trois enquêtes ont été
ouvertes: par EDF, par l'ASN et par le procureur de la République
de Colmar. Elles devront expliquer pourquoi la vanne a été
fermée. «Est-ce un agent qui est seul responsable, est-ce
que la procédure n'était pas claire ou est-ce qu'il y avait
déjà une situation d'urgence à laquelle on a mal répondu?»
interroge Jean-Marie Brom, qui cumule les fonctions de directeur de recherches
au CNRS, de porte-parole local du réseau Sortir du nucléaire
et de conseiller des associations représentées à la
commission locale de surveillance. Joseph Sanchez a indiqué hier
que la défaillance s'était produite au niveau de la «planification
des tâches».
«Scandaleux». Pourquoi les agents n'étaient-ils pas protégés ? Le directeur explique que «c'est la première fois qu'un événement de ce type arrive en France». «Soumises à la pression et à la chaleur du circuit primaire, les billes de résine se sont désagrégées en particules qui ont irradié les agents . Et ça, nous ne l'avions pas prévu.» Pourquoi ne pas avoir pris les dispositions nécessaires entre les deux vagues de contamination ? «Parce qu'il s'agit de deux filtres différents, avec deux procédures différentes.» Des explications confirmées par l'ASN, qui font bondir Jean-Marie Brom : «C'est scandaleux, ça veut dire qu'EDF n'a pas prévu de procédure pour ce type d'incidents, alors qu'à l'évidence ils sont possibles.» A l'ASN, on rappelait hier que la «sûreté nucléaire progresse avec l'expérience». Première leçon tirée de l'incident de Fessenheim ? «Il faut faire plus attention à la manipulation des vannes»... Données personnelles - Charte
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